L’
abbaye de Cîteaux, située dans la commune de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux en
Bourgogne, est à l'origine de l’
Ordre cistercien, un ordre monastique
catholique. Fondée par
Robert de Molesme en
1098, elle fut un centre spirituel majeur en
Europe jusqu'à sa fermeture forcée à la Révolution française.
Les moines cisterciens-trappistes l'ayant réintégré à la fin du XIXe siècle, elle a aujourd'hui retrouvé le rang de chef de l'Ordre des Cisterciens-Trappistes.
La fondation
L'Étymologie de Cîteaux |
Le nom de l’alleu Cistercium, Cîteaux, qui remplaça le nom de novum monasterium dans les chartes vers 1120 pourrait trouver deux explications ; celle du site qui se trouvait « en deçà de la troisième borne milliaire » cis tertium lapidem miliarium, sur la vieille voie romaine qui reliait Langres à Chalon-sur-Saône, ou celle le plus communément admise, qui viendrait du nom de « cistels », roseaux qui poussent dans les zones marécageuses. |
L’histoire de Cîteaux commença un certain 21 mars de l’année 1098, le jour de la fête de saint Benoît. Ce jour là, ayant quitté Molesme avec l’autorisation du légat Hugues de Die, archevêque de Lyon, un petit groupe de vingt-et-un moines conduits par Robert arrivèrent dans l’alleu de Cîteaux pour y vivre dans l’esprit de prière et de pauvreté selon la règle écrite par Benoît de Nursie au VIe siècle.
Robert et ses disciples trouvèrent dans le Bas-pays Dijonnais, entre la Côte et le Val de Saône, dans une contrée peu peuplée, boisée, aux eaux dormantes, un lieu inculte, peu accueillant, hostile même, mais permettant la construction de bâtiments. Les terres étaient cultivables et pouvaient assurer la subsistance des moines tout en leur offrant l’isolement et le silence propices au recueillement et à la paix monastique. Lieu que le Grand Exorde a qualifié du nom de « désert ». Ce désert du nom de Cîteaux mentionné dans le texte légendaire n'était pas un lieu inhabité. À cet emplacement existait un petit village de serfs qui possédait une église. Ce site était propriété, du chef de sa femme Hodierne, du vicomte Raynald (ou Renard) de Beaune, cousin de Robert. Le duc de Bourgogne Eudes Ier (ou Borrel), s’accommoda avec Raynald et fit don à Robert de Molesme, au lieu-dit de la Petite Forgeotte, non loin du Puits Saint-Robert, du terrain nécessaire à la construction d’un novum monasterium et de ses dépendances.
Bien modeste fut à l’origine l’habitat des fondateurs de ce « Nouveau Monastère » fait de fragiles constructions de bois qui ne furent entreprises qu’après que Gauthier, évêque de Chalon-sur-Saône ait accordé à Robert toute juridiction sur les lieux.
Les premiers temps
Les premiers moments des fondateurs furent difficiles. Les forces nécessaires à la mise en valeur des terres dépassaient celles qu’ils avaient à offrir. Les disciples de Robert souffraient d’une pauvreté extrême et suscitaient par leur total dénuement charité et miséricorde. Eudes Ier fit preuve de générosité et le pape
Pascal II accorda, par la bulle
Desiderium quod, sa protection au « Nouveau Monastère » le 19 octobre de l’année
1100. Le duc de Bourgogne fournit aux moines « de grands biens pour la construction et céda de nouveaux fonds pour la nourriture et l’entretien de Religieux. Ce soutien permanent l’a fait regarder comme le fondateur de cette Abbaye». Mais les difficultés d’approvisionnement en eau du site initialement choisi obligèrent
Albéric (dit aussi Aubry), († 26 janvier
1109), successeur de Robert après juillet
1099 et sa communauté à s’installer deux kilomètres plus au sud où ils construisirent sans doute toujours grâce à la générosité d’Eudes, de nouveaux bâtiments dont une chapelle qui prit plus tard le nom de chapelle saint-Edme. Construite en pierre elle fut dédicacée à Notre-Dame par Gauthier, évêque de Chalon, le 16 novembre
1106. Plus tard, une basilique fut construite à une date que l’on place entre
1130 et
1150. Les érudits émettent l’hypothèse que la mise en place, dans une chasse, en
1124, du coeur du pape
Calixte II pourrait marquer le début des travaux. Cette basilique fut consacrée à la Vierge le 17 octobre
1193 par Robert évêque de Chalon-sur-Saône. Les destructions révolutionnaires n’en ont rien laissé.
En 1109, Etienne Harding, (1060-1134) moine d’origine anglaise, homme intelligent, érudit, habile organisateur et administrateur expérimenté qui fut du groupe des fondateurs de 1098, fut élu troisième abbé du Nouveau Monastère à la mort de l’abbé Albéric (26 janvier 1109). Aux problèmes de pauvreté auxquels il dut faire face s’ajoutèrent les trop rares vocations, découragées par une réputation de trop grande austérité. La communauté voyait fondre ses effectifs : « et touchaient au portes du désespoir parce qu’ils croyaient devoir rester sans successeur. ». Harding comprit qu’il devait accepter un quotidien moins extrême pour attirer des nouveaux postulants.
Bernard et les quatre filles de l’Ordre
C’est alors qu’en
1112,
Bernard de Clairvaux (
1090-
1153), alors âgé de vingt cinq ans, de noble famille, né à
Fontaine (près de
Dijon) décida d’aller à la rencontre de Dieu et de vivre dans l’ascèse monastique la plus rude. Il choisit de prendre l’habit de moine à Cîteaux. Trente compagnons, parents ou amis le suivirent dans sa retraite. Dès son arrivée, la communauté connut alors un prodigieux essor grâce à son extraordinaire rayonnement et à son action. La personnalité charismatique de Bernard, le maître spirituel incontesté de Cîteaux marqua l'histoire de l'Ordre durant la première moitié du
XIIe siècle et attira de nombreux convertis. La communauté devint florissante et l’espace manqua pour y loger les religieux. Quatre colonies furent créées presque en même temps aux extrémités de la
Bourgogne :
La Ferté-sur-Grosne au diocèse de Chalon-sur-Saône en
1113,
Pontigny au diocèse d’Auxerre en
1114,
Clairvaux dont Bernard fut le premier abbé et
Morimond toutes deux au diocèse de
Langres en
1115, toutes filles de Cîteaux. Fondatrices de l'Ordre, elles devinrent, à leur tour, mères de plusieurs autres monastères. L'influence de saint Bernard dans l'expansion de l'Ordre fut décisive. L’Ordre de Cîteaux se répandit partout ; dans les provinces françaises, en
Angleterre, en
Allemagne, en
Bohême, franchissant les
Alpes et les
Pyrénées. À sa mort, trois cent cinquante monastères furent établis. En
1354, l'Ordre comptait 690 maisons.
La Charte de Charité
Afin de retrouver dans toutes les fondations la même façon essentielle d’interpréter la Règle bénédictine du
VIe siècle sans y introduire un sens différent et promouvoir l’union des nombreuses abbayes cisterciennes,
Étienne Harding, en collaboration avec les quatre abbés des premières filles et ses moines rédigea le texte constitutionnel fondamental de l’Ordre de Cîteaux, la
carta caritatis, la Charte de charité Ce document établissait un lien de charité et d'entraide entre chaque maison et incluait diverses mesures d'observance.
Calixte II le reconnut en
1119.
