Pour les articles homonymes, voir Brutus de Bretagne (homonymie).
Brutus de Bretagne ou
Brutus de Troye (
Bryttys en
Gallois,
Brut en
Français), est le premier roi légendaire des
Bretons. Il fait son apparition dans le récit en latin de
Geoffroy de Monmouth, l’
Historia regum Britanniae en
1135, qui elle-même s’inspire de l’
Historia Brittonum, une compilation effectuée par
Nennius entre
796 et
826. Cette mythologie bretonne s’est forgée en
Breton et en
Latin, à partir du
Xe siècle, dans des monastères de l’
île de Bretagne et se serait propagée très vite de l’autre côté de la Manche, en
Armorique. Selon
Léon Fleuriot, la
matière remonterait à
630.
Brutus aurait vécu vers 1100 av. J.-C. et son règne aurait duré 23 ans.
Historia regum Britanniae
Après la
Guerre de Troie,
Énée arrive en
Italie, avec son fils
Ascagne et devient le maître du royaume des
Romains. Ascagne devenu adulte, prend femme, mais celle-ci meurt en mettant au monde un garçon que l’on nomme Brutus, à cause des circonstances de sa naissance. Alors qu’il n’est encore qu’un enfant, il tue accidentellement son père avec une flèche.
Chassé d’Italie pour son crime, il se rend en Grèce où il rencontre des Troyens descendants de Priam, réduits en esclavage par Pandrasus. Il devient alors leur chef et leur commande d’aller se réfugier dans la forêt. Une lettre est envoyée au roi Pandrasus, lui demandant de leur rendre la liberté. La requête est refusée, le roi décide de mater la révolte. A l’issue d’une ultime bataille l’armée grecque est massacrée, la défaite est totale. Le roi est fait prisonnier avec les survivants. En échange de la vie sauve, il est décidé que la fille du roi, Innogen, épouse Brutus, de l’argent est promis à ceux qui veulent partir et un tiers du royaume pour ceux qui veulent rester.
Brutus et une partie des Troyens décident de partir. Après deux jours de navigation, ils abordent l’île de Loegetia, déserte mais giboyeuse, avec un temple de Diane. Brutus va sacrifier à la déesse qui lui indique, dans un rêve, une île au-delà de la Gaule, où lui ses compagnons trouveront une nouvelle Troie.
Ils reprennent la mer et après une longue navigation, ils abordent en Mauritanie, qu’ils dévastent entièrement. Remplis de provisions, les bateaux arrivent aux Colonnes d'Hercule, puis en Mer Tyrrhénienne. Ils rencontrent d’autres Troyens, commandés par Corineus, qui fait alliance avec Brutus et décide de le suivre. Un nouveau périple les amène en Aquitaine, puis dans l’estuaire de la Loire.
Une guerre éclate avec le roi des Poitevins Goffarius Pictus, dont l’armée est mise en pièce. Goffarus va chercher de l’aide auprès des douze rois de la Gaule, qui acceptent d’attaquer l’armée de Brutus. Pendant ce temps, les Troyens dévastent et pillent l’Aquitaine et tuent les habitants. Puis, Brutus fonde une ville, où il installe son camp, en attendant la bataille. Les Gaulois, trente fois plus nombreux contraignent leurs ennemis à se retrancher dans leur camp. Le lendemain, Brutus fait une sortie et attaque les Gaulois qui sont pris à revers par l’armée de Corineus, qui avait discrètement quitté le camp. Un neveu de Brutus, nommé Turnus, meurt après avoir tué six cent hommes ; c’est lui qui a donné son nom à la ville de Tours. Les Troyens gagnent la bataille puis prennent la mer, les bateaux chargés de trésors. Ils arrivent dans l’île que Diane à indiqué à leur chef.
L’île s’appelle Albion, sa nature est riche et elle n’est peuplée que de géants qui sont rapidement exterminés. La terre est cultivée, des maisons sont construites. Brutus donne son nom à l’île, dont les nouveaux habitants sont nommés « Bretons » et parlent la langue bretonne. Corineus nomme sa province « Corinée », c’est-à-dire Cornouailles. Brutus fonde une nouvelle ville sur la Tamise, une nouvelle Troie qui prendra plus tard le nom de Trinovantum, à l’emplacement de l’actuelle ville de Londres. Il institue un code de loi pour son peuple, avant de mourir. Avec sa femme Innogen, il a eu trois fils qui, à sa mort, se partagent son royaume : Locrinus hérite du centre de l’île et lui donne son nom Loegrie, Kamber s’installe à l’ouest et nomme son héritage Cambrie (actuel Pays de Galles), Albanactus va dans le nord et crée l’Albanie (Écosse).
Selon Geoffroy de Monmouth, la mort de Brutus est contemporaine du règne d’Eli, quand l’Arche d'alliance était aux mains des Philistins et Troie dirigée par les fils d’Hector.
Spéculations et réalité
L’affirmation selon laquelle la Bretagne doit son nom à Brutus n’a aucune base historique mais provient plutôt de l'homophonie entre Brutus (Britto, Britus) et Britannia. Le personnage est une fiction médiévale créée pour fournir une généalogie originale aux nobles
Britto-romains.
Quant au nom de Trinovantum « nouvelle Troie » qu’aurait porté la ville de Londres, il proviendrait du nom du peuple celte établi dans cette région : les Trinovantes.
Les Chroniques galloises, rapportées notamment par Nennius et Saint Gildas, posent des problèmes, particulièrement à propos de la généalogie de Brutus. Cette version est en totale contradiction avec les généalogies troyennes classiques, tant au niveau des familles royales que des dieux grecs.
Selon Philippe Jouët, Brutus est un roi trifonctionnel (voir l’article fonctions tripartites indo-européennes) en ce sens qu’il est sage, vaillant et qu’il (re-)distribue ses richesses. Il est donc « l’incarnation du corps social » des Brittons.
Matière de Bretagne
Le mythe fondateur de Brutus était connu, au
Moyen Âge dans tout le
monde celtique : outre les textes déjà cités, on le trouve mentionné dans la littérature celtique galloise dans le récit
bardique Armes Prydein (
Prophétie de Bretagne) et en
Irlande dans le
Leabhbor Bretnach qui rapporte cette généalogie.
Le personnage de Brutus est devenu un élément important de la Matière de Bretagne, un corpus d’événements légendaires de l’île de Bretagne et de l'Armorique, qui a été largement validé comme réalité historique jusqu’aux XIIe et XVIIIe siècle. Son image a cependant été éclipsée par le succès de la geste du Roi Arthur.
Notes
..
Compléments
Source primaire
- Geoffroy de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne, traduit et commenté par Laurence Mathey-Maille, Les Belles lettres, coll. « La Roue à livres », Paris, 2004, (ISBN 2-251-33917-5).
Sources secondaires
- Joseph Rio, Mythes fondateurs de la Bretagne, Éditions Ouest-France, Rennes, 2000, (ISBN 2-7373-2699-0)
- Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, Bibliothèque historique Payot, Paris, 1999, (ISBN 2-228-12711-6)
- Jean Balcou, Le Légendaire breton – Les Héros (photographies de Jean Hervoche), Christian Pirot Éditions, Saint-Cyr-sur-Loire, 2005, (ISBN 2-86808-2190)
Articles connexes