L’aurige de Delphes, ou Hêniokhos (en Grec ancien ἡνίοχος, « qui tient les rênes »), est l'une des plus célèbres sculptures de la Grèce antique, et l'un des rares bronzes qui nous soit parvenu de l'époque classique. Elle est conservée au Musée archéologique de Delphes et datée, grâce à son inscription, entre deux jeux panhelléniques, soit en 478, soit en 474, soit entre 470 et 467 av. J.-C.
Description
Cette
Statue d'un conducteur de
char grandeur nature (1 mètre 80 de hauteur) a été découverte en
1896 à
Delphes sous la Voie sacrée. Elle a été préservée en trois morceaux, le torse et la tête (Inv. 3520), le bras droit (Inv. 3540) et le reste du corps, de la taille aux pieds (Inv. 3540). Le bras gauche est manquant. L'aurige lui-même faisait partie d'un ensemble plus important composé du char, de quatre ou peut-être six chevaux et d'un serviteur. Des fragments du char, des jambes et de la queue des chevaux ont été retrouvés près de la statue.
L'aurige est représenté debout dans son char. De la main droite, il tient les rênes (qui sont une restauration), et sans doute un fouet, aujourd'hui perdu. Comme il est coutume pour la course de char, il porte un chiton long ; des lacets noués sous les aisselles empêchent la tunique de gonfler au vent. Sa tête est ceinte du bandeau de la victoire. Le traitement de l'aurige est typique du premier classicisme, qui conserve des éléments archaïques, ici le caractère ovoïde du visage et les boucles plates de la chevelure. La statue est conçue pour être vue de trois-quarts : l'aurige tourne la tête à droite, vers le spectateur, la partie de gauche du visage étant plus développée dans un souci de correction optique.
Considérations techniques
La statue a été coulée suivant la technique de la fonte en creux à la Cire perdue sur positif en plusieurs grandes parties :
- les deux bras,
- les deux pieds
- la partie basse de la tunique
- la partie haute de la tunique
- la tête.
Les yeux, aujourd'hui partiellement disparus, étaient constitués de Verre et de pierre, entourés par des cils découpés dans une tôle battue. Les motifs du bandeau comportaient des incrustations d'argent, les dents étaient plaquées du même métal et les lèvres constituées d'un alliage cuivreux, tout comme les lanières de la tunique. Des mêches de cheveux ont été coulées à part dans un alliage différent de celui de la tête puis rapportées. Il en est de même pour le noeud du bandeau, derrière la tête : sa double épaisseur l'aurait rendu impossible à démouler directement, on a donc préférer le couler à part et le rapporter par soudure, comme le montre sa patine différente. Dans la main droite, l'annulaire a été réalisé à part et soudé, détail qui reste mal expliqué. Il est possible qu'il en soit de même pour l'orteil médian, puisu'on retrouve ce trait sur d'autres sulptures, mais le césure n'a pas été identifiée.
La technique d'assemblage des bras mélange des techniques mécaniques et de soudure, comme le montre le logement où venait s'emboîter le bras gauche. Les pieds ont quant à eux été assemblés par soudure sur le bas de la tunique, et se divisent en deux : une autre soudure a été réalisée à mi-pied. La jonction entre les parties basse et haute de la tunique étaient cachée par une large ceinture, mais une restauration à cet endroit empêche de bien saisir le mécanisme d'assemblage.
Il faut noter la perfection technique de cette statue, à la fois dans le raffinement des nuances de couleurs des différentes incrustations, notamment sur la tête, et dans les assembalges, à peine visibles.
Fonction
La statue a été consacrée dans le sanctuaire d'
Apollon en
478 ou
474 av. J.-C. par Polyzalos, tyran de
Géla, pour célébrer la victoire de son char de course aux
Jeux Pythiques qui y avaient lieu tous les quatre ans en l'honneur d'Apollon : les courses de char étaient une épreuve coûteuse que les tyrans de
Sicile affectionnaient particulièrement. La base, en
Calcaire, portait initialement la dédicace «
έλας ἀνέ[θ]εκε[ν] ἀ[ν]άσσ[ον] » (« Polyzalos, maître de Géla, a dédié [ce] monument commémoratif »). Elle a ensuite été effacée, sans doute parce qu'elle proclamait la tyrannie de Polyzalos. Elle a été remplacée par une inscription plus neutre, comme en ferait un simple particulier : «
[Îικάσας ἵπποισι Î ]ολύζαλός μ’ἀνέθηκ[εν] / ὑιος ΔεινομÎνεος, Ï„]όν ἄεξ’, εὐόνυμ’ Ἄπολλ[ον] » (« Polyzalos, vainqueur avec ses chevaux, m'a consacré / le fils de Deinoménos que toi, très honoré Apollon, tu as fait prospérer).
Notes
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- John Boardman, La Sculpture grecque classique, Thames & Hudson, coll. « L'Univers de l'art », Londres, 1995 (édition originale 1985) (ISBN 2-87811-986-2), p. 52-53 et 59-60 ;
- François Chamoux, L'Aurige de Delphes, éd. De Boccard, Paris, 1989 (1re édition 1955).
Lien externe