La carta caritatis plusieurs fois remaniée par le suite, prévoyait que le pouvoir suprême n’appartenait pas à l’abbé de Cîteaux mais au Chapitre Général qui se réunissait chaque année autour de la fête de la Sainte Croix (14 septembre) à Cîteaux, (ce qui se fit pendant plusieurs siècles). Placés sous la présidence de l’Abbé de Cîteaux, les abbés y décidaient de la conduite des affaires de l’Ordre.
La carta caritatis n’empêcha pas les querelles entre les membres de l’Ordre. Dès 1215, une première querelle naquit entre les Premiers Pères contre l’abbé de Cîteaux pour une question de préséance. La première manifestation de ces querelles intestines à l’Ordre fut l’élection en 1262 de Jacques II abbé de Cîteaux ; elle se fit sans en faire part aux quatre Premiers Pères. Le pape Clément IV confirma la validité de cette pratique qui permit aux moines de Cîteaux d’élire seuls leurs abbés.
Au sein même de Cîteaux, les discordes apparurent et l’élection d’un nouvel abbé fut souvent un moment de compétition qui n’améliora pas les relations.
Le Chapitre Général cistercien
Le premier chapitre général eut lieu en
1119. Il se tint sous la présidence d’Étienne Harding qui continua à les présider jusqu’en
1134. Le nombre croissant de capitulants attesta bien de la rapide croissance de l’Ordre même si dans les débuts les abbés des maisons éloignées furent dispensés de se rendre chaque année au Chapitre Général. S’ils ne furent que 10 abbés en
1119, ils se comptèrent soixante-dix en 1134 et deux cents en
1147. La durée des sessions n’excédait pas cinq jours.
Le Chapitre Général joua un rôle déterminant dans la conduite des affaires. Il gérait le présent et pensait l’avenir. Ses délibérations portaient sur les grands intérêts généraux de l'Ordre et souvent il dut intervenir pour rappeler le principe de l'uniformité.
Les décisions prises lors de ces assemblées furent rapportées dans des registres appelés statuta, instituta et capitula.
Le gouvernement de l'Ordre qui s'étendait du Portugal à la Suède, de l'Irlande à l'Estonie et de l'Ecosse jusqu'en Sicile devenait une affaire trop complexe. À la fin du XIIe siècle, le pouvoir décisionnel fut transféré à un collège d'abbés nommés par l'abbé de Cîteaux et appelés les "définiteurs".
Perdant une partie de son intérêt, et subissant les difficultés inhérentes à l'éloignement des participants, aux conjonctures difficiles des périodes troubles dues aux dissensions et querelles internes (Guerre des Observances, par exemple) ou à des événements externes à l'Ordre, le Chapitre Général connut une forte désaffection de la part des abbés dès la fin du XIIIe siècle. L'abstentionnisme était alors de mise. La tenue des Chapitres fut même suspendue pendant les grands événements, tel le Grand Schisme, (1378-1417) qui opposa le pape d'Avignon au pape de Rome, les guerres, les épidémies ou autres fléaux. Il avait perdu sa périodicité annuelle. Les réunions s'espacèrent régulièrement à partir de 1546 ; on n'en compta que six de 1562 à 1601. Treize Chapitres eurent lieu au XVIIe siècle et cinq seulement au XVIIIe siècle. Le dernier avant la révolution se tint en 1785.
Les débats se tenaient dans la salle capitulaire, grande salle carrée de 19 m de côté, pouvant accueillir environ trois cents sièges.
Le Chapitre Général n’attirait pas que les abbés. Les dignitaires désireux d’exprimer leur attachement et leur dévouement à l’Ordre rendaient visite aux abbés lors de leurs assemblées. Y siégèrent des papes, des rois, des princes, des prélats. Louis le Gros assista au Chapitre Général de 1128, le pape Eugène III présida celui de 1147 (ou 1148). Louis VII dit le jeune et le duc de Bourgogne Hugues III étaient à Cîteaux en 1164. Le 16 septembre 1244 l’abbé général reçut Saint-Louis, la reine, la reine Blanche sa mère, les princes ses frères, les comtes de Flandres et de Poitiers, le duc de Bourgogneet six comtes de France. Le chapitre de l’ordre de Saint-Michel, du 10 juin 1521, fut présidé par François Ier. Le roi était accompagné de sa mère, Louise de Savoie et de nombreux chevaliers. Le roi Louis XIV honora le monastère de plusieurs visites. D’abord en 1648 (ou 1649) où reçu par dom Vaussin, il assista au Chapitre Général, puis le 12 avril 1650 accompagné d’Anne d’Autriche, du cardinal Mazarin et autres seigneurs et à nouveau en 1683, accompagné de la reine Marie-Thérèse alors qu’il visitait le camp retranché de Saint-Jean-de-Losne. C’est à cette occasion qu’il fit don de la plus grosse des huit cloches de la basilique.
La tenue des Chapitres Généraux à Cîteaux confirmait l'abbaye dans sa position à la tête de l'Ordre. En 1491 l’abbé de Cîteaux était reconnu comme chef d’Ordre par 3252 monastères. Il était le seul à posséder le droit de présider le Chapitre Général. C'était aussi le plus grand personnage du clergé régulier en Europe et l'un des plus grands de l'Église de France. L'abbé Jean de Cirey, 46e abbé de Cîteaux, fut élevé par Louis XI en 1477 à la dignité perpétuelle de premier conseiller né en son parlement de Bourgogne, en remerciement de sa célérité à se rallier au nouveau maître de la Bourgogne.
La « guerre des observances »
Le respect de l’idéal prôné par la charte ne fut pas un obstacle à la volonté des cisterciens de s’adapter selon les circonstances et à réviser leurs statuts. À maintes reprises l’idéal primitif fut même quelque peu bafoué. Le temps fit son oeuvre et l’Ordre s’éloigna progressivement de l’idéal de perfection qui avait été le moteur de son rayonnement. L’Ordre se laissa finalement corrompre par sa puissance.
Sa décadence commença au début du XIIIe siècle. L’abbé Conrad d'Urach, élu en remplacement de Arnaud II démissionnaire, amorça un mouvement de réforme.
En 1493, à son tour, le pape Innocent VIII tenta de lutter contre la décadence. Il ordonna à l’abbé de Cîteaux de travailler dans cette voie en collaboration avec les abbés. Les mesures préconisées ne furent pas confirmées par le chapitre général.
Au début du XVIIe siècle le Concile de Trente décida d’une réforme entre les monastères réformés qui voulaient suivre la règle de l’« Étroite Observance » et ceux non réformés de la Commune Observance. La mise en application de cette réforme se fit dans un climat peu édifiant de querelles entre communautés.
Les querelles entre les partisans de la réforme et les antiréformistes s’amplifièrent à un point tel qu’elles se transformèrent en une lutte sévère appelée « guerre des observances » qui commença vers 1606. Vers 1620, Louis XIII intervint et demanda au pape Grégoire XV de prendre les mesures pour la réforme de l’Ordre. En 1622, le pape nomma le cardinal François de La Rochefoucault, ancien évêque de Clermont, pour prendre en main la réforme.
En 1634, au plus fort de la discorde, Richelieu fut appelé par les supérieurs de l’Ordre et pressé d’accepter le titre de « cardinal-protecteur de l’Ordre ». Richelieu accepta la proposition et reçut le 22 décembre 1635 les lettres patentes de confirmation du roi. Le 15 janvier 1636, Richelieu envoya le sieur Froissard, docteur en Sorbonne, pour prendre, en son nom, possession du siège de Cîteaux.
