Franz Liszt (
Liszt Ferenc en
Hongrois) est un
Compositeur et
Pianiste hongrois,
sujet des Habsbourg, né à
Doborján (all.
Raiding, aujourd’hui en
Autriche) le
22 octobre 1811 et mort à
Bayreuth (
Allemagne) le
31 juillet 1886.
Liszt est le père de la technique pianistique moderne et du récital. Avec lui, naissent l’impressionnisme au Piano, le piano orchestral – Mazeppa, la quatrième étude d’exécution transcendante – et le piano littéraire – les Années de pèlerinage.
Il est à l’origine – avec Frédéric Chopin – de toute une lignée de compositeurs : Ravel, Rachmaninov, Scriabine.
Le personnage
Biographie
L’enfance
Son père, Adam Liszt, Violoncelliste dans un Orchestre local et secrétaire du prince Esterházy, lui enseigne le Piano dès son plus jeune âge, au travers des oeuvres de Haydn, Mozart et Beethoven.
Il se révèle très vite un enfant prodige et, à dix ans, part pour Vienne (Autriche) afin de suivre pendant deux ans les cours d’Harmonie de Salieri et de piano de Carl Czerny. L’on pressent en lui un second Mozart : Alain Martinville déclarant à la suite d’un de ses concerts « Depuis hier, je crois à la métempsycose. Je suis convaincu que l’âme et le génie de Mozart sont passés dans le corps du jeune Liszt (sic) ». La consécration viendra de Beethoven qui le reçoit chez lui à Vienne, bien que méfiant vis-à-vis des petits prodiges. À l’occasion d’une tournée à Paris, accompagné par son père, il tente d’entrer au Conservatoire (alors École royale de musique et de déclamation) mais est évincé par Cherubini car il est étranger. Ces années-là, il voyage également en Grande-Bretagne et notamment à Londres. En 1824 il devient l’élève de Ferdinando Paer et compose à 14 ans son opéra Don Sanche ou le Château d’amour, dont l’accueil médiocre – du moins en comparaison des attentes qu’il avait suscitées – l’affectera beaucoup. Après une première crise de mysticisme suite au décès de son père en 1827 à Boulogne-sur-Mer, alors qu’ils revenaient d’outre-Manche, il revient à Paris et donne des cours de piano afin de subsister.
Voyages en Europe
À Paris, il rencontre Hector Berlioz, George Sand, Alfred de Musset, Frédéric Chopin, Honoré de Balzac, devient l’ami d’Eugène Delacroix et fait la connaissance de Niccolò Paganini, qui aura une grande influence sur le développement de son art.
En 1833 commence sa liaison avec la comtesse Marie d'Agoult (connue sous son nom de plume Daniel Stern) qui lui donne trois enfants : Blandine (1835-1862), Cosima (1837-1930) et Daniel (1839-1859). Blandine devient l’épouse d'Émile Ollivier et Cosima celle de Richard Wagner après avoir été celle de Hans von Bülow. En 1836, Liszt entreprend une tournée à travers l’Europe (Suisse, Italie, Russie, etc.) et donne des concerts dans toutes les grandes villes. Outre ses propres oeuvres – ses Rhapsodies datent de cette époque – il joue des oeuvres de Chopin et de la musique allemande.
Vie de compositeur
Comme en témoignent notamment ses correspondances, Liszt est un grand séducteur et connaît de nombreuses et célèbres femmes avant d’embrasser la carrière religieuse. Après s’être séparé de
Marie d'Agoult en
1844, il rencontre à
Kiev en
1847 la princesse Carolyne Sayn-Wittgenstein qui lui conseille d’interrompre ses tournées de concert pour se consacrer à la
composition. C’est en
1848 qu’il s’installe à
Weimar en tant que maître de chapelle où le grand-duc l’avait nommé en
1842. Débute alors une nouvelle période pendant laquelle il compose ses
poèmes symphoniques, avec l’aide de son secrétaire particulier
Joseph Joachim Raff et d’un matériel unique : le
Piano-melodium. Il se consacre également à la direction des oeuvres de ses contemporains. Autour de lui se rassemblent de nombreux élèves — parmi lesquels
Hans von Bülow, qui deviendra son gendre — auxquels il fait découvrir
Berlioz,
Wagner,
Saint-Saëns. Toutefois, son talent et ses idées novatrices n’étant pas du goût de tout le monde, les conservateurs ne manquèrent pas de lui mener la vie dure, ce qui le conduit à démissionner de son poste le
18 décembre 1858 . Jusqu’à cette date, Weimar est grâce à lui un centre exceptionnel de création et d’innovation. Après avoir tenté sans succès d’obtenir auprès du
Pape son divorce, Carolyne se sépare de Liszt, qui entre dans les
ordres mineurs en
1865. Il profite de son séjour à Rome pour découvrir la
musique religieuse de la Renaissance.
Dernières années
Il se retire à Rome en
1861 et rejoint l’ordre franciscain en
1865, recevant la tonsure et quatre commandes mineures de l’Église catholique. Il était cependant
excommunié en raison de son appartenance à la
Franc-maçonnerie<Ref>
Testament maçonnique.</Ref>.
À partir de 1869 et jusqu’à sa mort, l’abbé Liszt partage son temps entre trois capitales : Budapest, Rome et Weimar qui correspondaient à trois tendances : sa sentimentalité de Hongrois, son mysticisme religieux et sa musique d’influence allemande. À Budapest, pendant les mois d’été, il continue à recevoir des pupilles gratuitement, y compris Alexander Siloti. Il met alors de côté son activité de virtuose pour se consacrer essentiellement à la composition et à l’enseignement.
De 1876 à sa mort, il enseigne également pendant plusieurs mois chaque année à l’Académie royale de musique de Budapest dont il fut un des fondateurs et qui sera d’ailleurs rebaptisée plus tard « Académie de musique Franz-Liszt ». Il meurt à Bayreuth le 31 juillet 1886 à 23h30, à la suite d’une Pneumonie contractée pendant le festival de Bayreuth.
Les derniers jours du musicien
- Le dimanche 25 juillet 1886 , Liszt à bout de forces assistera à un dernier opéra de son ami Richard Wagner : Tristan und Isolde ;
- Le lundi 26, il est au plus mal et se voit privé par les médecins de son cognac quotidien ;
- Le vendredi, les tremblements et le délire frappent cet homme redoutant encore la mort. En effet, Liszt est né un mardi, l’année 1886 commence un vendredi et il a pour ce jour la superstition des Italiens ;
- Le samedi 31, vers 2 heures du matin, après un sommeil anormalement agité, le Compositeur hongrois se lève en hurlant, renverse son domestique accourant pour le recoucher puis s’effondre. Dernière intervention des médecins peu après. Vers 10 heures, Liszt prononce ses dernières paroles. Il murmure « Tristan… » et alors que ses proches lui demandent s’il souffre celui-ci répond calmement « Plus… ». Cette parole aura été sa dernière, et elle fut également la dernière de Chopin.
Les dimensions d’un personnage complexe
La vie sentimentale
Caroline de Saint-Cricq
L’amour forme la troisième composante de l’âme du
Compositeur hongrois, et il n’aura de cesse de vouloir l’unir avec les deux autres : en l’occurrence l’
ART et la
Religion. Son père avait eu avant de mourir l’intuition du poids que celui-ci allait tenir dans sa vie :
Il craignait que les femmes troubleraient mon existence et me domineraient. Le premier émoi amoureux de Liszt remonte en fait à un concert donné à
Vienne le
1er décembre 1822 où se produisait également une cantatrice hongroise de 7 ans son aînée
Caroline Unger, qui fit sur lui, alors âgé de douze ans, une forte impression. Jusqu’à la mort de son père, Franz Liszt effectue une sorte de
refoulement de ses penchants amoureux en se réfugiant dans la religion. Or, la disparition d’Adam Liszt va l’amener à organiser des cours de
Piano afin de s’assurer son confort matériel. L’une de ses élèves n’étant autre qu’une certaine Caroline de Saint-Cricq, fille du ministre du commerce et de l’industrie. Avec le consentement de la mère de celle-ci, un
Amour platonique se développe entre eux, les amenant à prolonger la leçon de piano jusqu’à 10 heures du soir. Or, la mort de M
me de Saint-Cricq, qui a pourtant déclaré avant d’expirer qu’elle souhaitait leur mariage, va mettre fin à cette idylle. M. de Saint-Cricq refuse en effet que sa fille épouse un artiste, et renvoie celui-ci en mettant fin aux leçons. Caroline se mariera avec le comte d’Artigaux et Franz Liszt, désespéré, sombrera dans une nouvelle crise mystique.
Marie d’Agoult
Remis sur pied par la
révolution de 1830, Franz Liszt connaîtra des aventures éphémères avec la comtesse Plater, muse de
Frédéric Chopin, et la comtesse Adèle de Laprunarède. Puis, il fait la rencontre en
1832 de
Marie d'Agoult née Flavigny dans le salon de la marquise de Le Vayer. Il laissera tout de suite à celle-ci toujours froide d’apparence une vive impression :
« Madame Le Vayer parlait encore que la porte s’ouvrait et qu’une apparition étrange s’offrait à mes yeux. Je dis apparition, faute d’un autre mot pour rendre la sensation extraordinaire que me causa, tout d’abord, la personne la plus extraordinaire que j’eusse jamais vue. »
Leurs relations au cours de l’année qui va suivre seront difficiles, et faites de ruptures et de réconciliations successives. La mort de la fille de Marie et du comte d’Agoult, Louise, va mettre fin à ces tergiversations. En effet, lorsque Liszt de retour de la Chênaie vient la réconforter, Marie lui demande : « Qu’aviez-vous à me dire et qu’allez vous m’apprendre ? Vous partez ? », et Liszt de répondre « Nous partons. ». Le couple s’enfuit alors en
Suisse, où tous deux connaîtront deux mois de bonheur :
« Personne ne savait notre nom (…) Presque partout à nous voir si semblables (…) on nous prenait pour frère et soeur ; nous en étions tout ravis. Une telle erreur ne témoignait-elle pas, mieux que tout le reste, des affinités secrètes qui nous avaient si fortement attirés l’un à l’autre. »
Mais Liszt commet ensuite une double erreur : faire venir son jeune protégé Hermann Cohen qui viole leur intimité, puis accepter, à la suite de l’insistance de son ami Pierre Wolloff un concert à
Genève. D’autant que la société genevoise est plutôt médisante à l’égard de Marie. En témoigne le journal de Valérie Boissier :
« C’est une femme de 30 ans au moins, une blonde fade ! »
Entre-temps, une fille Blandine est née, mais Liszt rêve de partir à
Paris pour en découdre avec la nouvelle étoile montante,
Sigismond Thalberg. Il y part pour trois jours, il rentrera 2 mois plus tard, le
6 juin 1836 . À son retour, l’atmosphère genevoise commençant à devenir pesante, lui et Marie décident d’aller rejoindre
George Sand à
Chamonix. L’année suivante, Liszt repart à Paris pour le duel final avec Thalberg tandis que Marie s’installe chez George Sand à
Nohant. Désireux de relancer leur couple, Liszt et Marie font une nouvelle échappée amoureuse en
Italie. Le souvenir qu’en garderont l’un et l’autre sera assez différent : pour Liszt « Lorsque vous écrirez l’histoire de deux amants heureux, placez-les sur les bords du lac de Côme », alors que Marie est plus circonspecte « Je m’étonne quelque fois de le voir si constamment gai, si heureux dans la solitude absolue où nous vivons ». Lentement, la situation se dégrade, et Liszt saisit l’occasion des inondations de
Pest de
1838 pour faire une série de concerts dans l’empire autrichien. Alerté par un de ses amis que la santé de Marie s’est dégradée, il abrège son séjour et rentre à
Venise. Finalement la séparation
de facto a lieu en octobre
1839 : Liszt partant pour
Vienne, tandis que Marie gagnait Paris. Désormais leur union n’aura plus qu’un caractère formel : Marie le rejoint lors de sa tournée à
Londres, et tous deux passeront leurs vacances trois années successives à
Nonnenwerth. La parution en
1846 de
Nélida, roman à clé où Marie peignait, sous le pseudonyme de Daniel Stern, un bilan négatif de son union avec Liszt ; va être le prétexte pour celui-ci à la rupture définitive. Au total le roman d’amour entre Liszt et Marie d’Agoult suscitera des jugements contrastés. Des lisztiens comme Zsolt Harsanyi porteront ainsi tous les torts sur Marie d’Agoult, qui, il est vrai, portait le flanc à la critique en écrivant dans
Nélida :
« Il (c’est-à-dire Liszt) sentit la supériorité morale que Nélida (c’est-à-dire elle-même) prenait sur lui en cette circonstance. Cette supériorité devint chaque jour plus évidente, et aussi plus insupportable ».
