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Henry Bordeaux est un avocat, romancier et essayiste français, originaire de
Savoie, né le
25 janvier 1870 à
Thonon-les-Bains (
Haute-Savoie) (qui s'appelait alors Thonon) et mort le
29 mars 1963 à
Paris.
Biographie
Avocat à la suite de son père, Henry Bordeaux fut inscrit, après ses études de droit à Paris, au
Barreau de Thonon (1889), mais il ne tarda pas à se tourner vers l'écriture. Sa carrière d'écrivain s'étale de 1887 (premier poème publié
Rebecca, récompensé par l'
Académie de Savoie) à 1960, année de son dernier livre (
Le Flambeau Renversé).
Henry Bordeaux est l'auteur de plus de deux cents ouvrages (romans, nouvelles, biographies…, cf la bibliographie dans les liens) qu'il rédigea, pour la plupart, dans sa maison du Maupas, à Cognin (73). Henry Bordeaux est issu d'une famille catholique et royaliste qu'il décrit notamment dans La Maison (1912) et dans Le Pays sans ombre (1935). Son enfance est notamment bercée par l'espoir qu'a sa tante Dine de l'accession au trône du comte de Chambord (« J'appartiens à une famille qui a toujours marché à l'avant-garde du parti monarchique et conservateur »).
Peu à peu, suite au ralliement officiel de l'Église à la république (1892) et de l'édification de la doctrine sociale de l'Église, Henry Bordeaux devient républicain. En 1893, à la demande du Comité de la droite républicaine de Savoie, il prend la direction du journal Le Réveil de Savoie destiné à défendre la candidature de Me François Descotes au poste de député de Chambéry, sans succès.
Les idées politiques de Henry Bordeaux, qui s'affinent dans le temps et dans ses écrits, sont proches du catholicisme social de Frédéric le Play ou d'Albert de Mun, relais politique du ralliement à la République.
Henry Bordeaux fut témoin, et parfois acteur, de périodes importantes tant au niveau historique (1re guerre mondiale, mouvements sociaux des années 30, 2e guerre mondiale) qu'au niveau de l'évolution des moeurs (modification de la place occupée par les femmes dans le couple et dans la société, amélioration des conditions de vie des ouvriers…). Ce souci de l'engagement concret dans son époque se retrouve dans toute son oeuvre.
Cette oeuvre a souvent pour cadre la Savoie : Chambéry (Les Roquevillard), la vallée de la Maurienne (La Maison morte, La Nouvelle Croisade des enfants), La Chartreuse du Reposoir, le Chablais (La Maison, Le Pays sans ombre)…
Les romans d'Henry Bordeaux sont baignés des valeurs traditionnelles, dans la lignée de René Bazin ou surtout de Paul Bourget, qu'il reconnut longtemps pour « maître » et dont il se différencia un peu sur le tard (lire Paul Bourget intime, Revue des Deux Mondes, 1952).
« Ma vocation littéraire se confond avec mes années de collège ». À l'âge de 16 ans, après avoir obtenu son baccalauréat à Chambéry, Henry Bordeaux part pour Paris afin d'y suivre des études de droit et de littérature. Il y rencontre notamment Alphonse Daudet et son fils Léon, François Coppée, Verlaine, Léon Bloy.
Après quelques oeuvres de jeunesse d'esprit plus large (tel L'Amour qui passe, aussi connu sous le titre La Fée de Port-Cros ou La Voie sans retour où l'on retrouve un parfum de Pierre Loti), et une courte période dreyfusiste, Henry Bordeaux s'oriente vers des types de personnages (hommes ou femmes) dont les positions morales traditionnelles et chrétiennes trouvent leur expression dans un engagement concret dans la vie quotidienne; engagement que lui-même résume dans la longue préface (1905) qu'il joindra à son roman La Peur de Vivre (1902).
Bien que les personnages de ses romans soient dépositaires et gardiens des valeurs traditionnelles en France, ils sont aussi parfois impliqués dans l'expansion de l'influence française dans le monde (religieux, industriels, militaires), à l'image des membres de sa propre famille.
À la fin des années 1930 (les années du Front populaire), Henry Bordeaux prend clairement position pour l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres (logement, hygiène, santé, alimentation) dans ses romans Le Remorqueur, Crimes Involontaires - conditions de vie qu'il met en parallèle avec le luxe, les travers et les hypocrisies de la noblesse et de la grande bourgeoisie.
À la veille du conflit, il entreprend un voyage en Allemagne qui lui permet de jeter un regard sur ce qu'est devenue l'Allemagne, en proie à l'idéologie nationale-socialiste. Il dressa lucidement de la nouvelle Allemagne, étonné de son redressement et réprouvant la mainmise du nouveau pouvoir sur les esprits ("Ce que j'ai vu en Allemagne", Revue des Deux-Mondes, 15 juil. 1939, p. 317 sq. et Les étapes allemandes sorti de presse en 1940, regroupant divers articles sur l'Allemagne écrit de 1919 à 1939).