Les supérieurs de l’Ordre qui avaient déclaré qu’ « ils aimaient mieux être fouettés par son Éminence que caressés par La Rochefoucault » trouvèrent en Richelieu un ardent défenseur de la réforme. Sa mort survenue le 4 décembre 1642 fit perdre aux partisans de la réforme leur plus puissant et fidèle soutien, même si, dans son testament le cardinal avait demandé à Louis XIII de veiller à ce que l'abbé de Cîteaux soit un religieux de l'Étroite Observance.
La guerre des observances commence à s'apaiser en 1666 lorsque le pape Alexandre VII eut promulgué la bulle In Suprema destinée à rétablir la paix dans l’ordre. Cette bulle sera toutefois rejetée par le Chapitre Général qui s'est tenu le 19 mai 1672.
L’abbaye face aux calamités
L’abbaye ne fut pas épargnée par les malheurs du temps. En
1297 toute l’abbaye hormis l’église brûla. Les saccages se succédèrent de siècles en siècles. En
1350 et
1360 sévirent les routiers, cinq ans plus tard routiers ou Grandes Compagnies réapparurent. Chaque fois les moines trouvèrent refuge à
Dijon. Le rattachement du duché de Bourgogne à la couronne de France coûta, en
1476, une nouvelle dévastation de l’abbaye par les troupes du duc Maximilien qui occupèrent
Beaune. Le
XVIe siècle avec ses guerres de religion ne fut pas en reste d’alertes et de désolations.
En 1574, (selon certain auteur en 1576), l’abbaye eut à connaître le pillage des huguenots avec, à leur tête le prince de Condé et le duc de Bavière Jean Casimir. Il en coûta 3 000 écus de rançon à l’abbé pour éviter une ruine complète. En 1589, les soudards du duc de Mayenne, chef des ligueurs et gouverneur de Dijon passèrent par Cîteaux et s’en prirent à l’abbaye. Ils furent suivis de près par ceux du comte de Tavannes, le chef du parti huguenot. Ils laissèrent derrière eux un spectacle d’une complète désolation. Tout fut détruit ou emporté ; y compris les cloches de la basilique, pour être transformées en canons. Les chevaux, les juments, les boeufs, les moutons, les meubles, le linge, la vaisselle, le vin et autres denrées, tout fut emporté. En 1595 la guerre fit rage entre Henri IV et le duc de Mayenne. Un détachement du maréchal Biron, Duc et pair, compagnon d’Henri IV chargé de se saisir des places fortes de Bourgogne aux ligueurs, dont celle de Beaune, passa par Cîteaux qui fut une nouvelle fois saccagée. Ils s’en prirent, cette fois, même à la couverture de plomb qui recouvrait la Basilique qu’ils arrachèrent. L’abbaye possédait alors un haras de juments qui comptait cent mères portantes. Après leur départ, il n’en resta que cinq ou six. Pour relever les ruines les moines durent vendre quelque unes de leurs propriétés : Pommard, Ouges, etc. Par lettres patentes, Henri IV reconnut à 200 000 livres le montant des dégâts subits par l’abbaye de 1590 à 1595.
Un siècle et demi plus tard, en l’année 1636, les troupes de Gallas firent une intrusion dévastatrice dans une Bourgogne laissée sans défense par le départ des troupes de Condé après le siège manqué de Dole. Elles laissèrent dans la campagne bourguignonne une longue cicatrice noircie qui passait par Cîteaux. Toute l’abbaye fut pillée les archives détruites en partie. Richelieu pourtant « cardinal-protecteur de l’Ordre » ne fit rien pour relever la maison-mère de ses ruines.
L’abbé dom Vaussin fit lever des contributions sur les monastères de l’Ordre pour restaurer le monastère.
Le temporel de Cîteaux
Une tâche rendue encore plus rude par un idéal d’une grande exigence attendait les premiers Cisterciens. Déployant de grands efforts ils firent vite la preuve de leur capacité à affronter un milieu naturel hostile, à apprivoiser l’eau et à modeler le paysage afin d’assurer leur subsistance. Le concours de généreux donateurs, princes, des seigneurs, des bourgeois, mais aussi d’hommes plus simples qui prirent l’habit de convers leur fut précieux. L’idéal de la
Carta caritatis les privant des revenus classiques, (cens,
Dîme...) le bénéfice des dons qu’ils reçurent leur permirent et se constituer le vaste espace territorial dont ils avaient besoin pour asseoir la solidité de leur économie. Donations et acquisitions dont ils grossissaient leur domaine, terres, forêts ou vignes se trouvaient être parmi les meilleurs.
L’éloignement de certains domaines étant un obstacle à une exploitation directe, ils créèrent de petites unités territoriales appelées granges dont la mise en valeur était confiée aux frères convers. Il s'agissait de domaines ruraux cohérents avec bâtiment d'exploitations et d'habitations regroupant des équipes de convers spécialisés dans une tâche et dépendants d'une abbaye mère. Les granges cisterciennes optimisèrent les capacités de production agricole en introduisant une spécialisation de la main-d'oeuvre. Chaque grange était exploitée par cinq à vingt frères convers (ce qui est un nombre idéal du point de vue de la gestion car au-delà d'une trentaine de personne le simple sentiment de faire partie d'un groupe ne suffisait plus à motiver toute la main d'oeuvre à la tâche), au besoin aidés de ouvriers agricoles salariés et saisonniers. Les phases de développement se succédant, le temporel de Cîteaux devint un ensemble aux dimensions exceptionnelles et conféra à l’abbaye une réelle puissance économique. Un siècle après la fondation de Cîteaux, l'ordre comptait plus de mille abbayes, plus de six mille granges réparties dans toute l'Europe et jusqu'en Palestine.
Les cisterciens, comme toutes les propriétaires fonciers de l'époque, attachaient une grande importance au vin considéré comme plus salubre que l'eau. En 1098, les moines de Citeaux reçurent en donation de la part de Eudes Ier de Bourgogne de vignes à Meursault. Mais les critères recherchés étaient à l'époque très différents des standards actuels en oenologie et on ne sait pas s'ils produisaient du blanc du rouge ou du clairet.
La règle bénédictine veut que chaque monastère doit disposer d'eau et d'un moulin. L'eau permet de boire, se laver et d'évacuer ses déchets. C'est pourquoi les monastères furent en général placés le long d'un cours d'eau. Quelquefois établis en des points où le précieux liquide faisait défaut ou était en quantité insuffisante, ils durent se spécialiser dans le génie hydraulique et construisent barrages et chenaux pour amener l'eau à leurs moulins. Sous l'abbatiat d'Albéric, 1099-1108, la difficulté d'approvisionnement en eau obligea les moines de Cîteaux à déplacer l'abbaye de 2 km pour s'établir sur les bords de la Vouge, où le monastère reçut alors aussi les eaux du Coindon,. En 1206, il fallut encore augmenter le débit hydraulique et un bief de 4 km fut creusé. Mais les capacités du petit cours d'eau de la Vouge furent vite dépassées. Les moines, après avoir négocié le passage au duc de Bourgogne et au chapitre de Langres, s'attaquèrent au chantier encore plus important du détournement de la Cent-Fonts, afin de disposer d'un débit régulier de 320 litres par seconde. Le chantier fut considérable, car en plus du canal de 10 km à creuser à partir du village de Saulon-la-Chapelle, il fallut réaliser un pont-acqueduc, le pont des Arvaux, de 5 m de haut afin de permettre le passage du canal au-dessus de la rivière Varaude. Vers 1221, l'eau du canal arriva dans le monastère, et le résultat fut à la hauteur des efforts engagés. Ces travaux augmentèrent considérablement le potentiel énergétique de l'abbaye : au moins un moulin et une forge furent installés sur le nouveau bief.
