Au
XIIe siècle, les
cisterciens créent en observant les pratiques paysannes de véritables fermes modèles et adaptées aux terres locales : les
granges cisterciennes. Il s'agit de domaines ruraux cohérents avec bâtiments d'exploitation et d'habitation regroupant des équipes de
convers spécialisés dans une tâche et dépendants d'une
Abbaye mère. Les granges ne doivent pas être situées à plus d'une journée de marche de l'abbaye, et la distance qui les sépare les unes des autres est d'au moins deux lieues (une dizaine de kilomètres).
Les granges cisterciennes optimisent les capacités de production agricole en introduisant une spécialisation de la main-d'oeuvre. Chaque grange est exploitée par cinq à vingt frères convers (ce qui est un nombre idéal du point de vue de la gestion car au-delà d'une trentaine de personne le simple sentiment de faire partie d'un groupe ne suffit plus à motiver toute la main d'oeuvre à la tâche), au besoin aidés d'ouvriers agricoles salariés et saisonniers.
La production des granges est très largement supérieure au besoin des abbayes qui revendent alors leurs surplus. Ces granges, parfois très importantes (des centaines d'hectares de terres, prés, bois), rassemblent près d'un million d'hectares. Ce système d'exploitation connaît aussitôt un succès énorme. Un siècle après la fondation de Cîteaux, l'ordre compte plus de mille abbayes, plus de six mille granges réparties dans toute l'Europe et jusqu'en Palestine.
Mais la grande efficacité des granges cisterciennes produit des surplus commercialisables. L'économie autarcique des débuts devient commerciale. La montée de nouvelles activités, transformation des produits agricoles, travail du fer, mainmise sur le sel comtois, est prouvée par les exemptions de péages savamment obtenues et les relais urbains mis partout en place. La transformation des cisterciens en décimateurs ordinaires est acquise avant les années 1200.
Notes et références