La période des
grandes invasions a bouleversé les bases du monde antique sédentaire et lui a mis un point final : c'est la fin de l'
Antiquité qui se joue entre 400 et 600. On pourrait croire que le nom associé à cette
époque des « grandes migrations germaniques » ou
âge du fer germanique ancien ne concerne que des
Peuples germaniques. Bien que les envahisseurs furent germaniques pour l'essentiel, ce n'est pas restrictif dans cet article (voir
Identification).
Les grandes invasions (ou migrations) Eurasiennes désigne une période autour du Ve siècle de mouvements nomades depuis la Mandchourie jusqu'à l'Irlande. Huns, Avars, Bulgares Germains, Goths ou Vandales rencontrent et déstabilisent les civilisations dites sédentaires, chinoise, indienne, Perse, byzantine, ou romaine. Du point de vue européen, il s'agit surtout des migrations germaniques.
Troublée et charnière, la période soulève plusieurs questions objet de débats entre historiens :
- Une question de termes
- Une question de découpes
Ne sont cités dans cet article que les peuples qui s'établissent sur les terres de l' Empire romain d'Occident en pleine décomposition. Leur sédentarisation sur ces terres, et les pouvoirs locaux qu'ils développent constituent le premier acte fondateur du Haut Moyen Âge.
Une question de terme
Pour décrire cette période, que l'on connaît encore mal, le terme de barbares est fréquemment utilisé. Les Romains et les Grecs appelaient Barbares tous ceux qui ne parlaient pas leur langue et ne partageaient pas leur modèle de civilisation, fondé sur la cité et l'écriture.
Après la chute de l'Empire romain, le clivage essentiel ne passe plus entre civilisés et Barbares, mais entre chrétiens et non-chrétiens. Cependant, les auteurs du Haut Moyen Age emploient encore parfois le terme de "Barbare", par réminiscence classique, pour désigner les populations non ou faiblement christianisées.
- l'historiographie française a introduit les termes de :
- Invasions barbares pour les Grandes invasions
- Temps barbares pour la période de transition
- Royaumes barbares pour les pouvoirs locaux établis
- afin de désigner l'état intermédiaire entre la civilisation gallo-romaine et la société féodale installée.
Si l'on opposait autrefois la France continuatrice du monde gallo-romain, et l'Allemagne violente car issue de Germains mal romanisés, cette vision, émanant de lesprit de revanche développé après la défaite de Sedan, est aujourd'hui dépassée.
Du reste, la déliquescence de la structure impériale que fut la Décadence, perçue par les historiens et ayant mené au triomphe des barbares, exerça une fascination intemporelle en référence à toute entreprise humaine colossale.
Une question de découpes
Corrélée à la question de l'emploi du terme “barbare” se trouve la question des découpes.
- Autant les grandes césures entre Moyen-âge et Antiquité sont reconnues, autant sont floues et objet d'interprétation les dates charnières entre Haut Moyen Âge et Antiquité tardive, certains historiens refusant même d'y entrer en ne les employant pas.
- Également, la découpe en phases pour cette période des migrations est malaisée. On peut, compte tenu de ces réserves historiographiques comme chronologiques, distinguer trois mouvements :
- La phase des invasions barbares au IIIe siècle : on est alors dans l'Antiquité tardive.
Les peuples barbares se
fédèrent au
IIIe siècle. L'
Empire romain doit composer pour assurer sa survie, comme il a su toujours s'adapter dans les différentes étapes de son Histoire. Cette période est contemporaine de l'
Anarchie militaire et laisse le
Limes gardé par les peuples mêmes qu'il était censé contenir lorsqu'édifié par les troupes régulières de la
Légion romaine ; situation dangereuse, mais les Empereurs n'avaient pas d'autre option
(lire l'article sur l'anarchie militaire dans l'Empire romain). La
Gaule est alors secouée par des incursions sporadiques de
barbares. En
242,
253 et
276 apr. J.-C., la
Gaule, l'
Espagne et le Nord de l'
Italie sont dévastés par les
Francs et les
Alamans. Les Saxons font des raids en
Bretagne. Les
Goths, par la mer Noire, font des incursions en
Asie Mineure. La pression des
Arabes et de l'Empire perse
sassanide à l'est, celle des
Maures et des
Blemmyes au sud entraînent l'abandon de nombreux avant-postes.