L’économie du monastère ne fut pas toujours florissante et connut des périodes difficiles. En 1235, l’abbaye était couverte de dettes. En 1262 le monastère faisait à nouveau face à une grave grande financière ; la tenue des réunions annuelles du chapitre général étant source de grandes dépenses. Le chapitre général autorisa l’abbé de Cîteaux à mettre à contribution les autres monastères de l’Ordre.
À la fin du XIIe siècle les Cisterciens à la tête d’un domaine de quelque 5 000 hectares avaient jeté les bases du temporel. Le grand atlas de Cîteaux, conservé aux archives départementales de Dijon (11H138) nous permet de connaître le détail des propriétés de Cîteaux en 1718. Elles se décomposaient comme suit : Enclos de Cîteaux : 20 hectares ; Étangs 150 hectares ; Vignes 120 hectares ; Prés : 700 hectares ; Terres de labour : 4000 hectares ; Bois : 4200 hectares ; 2000 hectares étant autour de l’abbaye. Soit au total 9 190 hectares. Elles approchaient certainement, tout compris, plus de 11 000 hectares.
En 1726 l’abbaye de Cîteaux comptait 120 000 livres de revenu.
Cette expansion assura aux Cisterciens une place prépondérante non seulement au sein du monachisme européen mais aussi dans la vie culturelle, politique et économique.
Les bâtiments de l’abbaye au <span class
"romain" title="Nombre écrit en chiffres romains">XVII
e siècle==
Au XVIIe siècle, Cîteaux se présentait comme une petite ville enserrée à l'intérieur d'un vaste mur d'enceinte. Ses bâtisseurs avaient mis en oeuvre cette solution comme une réponse architecturale à l’observance du voeu de stabilité selon la Règle de saint Benoît. « L’âme est en danger quand le moine est en dehors de son monastère, le cénobite court des risques quand il s’éloigne de sa communauté ». Cette règle voulait que tout le nécessaire se trouve à l’intérieur du monastère, le mur d’enceinte, protégeait du monde extérieur de vastes constructions qui étonnent par leur importance. Mais Cîteaux, chef d’Ordre, n’était pas une abbaye quelconque. Cîteaux se devait de recevoir décemment non seulement les délégués du chapitre annuel, leurs familiers, les chevaux, mais aussi la famille ducale, et héberger les novices. Ces obligations ont influé sur l'infrastructure d'accueil qui devait répondre aux besoins.
Au nord, la porterie s’ouvrait sur une première cour appelée basse-cour, fermée sur tout son pourtour par de vastes bâtiments destinés aux hôtes et aux étrangers. À son extrémité sud, une seconde porte dont l’étage était réservé au logement des duchesses de Bourgogne, donnait accès à une grande cour d’honneur fermée sur sa partie sud par le logis des ducs de Bourgogne. Cette cour comprenait certaines dépendances qui n’étaient utilisées qu’au moment du Chapitre général. Les bâtiments conventuels s’organisaient principalement autour de trois cloîtres ; le grand Cloître, du cloître du Colloque et le cloître saint Edme. Autour de chacun de ces trois espaces clos s’ordonnaient les lieux réguliers ; église, salle capitulaire ayant la fonction de salle d'assemblée législative et de tribunal, parloir, chauffoir, réfectoire, cuisine et dortoir. De l’église érigée au XIIe siècle, centre de la vie spirituelle du monastère, longue de cent deux mètres et dont la nef mesurait onze mètres cinquante de large, en 1807 il n'en restait déjà plus rien. À l'est du cloître saint Edme, le logement de l'abbé général qui s'était éloigné de sa communauté. Il fut par la suite transféré dans le logement des ducs de Bourgogne.
La fin de la période médiévale est marquée par l'achèvement en 1509 de la construction de la bibliothèque, seul bâtiment de cette époque encore existant sur le site.
Cette énumération des différents lieux et constructions répertoriés sur une vue cavalière de l'abbaye dressée en 1674 donne une idée de son importance. Gravure de P. Brissart sur un dessin d’Étienne Prinstet (1674) et comportant les armoiries de l’abbé Jean Petit (1670-1692) . |
- Ferme appelée la Forgeotte
- Sanctuaire de saint Robert où fut fondé le premier Cîteaux
- Première entrée, porte de Cîteaux
- Hôtellerie
- Chapelle de la porte
- Porte principale et au-dessus logis des duchesses de Bourgogne
- Maison du prêtre portier
- Écuries
- Écuries du temps des chapitres généraux.
Le nombre du millier de chevaux présents dans ces écuries dut être atteint.- Granges
- Greniers et au-dessous, les moulins
- Logis des ducs de Bourgogne
- Portique
- Église.
Dédiée à la Vierge en 1193. Elle pouvait accueillir lors des offices du chapitre général le millier d’âmes. Le clocher haut de 37 m était posé à la croisée du transept. La nef, le choeur, le transept et la flèche étaient couverts de plomb. C'est cet édifice religieux qui fut englouti le premier dans la bourrasque révolutionnaire. En octobre 1804, on finissait de le détruire. L'orgue, dont la construction avait été entreprise sous l’abbatiat de dom Jean Loisier et que l’on considérait comme un des plus beaux de France, avait connu la destruction dès 1791, l'étain avait été vendu, le buffet était parti en bois de chauffage.- Dortoir
- Définitoire
- Le chapitre ou salle capitulaire
Située en contrebas du cloître, elle se présentait comme une grande pièce carrée de 19 m de côté environ, comprenait trois nefs de trois travées. Sa superficie est estimée à quelque 360 m² dans laquelle trois cents personnes pouvaient prendre place- Dortoir des novices
- Oratoire de saint Bernard
- Grand cloître
| Il occupait une surface de 200 m² et était chauffé par deux cheminéesCe bâtiment implanté à la galerie méridionale du cloître avait une surface de 855 m².- Cuisine
- Cordonnerie
- Dortoir des convers et au-dessous la cave à vin
- Petit cloître ou cloître des copistes ou de la bibliothèque
- Grande bibliothèque
- Petite bibliothèque
- Maison du prieur
- Maison du sacriste
- Cimetière
- Petit dortoir
- Maison du pharmacien
- Réfectoire commun des infirmes
- Chambre des infirmes
- Grande infirmerie
Grande salle longue de 59 m et large de 21 m, d'une superficie de 1 240 m²- Chapelle saint Edme ou chapelle saint Bernard. Le nom de chapelle saint Edme est plus tardif.
- Logis abbatial
- Cour du logis abbatial
- Colombier
- Jardin du logis abbatial
- Porte arrière
- Petite maison du portier
- Ruche
- Grand bosquet
- Grand jardin
- Viviers
- Maison des tailleurs et vestiaire
- Grand étang
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Les bâtiments n'ont cessé d'évoluer au fil des siècles pour s'adapter aux besoins. C’est à la fin du XVIIe siècle, sous l’abbatiat de Dom Jean Petit que fut achevé le bâtiment appelé aussi le nouveau définitoire comportant des salles voûtées au rez-de-chaussée. L’étage fut affecté au nouveau dortoir des novices. Ce bâtiment long de 80 m de long et large de seize, sauvé des destructions révolutionnaires, n’est parvenu jusqu’à nous que très dénaturé par les installations industrielles du XIXe siècle qu’il dut abriter.