Carolyne de Sayn-Wittgenstein
Au début de l’année
1847, Liszt part pour
Kiev où il organise un concert caritatif au bénéfice des salles d’asiles. Le prix des places est fixé à 5 roubles. Or une mystérieuse bienfaitrice en offrit 100 roubles. Intrigué Liszt apprend qu’il s’agit de la princesse de Sayn-Wittgenstein, qui, vivant seule en
Podolie, était venue à Kiev régler diverses affaires, et lui rend visite à Woronice en octobre après une série de concerts en
Russie. Des liens forts, platoniques et artistiques, entre eux se mettent en place au cours de ce séjour : Liszt compose
Les glanes de Woronice qu’il dédie à sa nouvelle muse, tandis que Carolyne aurait pressenti, selon une légende non entièrement accréditée, que celui-ci serait le plus grand
Compositeur de son temps, en écoutant son
Pater noster. Carolyne vivant séparée de son mari, elle pense pouvoir obtenir aisément le divorce pour l’épouser. Ayant accepté les fonctions de maître de chapelle à
Weimar, Liszt se rend début janvier à la principauté où Carolyne doit le rejoindre, tandis que les révolutions font rage en Europe. Afin d’éviter les troubles en Pologne, le tsar décrète la fermeture de la frontière : Carolyne et sa fille, Marie, passent in extremis. Par souci des convenances, Liszt s’installe à l’hôtel Erbprinz, et Carolyne au palais de l’Altenberg. En
1849, tous deux se rendent à
Bad Eilsen où ils rédigent les principaux ouvrages de Liszt sur
Chopin et la musique tzigane. Puis Liszt, las d’attendre un divorce qui ne vient pas, en dépit de l’influence de la grande-duchesse de Weimar sur le tsar, décide de s’installer avec Carolyne à l’Altenburg. Les conséquences ne s’en font pas attendre : la société conservatrice de Weimar puis la cour grande-ducale, ferment leurs portes à la princesse. De la sorte, leur existence devient très précaire : « Nous étions réduits aux dix doigts de Liszt ». En
1854, Carolyne est bannie de Russie, et tous ses biens sont saisis. Dès lors, Carolyne va accompagner le quotidien de Liszt pendant la décennie qui va suivre, exception faite de séjours de la princesse et de sa fille à
Paris en août
1855, cependant que Liszt reçoit ses trois enfants, et à
Zurich, chez
Wagner, en octobre
1856. Tandis que Liszt quitte Weimar dès
1858, date à laquelle il démissionne de ses fonctions de maître de chapelle, voyageant les deux années suivantes à travers les empires
Habsbourgeois et français, la princesse ne partira du grand-duché pour Rome, afin de plaider pour son divorce, qu’en
1860. Suite à des avancées encourageantes, Liszt la rejoint là-bas le
21 octobre 1861 . Dans la nuit du 21 au 22, un émissaire papal vient les avertir que, suite à un revirement de dernière minute, leur union ne pourrait avoir lieu.
Dernières liaisons sentimentales
Prenant acte de cet échec et quoique le décès du prince de Sayn-Wittgenstein en
1864 rende l’union possible, Liszt décide de se vouer à la prêtrise (il reçoit la tonsure et est admis dans les ordres mineurs en
1865), tandis que Carolyne se consacre à sa grande oeuvre théologique en vingt-cinq volumes,
Les Causes intérieures de la faiblesse extérieure de l’Église, bientôt mis à l’index pour son manque d’orthodoxie. Tous deux conserveront cependant des liens d’amitié forts. Dès
1863, Liszt fait pourtant la connaissance de la baronne Olga von Meyendorff, mais leur liaison sera surtout platonique. En
1869, Liszt croise la route d’une dénommée Olga Janina, jeune comtesse, prétendument cosaque, qui s’était mis en tête de devenir sa maîtresse. Elle y parvient en s’introduisant (contre la consigne) dans la
villa d’Este déguisée en homme, les bras chargés de fleurs pour retrouver son professeur adoré qui avait fui la tentation provoquée par la brûlante élève. Mais Liszt, las des excentricités de celle-ci, met un terme à leur relation. De retour d’un voyage en Amérique, elle pénètre la maison de l’abbé Liszt munie d’un revolver et de plusieurs flacons de poison : voulait-elle l’assassiner par dépit ? Ou bien, trop marquée par Tristan et Isolde, croyait-elle à la transfiguration de l’amour par la mort ? Toujours est-il qu’elle n’y parvient point. De rage elle aurait publié un pamphlet anti-Liszt,
Les souvenirs d’une cosaque sous le pseudonyme de Robert Franz, suivi bientôt de quatre autres. Liszt revient alors à une vie sentimentale plus calme, notamment auprès de la baronne Olga von Meyendorff qui sera sa compagne quasiment jusqu’à la fin. Quasiment, car en
1885 Liszt fait la connaissance de Lina Schmalhausen, jeune femme qui éprouve une forte passion pour le septuagénaire. Cependant l’entourage de Liszt et en particulier
Cosima cherchent à éviter que tous deux ne se voient trop, afin de ne pas trop le fatiguer. À la mort de Liszt, Lina héritera de la main de Cosima du livre de prière de celui-ci.
Entre cosmopolitisme et nationalisme
La question de la nationalité de Liszt demeure ouverte car elle appelle à de multiples interprétations, parfois fantaisistes. (D’aucuns, ont ainsi voulu en faire un Français, un Italien, voire un Slovaque.) En premier lieu, son origine allemande est à peu près hors de doute : du côté paternel, son grand-père, Georg, était un Autrichien du nom de List, qui avait magyarisé son patronyme en Liszt ; et du côté maternel Anna Liszt était une Allemande de Bohême (son nom de jeune fille était Laager). Sachant que Liszt n’a jamais pu parler correctement
Hongrois (ainsi, lors de son concert à
Budapest, il déclare
« je suis hongrois » en français) et connaissant l’impact qu’a eu sur lui la culture germanique (notamment
Faust), il semble aisé d’en faire un Allemand. Cependant, il n’a cessé de réaffirmer son attachement de coeur à la Hongrie, qui demeurait de toute évidence son pays natal (
Raiding appartenant alors au comitat de Sopron en Hongrie) :
« Il n’y a rien qui puisse m’empêcher, en dépit de ma lamentable ignorance quant au langage hongrois, à m’affirmer depuis toujours magyar par le coeur et l’esprit. »
Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer que Liszt se réclame d’une nation dont il ne possède ni la langue ni le sang. La première, c’est qu’au XIXe siècle les entités nationales sont encore floues (comme le montre Marcel Mauss dans son essai La Nation), et que se maintient au sein de l’élite un idéal cosmopolite et européen hérité du XVIIIe siècle. D’où les nombreuses influences « nationales » (on serait tenté de dire « traditionnelles ») sur la musique lizstienne (allemandes, tziganes, italiennes, françaises), le fait qu’il se sente partout chez lui (en Suisse, à Paris, à Rome, à Weimar, à Budapest, à Vienne…), ainsi qu’une double descendance française (via Blandine qui a épousé le premier ministre républicain de Napoléon III, Émile Ollivier) et allemande (via Cosima Wagner). La deuxième explication, avancée par Coby Lubliner, impliquerait qu’Adam Liszt se serait inventé une nationalité hongroise afin que des aristocrates hongrois (Esterhàzy) lancent, par fierté nationale, la carrière de son fils. Invention que Liszt aurait fini par croire.
La recherche de l’engagement
L’engagement social
L’engagement de Liszt prend naissance avec la
révolution de Juillet, un peu sous la forme d’un remède à la crise mystique qui couvait depuis
1828. Sous le coup de l’événement, le
Pianiste hongrois conçoit une
Symphonie révolutionnaire qui deviendra plus tard l’
Héroïde funèbre. Liszt s’attache d’autre part à Émile Barrault, professeur de rhétorique qui va lui ouvrir les cercles
saint-simoniens. Il va ainsi notamment faire la connaissance de Lamartine, de Lamennais et de La Fayette. Plus que Saint-Simon, c’est Lamennais qui laissera sur lui une trace durable : Liszt le connaîtra personnellement et deviendra son disciple jusqu’à la fin de ses jours. Toutes ces influences théoriques vont se traduire à la fois en écrits (
De la situation des artistes et de leur condition dans la société, dans la
Gazette musicale de Paris du
3 et du
17 mai 1835 ) en musique (transcription de
La Marseillaise, pièce
Lyon sur la
Révolte des Canuts intégrée à l’
Album d’un voyageur) et en actes (concerts caritatifs). Avec le temps et des femmes, et sous le double impact de son travail de
Compositeur et d’interprète, cet engagement va progressivement disparaître. Ainsi, en
1848, loin de devenir le chef de la
Hongrie révoltée comme le prêtait la rumeur, Liszt s’installe à
Weimar tout en soutenant de loin ses compatriotes (composition de Funérailles). Si le Liszt de la maturité n’a plus la fougue de la jeunesse, celui de la vieillesse va abandonner tout engagement pour se consacrer aux affaires religieuses.