La fin de la Seconde Guerre mondiale marque cependant une rupture dans la carrière de Henry Bordeaux qui avait pris position pour le maréchal Pétain, ami depuis la première guerre mondiale (Les murs sont bons, 1940), et qu'il rencontre jusqu'en 1943. Peu après la fin de la guerre, en septembre 1945, il aurait été inscrit sur la liste d'épuration du Comité national des écrivains pour en être rayé en octobre. En octobre 1954, Le Général de Gaulle lui dédicacera son livre 'Mémoires de guerre : L'Appel, 1940-1942' en ces termes : "A Mr. Henry Bordeaux dont l'oeuvre a tant nourri mon esprit et mon sentiment".
Fidèle en amitié, Henry Bordeaux prend la défense de Charles Maurras lors du procès de ce dernier, en janvier 1945, puis, le mois suivant, lors de la scéance de l'Académie française lors de laquelle est prononcée la vacance du fauteuil de Charles Maurras. Il fut un artisan actif (notamment par ses courriers) de la grâce présidentielle accordée à Charles Maurras par le président Vincent Auriol.
Après la guerre, les idées et les valeurs traditionnelles défendues dans ses romans vont devenir de plus en plus anachroniques. Son « oeuvre accomplie », Henry Bordeaux commence la rédaction de ses Mémoires.
Dans La lumière au bout du chemin (1948), il revient sur son passé en nous faisant rencontrer, comme en un parcours initiatique, « les personnages réels qui (de 1900 à 1915) ont agi sur les cerveaux et les coeurs ou sur la marche des événements » : Bergson, Jean Jaurès, Déroulède, Mistral, Barrès, Maurras, Péguy, Psichari.
À la fin de sa vie (à plus de 90 ans), Henry Bordeaux s'étonnait de constater que le monde se détournait des chemins qu'il avait tracés.
Il fut un ardent admirateur de Jules Barbey d'Aurevilly. Outre de nombreux Essais historiques tels que Les Amants de Genève et de nombreuses biographies (Bayard, Guynemer, saint François de Sales…), Henry Bordeaux a écrit aussi des romans proches des romans policiers (Murder Party 1930) ou inspirés de ses voyages (Yamilé sous les cèdres).
Il avait été élu membre de l'Académie française en 1919, à l'âge de 49 ans. Dans Quarante ans chez les Quarante, il raconte ses souvenirs d'académicien.
Son oeuvre est à la fois une des plus riches mais certainement aussi l'une des plus lues du XXe siècle ; plusieurs de ses romans se vendirent à plus de 500 000 exemplaires, et certains ouvrages furent traduits en plusieurs langues. Il participa pendant de longues années à la Revue des Deux Mondes. Pendant près de 60 ans, Henry Bordeaux, aujourd'hui oublié, fut l'un des romanciers français les plus populaires.
Henry Bordeaux est inhumé au cimetière de Cognin (73).
OEuvres
Nouvelles
- Le Pays natal (1900)
- La Peur de vivre (1902)
- La Petite mademoiselle (1905)
- Les Roquevillard (1906)
- Les Yeux qui s’ouvrent (1908)
- La Croisée des chemins (1909)
- La Robe de laine (1910)
- La Neige sur les pas (1911)
- Amants de Genève (1912)
- La Maison (1913)
- La Jeunesse nouvelle, Deux héros de vingt ans (1915) dont l’un est le saint-cyrien Décluy.
- La Résurrection de la chair (1920)
- Yamilé sous les cèdres (1923)
- La Chartreuse du reposoir (1924)
- La Revenante (1932)
- L'Intruse (1936)
Études critiques
Mémoires
- Un coin de France pendant la guerre - Le Plessis de Roye (2 août 1914 - 1er avril 1918)
- Histoire d’une vie (13 volumes, 1951-1973)
Citation
- « La peur de vivre c'est de ne mériter ni blâme ni louange. C'est le souci constant, unique, de sa tranquillité. C'est la fuite des responsabilités, des luttes, des risques, de l'effort. C'est d'éviter avec soin le danger, la fatigue, l'exaltation, la passion, l'enthousiasme, le sacrifice, toutes actions violentes et qui troublent et dérangent. C'est de refuser à la vie qui les réclame sa peine et son coeur, sa sueur et son sang. Enfin, c'est de prétendre vivre en limitant la vie, en rognant le destin. »
- Préface à La peur de vivre (1905)
« Pour l'âme que votre âme m'a donnée, soyez bénie, ma mère. »
Notes et références de l'article
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- (fr) Voir - Bibliographie sur Henry Bordeaux(271 titres répertoriés, en comptant les préfaces).
- (fr) Voir - Notice biographique de l'Académie française.