D’importants et nécessaires travaux de restauration furent conduits sur l’ensemble des bâtiments dans la première moitié du XVIIIe siècle avec les crédits dégagés par la vente des réserves de bois mais il parut nécessaire à Dom François Trouvé, dernier abbé de Cîteaux, de demander l’autorisation d’une nouvelle vente d’une réserve de bois de 945 arpents qui se fit en 1762 afin de faire face à de nouveaux besoins. Les architectes Samson-Nicolas Lenoir le Romain (1733-1810) et Jean Caristie établirent un projet grandiose de reconstruction. Le projet ne fut réalisé que partiellement et ce qui fut réalisé ne représenta finalement qu’un fragment de l’immense projet. Le bâtiment de 100 m de long sur 20 m de large qu’ils élevèrent, dit bâtiment Lenoir ou encore logis abbatial, fut terminé pour le chapitre de 1771. Il est un des trois bâtiments épargnés par la Révolution et il est affecté aujourd'hui à la communauté.
La langue des signes dans la vie monastique
Il régnait au sein du monastère une vie austère, ritualisée et réglée par le son des cloches. Prières liturgiques, pratique des vertus monacales, travail et silence, telle était la vocation du moine selon la règle de saint Benoît. Le silence en était un des principes fondamentaux, mis en avant par les premiers pères du monachisme. C'était un élément jugé indispensable pour aider les moines à surmonter le péché qu’ils s’étaient engagés à vaincre. Pour
Basile le Grand (
329,
Césarée -
379), le respect de la règle du silence permettait aux novices de développer la maîtrise de soi tout en contribuant aux progrès de l'étude et pour
saint Benoît, c’était « l’instrument des bonnes oeuvres ». Pourtant, pour la bonne marche de leurs occupations quotidiennes ponctuées par le travail, la méditation et le repos, les religieux avaient à échanger des informations. Ils avaient élaboré un moyen qui ne perturbait pas le silence des autres : ils utilisaient un langage qui semble remonter au tout début du monachisme : la langue des signes.
Il est probable que saint Robert ait adopté, et adapté l’un de ces systèmes à Molesmes, système ensuite transmis au nouveau monastère de Cîteaux.
Ce système avait pour but de permettre la transmission en silence d’informations pratiques plutôt que d’être un outil de communication. Une liste de Clairvaux répertorie 227 signes qui couvrent les domaines de la vie monastique : la nourriture, la boisson, les objets liturgiques et ecclésiastiques, les membres de la communauté, les bâtiments, les ustensiles, etc. Des lexiques de ce type, plus ou moins longs, étaient également utilisés tous les jours dans les autres monastères de l’ordre. La rigueur de la règle rendait son application difficile et les moines se montraient réticents à l’appliquer. Le Chapitre Général le démontre par ses mises en garde répétées, comme il indique que ce langage était également utilisé pour les conversations plus futiles voire les plaisanteries. L’application de la règle qui se relâcha au fil des siècles entraîna la disparition de ce système de langage par signes : il n’était plus appliqué, ou alors de façon insignifiante au XVIIe siècle dans la plupart des monastères. La réforme de la Stricte Observance, du père Armand de Rancé de l'Abbaye de La Trappe à partir de 1664, lui redonna un nouvel élan.
La nécropole de Cîteaux
L’outrage fait aux sépultures Récit d’un témoin contemporain |
« Ces tombeaux étaient en marbre ; on a enlevé les marbres, et on a laissé les os pour que le public puisse en faire des castagnettes. Le coeur de Calixte II, pape était placé derrière le maître autel dans une obélisque (sic) en pierre commune ; on a laissé le tout à l’adjudicataire pour en faire son profit Dans une chapelle de l’église, dédiée à tous les saints, il y avait une gloire à la Bernine (sic) ; un tombeau en l’air et en saillie au-dessus de l’autel, et soutenu par deux anges presque de grandeur naturelle, et qui paraissaient se soutenir eux-mêmes à l’aide de leurs ailes, portaient et soutenaient le tombeau chacun de leur côté ; il renfermait beaucoup de reliques. Tout a été vendu Le tombeau d’Alix et ses os sont restés avec les décombres parce que la matière en pierre ne méritait pas d’être conservée… » . Tiré de : Pour une histoire monumentale de l’Abbaye de Cîteaux, chapitre écrit par Marie-Françoise Damongeot et Martine Plouvier : Cîteaux-nécropole : la « saint-Denis bourguignonne »
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La renommée du monastère était telle que les ducs de Bourgogne de la première génération, les descendants d’Hugues Capet, choisirent ce haut-lieu de la chrétienté pour sépulture. Plus de soixante membres de la Maison de Bourgogne y furent ensevelis. Parmi la longue liste citons : Eudes Ier, mort en 1102 en Palestine qui y fut transporté et inhumé en 1103, son fils Hugues II († 1143), son fils Henri de Bourgogne († 1178), évêque d’Autun, Eudes II († 1162) ainsi que son fils Hugues III, mort en 1192, à Tyr, Eudes III mort en 1218 à Lyon, et citons également le dernier de la lignée des ducs capétiens, Philippe de Rouvres († 1361). Il y en eut bien d’autres encore, personnages célèbres et moins célèbres tels : le bienheureux Alain de Lille, docteur universel, convers de Cîteaux († 1202 ou 1203), Bernard de Clairvaux, Guy de Bourgogne, archevêque de Vienne et légat du pape, devenu lui-même pape sous le nom de Calixte II, († le 10 décembre 1124), Robert de Bourgogne, comte de Tonnerre († 1315), Agnès de France, fille de Saint-Louis, Perrenot de Champdivers († 1348) bourgeois de Dijon, Philippe de Vienne, († 1303), seigneur de Pagny, Philippe Pot, († 1494) sénéchal de Bourgogne, et bien sûr prélats, prieurs et religieux.
Pendant tant de siècles les plus précieux monuments et les sanctuaires les plus chers avaient offert aux vénérables une paix éternelle en ce lieu. L'abbaye fut vendue à la Révolution. L'adjudicataire en fit son profit : tombeaux et pierres tombales furent saccagés : (Voir encart : L’outrage fait aux sépultures). Seul vestige rescapé, le célèbre tombeau de Philippe Pot, exclu de la vente comme bien national, est aujourd’hui visible au Musée du Louvre.
Dom François Trouvé, dernier abbé de l’ancien régime
Fils du président du grenier à sel de Champagne-sur-Vingeanne, dom
François Trouvé naquit en ce lieu en
1711. Après avoir quitté Cîteaux, François Trouvé se retira chez son neveu Barthélemy Trouvé à
Vosne-Romanée. C’est là qu’il trouva la mort le 26 avril
1797. Ancien moine de Cîteaux et alors qu’il était prieur de l’abbaye de la Clarté Dieu, il fut élu le 25 novembre
1748, à l’âge de trente-cinq ans abbé de Cîteaux par les religieux de l’abbaye ayant droit au vote et 45 prieurs ou abbé de l’Ordre.
