La gabelle est une
Taxe sur le
sel ayant existé en
France au
Moyen Âge et à l'époque moderne. C'était alors l'une des
Aides ou taxe indirecte.
Le mot vient de l'Italien gabella (« taxe »), lui-même venant peut-être de l'Arabe qabāla. Les gabelous se chargeaient de la récolte de la gabelle.
Principe
Le principe général est le suivant : le
sel fait l'objet d'un
Monopole royal. Il est entreposé dans des greniers à sel, où la population l'achète déjà taxé. La gabelle représente, à l'époque moderne, environ 6% des revenus royaux.
Le sel fut longtemps le seul moyen de conserver les aliments et était donc un élément stratégique. Avec le sel, on fabriquait des salaisons et l'on séchait poissons et viandes douces. Il était également un composant nutritif indispensable pour le bétail. Enfin, il fut sous l'Ancien Régime utilisé comme monnaie d'échange et il possédait même une fonction de Salaire, dont on retrouve le sens étymologique dans salarium en Latin qui signifiait « ration de sel » puis, par extension, la pratique du traitement, du salaire à l'époque romaine.
Histoire en France
Déjà instituée comme une taxe temporaire par saint
Louis en
1246, puis reprise par Philippe IV le Bel en
1286, la gabelle devient une taxe permanente sous Philippe VI de Valois qui la généralise dans tout le royaume. En
1343, par ordonnance du roi, le sel devient un monopole d'État.
La gabelle est abolie par l'Assemblée nationale constituante le 1er décembre 1790. Mais l’impôt sur le sel réapparut néanmoins en 1806, sous Napoléon Ier, et il ne fut supprimé définitivement que par la Loi de finances de 1946.
Recouvrement
Comme pour beaucoup de taxes et impôts royaux, la gabelle est souvent « affermée », c'est-à-dire confiée à des intermédiaires (les fermiers) qui avancent son produit au roi, à charge pour eux de recouvrer les sommes dues par la population.
Affermé depuis 1578, Colbert confie le recouvrement de l'impôt sur le sel à une compagnie de traitants : La Ferme ou Gabelle, souvent aussi intitulé Ferme du Roi. Il crée un seul et unique établissement financier en remplaçant les greniers à sel. Dans chaque province, des Fermiers généraux, dirigeant des employés contrôleurs : les gabelous administrent leur circonscription. La Ferme paie au Roi une somme fixe et se rembourse ensuite sur les sujets comme bon lui semble. Pour tirer le maximum de profit, la ferme multiplie les visites domiciliaires et utilise tous les procédés vexatoires. Dans les pays de « grande gabelle », le contribuable n'est pas libre d'acheter la quantité de sel qui lui convient : la ferme fixe ce qui doit lui être achetée.
Cette quantité minimale s'appelle le « Sel de devoir pour le pot et la salière ». Les officiers et les établissements charitables jouissent du droit de « franc salé » et achètent le sel sans taxe. Ils peuvent même recevoir la valeur en argent du sel qu'ils ne veulent pas utiliser.
Au début du XVIIIe siècle, on compte 253 greniers dans l'ensemble des régions de grande gabelle dont 110 le long de la Loire.
Pays de gabelle
La perception de la gabelle n'est pas uniforme. Elle dépend des
pays :
- les pays francs, exempts d'impôts, soit parce qu'ils en sont dispensés lors de leur réunion au royaume de France, soit parce que ce sont des régions maritimes : Artois, Flandre, Bretagne, Vendée, Aunis, Basse-Navarre, Béarn ;
- les pays rédimés (ou pays rédimés des gabelles) qui ont, par un versement forfaitaire, acheté une exemption à perpétuité : Poitou, Limousin, Auvergne, Saintonge, Angoumois, Périgord, Quercy, Bordelais, Guyenne ;
- les pays de salines : Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Lyonnais, Dombes Provence, Roussillon ;
- le pays de quart-bouillon. Le sel y est récolté en faisant bouillir le sable imprégné de sel de mer. Les sauneries versent le quart de leur fabrication aux greniers du roi : Cotentin ;
- les pays de petite gabelle, où la vente du sel est assurée par des greniers à sel, mais où la consommation est généralement libre : Dauphiné, Vivarais, Gévaudan, Rouergue, Languedoc ;
- les pays de grande gabelle, on doit y acheter obligatoirement une quantité fixe annuelle de sel, ce qui transforme la gabelle en un véritable impôt direct : Normandie, Champagne, Picardie, Île-de-France, Maine, Anjou, Touraine, Orléanais, Berry, Bourgogne, Bourbonnais.