Rome réussit cependant à repousser les attaques et à intégrer une partie des envahisseurs comme fédérés. Pour se défendre, de nombreuses villes élèvent alors des murailles.
- La phase des Grandes invasions des IVe-Ve siècles : elles provoquent la chute de l'Empire romain en Occident.
Les grandes invasions commencent au IV
e siècle, poussées par un peuple nomade jusque-là inconnu: Les
Huns. Ils détruisent les deux grands royaumes germains orientaux des
Ostrogoths et
Wisigoths. En 375, après avoir traversé le Danube, Les
Wisigoths écrasent l'armée romaine à
Andrinople, ravagent les Balkans et la Grèce, puis passent en Italie. Repoussés une première fois par
Stilicon en 401, ils prennent Rome et la mettent à sac en 408. Rome achète leur départ en leur offrant l'
Aquitaine.
Fuyant eux aussi les Huns, les Vandales, les Suèves et les Alains franchissent pendant l'hiver 406 le Rhin, gelé par un froid exceptionnel. Ce sont alors 150 000 hommes qui envahissent l'Empire romain en déclin par la Gaule. Les Vandales, vaincus en Espagne par les Wisigoths, passent en Afrique du Nord où ils s'établissent en 429. Les Wisigoths étendent leur domination en 412 en Aquitaine, puis en Espagne. En 430, les Francs arrivent en Gaule Belgique. En 437, les Burgondes, installés sur la rive gauche du Rhin, sont chassés par les Huns. Ils s'installent alors autour de Lyon et dans les Alpes. Les Huns cherchent à étendre leur empire vers la Gaule, puis vers l'Italie. Mais la mort de leur grand chef Attila entraîne l'éclatement de l'empire hunnique.
- La phase de sédentarisation du Ve siècle :on entre alors dans le Haut Moyen Âge.
C'est l'objet même de cet article de décrire les premiers royaumes, la plupart éphémères, fondés par toutes ces colonnes de peuples.
Chronogramme
Identification
- Les Huns semaient la terreur sur leur passage et ont contribué à la dislocation de l'Empire romain, par le fait qu'ils ont, par la formation de leur empire éphémère, bousculé les autres peuples dits barbares, qui franchirent les Limes romaines. Leur coalition de peuples hétéroclites rattachés par la conquête à l'aristocratie hunnique se disloque dans le contexte de la Bataille de la Nedao en 454.
- Les Germains sont une mosaïque de peuples se mettant en mouvement
- Voir l'article principal Migrations germaniques.
Article détaillé : .- Il convient de préciser que tous les peuples de Germanie ne se mettent pas à envahir la partie occidentale de l'Empire :
- Les Cimbres et les Teutons sont déjà exterminés avant les invasions du Ve siècle dites « barbares ».
- Peuple fédéré, les Alamans restent implantés sur les terres attribuées au titre du Foedus traité avec les Romains, et leur Royaume alaman reste dans le toponyme de l'Alémanie, identifié plus tard comme exonyme de Deutschland pour le nom français de l'Allemagne.
- D'autres enfin perdent leur identité propre :
- Quades et Marcomans finissent intégrés dans les colonnes de guerriers Suèves lors de la traversée des Pyrénées.
- Sillings et Alains, perdant les membres de leur aristocratie dominante au cours des combats, prêtent serment aux Hasdings lors de leur traversée des Colonnes d'Hercule, l'ensemble formant les Vandales qui partent pour se fixer à Carthage.
- les Hérules sont complètement dispersés lors de cette période ; à ce titre aucun royaume ne porte leur nom.
Culture germanique
Article détaillé : . Article connexe : .Nomades
Huns
Faisant suite à d'autres nomades des steppes,
Scythes,
Sarmates, etc, les Huns pratiquent la même tactique fondée sur la mobilité : des raids rapides, destinés à frapper de terreur les populations, un harcèlement des forces adverses en retardant le plus possible l'attaque finale sur un adversaire épuisé et démoralisé. Progrès important, les Huns utilisent l'arc composite à double courbure. Ce dernier fait l'alliance entre puissance, précision et cadence de tir élevée. Ainsi, les cavaliers des steppes sont capables de transpercer cuirasses et boucliers tout en chevauchant à leur guise sur le champs de bataille, ces deux atouts étant des avantages non négligeables.