Martine Plouvier dans le chapitre « Un chantier permanent » nous livre des témoignages de ses contemporains, repris ci-après, qui laissent entrevoir en François Trouvé un personnage contrasté. Si parmi les qualités reconnues par ses proches et les anciens de Vosne-Romanée, l’abbé dom F. Trouvé était décrit comme un homme charmant et d’une grande bonté ou comme L.B. Baudot l’a écrit reprenant les propos de Dom Deprenier, gouverneur du Petit-Cîteaux, il « avait de l’esprit et beaucoup de facilités pour faire un abbé illustre », il tempère son propos en ajoutant : « ces qualités n’avaient aucun effet à cause de son amour pour l’intérêt et le despotisme ». Selon l’abbé Piot, curé de Corcelles-lès-Cîteaux, c’était « un homme au port noble, au jugement exquis, maniant bien la parole, économe jusqu’à la lésinerie dans sa maison, grand dans l’appareil, soit dans les repas publics qu’il a donné au prince de Condé lors des États tenus à Dijon, lors des chapitres ou dans d’autres occasions. »
Un religieux de la maison rapportait qu’après son élection, F. Trouvé fut pris de la crainte d’être empoisonné comme cela est arrivé en 1671 à dom Jean Petit, l’un des ses prédécesseur, au moment des querelles de la réforme, et qu’il prit longtemps du contrepoison.
D’autres propos ou témoignages nous dévoile une facette plus inquiétante du personnage. Une lettre du nonce à Rome du 4 novembre 1771 parle de lui en ces termes : « Il conviendrait de réprimer l’insolence de l’abbé Dom Trouvé que tous regardent comme un mauvais sujet, dilapidateur des biens de l’Ordre. Il en a été plusieurs fois question comme je l’ai appris et dans le conseil on a fait des voeux ardents mais l’argent qu’il a semé et le vin excellent dont il a régalé, lui ont procuré à la Cour des protecteurs suffisants ». Les journaux révolutionnaires de l’époque qui révélèrent qu’il fit enfermer en 1783 Dom Patouillot pendant 18 mois dans une cage de bois de 2, 60 m nous le montrent sous un jour impitoyable et cruel.
Les mauvais traitements de moines à la forte personnalité pouvant menacer l’autorité de l’abbé ne sont pas des cas si isolés. Aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle, il y eut Dom Duchemin enlevé, Dom Larcher mis en prison, Dom Cotheret exilé.
Enfin, l’abbé Piot reconnaît qu’il avait du mal à gouverner une communauté très indisciplinée qui comptait à cette époque 51 religieux dont 27 prêtres, 13 non prêtres et 11 convers.
L'abbaye pendant la Révolution française
Le lieutenant Napoléon Bonaparte à Cîteaux ? |
Louis-Bénigne Baudot, (12 mars 1765 – Pagny (C.O.) † 25 décembre 1844), fut un observateur direct et attentif des événements qui se déroulèrent à Cîteaux, avec Jean-Baptiste Peincedé, l’archiviste du département. Il nous laisse une correspondance datée du 28 janvier 1843, adressée à un abbé du monastère d’Aiguebelle, dans laquelle il relate les circonstances dans lesquelles il fut mis en possession du crâne de l’abbé Guy de Paré (ou Paray) et la manière dont il arriva à soustraire son larcin à la sagacité de Bonaparte alors lieutenant en second dans le régiment de La Fère. « Il fallait pour sortir de la première enceinte du monastère passer devant un corps de garde placé dans une loge de portier habitée alors par une compagnie de canonniers venue d’Auxonne et commandée par Napoléon Buonaparte afin d’arrêter les vols qui se commettaient sans cesse pendant la vente publique que l’on faisait du mobilier. Cependant M. l’archiviste et moy ayant mon chapeau sous mon bras, nous sortîmes de cette première enceinte sans que l’oeil pénétrant de Buonaparte ne soupçonna rien de mon espèce de larcin malgré qu’il fut alors sur la porte de son poste '. » BM Dijon, ms. 2304, Louis-Bénigne Baudot, Abbaye de Cîteaux. Ce document pourrait être versé au dossier de la controverse développée afin de savoir si Bonaparte était ou non présent à Cîteaux lors de la révolte des moines. La date retenue pour fixer son départ d’Auxonne lors de son deuxième séjour est le 15 juin 1791. L.B. Baudot date du 12 juin 1791 sa rencontre avec Bonaparte à Cîteaux. |
Dans la situation tumultueuse qu’installait la Révolution, Talleyrand, évêque d’Autun, député aux États Généraux, membre du Comité de Constitution de l'Assemblée Nationale, donna le 10 octobre 1789 sa « Motion sur la nationalisation des biens ecclésiastiques ». Cette proposition qui fut adoptée par les députés le 2 novembre 1789 mis tous les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation française. Le 13 février 1790 sonna l’heure de la chute ; l’Assemblée décréta l'abolition des congrégations et ordres religieux et ordonna de procéder à la vérification des comptes de toutes les maisons religieuses.
À Cîteaux, le climat interne devint aussi tumultueux que celui régnant dans le monde extérieur. Les relations entre les religieux et Dom Trouvé, à l’autorité déjà fortement contestée, se tendirent. Les moines se réunirent au chapitre et exigèrent de l’abbé, afin de garantir leurs droits, qu’il rendît ses comptes et qu’il présentât l’inventaire exigé par le décret. Dom Trouvé leurs opposa un refus. La révolte gronda parmi les moines à Cîteaux. Le 20 avril, il fallut l’intervention du gouverneur de Bourgogne, M. de Bourbon-Busset, pour rétablir la paix. Le 24 avril, les moines décidèrent de faire appel à des avocats de Dijon pour faire répondre dom Trouvé de la vente de mobilier, bétail et linge qu’il aurait effectué en secret.
« Les religieux ne le reconnaissaient plus comme supérieur et voulaient s’emparer de tout. Certains religieux avaient même essayé de soustraire les objets précieux en démolissant la voûte du trésor ». « L’abbaye était en état de guerre».
Le 1er mai 1790, un détachement de quatorze artilleurs du Régiment de La Fère en garnison à Auxonne, envoyé sur décision du Directoire du District, arriva sur place pour rétablir et maintenir l’ordre.
Les 2 et 3 mai 1790, les religieux furent invités à faire part de leur choix entre le maintien à la vie commune ou le retour à la vie privée : sur les quarante-cinq religieux recensés, (auxquels il faut ajouter 7 convers), trente-et-un religieux optèrent pour la vie privée et 14 pour la vie commune.
Le 4 mai 1790, dom Trouvé face à cette révolte préféra quitter Cîteaux pour l’abbaye de La Bussière. Lorsque le 15 octobre il voulut reparaître au monastère, craignant pour sa sécurité, il se fit accompagné de deux commissaires du district. Du 4 au 15 mai eut lieu un ensemble d’inventaires. Le 8 septembre 1790, les moines se livrèrent au pillage des objets précieux que les commissaires du district avaient entreposés. Le 12, jour où éclata une querelle entre les moines, arrivèrent les commissaires chargés de faire l’inventaire des objets volés. Les estimations et ventes de matériels divers eurent lieu les 10 septembre, 15 octobre, 7 et 28 décembre 1790.
À la veille de la vente du 24 janvier 1791 concernant 207 instruments aratoires, un nouveau recensement dénombra 15 religieux et 5 convers, tous quittèrent Cîteaux autour du 10 mai 1791. Les bâtiments et seulement 800 hectares de terre, non compris mobilier et objets précieux furent estimés les 24 février et 13 mars 1791 pour une somme de 482 000 livres.