L’engagement religieux
La première crise mystique qui affecte Liszt date de
1827, et est le résultat de deux causes : la rupture de la liaison amoureuse avec son élève, Caroline de Saint-Cricq, provoqué par le père de celle-ci ; d’autre part l’exigence et l’autorité paternelles, par trop écrasante. Le jeune Franz voudrait entrer dans les ordres, mais son père s’y oppose. La mort de celui-ci rendrait possible l’entreprise, mais l’intervention de sa mère y met fin, comme le montre une lettre datant de
1879 à Carolyne de Sayn-Wittgenstein :
« Je suivais seulement en simplicité et droiture de coeur, l’ancien penchant catholique de ma jeunesse. S’il n’avait été contrarié dans sa première ferveur par ma très bonne mère et mon confesseur, l’abbé Bardin, il m’eût conduit au séminaire en 1830 et plus tard à la prêtrise et l’abbé Bardin, assez amateur de musique, tint peut-être trop compte de ma petite célébrité précoce, en me conseillant de servir Dieu et l’Église dans ma profession d’artiste. »
Suivant à la lettre le conseil de l’abbé Bardin, le jeune Liszt va tenter d’unir sa profession musicale et son mysticisme :
« Nous crions sans relâche qu’une grande oeuvre, qu’une grande mission religieuse et sociale est imposée aux artistes. »
L’adultère commis avec
Marie d'Agoult met fin à cette tentative.
Marie d’Agoult, sa carrière de virtuose et son travail d’administrateur à Weimar font qu’il ne retrouve le zèle religieux de sa jeunesse qu’à partir de 1860. Il écrit à Carolyne Sayn-Wittgenstein en 1877 :
« Après m’être douloureusement privé pendant trente années, de 1830 à 1860, du sacrement de pénitence, c’est avec une pleine conviction qu’en y recourant de nouveau j’ai pu dire à mon confesseur, notre curé Hohmann de Weimar : « Ma vie n’a été qu’un long égarement du sentiment de l’amour ». J’ajoute : singulièrement mené par la musique — l’art divin et satanique à la fois — plus que tous les autres il nous induit en tentation. »
Dès lors, Liszt comprenant, ou croyant comprendre qu’il avait fait fausse route jusque là, se réfugie à Rome où il se fera franciscain. Il se met au service de la hiérarchie catholique en composant des oeuvres très mal perçues :
La Messe de Gran, Sainte Elizabeth, Christus. À la fin de sa vie il poursuit encore cet effort tout en recourant à des audaces techniques de plus en plus marquées tel que dans
Via Crucis. Néanmoins il prend un peu plus de distance vis-à-vis de l’Église en composant les dernières
Méphisto-valses et
En rêve — nocturne.
Il est d’ailleurs avéré que Liszt était franc-maçon et qu’il était par conséquent excommunié<Ref>Ibid 1.</Ref>.
Le musicien
Un pianiste virtuose
Toutes les sources s’accordent pour faire de Liszt le plus grand
Pianiste de son temps. Malheureusement, il n’existe aucun enregistrement pour pouvoir juger s’il était aussi le plus grand pianiste de tous les temps. Néanmoins, plusieurs indications nous permettent de nous faire une idée sur ses capacités de virtuose. D’abord sur le plan purement
technique, Liszt possède une main d’une taille peu commune qui lui permet d’atteindre la douzième. Son professeur,
Czerny, était, et demeure, le maître incontesté pour ce qui est de la vélocité et de l’agilité pianistique. C’est sur le plan intellectuel, que la supériorité de Liszt est la plus visible. Il exécute ainsi quantité de prouesses telles que l’interprétation d’oeuvres non encore déchiffrées (une
Sonate de
Moscheles à 10 ans, le concerto pour piano de Grieg à 60), ou l’improvisation sur des thèmes donnés par le public (concert de
1847 à
Kiev). Ensuite, il est à remarquer que nombre de ses oeuvres requièrent de grandes facultés intellectuelles pour pouvoir être jouées correctement. En témoigne ce commentaire sur les transcriptions de Schubert :
« Dans ces lieder la difficulté n’est pas seulement digitale. Elle est aussi intellectuelle. Le chant, situé dans la partie médiane (…) passe constamment d’une main à l’autre, et contraint le pianiste à une gymnastique mentale assez éprouvante, et dont sont incapables, plus simplement, la grande majorité des interprètes actuels. »
Un professeur réputé
Paris : 1827-1834
Des débuts tumultueux
Liszt a commencé la transmission de son art du
Piano dès la fin de sa dix-septième année dans le courant du mois de septembre
1827. Il occupait alors un appartement modeste de
Paris au n°7 bis de la rue Montholon. Cette période est celle qui a vu naître la première passion amoureuse de Liszt, pour une de ses élèves Caroline de Saint-Cricq. Si l’activité de professeur du musicien bat son plein pendant cette période de bonheur, la séparation des deux amants plonge Franz dans un désespoir profond qui affecte son professorat. Après un arrêt total des leçons et une reprise douloureuse pour s’arracher à la pauvreté, le jeune homme enseignera le piano sans enthousiasme; les lectures exprimant sa triste instruction coupent pendant des heures les périodes d’enseignement du piano. La guérison de ce mal lors de la révolution de
1830 relance le musicien dans toutes les activités relevant de son art.
La transmission de la vénération pour les grands de l’art
Après avoir assisté au concert du grand
Paganini le
9 mars 1832 , Liszt exprimera l’idée ferme qu’il se forme, à ce stade de sa vie, concernant la musique : “Un moi monstrueux ne saurait être qu’un dieu solitaire et triste”. Liszt cherche alors inlassablement à faire parler son âme au
Piano et c’est ce qu’il enseignera à ses élèves.
Liszt écrira à cette époque à l’un de ses premiers élève, Pierre Wolf : “ Mon esprit et mes doigts travaillent comme deux damnés ; Homère, la Bible, Platon, Locke, Byron, Hugo, Lamartine, Chateaubriand, Beethoven, Bach, Hummel, Mozart, Weber, sont tous à l’entour de moi. Je les étudie, les médite, les dévore avec fureur ; de plus, je travaille quatre à cinq heures d’exercices (tierces, sixtes, octaves, trémolos, notes répétées, cadences, etc.). Ah ! pourvu que je ne devienne pas fou, tu retrouveras un artiste en moi. Oui, un artiste tel que tu les demandes, tel qu’il en faut aujourd’hui. “Et moi aussi je suis peintre”, s’écria Michel Ange la première fois qu’il vit un chef d’oeuvre… Quoique petit et pauvre, ton ami ne cesse de répéter les paroles du grand homme depuis le dernier concert de Paganini.”
Liszt faisait étudier à ses élèves les fugues de Bach, notamment à Valérie Boissier qui venait accompagnée de sa mère. Celle-ci, grâce aux notes prises pendant les leçons, fournit un témoignage précieux sur les cours de piano que donnait Franz Liszt au début des années 1830. L’ensemble de ces écrits révèlent, par l’attitude du professeur ainsi décrite, de nouveaux aspects de la personnalité du musicien. Tout d’abord, comme pour lui-même, il s’attache à l’expression de l’âme dans le jeu de ses élèves. Ainsi, les notes de Mme Boissier mère décrivent par exemple Liszt lisant l’ode de Hugo à son élève avant de lui faire jouer un étude de Moscheles : il voulait lui faire comprendre par ce moyen l’esprit du morceau pour lequel il trouvait de l’analogie avec la poésie. Ensuite, par un respect profond pour les grands Weber et Beethoven, il se refuse de jouer leurs oeuvres en public (ne se trouvant pas encore digne d’elles) et de les faire travailler à tout va à ses élèves. Comme l’exprime Mme Boissier “il s’humilie profondément devant Weber et Beethoven cependant, il les joue en brûlant son piano”.
La période de Genève : 1836-1838
À l’éloignement de
Paris avec
Marie d'Agoult pour
Genève est associé un déclin de l’intérêt de Franz pour l’enseignement du
Piano. Ses journées se succèdent de la façon suivante: deux pour le piano et une pour les travaux littéraires; et le grand intérêt qu'il porte pour les controverses, idées et autres soirées sur les thèmes de la
Philosophie et de la
Religion ont éloigné le musicien du rôle de professeur.
À partir de 1836, un double changement se produit dans la vie de professeur du jeune Liszt. D’une part, fort de sa générosité et de son implication dans l’accès et la reconnaissance de la musique, Liszt offre spontanément au tout jeune conservatoire de Genève, un cours de piano gratuit. D’autre part, car il faut bien vivre, le musicien reprend le vieux système des leçons particulières.
Un livre de classe tenu par Franz Liszt montre qu'il avait un sens de l’humour certain :
- « 2) Amélie Calame : jolis doigts, le travail est assidu et très soigné, presque trop. Capable d’enseigner. »
- « 5) Marie Demellyer : Méthode vicieuse (si méthode il y a), zèle extrême, dispositions médiocres. Grimaces, contorsions. gloire à Dieu dans le ciel et paix aux hommes de bonne volonté. »
- « 8) Julie Raffard : sentiment musical très remarquable. Très petites mains. Exécution brillante. »
- « 12) Ida Milliquet : artiste genevoise ; flasque et médiocre. Assez bonne tenue au piano. »
- « 13) Jenny Gambini : Beaux yeux ! ».
Le temps de Weimar : 1849-1858
La période de retraite au château de
Georges Sand et celle des tournées dans toute l’
Europe qui suivit ne fut pas propice au professorat de Liszt. L’apogée de la carrière du virtuose nécessitait de jouer ce rôle à plein temps et éloignait le musicien de tout souci d’argent. Pendant la première période « weimarienne » (
1848-
1860), le Maître de chapelle en service extraordinaire n’a pas non plus de nécessité de donner des cours de
Piano. Ses journées sont malgré tout encore tournées vers le don de sa personne : la
composition et la préparation des concerts. Liszt n’assurera pas lui-même l’enseignement pianistique de ses filles (qu’il a eu avec
Marie d'Agoult). Lorsque le
Compositeur se rapproche de ses filles à
Paris il les trouve “plus avancées qu’il n’en pensait, bien qu’un peu rêvassières”. Il confie à son disciple et ami
Hans von Bülow de poursuivre leur enseignement du piano selon les idées prônées par Franz. La correspondance laissée entre les deux hommes montre d’une part l’intérêt du père pour l’instruction de ses filles (il réclame des nouvelles des demoiselles Liszt dans ses courriers) et d’autre part l’utilisation par le professeur de la méthode de Liszt. En effet, les jeunes filles travaillent surtout les grands maîtres (Jean-Sébastien Bach et
Beethoven surtout) mais aussi des arrangements à quatre mains d’oeuvres instrumentales (vraisemblablement de Liszt). Comme le remarquait Bülow dans sa correspondance avec Liszt parlant des oeuvres instrumentales jouées à quatre mains : “Je leur en fais l’analyse et je met plutôt trop de pédantisme que trop peu dans la surveillance de leurs études”.