Les Huns renversent les royaumes ostrogoth et wisigoth et fondent un empire en Europe, sous le règne d'Attila, regroupant tous les peuples qu'ils ont vaincu dans leur armée. Après une série de campagnes contre les Romains sur le Danube, en Gaule et en Italie, cet empire disparaît soudainement à la mort de son chef en 455, sans s'être sédentarisé.
Alains
Les
Alains ne sont pas un peuple germanique ; ils ont suivi le bouleversement lié à l'arrivée des Huns en
Asie Mineure, puis ont poursuivi leurs mouvements ; cantonnés près d'Orléans en tant que
Peuple fédéré, ils jouent un rôle important à la bataille des champs Catalauniques. Leur cantonnement suivant se situe dans le sillon rhodanien (autour de Valence) au moment de la guerre d'Auvergne menée par le
Royaume wisigoth (lire
Ecdicius).
Tout au long de leur périple ils n'auront pas l'occasion de transformer les lieux de leur sédentarisation en un quelconque royaume stabilisé.
S'ils sont encore alliés des Vandales lorsqu'ils prennent l'Hispanie (s'implantant peu de temps dans Meseta centrale en 411 avant que les Wisigoths ne les en chassent), ils fusionnent avec eux lors des difficultés rencontrées avec l'armée fédérée des Wisigoths mandatée par Rome, perdant chefs et identité au profit des fameux vandales (phénomène de subjugation) ; aussi ne fondent-ils pas de royaume qui conserve leur nom comme toponyme.
Avars
Comme les Huns, les
Avars sont des nomades venus d'Asie orientale, de parenté peut-être
mongole ou
mandchoue. Ils font irruption en Europe centrale après l'éclatement de l'empire des Huns, poussant les
Lombards à émigrer vers l'Italie.
Les Avars apportent eux aussi une nouveauté technique importante : l'étrier, qui améliore leur tenue en selle. Ils font des raids de pillage sur une grande partie de l'Europe, accumulant les trésors dans leur capitale nomade, le Ring avar. Ils sont finalement vaincus par Charlemagne.
Sédentarisation des peuples germaniques
Goths
Article détaillé : .Ostrogoths
Article détaillé : .Les Ostrogoths, soutenus par Anastase, empereur de Byzance, envahissent l'Italie. Ils sont menés par Théodoric qui à sa mort en 526, à réussi à établir un vaste Royaume ostrogoth comprenant l'Italie, la Sicile et la Dalmatie.
Wisigoths
Article détaillé : .
Les Wisigoths envahissent le sud de la Gaule et prennent Tolosa comme capitale ; le nom de Gothie a longtemps été appliqué à la Septimanie, région du Languedoc-Roussillon actuel.
Francs
Article détaillé : .Les Francs subjuguent les gallo-romains et s'installent en Gaule, régnant sur des territoires désunis qui seront nommés Francie par l'Historiographie après des guerres d'expansion.
Les Saliens assimilés depuis plusieurs générations soutiennent les légions romaines, et se battent contre les Huns, tandis que les Ripuaires pillent l'empire déchu.
Partant de Tournai, les Francs saliens sous Clovis unifient les tribus franques de Germanie inférieure, envahissent le nord de la Gaule et la partie gauloise du Royaume wisigoth. À la mort de Clovis, son royaume est divisé entre ses quatre fils, puis se réunifie par la guerre.
Le nom de Francia est employé dès le VIe siècle par Marius d'Avenches pour désigner le royaume franc étendu à la Gaule. A une époque mal déterminée, le nom de "France", au sens étoit, s'est appliqué à la région entourant Paris : d'où des toponymes comme Roissy-en-France.
Une région d'Allemagne centrale, la Franconie, correspond à une marche conquise par les Francs sur les Alamans et les Thuringiens.
Vandales
Article détaillé : .
Les Vandales traversent l'Hispanie. Ils poursuivent leur route vers l'Afrique du Nord à travers la péninsule ibérique. La scission entre Hasdings et Sillings s'achève après la défaite contre les Wisigoths, qui les contraint à reprendre la route vers le sud. Les Alains fusionnent avec eux, l'aristocratie dominante ultérieure des Vandales donnant des rois titrés Rex Wandalorum Et Alanorum. Le premier d'entre eux est Gundéric.
Le cap espagnol de l'ancienne Bétique d'où les Vandales passèrent en Afrique aurait été appelé "cap des Vandales", puis "ras al-Andalus" par les Arabes. Ce serait l'origine du nom d'Andalousie, qui a désigné l'ensemble de l'Espagne musulmane, avant de se restreindre à sa région sud.