Les 10 353 volumes qui trouvaient place dans la bibliothèque furent enlevés les 29, 30 avril puis les 3 et 6 mai 1791 dans quatorze voitures chargées avec l’aide des canonniers de La Fère, — parmi lesquels, d’après le témoignage de L.B. Baudot, se trouvait peut-être le lieutenant Bonaparte — pour être déposés dans la salle des Festins, (aujourd’hui salle de Flore au Palais des États de Dijon), lieu de dépôt des livres nationaux du district.
Le 4 mai 1791, Cîteaux fut acquis par la société formée à dessein par les nommés Duleu, Dardelin, Bossinot, Latey et Gentils de Dijon contre la somme de 862 000 livres mais la société fut rapidement déclarée en faillite.
Le 31 mai 1791, Jean-François-Xavier Fromme d’Amance, tuteur onéraire des trois petit-enfants de Philippe-Guillaume Tavernier de Boullongne (1712-1791), (connu sous le nom de Boullongne de Magnanville) fut mis en possession de l’abbaye pour le compte des enfants. Il fit aussitôt commencer la démolition systématique des bâtiments pour tirer parti des matériaux. L’orgue qui datait de l'abbatiat de Jean IX Loysier (1540-1559) et qui était placé au dessus de la grande porte d'entrée de l'église, connu aussitôt son funeste sort ; l’étain fut vendu et le buffet utilisé comme bois de chauffage.
Liste des abbés de Cîteaux de 1098 à 1797
N° | Début de l'abbatiat | Fin de l'abbatiat | Nom de l'abbé |
1 | 21 mars 1098 | 6 juillet 1099 | saint Robert de Molesmes |
2 | Juillet 1099 | 26 janvier 1108 | saint Albéric |
3 | 1108 | Septembre 1133 | saint Étienne Harding |
4 | 1133 | Début 1134 | Guy de Trois-Fontaines |
5 | 1134 | 16 décembre 1150 | Raynaud de Bar |
6 | Début 1151 | 31 mars 1155 | Goswin de Bonnevaux |
7 | Avril 1155 | Septembre 1161 | Lambert de Morimond |
8 | Septembre 1161 | 21 avril 1163 | Fastrède de Gaviaumer |
9 | Mai 1163 | 17 octobre 1168 | saint Gilbert le Grand |
10 | Novembre 1168 | 28 juillet 1178 | Alexandre de Cologne |
11 | Décembre 1178 | 27 novembre 1180 | Guillaume de Toulouse |
12 | Début 1181 | mars/avril 1184 | Pierre de Pontigny |
13 | Septembre 1184 | 1er janvier 1186 | Bernard de Fountains |
14 | Début 1186 | août 1189 | Guillaume II de la Prée |
15 | Août 1189 | 11 janvier 1190 | Thibaut, abbé de Cîteaux |
16 | Janvier 1190 | 3 janvier 1194 | Guillaume III, abbé de Cîteaux |
17 | Janvier 1194 | mars/avril 1194 | Pierre II, abbé de Cîteaux |
18 | Avril/mai 1194 | 1200 | Guy II de Paray |
19 | Septembre 1200 | 12 mars 1212 | Arnaud Amaury |
20 | mars/avril 1212 | mars/avril 1217 | Arnaud II |
21 | 3 avril 1217 | 8 janvier 1218 | saint Conrad d'Urach, ancien abbé de Clairvaux |
22 | Début 1219 | 1236 | Gauthier d'Orchies |
23 | 11 novembre 1236 | 1238 | Jean de Boxley |
24 | 1238 | 1243 | Guillaume IV de Montaigu |
25 | Juillet 1243 | 1257(date incertaine) | Boniface, abbé de Cîteaux |
26 | 1257 1258 | Mai 1262 | Guy III de Bourgogne |
27 | Mai/juin 1262 | 1266 | Jacques de Cîteaux |
28 | 1266 | 9 octobre 1284 | Jean II de Ballon |
29 | Octobre 1284 | 2 janvier 1294 | Thibaut II de Saucy |
30 | Janvier 1294 | 30 novembre 1299 | Robert II de Pontigny |
31 | 9 octobre 1294 | 30 novembre 1299 | Rufin de la Ferté |
32 | Fin 1299 | 1303 | Jean III de Pontissier de Pontoise |
33 | Milieu 1303 | 28 juillet 1315 | Henri, abbé de Cîteaux |
34 | Août 1315 | 6 janvier 1317 | Conrad II de Metz |
35 | Janvier 1317 | 13 février 1337 | Guillaume V, abbé de Cîteaux |
36 | 19 février 1337 | 8 juin 1359 | Jean IV de Chaudenay |
37 | 9 juillet 1359 | 23 mars 1363 | Jean V le Gentil de Rougemont |
38 | Fin mars 1363 | 20 décembre 1375 | Jean VI de Bussières |
39 | Début 1376 | 9 juillet 1389 | Gérard de Bussières de la Tour d'Auvergne |
40 | Août 1389 | 18 avril 1405 | Jacques II de Flogny |
41 | 1405 | 21 décembre 1428 | Jean VII de Martigny |
42 | 1429 | 30 avril 1440 | Jean VIII Picart d'Aulnay |
43 | 1440 | 25 novembre 1458 | Jean IX Vion de Gevrey |
44 | Fin 1458 | 22 juillet 1462 | Guy IV d'Autun |
45 | 1462 | 24 mars 1476 | Humbert-Martin de Losne |
46 | Fin avril 1476 | 20 novembre 1501 | Jean X de Cirey |
47 | 1501 | 25 octobre 1516 | Jacques III Theuley de Pontailler-sur-Saône |
48 | 1516 | 10 septembre 1517 | Blaise Légier de Ponthémery |
49 | 16 septembre 1517 | 25 avril 1521 | Guillaume V du Boissey |
50 | 29 avril 1521 | 26 mars 1540 | Guillaume VI Le Fauconnier |
51 | 30 mars 1540 | 26 décembre 1559 | Jean XI Loysier |
52 | 6 janvier 1560 | 19 juin 1564 | Louis de Baissey |
53 | 1/2 juillet 1564 | 23 octobre 1571 | Jérôme de la Souchère. Né en 1508 en Auvergne, refusa le cardinalat en 1567, accepta la nomination par le pape Pie V le 24 mars 1568. Mort à Rome le 10 novembre 1571. |
54 | 12 décembre 1571 | Décembre 1583 | Nicolas I Boucherat |
55 | Juin 1584 | 21 août 1604 (date incertaine) | Edmond de la Croix |
56 | Octobre 1604 | Début mai 1625 | Nicolas II Boucherat |
57 | 3 juin 1625 | 30 novembre 1635 | Pierre III Nivelle |
58 | 19 novembre 1635 | 4 décembre 1642 | Jean Armand du Plessis, cardinal de Richelieu |
59 | 2 janvier 1643 | 1er février 1670 | Claude Vaussin |
60 | 29 mars 1670 | 6 mai 1670 | Louis II Loppin |
61 | 20 juillet 1670 | 15 janvier 1692 | Jean XII Petit |
62 | 27 mars 1692 | 4 mars 1712 | Nicolas III Larcher |
63 | 20 mai 1712 | 31 janvier 1727 | Edmond II Perrot |
64 | 21 avril 1727 | 14 septembre 1748 | Andoche Pernot des Crots |
65 | 27 novembre 1748 | 25 avril 1797 | François Trouvé |
L’abbaye livrée au profane
Le temps des Boullongne
Les enfants Boullongne conservèrent quelques bâtiments. Il leurs fallait tenir une noble vie à Cîteaux et l’abbatiale que fit construire Dom Trouvé, répondant à ce besoin échappa au marteau destructeur. Il devint le château de Herminie de Boullongne. Mariée en
1792 à Bernard-François de Chauvelin, ce dernier s’y trouva par sa femme, le propriétaire de cet imposant complexe qu’il convertit en demeure prestigieuse appelée le château de Cîteaux. A côté du château, Chauvelin fit encore construire en
1814 une grande orangerie.