Exemple
La Croixille, actuellement dans le département de la Mayenne, paroisse du Maine, province de grande gabelle, est limitrophe de la
Bretagne, province de franc salé. L'énorme disproportion entre le prix du sel dans les deux provinces entraînait, sur la frontière constituée par la rivière de la
Vilaine, une contrebande et une guérilla perpétuelle entre les gabelous et les faux-sauniers et ce, malgré les rigueurs de la loi. Lorsque la
Bretagne fut rattachée au royaume de France, ce fut sous la condition que ses privilèges, droits et coutumes seraient inchangés. L'impôt sur le sel ne lui a donc pas été appliqué. C'est ainsi que, quand le sel valait 11 à 13 sols la livre à
La Croixille, il ne valait, dans la paroisse limitrophe qu'un sol. En d'autres termes, le sel se payait, à La Croixille, 55 à 60 livres le minot (environ 50kg) alors que sur l'autre rive de la
Vilaine, en Bretagne, pays franc, il ne valait que 2 à 3 livres.
Cet impôt instaure une séparation radicale entre la Bretagne et l'Anjou et le Maine et amène une contrebande effrénée à chaque frontière de pays franc et de pays de grande gabelle. C'est la création, selon Françoise de Person d'« un pays en marge, celui où la fraude est reine ».
Contrebande
Elle figure parmi les taxes les plus impopulaires et a engendré une
Contrebande spécifique, celle des « faux-sauniers ». Un des faux-saunier les plus connus par le nombre de ses arrestations (ainsi que les autres membres de sa famille) est
Jean Chouan.
Le faux saunier était un contrebandier qui allait acheter, par exemple en Bretagne, sur l'autre rive de la Vilaine, du sel qu'il revendait dans le Maine, après l'avoir fait passer en fraude sans payer la gabelle. Il encourait la condamnation aux galères s'il travaillait sans armes, la peine de mort s'il avait des armes. Entre 1730 et 1743, 585 faux sauniers furent déportés en Nouvelle-France pour aider au peuplement de la colonie[#].
De même, au fil de la Loire, la grande route du sel depuis les marais de l'Atlantique jusqu'au coeur de la France amène une contrebande effrénée sur terre comme sur eau.
Sous Louis XVI, la situation n'avait pas changé. En Bretagne, la livre de sel coûtait au plus un Liard et demi (3/8 sous) quand dans le Maine « pays de gabelle », elle se payait 12 à 13 sous ; d'où la fréquence de la Contrebande ou « faux-saunage ». Les gabeleurs, en bas-mainiot « les gabeleux » étaient les commis de la ferme. Ils étaient notamment chargés de recouvrer la gabelle.
Les chemins de la contrebande pouvaient mener à la misère, la prison, voire les galères. Faux-saunier, à l'imitation d'une population en quête de sa survie, Jean Chouan est le représentant d'un combat contre un régime fiscal inique. À l'époque, le trafic de sel faisait l'objet d'une intense contrebande aux frontières intérieures. On estimait qu'il y avait près de la moitié de la population riveraine des marches de Bretagne qui vivait plus ou moins de ce faux-saunage, soit comme transporteur, receleur ou revendeur.
Soulèvements populaires
Elle est également à l'origine de soulèvements populaires. Le plus important d'entre eux est probablement celui de
1542 à
1548, suite à la tentative d'unification par François Ier des régimes de la gabelle : le
Bordelais, l'
Angoumois et la
Saintonge se révoltent. Des notables et le gouverneur général de
Guyenne sont massacrés. Le
Connétable Anne de Montmorency rétablit l'ordre dans le sang, mais
Henri II doit fléchir et laisser les provinces revenir à leur statut antérieur. Elles seront ensuite qualifiées de « rédimées ».
En 1639, la tentative de suppression du « quart-bouillon » provoqua la Révolte des Nus-Pieds en Normandie.
En 1675, pendant la Révolte des Bonnets Rouges survenue en Bretagne et déclenchée par des mesures fiscales sur le Papier timbré, le tabac et la vaisselle d'étain, la simple évocation de la gabelle peut mettre le feu aux poudres comme fin juillet 1675 au cours du Pardon de Saint-Urlo.
Voir aussi
Liens externes
Sources
Notes