Henry Kissinger (né Heinz Alfred Kissinger le
27 mai 1923 à
Fürth,
Allemagne) est un
diplomate américain. Prix Nobel de la paix en 1973, il était Conseiller à la sécurité nationale (États-Unis) et a aussi occupé le poste de Secrétaire d'État des gouvernements républicains de
Richard Nixon puis
Gerald Ford.
Promoteur de la Realpolitik, il joue un rôle important dans la Diplomatie américaine au cours de la Guerre froide de 1968 à 1977. Il inspire la politique de la détente avec l’URSS et joue un rôle crucial dans le rapprochement avec la Chine à partir de 1971.
Figure médiatique pendant ses fonctions, sa politique étrangère lui crée de nombreuses inimités, aussi bien du côté de la gauche pacifiste que de la droite anticommuniste. Personnage controversé et cible de critiques de la presse internationale et des association humanitaires, la justice de nombreux pays souhaite aujourd’hui l’interroger. Pour ces raisons, il limite ses voyages à l’étranger.
Histoire
Les années de formation
Henry Kissinger est né à
Fürth (dont il est devenu citoyen d'honneur et supporter de l'équipe de
Football), en
Allemagne dans une famille juive. En
1938, sa famille, fuyant les persécutions
nazies (plus d'une dizaine de ses membres disparaîtront dans les
camps d'extermination) part pour
New York. Il est naturalisé américain le
19 juin 1943.
Écolier à Manhattan, et ne perdant pas son accent allemand, il suit l'école la nuit pour travailler dans les usines le jour. En 1943, il est engagé comme interprète allemand dans l'armée américaine et pour les services secrets. Selon certains, il aurait alors été un espion soviétique sous le nom de code Bor. Après la guerre, il est nommé administrateur d'une petite ville allemande.
En 1954, il devient docteur en Science politique à l'Université Harvard, sa thèse sur la Diplomatie entre 1812 et 1822 (A World Restored: Metternich, Castlereagh, and the Problems of Peace 1812–22) étant réputée la plus longue de l'histoire de l'université. Il y devient alors professeur au département des études gouvernementales.
Ayant une grande ambition politique, il entretient des relations avec Nelson Rockefeller et conseille occasionnellement Dwight Eisenhower, John Fitzgerald Kennedy et Lyndon Baines Johnson. Alors que Richard Nixon est le favori de l'élection de 1968, Kissinger devient son conseiller. Du point de vue théorique, c'est un fervent partisan de la realpolitik, comme il l'expose dans son oeuvre majeure, Diplomacy, parue en 1995. Il y oppose le réalisme politique à l'idéalisme wilsonien dont les néo-conservateurs sont les héritiers.
Il fut administrateur de Rockefeller Brothers Fund et de Gulfstream Aerospace, ainsi que le créateur de Kissinger Associates.
Administration Nixon
Lorsque Richard Nixon prend ses fonctions, Henry Kissinger est nommé conseiller à la Défense nationale, en 1969, puis en 1973
Secrétaire d'État.
Dans l'équipe de Richard Nixon, Henry Kissinger met au point la politique de la
détente avec l'Union soviétique. Il négocie ainsi le traité SALT I limitant le nombre de bombes nucléaires des deux superpuissances. De même, en juin et en octobre 1971, pour la première fois, il entre secrètement en contact avec la Chine communiste puis accompagne Nixon lors de sa visite officielle (la première d'un président américain) en 1972. Des documents récemment déclassifiés montrent qu'il était alors fortement question de
Taiwan.
Ayant promis lors des élections de 1968 une issue rapide au problème de la Guerre du Viêt Nam, Nixon et Kissinger doivent faire face à une escalade du conflit. Celle-ci est marquée par la décision (à laquelle Kissinger participe) de bombarder illégalement des positions (elles-mêmes illégales) du Việt Cộng au Laos et au Cambodge. À la suite des Accords de Paris du 23 janvier 1973, jetant les bases du retrait américain du Viêt Nam, il reçoit le prix Nobel de la paix conjointement avec le Vietnamien Lê Đức Thọ, pour le travail réalisé pour les accords de paix au Viêt Nam.
En 1973, il joue un rôle important dans la fin de la Guerre du Kippour en négociant le Cessez-le-feu entre Israël et l'Égypte.