Pendant tout cette période et surtout à sa fin (en décembre 1858), le cercle des élèves (et amis) du musicien comprend nombre d’interprètes qui deviendront marquants. Ainsi, ce cercle est surtout formé de Rubinstein, Klindworth, Cornélius, Bronsart et Tausig. Les années suivantes puis celles à Monte Mario ne furent pas propices à l’enseignement. Ses différentes retraites et son rapprochement de plus en plus poussé vers l’Église dans la deuxième moitié des années 1860 montrent que le musicien s’occupe de moins en moins de sa célébrité.
La seconde incarnation weimaroise : 1869-1886
À partir de
1869, Liszt, dépouillé de toute les futilités de la vie, vécut dans une petite maison de maître-jardinier où il donna de très nombreux cours de
Piano. Moins concentré sur sa carrière que sur la piété de son existence, le musicien consacrait tous ses après-midi à l’enseignement du piano en général à plusieurs élèves rassemblés, quelquefois à tous en même temps (il eut dès la première saison plus d’une vingtaine d’élèves), s’amusant des maladresses des uns et luttant contre la propreté “conservatoire” des autres, l’homme est aussi craint qu’admiré. L’abbé Liszt donnait toutes ses leçons gratis et s’intéressait à la progression de tous ses élèves (de nombreuses correspondances en témoignent). Toujours adoré des femmes, cette attention égalitaire entre les élèves a parfois déclenché les jalousies. Le soixantenaire rend encore ses élèves amoureuses comme en témoigne l’histoire de la comtesse Janina qui s’est éprise follement de lui.
La vieillesse de Liszt à la villa d’Este, Budapest puis Weimar, dans sa pauvreté joyeuse, est marquée par le vol de ses élèves indignes profitant de l’âge et de l’insouciance du musicien. Sa méthode musicale d’alors nous étant décrite par une lettre de Borodine :
« Liszt ne donne jamais de morceaux à étudier, il laisse à ses élèves la liberté du choix. Cependant ils lui demandent généralement conseil, pour éviter d’être arrêtés aux premières notes par une observation (…) Il donne peu d’attention à la technique, au doigté, mais il s’occupe surtout du rendu, de l’expression. »
Il arrêtera très tard son activité de professeur (son état de santé, dans les derniers mois de sa vie ne la permettant plus) comme il n’arrêtera jamais de vivre pour la musique.
Le compositeur et son époque
La cause musicale : la musique de l’avenir
« Ma seule ambition de musicien était et serait de lancer mon javelot dans les espaces indéfinis de l’avenir… (Liszt) »
C’est en pleine tourmente révolutionnaire, alors que de nombreuses rumeurs, dont se fait écho la Revue et gazette musicale de Paris, que Liszt accepte le poste de maître de chapelle à Weimar. Il est rejoint quelques mois après (en juin) par Carolyne qui tente alors d’obtenir le divorce. Dès son installation, son activité commence avec la création le 11 novembre de l’ouverture du Tannhäuser de Richard Wagner puis celle de l’opéra entier le 16 janvier 1849 . En août, il organise une célébration en l’honneur du centenaire de Goethe où il crée des pièces composées pour l’occasion (Le Prométhée) ainsi que le Lohengrin de Wagner. Peu à peu sa vie s’organise avec l’engagement de Joachim Raff comme secrétaire musical, puis l’installation à l’Altenburg, entrecoupée de séjours à Bad Eilsen (fin 1849, Liszt y écrit, en collaboration avec Carolyne, Des bohémiens et de leur musique en Hongrie) la participation à de nombreux organismes musicaux (la Neu Weimar Verein dont il est président), et enfin l’organisation de nombreux festivals musicaux à Karlsruhe, et à Ballenstedt). De nombreux disciples le rejoignent : Hans von Bülow, Cornelius, Carl von Tausig.
Rapidement, Liszt devient l’introducteur privilégié de la « musique de l’avenir ». Outre Richard Wagner, il fait beaucoup pour Berlioz avec deux « semaines Berlioz » (en 1852 et en 1854, où le Compositeur français dirige ses propres oeuvres en alternance avec Liszt) ainsi que pour ses élèves (création en 1851 du Roi Alfred de Joachim Raff, et en 1857 du Barbier de Bagdad de Cornelius). Par ailleurs il aide à la redécouverte de chefs-d’oeuvre oubliés (création de l’opéra de Schubert Alphonse et Estrella), et crée ses propres oeuvres (la Sonate en si mineur par Hans von Bülow en 1857 et la plupart des poèmes symphoniques). Cependant cette activité ne rencontre pas les succès espérés. Tout d’abord parce que Liszt manque de moyens et doit sans cesse demander au grand-duc des créances supplémentaires. Or en 1857 le grand-duc Charles-Alexandre engage un nouvel intendant, Franz Dingelstedt pour qui les priorités financières vont au théâtre, et qui lui voue par ailleurs une profonde jalousie. Ensuite, du fait des réticences de plus en plus marquées envers la « musique de l’avenir ». Déjà en 1849, la grande-duchesse avait dû acheter des billets et les distribuer à quelques uns de ses amis afin d’éviter que le Lohengrin ne fut créé au sein d’une salle quasiment vide. Puis les contestations demeurent constantes, et connaissent une expression décisive en 1858 lors d’une cabale lancée à l’encontre du Barbier de Bagdad du protégé de Liszt Cornelius. En conséquence, Liszt renonce définitivement à ses fonctions de Chef d'orchestre. Il revient encore de manière intermittente à Weimar, mais le manifeste des tenants de la « Tradition » (Brahms, Joachim) publié en 1860 achève de le décourager.
Le soutien aux compositeurs contemporains
Wagner : l’amitié artistique
La première rencontre a lieu en
1840, alors que
Wagner, jeune
Compositeur inconnu et misérable demande de l’aide à Liszt, qui, lui, connaît déjà un succès considérable. Après quelques années d’une relation peu soutenue, la correspondance épistolaire se fait de plus en plus intense. Dans ces lettres, Wagner réaffirme sans cesse son besoin pressant d’argent. Liszt tente de satisfaire comme il peut les désirs de son protégé, dont il commence à apprécier les oeuvres : en
1849, il monte
Tannhäuser, qui est un succès phénoménal. En
1853, Liszt passe à
Paris et en profite pour revoir ses enfants et les présenter à Wagner. La fille cadette,
Cosima, se mariera plus tard avec le compositeur allemand. Il organise par ailleurs à
Weimar une
semaine Wagner à cette même date.
Revenu à Weimar, Liszt continue de diriger les oeuvres de Wagner toujours avec le même succès, ce dont Wagner le remercie en ces termes :
« Merci, ô mon Christ aimé. Je te considère comme le sauveur lui-même. »
La correspondance continue, s’amplifie même au cours des années, jusqu’en
1859 : alors que Wagner ne cesse de demander de l’argent à Liszt, ce dernier ne peut accéder à ses requêtes, car lui-même est en période de vaches maigres. Wagner s’en agace. La même année, surgit un autre sujet de friction : l’influence musicale de Liszt sur Wagner, influence que ce dernier a toujours refusé de reconnaître publiquement. En juin et août, peu après les premières auditions du prélude de
Tristan et Iseult, le musicologue
Richard Pohl avait fait paraître un panégyrique dans lequel il attribuait directement à Liszt la substance harmonique de l’oeuvre. Le
7 octobre, Wagner écrit à
Bülow :
« Il y a nombre de sujets sur lesquels nous sommes tout à fait francs entre nous ; par exemple que je traite l’Harmonie de manière tout à fait différente depuis que je me suis familiarisé avec les compositions de Liszt. Mais quand l’ami Pohl le révèle au monde entier, qui plus est en tête d’une notice sur mon prélude, c’est pour moi une indiscrétion ; ou dois-je penser que c’est une indiscrétion autorisée ? »
Ces tensions amènent une rupture éphémère puisque dans la même année, Wagner et Liszt renouent le contact.
Les deux compositeurs se brouillent de nouveau quelques années plus tard au sujet de Cosima, la fille de Liszt, alors que Wagner s’intéresse à elle depuis quelques années. Or, la jeune fille est déjà mariée avec Hans von Bülow, ancien élève de Liszt, et a vingt-cinq ans de moins que Wagner ; celui-ci et Cosima s’avouent néanmoins leur amour. En 1870, Liszt décide alors de couper les ponts avec le couple.
Wagner tente de regagner, sous un flot d’éloges épistolaires, l’estime de « son Christ ». À la suite de quoi la correspondance reprend. Liszt pardonne aussi à sa fille. L’inauguration du Palais des festivals de Bayreuth par Wagner est l’occasion de démonstrations réciproques d’amitié. Liszt assiste en 1882 à la première représentation de Parsifal, qui suscite chez lui un enthousiasme des plus puissants : « Mon point de vue reste fixe : l’admiration absolue, excessive si l’on veut », répond-il à la princesse de Sayn-Wittgenstein, sa compagne en titre. Mais en 1883, Liszt apprend la mort de Wagner. Sa seule réaction est « Pourquoi pas ? », puis, quelques minutes après, « Lui aujourd’hui, moi demain ». Liszt meurt trois ans plus tard.
Liszt et Verdi
Comme souvent dans la vie de Liszt, il s’agit là d’une relation à sens unique. Il rencontre l’art de
Verdi assez tôt et entreprend une première transcription de
Ernani dès
1847, alors que le
Compositeur italien n’avait pas encore produit de chefs-d’oeuvre impérissables. Puis Liszt, très engagé à
Weimar, n’a pas le temps d’approfondir cette relation. Une commande de
1859 pour une transcription de
Rigoletto et du
Trovatore va lui en donner l’occasion. S’ensuit une transcription de
Don Carlos (
1867), puis une d’
Aïda (
1877) (en multipliant les dissonances dans cette dernière oeuvre, il tente d’intégrer Verdi à l’avant-garde musicale, ce qui n’était plus vraiment le cas). Enfin, fortement impressionné par la représentation de la seconde version de
Simon Boccanegra, il en donne une de ses ultimes transcriptions, très épurée en
1882.
En revanche, Verdi ne montra guère d’intérêt envers Liszt, ne voyant en lui que le wagnérien partisan de la « musique de l’avenir ».
Liszt et Chopin
Ces deux compositeurs, assez semblables par leur parcours de musiciens originaires d’Europe centrale et émigrés en France, nourriront des relations ambiguës, un temps conflictuelles. Franz Liszt se lie avec
Frédéric Chopin dans le contexte du milieu artistique et
Bohème du début des années 1830. Leur admiration réciproque de musiciens atteint très rapidement les plus hauts degrés. À titre d’exemple citons l’amour de Liszt pour les études du Polonais lui-même admiratif de la façon de les rendre de Liszt (il déclarait vouloir lui voler sa manière de les rendre) décidant de les dédier à Franz. Citons encore ce détail : la présence dans l’appartement parisien de Chopin, peu meublé, d’une petite table près du
Piano sur laquelle était seul posé le portrait de Franz Liszt. Dans le cercle assez restreint des fréquentations de Chopin, la génération romantique parisienne de
1830 concernant tous les arts se retrouvait.
Henri Heine, Hiller,
George Sand,
Eugène Delacroix,
Giacomo Meyerbeer ou le poète
Adam Mickiewicz étaient les amis communs des deux musiciens. Franz est de ceux qui se seront permis d’appeler “Chopino” ou encore “Chopinissimo” le plus grand
Pianiste polonais du XIX
e siècle.