La bibliothèque du XVIe siècle perdit la moitié de son voûtement lors de sa transformation en 1804 en un théâtre de 500 places. Le bâtiment du définitoire, édifié sous l’abbatiat de Dom Jean Petit (1685) et achevé en 1699 fut transformé en sucrerie entre 1824 et 1839 ; elle reçu les honneurs d’une visite de Casimir Périer en 1829.
L’entente entre les trois enfants Boullongne ne dura pas. L’an VI (1797-1798), un premier partage mit la fille cadette, émigrée, hors de la propriété. En l’An X (1801-1802), Auguste et Herminie Tavernier malgré la signature d’accords concernant l’indivision, se mirent à se faire des procès qui s’étirèrent sur plus de trente années. Après 1832 elle parvint à se défaire de l’indivision et son frère dû se contenter du domaine séparé de La Forgeotte. Après la mort sans postérité de Chauvelin, son mari, devenue seule propriétaire du domaine elle décida en 1841 de s’en séparer et chercha un acheteur.
Le rêve fouriériste
Le 7 septembre
1841 Herminie Félicianne Tavernier de Boullongne remit les clés de sa propriété de Cîteaux à Arthur Young, un commerçant anglais. Le nouveau propriétaire dut débourser la somme de 1 500 000 francs pour devenir la maître du domaine. Riche idéaliste, totalement converti à la doctrine de
Charles Fourier et aux idées sociales et généreuses qu’elle développe, il ne fit l’acquisition de Cîteaux que dans l’intention de mettre en application, en grandeur nature, une communauté sociétaire qu’il dirigerait et qui fonctionnerait selon les principes fouriéristes de son maître à penser.
Malgré le scepticisme, la méfiance l’inquiétude et les difficultés rencontrées autour de lui, et la surveillance dont il fit l’objet, Young parvint néanmoins à donner vie à son projet et à « créer une société dans la société » qui porte le nom de Le phalanstère. Sa réalisation n’emporta pas le succès qu’il en escomptait. Loin s’en faut : sur les 600 personnes qu’il attendait, il n’a recueilli tout au plus que 167 personnes au début de 1843. Le modèle économique de sa société, tel qu’il l’envisageait sur les idées de Fourier s’avérait non viable et les difficultés financières ne tardèrent pas à se faire sentir. Fin 1845 Young était menacé d’une prochaine licitation. En mai 1846 la débâcle prononcée amena la mise en vente sur saisie du domaine à la demande de deux débiteurs dont Herminie Tavernier de Boullongne qui n’avait pas dû recevoir le produit de la vente de 1841.
La colonie pénitentiaire du père Rey
Le 25 juin
1846 M. Joseph Rey, supérieur des Frères de Saint-Joseph devient le nouveau propriétaire de 300 hectares de Cîteaux et des bâtiments. L’ambition du Père Rey à vouloir fonder une colonie sur les terres de Cîteaux l’avait porté à faire cette acquisition. Le retour d’une vie ecclésiastique à Cîteaux faisait la joie du curé du village voisin de
Prémeaux qui ne s’en est pas caché.
L’abbé, confronté à Lyon aux problèmes sociaux de pauvreté et de l’état d’abandon dans lequel se trouvaient certains de ces enfants se sentait investi de la mission de leur venir en aide, de reprendre leur éducation pour en faire des « citoyens utiles ».
Trop heureux de trouver dans la formule proposée par le père Rey, une solution médiane entre le tout répressif et une coupable mansuétude devant la délinquance des enfants, les pouvoirs publics choisirent d’aider le père Rey dans son entreprise de création d’une colonie agricole pénitentiaire pour enfants. Ils lui accordèrent une aide financière pour chacun des jeunes gens recueillis qui permis à la colonie de subsister. Délinquants, orphelins vagabonds y trouvèrent leur place. Le nombre des pensionnaires accueillis bien que variable suivant les années atteignit le nombre de 863 en 1874 l’année de la mort du père Rey.
Les méthode éducatives s’apparentaient aux méthodes militaires : discipline, ordre, travail mais respect des jeunes reconnaissance et récompense.
Bâtiments et autres constructions nécessaires à leurs activités furent construits ou adaptés avec les moyens limités dont ils disposaient. Le plus gros chantier auquel le père Rey décida de s’atteler fut celui d’élever une nouvelle église qui prit sa place au sein de la colonie en 1861.
Puis le contexte politique changea et devint défavorable à la cause cléricale. Des articles parus en 1888 dans un journal lyonnais anticlérical créèrent un climat lourdement hostile, provoquant en septembre 1888 le retrait de la reconnaissance d’utilité publique à la Société des frères de Saint-Joseph ce qui entraîna le rapide déclin puis la chute de la colonie. Le domaine de Cîteaux, abandonné de ses occupants allait passer dans les mains de l’État.
La résurrection de l’abbaye
En 1895, Frédéric Oury, évêque de Dijon souhaitait faire revivre Cîteaux. Le nouvel Ordre cistercien venait d’élire l’abbé général, Dom Sébastien Wyart, qui souhaita prendre le titre d’abbé de Cîteaux. Monseigneur Oury proposa aux Cisterciens-Trappistes de racheter le domaine, mais l’affaire traîna et ne fut pas conclue.
Le 22 août 1898, madame Marie de Rochefort devint la propriétaire du domaine et de ses dépendances pour une somme de 800 000 francs. Elle le loua aussitôt aux cisterciens-trappistes qui après plus d’un siècle d’absence, redonnèrent une vie religieuse à l'abbaye.
L’église construite par le père Rey se révéla inadaptée à la prière monastique et cela d’autant plus qu’elle devait être aussi ouverte aux fidèles et qu’un double accès apparu indispensable. Pour y remédier, La communauté confia à l’architecte Denis Ouaillarbourou la tâche de construire une nouvelle église monastique.
L’abbaye a conservé trois bâtiments de la période ancienne. Le plus ancien, la bibliothèque achevée en 1509, voûtée d’ogives. Le bâtiment dénommé « définitoire », voûté d’arêtes. Il comprend plusieurs salles dont une grande à colonnes centrales, et le dortoir à l’étage. Le dernier, le bâtiment Lenoir achevé en 1771.
Annexes
Bibliographie
- Martine Plouvier, Alain Saint-Denis (dir), Pour une histoire monumentale de l’abbaye de Cîteaux, Cîteaux, commentarii cistercienses, Association Bourguignonne des Sociétés Savantes, 1998
- J. Marilier, Chartes et documents concernant l’abbaye de Cîteaux
- Histoire de l'Académie Royale des Inscriptions et des Belles Lettres, 1736.
- Benoît Chauvin, (article de synthèse) Cîteaux, nature sauvage, nature maîtrisée. Musée de Nuits Saint George, 1998
- Frère Marcel Lebeau, Chronologie de l’Histoire de Cîteaux Centre Régional de Documentation Pédagogique de Bourgogne, 1997
Liens externes