Selon plusieurs ouvrages, comme Les Crimes de M. Kissinger du journaliste iconoclaste Christopher Hitchens, Kissinger aurait une responsabilité dans le coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili dirigé par le général Pinochet contre le gouvernement de Salvador Allende. Des éléments déclassifiés ont plus tard montré que la CIA avait soutenu un projet de coup de force en 1970, mais Kissinger affirme que les États-Unis ne fomentaient plus de tels projets en 1973 et qu'ils n'ont pas eu de rôle dans le putsch de 1973 sans que cette affirmation ait jamais été démentie.
En dépit d'accusations sur des liens jugés trop serrés avec des pays étrangers, Kissinger est alors l'un des rares personnages de l'administration Nixon à être réellement populaire. Il n'est pas mis en cause lorsqu’éclate le scandale du Watergate, gagnant ainsi une réputation d’« homme propre » (clean man).
Administration Ford
À la suite de la démission de Richard Nixon, Henry Kissinger reste à son poste de Secrétaire d'État mais quitte celui de conseiller à la Défense nationale, sous l'autorité du nouveau président Gerald Ford en 1974.
En décembre 1975, Gerald Ford et Henry Kissinger, rencontrent le président de l'Indonésie Soeharto. Ils auraient approuvé, à la suite de la déclaration d'allégeance de 4 parties du Timor oriental à l'Indonésie, l'imminente annexion par celle-ci de ce territoire, en vue d'unifier l'île de Timor, dont les Indonésiens possèdent déjà l'autre moitié. Cette annexion conduisit au massacre de 200 000 habitants par les soldats indonésiens. Kissinger a toujours affirmé son ignorance à l'égard de cette invasion, à l'encontre de documents soutenant le contraire.
En 1976, Kissinger revient sur la politique de détente avec les régimes « blancs » d'Afrique (établie en 1969). En échange d'une relaxation des relations avec l’Afrique du Sud sur les questions relatives au Sud-Ouest africain/Namibie et à l’Apartheid, il se rend à Pretoria où il demande à John Vorster, le premier ministre sud-africain, de faire pression sur Ian Smith, le premier ministre de Rhodésie afin d’obtenir de lui le retour à la légalité internationale et l’application du principe de majorité One man, one vote (« Un homme, un vote ») en Rhodésie. Il obtint partiellement gain de cause et en septembre 1976, Ian Smith cède sur le principe du gouvernement par la majorité noire, ouvrant ainsi la voie à une solution politique en Rhodésie.
La victoire du démocrate Jimmy Carter aux élections présidentielles de novembre 1976 ne lui permet pas alors de poursuivre les négociations en vue d'un règlement négocié (elles seront reprises par son successeur Cyrus Vance et déboucheront sur un échec).
Henry Kissinger quitte son poste de Secrétaire d'État en janvier 1977.
Influence ultérieure
Par la suite, Henry Kissinger joue un rôle relativement mineur dans les gouvernements américains qui suivent (ayant de mauvaises relations avec George Bush), participant à de nombreux groupes politiques, des commissions, etc. Il exprime régulièrement son point de vue en tant que consultant ou lors de discours, d'articles ou de livres.
En 2002, George W. Bush le nomme à la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, qu'il doit quitter à la suite de dissensions avec les démocrates.
Accusations
En sa qualité de responsable des affaires internationales des États-Unis, chargé de défendre les intérêts internationaux de ce pays, Henry Kissinger a été la cible d’accusations.
Coup d’État au Chili
Il est cité comme témoin dans des enquêtes sur des
crimes de guerres par des juges au
Chili et en
Espagne, au sujet du coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili. Henry Kissinger aurait alors déclaré : « Nous n'allons pas laisser un pays basculer dans le communisme à cause de l'irresponsabilité de ses citoyens ». Kissinger n'a pas déféré aux requêtes de ces juges et les a invités à s'adresser au département d’État des États-Unis. L'hostilité des États-Unis au gouvernement de l'
Unité Populaire au Chili ne faisait aucun doute.
L'intervention dans le coup d'État est controversée. Par exemple selon le journaliste et écrivain Christopher Hitchens : « Nous pouvons affirmer, sans crainte d'être démentis, qu'il est coupable, prima facie, d'intervention directe dans le meurtre d'un officier supérieur d'un pays pacifique et démocratique. » (à propos du meurtre du général Schneider).