Cependant, il se brouilleront bien vite pour des raisons d’ordre privé (Liszt utilise l’appartement de Chopin en l’absence de celui-ci pour ses rencontres amoureuses) et artistiques (la critique et le public voyant en eux les représentants de deux écoles antagonistes : Liszt celle de la virtuosité transcendantale, et Chopin, celle de « la plus exquise sensibilité »). Par la suite à cette double rivalité se greffera celle de George Sand et de Marie d'Agoult.
La maladie puis la mort de Chopin vont effacer toutes ces rancoeurs : Liszt le prouvera en publiant un ouvrage sur lui, et transcrivant ses lieder polonais. Outre ses publications à la Gazette musicale, c’est dans un manifeste intitulé “De la situation des artistes” que le musicien plaide sa conception des programmes musicaux en remplaçant par Mozart, Beethoven et Weber mais aussi ses amis, Berlioz et Chopin, la plate musique jouée dans les concerts en Europe. Le funeste évènement du décès de Chopin est avec celui de Lichnowsky (à la fin de l’année 1849) l’origine établie de “l’Héroide funèbre” de Franz.
La dette de Liszt vis-à-vis de Chopin est très claire. Dès 1830, ce dernier a en effet publié sa première série de douze études, adoptant tout de suite le style qui sera le sien jusqu’à la fin de ses jours. La formation de Liszt sera beaucoup plus lente : il ne se trouvera vraiment lui-même qu’à la fin des années 1840, en écrivant des ouvrages chopinien : les deux ballades, les polonaises, la bénédiction de Dieu dans la solitude.
Liszt et Borodine
La rencontre entre les deux compositeurs eu lieu à
Weimar dans la petite maison de Liszt du parc grand-ducal en
1877. La discussion des deux musiciens qui tournera autour de l’oeuvre d’
Alexandre Borodine exprime à merveille le tempérament de Liszt sur la musique de son temps. Alors que Franz félicite le
Compositeur russe pour l’andante de sa
Symphonie, se met au
Piano et accable Borodine de questions, Alexandre s’accuse d’inexpérience (son activité de compositeur ayant été précédé d’une profession de médecin) et s’autocritique concernant ses modulations qu’il juge excessives. La réaction du vieillard ne se fait pas attendre ; Franz garde sévèrement le russe de toucher à sa symphonie et admettant qu’il est en effet allé très loin, il l’assure que c’est précisément cela son mérite. Finalement, outre le conseil de ne jamais craindre d’être original, il le gronde de ne pas avoir fait édité ses partitions et le félicite de n’avoir jamais fréquenté de conservatoire. Le lendemain de leur discussion, lors d’une répétition d’un concert que Liszt donnerait le soir dans la cathédrale, Borodine appréhenda enfin le jeu de Franz dont le témoignage est resté dans une lettre qu’il a écrite à sa femme à cette époque.
« Quand ce fut le tour de Liszt, il gagna le fond du choeur et bientôt sa tête grise apparut derrière l’instrument. Les sons puissants et nourris du piano roulaient comme des ondes sous les voûtes gothiques du vieux temple. C’était divin. Quelle sonorité, quelle puissance, quelle plénitude ! Quel pianissimo et quel morendo. Nous étions transportés. Quand arriva la marche funèbre de Chopin, il parut évident que le morceau n’était pas arrangé. Liszt improvisait au piano, tandis que l’orgue et le violoncelle jouaient les parties écrites. Chaque fois que le thème revenait, c’était autre chose, mais il est difficile de concevoir ce qu’il sut en faire. L’orgue traînait pianissimo les accords en tierce de basse. Le piano, avec la pédale, donnait pianissimo les accords pleins. Le violoncelle chantait le thème. C’était comme le bruit lointain des glas funèbres qui sonnent encore, alors que la vibration précédente n’est pas éteinte. Nulle part je n’ai rien entendu de semblable (…) Nous étions au septième ciel. »
Lorsque Borodine revint à Weimar un rapport identique se noua avec Liszt. Alors que les deux pianistes jouaient à quatre mains les récentes compositions du Russe, Borodine supprimait certains éléments de son oeuvre : “Pourquoi, s’écriait Liszt, ne faites vous pas celà ? c’est si beau”. Insistant sur le fait que les modulations de Borodine étaient complètement nouvelles (elles ne se retrouvaient ni chez Bach ni chez
Beethoven), il continuait à soutenir qu’elles n’en demeuraient pas moins sans reproches.
L’Esthétique lisztienne
Une conception de la musique ?
Liszt parle en ces termes de son instrument de prédilection, le
Piano, dans la troisième
Lettre d’un bachelier ès musique :
« Dans l’espace de sept octaves, il embrasse l’étendue d’un Orchestre ; et les dix doigts d’un seul homme suffisent à rendre les harmonies produites par le concours de cent instruments concertants. »
Cela permet de comprendre comment Liszt a tenté toute sa vie de développer au maximum les capacités expressives du piano, instrument avec lequel il a entretenu un rapport très intime, ce dont témoigne cette phrase célèbre du maître :
« Mon piano, c’est pour moi ce qu’est au marin sa frégate, c’est ce qu’est à l’arabe son coursier , c’est ma parole, c’est ma vie. »
Cette conception d’une musique centrée sur le piano sera très critiquée à partir des
années cinquante, et de la redécouverte de modes d’expressions musicales jusqu’ici tombés en désuétude. Liszt lui-même en doutera par la suite, comme le démontre l’extension de son champ d’horizon à l’orgue (
Messe de Gran) et à l’orchestre (les
Treize Poèmes symphoniques). Aussi n’y a-t-il pas vraiment de « lisztéisme », comme on parlerait de wagnérisme : sa très diverse oeuvre ne peut se réduire à un simple concept, serait-ce celui de « musique à programme ». Aussi, Liszt est avant tout un
Compositeur qui a élargi, par le biais d’innovations diverses, sa palette sonore.
Le style
Jusqu’en
1830 Liszt n’a pas vraiment de style. L’élève de
Czerny se consacre entièrement à l’aspect purement
technique de la musique, seul prompt (étant donné son jeune âge) à impressionner le public. Les quelques rares oeuvres qu’il nous laisse de cette époque — l’esquisse de ce qui sera les
Douze études transcendantes et son unique
opéra — sont, à cet égard, révélatrices : elles n’ont d’intérêt qu’en égard au jeune âge du
Compositeur.
Un double changement va se produire à partir de 1830. Sur la forme, il commence à se tourner vers les techniques nouvelles élaborées par des compositeurs de sa génération, notamment celles de Thalberg. La plus connue est celle qui consiste à jouer la mélodie avec les pouces de chaque main tandis que les huit doigts restants font de l’accompagnement sous forme d’arpège (il va l’utiliser dans Un Sospiro). Sur le fond, ses oeuvres cessent d’être de simples exercices de vélocité et acquièrent, progressivement, une dimension poétique (visible dans les premières esquisses des Années de pèlerinage, les Apparitions…). Or, en s’affirmant aussi bien virtuose que poète, Liszt va être la cible des critiques d’une part des partisans de Thalberg, et des puristes (Chopin) et dans les deux cas du professeur Fétis qui fait preuve d’une profonde erreur de jugement :
« Vous êtes l’homme transcendant de l’école qui finit et qui n’a plus rien à faire, mais vous n’êtes pas celui d’une école nouvelle. Thalberg est cet homme : voilà toute la différence entre vous deux. »
La fuite en Suisse puis en Italie va être pour lui l’occasion d’approfondir son art et de développer de nouvelles potentialités. Ainsi, tandis que Thalberg en est resté à sa technique de mélodie aux pouces et d’accompagnement avec les huit doigts restants, Liszt élargit profondément son champ d’horizon et intègre nombre d’innovations : trémolos, notes répétées, accords de quinzième arpégés… Ainsi, est-il mûr pour la confrontation avec Thalberg. Celle-ci ne va pourtant pas lui donner dans l’instant de victoire franche — on en tirera l’ambiguë conclusion que « Thalberg est le premier des pianistes, mais Liszt est le seul » —, mais sa supériorité sera de plus en plus reconnue pas la suite. La pièce maîtresse de ce répertoire virtuose étant la transcription du Robert le Diable de Meyerbeer qui lui attire les élans passionnés du public. Il possède alors une telle maîtrise de son art, qu’il va jusqu’à inscrire, dans un programme d’une représentation à Kiev, que le morceau final du concert sera une improvisation sur des thèmes choisis par le public. Sur le versant poétique, en jouant son Au bord d’une source à Vienne, il démontre qu’il n’est pas que virtuose. Pour autant, il ne peut encore se comparer à Chopin.
L’année 1848 voit l’avènement de la maturité de son style. La poussée révolutionnaire en Europe, la liaison avec la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein et l’installation à Weimar vont l’amener à cesser son activité de virtuose pour se consacrer à la composition. La période qui suit constitue le floruit lisztien (c’est-à-dire l’apogée de son oeuvre). Au cours de celle-ci les ouvrages les plus notables se caractérisent par des structures savantes, parfois au mépris du détail (c’est notamment le cas dans la fugue sur le nom de BACH). La virtuosité cesse d’exister par elle-même et se soumet à la cohérence d’ensemble (d’où le fait que certaines pièces de l’après 1848 soient techniquement plus faciles). Par ailleurs Liszt poursuit ses innovations et investigations avec l’usage systématique d’un leitmotiv qui ne porte pas encore son nom dans la Sonate en si mineur et la Faust-Symphonie. Sur le plan plus purement musical, Liszt expérimente la gamme pentatonique dans le Sposalozio (intégré dans les Années de pèlerinage) et le Sospiro (troisième des études de concerts). D’une manière générale, Liszt achève à Weimar ce qu’il avait ébauché auparavant : les Douze études transcendantes, les Années de pèlerinage…
Le départ de Weimar, en 1858, à la suite d’une cabale, puis l’installation à Rome et l’intégration à l’ordre des franciscains (1862) vont mener Liszt vers d’autres voies. L’usage d’une technique virtuose va se faire de plus en plus rare (les quatre Méphisto-valses), et, peu à peu, Liszt va mettre la sonorité au centre de ses préoccupations. D’où de nombreuses expérimentations, de plus en plus poussées qui confinent à l’impressionnisme musical d’un Claude Debussy (Nuages gris) voire à l’atonalité d’un Arnold Schoenberg (Bagatelle sans tonalité). Ainsi Vincent d'Indy, encore marqué par l’élan révolutionnaire du hongrois, avait-il noté : « À Weimar en 1873, il nous fit cette étrange déclaration qu’il aspirait à la Suppression de la tonalité» . D’une manière générale, les oeuvres que Liszt compose au cours de cette période sont rares et exigeantes (notamment son oratorio Christus qu’il tenait pour sa meilleure pièce).