Genséric prend Carthage et y établit le royaume vandale d'Afrique (439-536, voir description). Les Vandales prennent goût aux raffinements de la civilisation romaine, et même de la rhétorique. Ce qui ne les empêche pas, au nom de l'Arianisme, de persécuter l'Église latine, fidèle à la doctrine de Nicée.
Formant une aristocratie restreinte, pratiquement toute concentrée dans l'enceinte de Carthage, ils disparaissent pratiquement en tant que peuple lors de la reconquête byzantine.
Suèves
Article détaillé : .Les Suèves s'installèrent dans le nord-ouest de la Péninsule ibérique, dans la Galice actuelle (avec Braga comme capitale). Résistant à l'arrivée postérieure des Wisigoths, leurs terres finirent par être absorbées en 584. À Braga persiste une querelle concernant la Primatie d'Espagne qui remonte à cette époque, les Suèves s'étant convertis avant les Wisigoths à l'orthodoxie du christianisme.
Burgondes
Article détaillé : .- Les Burgondes s'installent en Bourgogne et forment une terre, la Burgondie (ou royaume des Burgondes), concurrente de la Francie. Sa conquête par les mérovingiens entre 534 et 536 est à l'origine du Royaume de Bourgogne, après lequel l'aristocratie dominante burgonde disparaît.
- Les Burgondes laissent également leur empreinte en Sapaudia :
499 :
Clovis s'allie au roi burgonde de Genève,
Godégisèle, qui voulait s'emparer des territoires de son frère
Gondebaud.
Angles, Jutes, Frisons et Saxons
Article détaillé : .Ils partent pour l'île de Bretagne et s'y établissent sur toute la partie occidentale et méridionale; les Romains abandonnent l'île à son sort en 410. Les Anglo-Saxons y fondent les royaumes de l'Heptarchie. Selon l'historiographie anglo-saxonne, l'ensemble de l'île de Bretagne bascule dans les âges sombres, l'unité ethnique celte étant perdue.
Les Saxons restés sur le continent en Saxe (en fait, plutôt l'actuelle Basse-Saxe), forment une vague confédération, tantôt tributaire, tantôt ennemie du royaume franc mérovingien. Certains rattachent cette confédération à la ligue des Thuringes, dont l'existence même relève peut-être de la légende. En tout cas, les Saxons continentaux restent païens et pratiquement indépendants jusqu'à leur soumission par Charlemagne.
Les Frisons établis en Frise sur le continent résistent longtemps à l'évangélisation chrétienne.
Lombards
Article détaillé : .Les Lombards, venus du Nord, s'installent pendant un temps en Pannonie, puis, pour échapper à la menace des Avars, investissent le nord de l'Italie en 571. Leur royaume, autour de Pavie, prendra le nom de Lombardie.
Migrations tardives dans l'Orient byzantin
Les Grandes migrations s'achèvent en Occident par la formation des premiers royaumes au sortir du
VIe siècle, mais l'Empire d'Orient, moins touché par la première vague, est soumis à son tour à d'autres migrations de peuples : les peuples
croate (
620),
hongrois, et
Avars viennent s'installer. Ceux qui conservent un mode de vie nomade instaurent des souverainetés que l'historiographie désigne par le terme d'"empire" pour marquer leur caractère multiethnique, le noyau central nomade régnant sur une nombreuse population sédentaire tributaire.
Les noms des États dépendent aussi du titre du fondateur : par exemple, le khanat bulgare de Pliska établi par Asparoukh en 681.
Les peuples cavaliers forment la noblesse et l'encadrement des envahisseurs, mais la piétaille est largement issue d'un autre groupe de populations, qui, en fin de compte, se stabilisera dans les pays conquis et survivra à l'éclatement des empires nomades : les Slaves.
Voir aussi
Notes et références
..
Bibliographie
- Émilienne Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares. Tome I : Des origines germaniques à l’avènement de Dioclétien. Tome II : De l’avènement de Dioclétien (284) à l’occupation germanique de l’Empire romain au début du VIe siècle. Paris, Aubier-Montaigne, Bibl. historique, 1979, 935 p.
- Émilienne Demougeot, L’Empire romain et les barbares d’Occident (IVe-VIIe siècle), Scripta varia. Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, 420 p. (réimpression en 1989 et 1992).
Liens internes
- Déclin de l'Empire romain d'Occident - Chronologie
Lien externe