Guerre du Viet Nam
Plusieurs essais lui reprochent la première phase du
Bombardement secret du
Cambodge par les États-Unis, de 1969 à 1975, lors de la
Guerre du Viêt Nam. On est même allé jusqu'à lui imputer la mort de 200 000 personnes. La neutralité du Cambodge avait été violée de longue date par les convois nord-vietnamiens empruntant la « piste Ho-Chi-Minh », à travers des forêts peu peuplées, pour ravitailler le Viêt-Cong au Sud-Vietnam. Les Américains, en guerre contre le Viêt-Cong, bombardèrent ces convois lors de leur passage illégal à travers le Cambodge.
Invasion du Timor oriental
On lui a de même reproché son soutien formel au président
indonésien Suharto durant l'invasion du
Timor oriental par ce pays, entraînant par la suite 200 000 morts. Kissinger se serait exclamé à propos du président Suharto : "c'est peut-être un fils de pute, mais c'est le nôtre". (
"He may be son of a bitch, but our own son of bitch")
Opération Condor
Des documents déclassifiés par la CIA et publiés par la National Security Archive à partir de 2001 prouvent le soutien des
États-Unis à l’
Opération Condor qui a eu lieu tout au long des années 1970. Cette opération, organisée entre les dictatures sud-américaines, consistait en l'élimination physique des opposants politiques « subversifs » (initialement
Chili,
Argentine,
Uruguay,
Paraguay,
Bolivie et
Brésil, puis ensuite aussi
Équateur et
Pérou). Les victimes ont été traquées dans le monde entier, sans se limiter au sous-continent sud-américain.
Kissinger étant conseiller à la Défense nationale de 1969 à 1974, ainsi que Secrétaire d'État de 1973 à 1977, il est probable qu'il ait été au minimum informé de l'Opération Condor. Ses rapports diplomatiques étroits de l'époque avec les gouvernements des dictatures concernées le placent en première ligne des personnalités politiques états-uniennes accusées d'avoir soutenu l'opération Condor, même si aucun lien formel n'a jusqu'ici été prouvé entre Kissinger et cette campagne d'assassinats de grande envergure.
Ouvrages
- Diplomatie, Fayard, Paris, 1996, 860 pages, ISBN 2-213-59720-0
- A World Restored: Metternich, Castlereagh and the Problems of Peace 1812-22. Boston: Houghton Mifflin, 1957 (thèse de doctorat)
- À la Maison Blanche, 1968-1973, 2 vol. Fayard, Paris, 1979.
- Les Années orageuses, 2 vol. Fayard.
- La Nouvelle Puissance américaine, 2003.
Bibliographie
- Les Crimes de monsieur Kissinger de Christopher Hitchens, éditeur : Saint-Simon (9 mai 2001), 203 pages, ISBN 2951659709 [#]
- Larry Berman, No peace, no honor. Nixon, Kissinger, and Betrayal in Vietnam. New York, NY, Free Press 2001. ISBN 0-684-84968-2
- Stephan Fuchs, Dreiecksverhältnisse sind immer kompliziert. Kissinger, Bahr und die Ostpolitik. Hamburg, Europäische Verl.-Anst., 1999. ISBN 3-434-52007-4.
- Jussi Hanhimäki, The Flawed Architect. Henry Kissinger and American foreign policy, Oxford, Oxford University Press, 2004. ISBN 0-19-517221-3
- Seymour Hersh, The Price of Power: Kissinger in the Nixon White House, 1983.
Films
- Nixon
- 9 m 11s 01 september 11, court métrage de Ken Loach sur un exilé chilien vivant à Londres.
- On le voit aussi parodié dans un épisode de la saison 2 des Simpsons
- Il apparaît dans le documenteur Opération Lune.
Musique
- Henry Kissinger de l'album Monty Python's Contractual Obligation ou de l'album Monty Python Sings.
Citations
- « Le pouvoir est le plus puissant des aphrodisiaques. » (The Guardian - 28 Novembre 1976)
- « Nous procédons à l'illégal sur le champ, l'anticonstitutionnel prend un petit peu plus de temps. » (New York Times - Octobre 28 1973)
- « Je ne vois pas pourquoi il faudrait s'arrêter et regarder un pays devenir communiste à cause de (due to the) l'irresponsabilité de son peuple. » (Extrait d'un discours prononcé à l'occasion de l'élection de Salvador Allende.)
Anecdote
Henry Kissinger a révélé dans une entrevue donnée dans le numéro de mai 1973 du magazine
Games & Puzzles que
Diplomacy était son jeu favori.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Notes