Formes musicales
L’influence de Liszt sur les formes musicales est plus grande qu’on a coutume de le croire bien que certains manuels tendent à vouloir réduire son rôle. Influence qui a été considérable dans les domaines suivants :
Le poème symphonique
Bien qu’on en attribue souvent la création à
Berlioz avec la
Symphonie fantastique voire à
Beethoven avec l’ouverture d’
Egmont, c’est Liszt qui l’a théorisé et en a fait une forme musicale quasi-indépendante. La principale caractéristique du
Poème symphonique, particulièrement apparente dans l’oeuvre de Liszt est qu’il est conçu comme une « musique à programme », ancêtre de la musique de film cinématographique, c’est-à-dire qu’il cherche à suggérer musicalement quelque chose. Il peut s’agir d’un tableau (
La Bataille des Huns), d’une pièce de théâtre (
Hamlet,
Tasso), d’un poème (
Ce qu’on entend sur la montagne,
Mazeppa,
Héroide funèbre,
Les Idéaux), d’une figure mythologique (
Orphée,
Prométhée) d’une ambiance de la vie courante (
Bruits de fêtes), voire d’une vie (
Du berceau à la tombe). Il ne s’agit cependant là que d’une suggestion : on restitue l’esprit et non la lettre, comme dans un
Lied ou dans les
symphonies de Berlioz, de la chose décrite ce qui laisse une grande liberté de ton au
Compositeur. Cette liberté, Liszt en use plus ou moins selon le thème qu’il s’est choisi, comme le montre la typologie de Claude Rostand : dans
La Bataille des Huns, et
Mazeppa, qui suit les inflexions du poème de Hugo dont il est tiré, nous sommes au plus près du descriptif,
Prométhée et
Hamlet dérivent déjà vers l'analyse psychologique, quand
Les Préludes,
Les idéals et bruits de fêtes sont des oeuvres symboliques et contemplatives. Par là, en tous cas, Liszt se maintient à mi-chemin entre la musique à programme stricto sensu de type Berlioz dans la
Symphonie fantastique et la musique pure de type Beethoven. Le poème symphonique est relativement court — une vingtaine de minutes — et renoue avec les dimensions des symphonies de Mozart, par opposition aux
Faust-Symphonie et
Dante Symphonie, qui durent environ une heure. Enfin, le poème symphonique, tout en possédant une structure interne solide, ne présente pas de coupure et est joué d’un trait, ce qui le rapproche de l’esthétique des
opéras de
Wagner : un véritable cri en trois actes.
La sonate
Liszt n’a écrit qu’une
Sonate mais elle suffit à faire de lui un des plus grands représentants de cette forme musicale. La
Sonate en si mineur de Liszt se caractérise surtout par sa structure éclatée : elle combine de manière libre la
forme sonate (exposition/développement/ré-exposition) — en conservant la dialectique des thèmes A et B — et le genre sonate (premier mouvement/mouvement lent/scherzo/final). Dans la littérature spécialisée, on retrouve les termes
double function form et
two-dimensional (sonata) form pour désigner ce type de construction. Pour renforcer l’unité de sa
composition, Liszt utilise la technique de transformation thématique. Son organisation n’est donc pas anarchique, comme l’affirment certains critiques qui n’y voient qu’une fantaisie déguisée, mais inscrite en profondeur. Comme dans le
Poème symphonique, c’est l’esprit qui prévaut et non la lettre. Le débat existe toujours quant à savoir si la
Sonate en si mineur ne serait pas une
Faust-Symphonie pour
Piano, mais il est douteux que Liszt se soit simplement contenté de reproduire pianistiquement, le schéma du poème symphonique.
La transcription
Sur les 700 numéros d’opus de Liszt, 350 sont des transcriptions, et certaines d’entre elles sont généralement tenues pour les meilleures jamais écrites. Pour autant, elles n’ont été redécouvertes que récemment tant elles ont souffert du discrédit dans lequel on jetait le genre.
Les transcriptions de Liszt sont de deux types : les premières visent à une restitution intégrale des oeuvres transcrites et font appel à tous les moyens pianistiques possible :
D’autres, au contraire, laissent libre le transcripteur de varier, de transformer, voire de s’approprier le thème du
Compositeur de manière à leur donner un éclairage différent : transcriptions d’
opéras italiens, français ou de Mozart. Les transcriptions du premier type ont surtout un intérêt technique ; celles du deuxième type sont considérées comme les plus intéressantes car on y retrouve directement la marque de Liszt. De nombreuses transcriptions se situent entre le premier et le second type, comme de nombreuses transcriptions d’opéras de
Verdi, où la ligne mélodique est respectée mais l’accompagnement diffère.
La rhapsodie
Liszt en a composé 19, et toutes pour la même raison : légitimer ce qu’il pensait être la musique
hongroise (
Bartók montrera qu’il s’agissait en fait de musique tzigane). Liszt voulant faire ressortir les points de convergence entre son pays et la
civilisation grecque, il utilisa ce genre, qui désignait le chant du poète ou
Rhapsode à l’époque homérique. La caractéristique fondamentale de la rhapsodie en tant que genre est l’impression qu’elle laisse d’une improvisation. S’y ajoutent des éléments constitutifs de la transcription, visant à restituer les instruments de la musique tzigane (
Violon,
Accordéon…). Selon Haraszti, Liszt n’aurait fait qu’assimiler les techniques tziganes dans ces oeuvres, qui ne seraient alors en rien une transcription du folklore bohémien.
Les compositions
Nous ne mentionnons en détail ci-dessous que les oeuvres les plus notables de Franz Liszt. Pour avoir une liste exhaustive de ses oeuvres l’on doit se référer aux deux articles suivants :
- Liste des compositions de Franz Liszt (S.1 - S.350)
- Liste des compositions de Franz Liszt (S.351 - S.999)
Les oeuvres pour piano
Pianiste le plus réputé de son temps, Liszt fut aussi un grand
Compositeur pour le
Piano. Son succès remarquable pour l’époque a retardé la reconnaissance de son oeuvre de
composition. Liszt a aussi écrit beaucoup de transcriptions. Son oeuvre pour le piano est considérable et aura un impact sur les générations suivantes de compositeurs . Ses pièces couvrent toute l’étendue et la potentialité des huit
octaves du clavier et figurent toujours, au
XXIe siècle, parmi les sommets du répertoire pianistique mondial.
Les Études d’exécution transcendante
C'est à l'âge de 15 ans que Lisz
compose et publie son
Etude en douze exercices op.6. Liszt ré-écrira ces pièces plus plus tard et en
1838 paraissent les
Douze grandes Etudes. Liszt y développe de nouvelles possibilités d’expression pour le
Piano et des difficultés d’exécution extrêmes, injouable selon certains pianistes de l'époque. En
1851, la version définitive (et simplifiée) de ces études est publiée sous le nom d
Études d’exécution transcendante. Encore aujourd’hui, elles sont considérées par tout Pianiste comme ce qu’il y a de plus exigeant en terme d’aisance, souplesse, technique de mouvements à la fois rapides et complexes (sauts, doubles sons, traits rapides, écarts…). Certaines sont particulièrement difficiles et redoutées jusque dans les concours internationaux.
Mazeppa, la quatrième
étude, est une oeuvre orchestrale écrite en partie sur trois portées. C’est un drame littéraire qui se joue : une chevauchée grandiose et magnifique jusqu’à ce que…
Il tombe enfin ! et se relève Roi ! (
Victor Hugo). La pièce commence par une cadence annonciatrice. Écrit sur trois portées, le thème est annoncé avec de grands accords dans les aigus et les graves soutenus alternativement par des tierces rapides réparties entre les deux mains. La cinquième étude,
Feux-follets, est redoutable. C’est une pièce d’impressionnisme très rapide (10 pages jouées en trois à quatre minutes) en doubles sons avec des sauts grands et rapides. L’écriture développée dans cette pièce sera en partie reprise par
Ravel dans
Ondine et
Scarbo (
Gaspard de la Nuit), pièces françaises d’une grande littérature. L’ensemble des études représente quelque 60 à 70 minutes, selon que l’interprète, nécessairement virtuose, privilégie la rapidité, tel
Evgueni Kissin, ou la poésie, tel
Jorge Bolet.
Les Six Études d’après Paganini
Les
Six Études d'après Paganini constituent le second bloc d’
études, composées par Liszt en
1838, et révisées en
1851. Elles répondent à des préoccupations différentes de celles des
Études d’exécution transcendante : il s’agit ici de transposer pour le
Piano les difficultés dont
Paganini a émaillé ses oeuvres pour violon, et plus particulièrement ses
24 Caprices. Hormis la troisième, chaque étude reprend l’un des
Caprices pour le transformer en un exercice virtuose des plus compliqués. Parmi les six
études que Liszt a composées dans ce recueil, seule la troisième n’est pas fondée sur un
Caprice, mais sur le
Deuxième Concerto du
Compositeur italien. Il s’agit de la
Campanella, oeuvre parmi les plus célèbres du compositeur
hongrois, dont le motif original a également inspiré nombre d’autres compositeurs, dont
Brahms.
La Sonate en si mineur
Article détaillé : . Cette grande
Sonate est écrite d’un bloc d’environ une demi-heure. Ce sera la seule de Liszt. Elle est dédiée à
Robert Schumann. La sonate développe ses thèmes par la transformation thématique. C’est une oeuvre littéraire mais surtout psychologique, voire autobiographique. C’est une pièce maîtresse. Cette nouvelle forme de sonate est reprise plus tard. Si les
difficultés techniques sont moins éclatantes que dans les études, les difficultés d’intégration mentale et psychologique pour l’interprétation de la pièce par le
Pianiste sont immenses. C’est une oeuvre de la maturité, qui a été pressentie par la
fantasia quasi-sonata, après une lecture de Dante, une des pièces des
Années de pèlerinage. Son premier enregistrement notable est l’interprétation de
Cortot (
1929). Celles d’
Argerich,
Zimerman,
Pogorelich, Simon Barrere (1947), la première d’
Horowitz (
1932) et la première d'
Arrau (1970) font également référence. Une anecdote savoureuse mérite d’être rapportée en lien avec cette oeuvre. En juin
1853, Brahms, alors âgé de vingt ans, avait rendu visite à Liszt à
Weimar où il séjourna quelques jours. Au cours de l’une des soirées, Liszt interpréta devant Brahms et quelques autres convives sa sonate dont il était particulièrement fier. Lors d’un passage chargé d’émotion, Liszt se tourna vers l’auditoire pour constater leur réaction et aperçut
Brahms, la tête penchée sur l’épaule en train de somnoler. Il continua sa prestation jusqu’au bout et sortit de la pièce sans dire un mot, profondément vexé.
Les Années de pèlerinage
Ce cycle, durant quelque trois heures, se compose de trois années : la première en
Suisse, deux en
Italie. Toutes sont particulièrement profondes et littéraires. Les premiers jeux d’eau pour
Piano y sont.
Ravel et
Debussy suivront.
Les jeux d’eaux à la Villa d’Este sont un chef d’oeuvre littéraire, d’impressionnisme, et pianistique. Les difficultés sonores pour le
Pianiste sont plus fortes que celles — plus apparentes — des doubles sons : tierces staccato en arpèges et gammes, sauts, traits parallèles rapides, trémolos et trilles à deux mains. Les
Jeux d’eau de Ravel en descendent directement. Parmi les interprétations les plus notables on peut citer celles de
Cziffra et
Lazar Berman. Nombre de ces pièces sont souvent jouées séparément, en dehors du cycle, comme des pièces indépendantes. C'est le cas notable des
Jeux d'eau à la villa d'Este, des trois
Sonnets de Pétrarque, de la
Chapelle de Guillaume Tell, de la
Vallée d'Obermann et de la sonate
Après une lecture de Dante dont
Claudio Arrau fut un grand interprète.
- La Première année (environ 48 minutes) se compose des pièces suivantes : Chapelle de Guillaume Tell, Au lac de Wallenstadt, Pastorale, Au bord d’une source, Orage, Vallée d’Obermann, Églogue, Le Mal du pays et Les cloches de Genève ;
- la Deuxième année (environ 71 minutes) se compose des pièces suivantes : Spozalosio, Il penseroso, Sonnet de Petrarque n° 47, Sonnet de Pétrarque n°104, Sonnet de Pétrarque n°123, Après une lecture de Dante et comporte un supplément (Venezia & Napoli), constitué de La Gondoliera, Canzone et Tarentelle :
- la Troisième année (environ 56 minutes) se compose des pièces suivantes : Angelus, Aux cyprès de la Villa d’Este (I & II), Les Jeux d’eau à la villa d’Este, Sunt Lacrymae rerum, Marche funèbre et Sursum corda.
Les Rhapsodies
Liszt a composé une vingtaine de Rhapsodies, pièces folkloriques et courtes, de trois à quatorze minutes. Les plus célèbres sont les dix-neuf Rhapsodies hongroises, écrites sur des airs traditionnels tziganes, dont les plus remarquables sont la mélodieuse cinquième (Héroïde-Élégiaque), la virulante sixième, la neuvième (le Carnaval de Pest). La deuxième et la quinzième (dite Marche de Rákóczy) sont sans doute les deux plus célèbres. On connaît également une Rhapsodie espagnole et une Rhapsodie roumaine (qui est en fait une version antérieure de la douzième Rhapsodie Hongroise, parue dans les Magyar Rapszodiak, 1846).
Liszt a également composé une dizaine de Magyar Dallok, courtes pièces apparentées, durant entre deux et dix minutes, et inspirées du folklore hongrois.
L’ensemble de ces pièces a été édité en 1986 dans un coffret de trois CD Le Chant du monde, sous l’interprétation de Setrak.
Les transcriptions
Liszt fut un très grand transcripteur. À une époque où l’accès à la musique se faisait souvent dans les salons, Liszt a su accroître la diffusion des oeuvres orchestrales, notamment les
symphonies de
Beethoven, à travers des transcriptions pour
Piano ou deux pianos. Il a également transcrit beaucoup d’airs d’
opéras et même des
Lieder de Schubert. Salué par la critique, l’enregistrement de Michel Dalberto,
Un piano à l’opéra (RCA), regroupe six transcriptions d’airs d’opéras. L'on peut distinguer :
- La Transcription de 6 préludes et fugues pour orgue de Jean-Sébastien Bach, dont le premier en La mineur (BWV 543) est une oeuvre monumentale et profondément inspirée qui, dès les premières notes, ne laisse aucune place au doute, affirme l’universalité indépassable de la maîtrise de l’auteur. Le piano moderne grâce à la 3° pédale dite tonale, mise en place par Steinway dans ses grands pianos de concert au début du XXe siècle, permet de tenir le son d’une note ou d’un groupe de notes, tout en jouant par-dessus sans le brouillage qu’induirait la pédale forte, à la manière du pédalier d’orgue. C’est le génie de Liszt d’avoir anticipé sur la facture du piano comme tous les grands créateurs qui ont largement contribué par leur écriture à l’évolution des instruments.
- Les Transcriptions de symphonies :
- Les Symphonies de Beethoven
- Les Transcriptions de Lieder et de pièces de salon :
- Auf dem Wasser zu singen de Schubert
- Ave Maria de Schubert
- Der Jager de Schubert
- Die Bose Farbe de Schubert
- Erlkonig de Schubert
- Soirées de Vienne, 9 Valses-Caprices d’après Fr. Schubert
- Les Transcriptions d’opéras :
- Réminiscences de Norma de l’opéra de Bellini
- Miserere du Trovatore de l’opéra de Verdi
- Paraphrase de concert de Rigoletto de l’opéra de Verdi
- Réminiscences de Simon Boccanegra de l’opéra de Verdi
- Liebestod de Tristan et Isolde de l’opéra de Wagner
- Marche solennelle vers le Saint-Graal de Parsifal de l’opéra de Wagner
- Récitatif et romance de Tannhäuser de l’opéra de Wagner
- Réminiscences de Robert le diable de l’opéra de Meyerbeer, composées en 1840 et créées le 16 novembre de la même année à Hamburg
- Réminiscences de Don Juan de l’opéra de Mozart
- Fantasy on melodies from Don Juan and Figaro publié seulement en 1911 par Ferrucio Busoni
- Valses Caprice.
- Valse de bravoure, version révisée de la Valse de bravoure opus 6.
- Valse mélancolique, révision de la version de 1840.
- Valse de concert sur deux motifs de Lucia et Parisina de Gaetano Donizetti, version révisée de la "Valse et capriccio sur deux motifs de Lucia et Parisina de Gaetano Donizetti" from 1841.
Article détaillé : .Les pièces religieuses
Liszt ayant été ordonné, il s’est naturellement penché sur la
composition d’
oeuvres religieuses. La plus connue est la septième pièce du recueil
Harmonies poétiques et religieuses, intitulée
Funérailles (
1849).
- Harmonies poétiques et religieuses
Les autres pièces pour piano
Parmi les pièces plus mineures, citons
Nuages gris (
1881),
La Lugubre Gondole (
1882),
Csardas Macabre (
1884),
La Notte et
Les Morts. Les plus célèbres de ces oeuvres mineures sont sans doute la
Valse-impromptu, la
Mephisto-Valse et les charmants
Liebesträume, plus connus sous le titre de
Rêves d’amour.
Les ouvrages de jeunesse
Ils sont nombreux, quoique de qualité inférieure au reste des
compositions lisztiennes. La plupart ne peuvent être trouvées que dans l’édition intégrale de Liszt effectuée par Leslie Howard. Il y a deux classements en opus :
Première série : ouvrages de l’enfance (avant 1829)
- Opus 1 : Huit Variations, publié en 1824
- Opus 2 : Sept Variations sur une mélodie de Rossini, publié en 1824
- Opus 3 : Impromptu Brillant sur des Thèmes de Rossini et Spontini, publié en 1824
- Opus 4 : Deux allegros de Bravoure, publié en 1824
- Opus 5 : inusité
- Opus 6 : Étude en douze Exercices, première publication de 1826. Publication plus tardive chez Hofmeister, Leipzig en tant qu’opus 1 en mars 1839.
Seconde série : les ouvrages des années 1830
- Opus 1 : Grande fantaisie sur une Tyrolienne de l’Opéra La Fiancée de Auber : première version de 1829, création par Liszt le 7 avril 1829 à Paris ; seconde version de 1835, créée le 1er octobre 1835 à Genève.
- Opus 2 : Grande Fantaisie de Bravoure sur La Clochette de Paganini composée entre 1832 et 1834 et créée par Liszt le 5 novembre 1834 . La création fut un total échec.
- Opus 3 et 4 : inutilisés
- Opus 5 : Trois morceaux de salon composés en 1835 et révisés en 1838.
- Fantaisie romantique sur deux airs suisses.
- Rondeau fantastique sur le thème "Il contrabandista" de Manuel Garcia, créé le 28 janvier 1837 à Paris.
- Divertissement sur la Cavatine "I tuoi frequenti palpiti" de la Niobe de Pacini, créé le 1er avril 1836 à Genève.
- Opus 6 : Valse de bravoure, (1835) créée le 28 mai 1836 à Paris.
- Opus 7 : (1835-36) Réminiscences des Puritains . Version révisée pour l’édition anglaise de 1840 (?), créée le 5 mai 1836 , Lyon.
- Opus 8 : (1835-36) Deux fantaisies sur les motifs des Soirées musicales de Rossini créées entre 1835 et 1836 et révisées en 1840.
- La Serenata e l’Orgia créée le 18 mai 1836 , Paris.
- La Pastorella dell’Alpi e li Marinari
- Opus 9 : Réminiscences de La Juive de Halévy, composées en 1835 et créées le 18 mai 1836, à Paris.
- Opus 10 : Trois airs suisses entre 1835 et 1836
- Opus 11 : Réminiscences des Huguenots op.11, composés en 1836 révisés en 1842, et créées le 9 avril 1837 , Paris.
- Opus 12 : Grand galop chromatique composé en 1837. C’était la plus populaire des pièces virtuoses que Liszt jouait lors de ses tournée européennes. Liszt la créa au cours d’une soirée privée donnée le 19 avril 1838 à Venise par la Baronne de Thaltzar, mère de Thalberg. puis joua la version à quatre main avec Clara Wieck (future madame Schumann) au cours d’une soirée donnée par Haslinger à Vienne. La création publique eut finalement lieu lors d’un concert donné à Vienne le 2 mai 1838 .
- Opus 13 : (1839) Réminiscences de Lucia di Lammermoor. La première partie ("Andante Finale") fut publiée au début de 1840, et créée par le Compositeur le 5 novembre 1839 à Trieste. La seconde partie fut publiée sans numéro d’Opus sous le titre de "Marche et Cavatine en 1841, et créée le 2 décembre 1839 à Vienne.
Les oeuvres pour Orgue
Cette section est vide, pas assez détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !Parmi le catalogue de de pièces pour orgue composé par Franz Liszt, d'une grande importance, on retiendra surtout la monumentale Fantaisie et Fugue en ut mineur sur le choral 'Ad nos ad salutarem undam', composée en 1849, qui est un véritable poème symphonique d'une durée approximative de 30 minutes, qui illustre admirablement le style du compositeur, et dévoile des sonorités de l'orgue insoupçonnées jusqu'alors, devenant aussi expressif que dans les composition orchestrales ou pianistiques de Liszt, voire au-delà de ce qu'elles peuvent exprimer. Cette fantaisie étant basée sur l'adaptation d'un cantique hollandais du XVIIe siècle par Giacomo Meyerbeer dans son Prophète.
Les oeuvres pour plusieurs instruments
OEuvres pour piano et orchestre
Les
concertos pour
Piano et la
Fantaisie hongroise (adaptée de la quatorzième rhapsodie) sont des oeuvres parmi les plus expressives de Liszt. Elles sont également parmi les plus originales, puisqu’elle ne respectent pas les conventions associées à la
composition de concertos : normalement en trois mouvements rapide-lent-rapide, ils se constituent chez Liszt d’un seul mouvement, séparés en quatre tempos différents pour le Premier en
mi bémol, et en six pour le Second en
la majeur. Chaque concerto dure environ 20 minutes : 19 min 42 pour le premier et 22 min 29 pour le second, dans l’interprétation de Lazar Berman (DG, 1976).
- Concerto pour piano et orchestre n° 1 en mi bémol majeur
- Concerto pour piano et orchestre n° 2 en la majeur
La Totentanz pour piano et Orchestre, série de variations sur le sombre thème grégorien du Dies irae, est une pièce tour à tour rêveuse et explosive, d’une grande virtuosité.
Les oeuvres symphoniques
Les poèmes symphoniques
Liszt a écrit 13
poèmes symphoniques, genre dont il est le créateur et repris notamment par
Richard Strauss et
Saint-Saëns. Parmi ces poèmes, sont notables :
Ce qu’on entend sur la montagne,
Mazeppa (dont il existe une version pour
Piano dans les
Études d’exécution transcendantes),
Du Berceau jusqu’au tombeau,
Prométhée et le
Les Préludes dont le thème principal eut le malheur de servir de motif musical aux bulletins militaires de la radio du
Troisième Reich. L’ensemble dure environ quatre heures et comprend :
- Ce qu'on entend sur la montagne (d’après Victor Hugo)
- Die Ideale (d’après Friedrich von Schiller)
- Festklänge
- Hamlet
- Héroïde funèbre
- Hungaria
- Hunnenschlacht
- Les Préludes (d’après Alphonse de Lamartine)
- Mazeppa
- Orpheus
- Prometheus
- Tasso, lamento e trionfo (d’après Lord Byron)
- Von der Wiege bis zum Grabe'
Les symphonies
Il a composé deux
symphonies : la
Dante Symphonie et la
Faust Symphonie. Il a par ailleurs adapté pour
Orchestre de nombreuses oeuvres pour piano de sa
composition (
Méphisto-Valse n°1 (d’après Lenau) ; six
Rhapsodies hongroises, correspondant respectivement aux
Rhapsodies pour piano n
os14, 2, 6, 12, 5 et 9).
Les Lieder
Quoiqu’il s’agisse là d'une part assez méconnue de son oeuvre Liszt a composé un nombre assez considérable de chants et lieder pour voix et piano : quatre-vingt-deux. Au sein de cet ensemble règne une totale diversité liguistique : aux 57 lieder allemands s’ajoute 15 mélodies françaises, 5 italiennes, 3 hongroises et 1 russe. Les lieds les plus notables étant
Die Lorelei, "
Chef-d’oeuvre mélodique" issu d’un poème d’
Henri Heine et les trois sonnets de Pétrarque dont la version pour piano seul sera intégré à la seconde partie des Années de pèlerinage, ainsi que le célèbre
O lieb sur un texte de Freiligstrath dont a été tiré plus tard un nocture pour piano (
Liebestraum n° 3). Il a aussi composé deux groupes de lieder : le premier, qui en comprend six, sur des poèmes de Goethe, le second, qui en comprend huit, sur des poèmes de Hugo. Les ouvrages portant sur cette production sont peu nombreux et on ne peut guère que citer Edouard Reuss.
La postérité
Les influences
Liszt et la musique impressionniste
Dans son ouvrage,
L’Impressionnisme et la musique, Michel Fleury note que « Liszt fut (…) l’un des grands précurseurs de l’impressionnisme en musique », et ceci à plusieurs points de vue. Tout d’abord sur le plan des sonorités, Liszt constitue, avec
Chopin, l’un des créateurs du timbre pianistique moderne, c’est-à-dire d’une écriture qui exploite totalement les capacités sonores du piano. Et ce en utilisant les différences d’intensité et de toucher pour mettre en évidence une multiplicité de voix, comme c’est le cas dans l’
Étude n° 1 op. 25 de Chopin, et dans la transcription du
Liebestod de
Tristan et Isolde chez Liszt. Ensuite, avant même
Baudelaire, Liszt pressent dans un ouvrage sur le
Lohengrin de
Wagner l’existence de correspondances entre couleurs et musique : « éclat éblouissant de coloris », « transparente valeur de nuées ».
Cela explique que vers la fin de sa vie, le style de Liszt se tourne nettement vers l'impressionnisme. D'abord avec les jeux d'eaux à la Villa d'Este, ancêtre de tous les jeux d'eaux, de Claude Debussy à Maurice Ravel. Puis, surtout avec les nuages gris, pièce totalement impressionniste en ce que l'impératif de la beauté harmonique prime ici sur celui de tout ordonnancement thématique.
Dans ses critiques signées sous le pseudonyme de Mr. Croche, Claude Debussy témoignera d'une certaine bienveillance envers Liszt. Ainsi, à la suite d'une représentation de Mazeppa, poème symphonique souvent critiqué pour ses insuffisances, il écrira : « On peut prendre des airs dégoûtés à la sortie parce que ça fait du bien… Pure hypocrisie, croyez-le bien. La beauté indéniable de l'oeuvre de Liszt tient, je crois, à ce qu’il aimait la musique à l'exclusion de tout autre sentiment (…) La fièvre et le débraillé atteignant souvent au génie de Liszt, c’est préférable à la perfection, même en gants blancs ». Il y a peut-être quelque chose d'intéressé à une telle bienveillance, en ce qu’elle est souvent un moyen d'attaquer Wagner « Sans parler de Liszt, qu’il pilla consciencieusement, à quoi ce dernier n’opposa jamais que l’acquiesçante bonté d'un sourire »
Liszt et Richard Strauss
Quoique né en 1864,
Richard Strauss ne rencontrera jamais Liszt. Et ce à cause de son père, le plus grand corniste allemand de l'époque, qui était partisan de la musique pure, contre la musique "moderne", représentée par Liszt et Wagner. De telle sorte qu'il ne découvrira les oeuvres du compositeur hongrois, qu'une fois sa carrière de chef d'orchestre amorcée en
1883, lorsqu'il est appelé à diriger l'orchestre de
Meiningen, au sein duquel il se lie d'amitié avec le premier violon Alexander Ritter, un familier des cercles lisztiens.
Liszt et la musique russe
Liszt va avoir sur la musique russe une influence décisive. Le chef du
Groupe des Cinq,
Balakirev, voyait en lui le dernier des grands compositeurs, toute son oeuvre va se faire ressentir de cette influence. Ainsi le fameux Ishmaley ne va pas sans rappeler les oeuvres virtuoses du Liszt des années 1840, tel que le Grand galop chromatique. Sur le plan formel, le poème symphonique, conçu par Liszt, va s'avérer l'une des forme d'expression orchestrale privilégiée des compositeurs russes (Une nuit sur le mont Chauve de
Moussorgsky).
Les Sociétés Liszt
Le professeur E. J. Dent a créé en 1950 une
Liszt Society, s'y nommant lui-même président, tandis que le compositeur dodécaphoniste Humphrey Searle en devenait le secrétaire général. Elle a permis la publication de plusieurs pièces inédites. Son siège est au
44 a ordnance hill, Londres. En 1964 fut fondée également l’
American Liszt Society par David Kushner, Fernando Laires et Charles Lee, qui organise chaque année un festival en l'honneur de Liszt.
Voir aussi
Bibliographie
Ouvrages généraux
- Wagner et Liszt (d'après leur correspondance), William Cart, Stalker Editeur, 2008
- Franz Liszt, un saltimbanque en province, Nicolas Dufetel et Malou Haine (éd.) (Symétrie, 2007);
- La Vie de Franz Liszt, Guy de Pourtalès (Folio, 1983) ;
- Franz Liszt, Claude Rostand (Seuil, 1960) ;
- Franz Liszt, Alan Walker (Fayard, 1989).
- Franz Liszt, Serge Gut (Fayard, 1989)
- Au soir des Dieux, Cosima Wagner (traduction partielle par Maurice Herwegh, ed. J. Peyronnet 1933)
- François Liszt, souvenirs d’une compatriote, Janka Wohl, secrétaire de Liszt (Paul Ollendorf 1887)
- Franz Liszt, Emile Haraszti, article de l’Histoire de la musique sous la direction de Roland-Manuel (éd. de la Pléiade)
- La Mort de Franz Liszt, Alan Walker, d'après le journal de Lena Schmalhausen (Buchet-Chastel - 2007)
- Franz Liszt, les ténébres de la gloire, Rémy Stricker (nrf - éditions Gallimrard - 1993)
- Rhapsodie Hongroise - Vie de Liszt, Zsolt Von Harsanyi (Les Editions de Paris - 1948)
Anthologies
- Dyonysos ou le crucifié (essai) in Liszt en son temps, Claude Knepper et Pierre-Antoine Huré (Pluriel, 2005)
- Correspondance choisie par Claude Knepper et Pierre-Antoine Huré (éd. Jean-Claude Lattès 1987)
Ouvrages particuliers
- Mémoires 1833-1854 de Marie d'Agoult, avec une introduction de Daniel Ollivier (Calmann-Lévy 1927)
- Correspondance de Liszt et de la comtesse d’Agoult, Olivier Daniel (Grasset, 1934) ;
- Mozart & Liszt Sub-rosa, Philippe Autexier (Centre Mozart, 1984) ;
- La Lyre maçonne : Haydn, Mozart, Spohr, Liszt, Philippe Autexier (Détrad, 1991) ;
- Mémoires, Hector Berlioz (Garnier-Flammarion 1969)
- Liszt pédagogue, leçons de piano données à Valérie Boissier (édité par Auguste Boissier)
- Divers articles d’Emile Haraszti dans la Revue de Musicologie (Les origines de l’orchestration chez Liszt, 1953), la Revue Musicale (Liszt à Paris, choix de textes inédits, 1936) et la Revue d’histoire diplomatique (Deux agents secrets de deux causes ennemies : Franz Liszt et Richard Wagner 1953)
Ouvrages romanesques et poétiques
- Béatrix, Honoré de Balzac (édition Gallimard in GF ou dans la Pléiade)
- La Vie de Liszt est un roman, Zsolt Harsanyi (éd. Acte-Sud)
- L’Allemagne en octobre 1849 in Strophe supplémentaires, Henri Heine (éd. Akademie Verlag et C.N.R.S)
Iconographie
- En plus des portraits reproduits ici, il existe une sculpture de Jean-Pierre Dantan, datée de 1836 (Paris, Musée de la musique, numéro d’inventaire E.986.1.9 — déposée par le Musée Carnavalet). Ce portrait charge représente Liszt de dos au piano, avec des doigts immenses et largement écartés. Il existe deux versions de cette sculpture une sans sabre et une avec sabre. Lors d’une tournée en Hongrie, en décembre 1839, la ville de Pest décerna à Listz un sabre d'honneur. Jean-Pierre Dantan ajouta donc vers 1840 un sabre à ce portrait charge.
Liens externes
- (fr) musicologie.org Biographie, catalogue des oeuvres, bibliographie, discographie, iconographie, documents et partitions à télécharger
- (fr) gallica.bnf.fr Iconographie.
Notes et références
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