L’
histoire du Chili peut se diviser en douze périodes
historiques. Ces périodes couvrent l'intervalle de temps qui va depuis le début du peuplement humain sur le territoire de l'actuel
Chili (vers 10 500 av. J.-C.) jusqu'à nos jours.
Selon la théorie du passage des hommes par le Détroit de Béring à travers le « pont de Beringia », durant la dernière glaciation connue sous le nom de Wurm par les Européens et comme Wisconsin par les Américains, chilien situé dans la partie méridionale de l'Amérique du Sud et en la zone Ouest, sur l'Océan Pacifique. Elle a été la dernière zone d'Amérique à être peuplée.
La glaciation Wurm-Wisconsin, a durée environ 50 000 ans. Selon les scientifiques, le « pont de Beringia » a pu être traversé pendant 4 000 ans durant sa première période et 15 000 ans durant la dernière glaciation. À partir de là, l'homme se dirige vers le sud du continent vers le territoire de l'actuel Argentine et Chili.
Civilisations précolombiennes
Le territoire de l'actuel
Chili, le moins peuplé du
Continent américain, a été habité par diverses ethnies
amérindiennes avant l'arrivée des
Espagnols. Au début, comme société primitive, les amérindiens étaient organisés en tribus nomades. Puis peu à peu ces populations découvrent l'agriculture et se sédentarisent. Les découvertes
archéologiques les plus anciennes du
Pays se trouvent à Monteverde, près de
Puerto Montt et datent de 10 500 av. J.-C. Certaines recherches effectuées à la cueva Fell, un gisement archéologique de
Terre de Feu (le lieu le plus austral du pays), indiquent que la présence humaine remonte à 7 000 av. J.-C.
Les changements Climatiques du septième millénaire av. J.-C., ont brutalement changé les habitudes des paléoindigènes chiliens qui ont dû s'adapter. Au Désert d'Atacama beaucoup d'espèces disparaissent et l'Océan Pacifique délimite les côtes actuelles. Ces amérindiens ont dû s'adapter à un climat plus chaud qu'auparavant. Beaucoup d'amérindiens du nord se sont dirigés vers les côtes et la vallée centrale. Ainsi, se forment les principaux groupes amérindiens chiliens: atacamas y aymaras; dans le grand nord, diaguitas au petit Nord; les changos sur la côte septentrionale; la grande famille mapuche sur la vallée centrale jusque le seno de Reloncaví et les tehuelches, chonos, alacalufes, Onas et yaganes en Patagonie.
Diverses recherches montrent que les premières populations ayant habité le pays seraient arrivées vers 35 000 ans av. J.-C., période du Pléistocène pour le site préhistorique de "Monte Verde I" et vers 15 000 ans av. J.-C. pour le site de "Monte Verde II" (fin du Pléistocène et début de l’Holocène (vers la fin du paléolithique supérieur). Le Chili préhispanique était peuplé par divers peuples amérindiens qui s’étaient installés à la fois dans la cordillère des Andes et sur la côte. Dans la zone nord du pays, les Aymaras et les Atacaméniens commencèrent vers le XIe siècle de notre ère à cultiver la terre à la façon des Incas (culture en terrasse à flanc de montagne avec diverses canalisations). Au XVe siècle, les Incas ont pris possession du territoire de l’actuel Chili jusqu’au fleuve Maule. Au sud de l’Aconcagua, des communautés semi-nomades comme les Mapuches étaient installées. Dans la zone australe du pays, divers peuples amérindiens ont vécu comme les Chomos, les Tamanas, Alacafuches et Onas. Dans l’île de Pâques se développa une culture polynésienne éteinte de nos jours.
Côté Pacifique, différentes cultures et peuples coexistaient : Aymaras, Changos, Chinchorros, Atacameños, Diaguitas dans le nord ; les Picunches, Mapuches, Huilliches, Chonos dans la région centrale et sud ; et les Onas, Yaganes et Alacalufes dans la Patagonie et la Terre de Feu. Les Mapuches ont formé la communauté la plus nombreuse . Durant le XVe siècle la Culture des peuples pueblos indigènes a été influencée par l'expansion de l'Empire Inca au nord de l'actuel territoire chilien. Le Sapa Inca Pachacutec, aidé par les los Sapa Incas Tupac Yupanqui et Huayna Capac. Ces derniers ont avancé vers le sud aidés par les peuples aymaras , atacameños, diaguitas et picunches. Ils ont établi finalement la frontière méridionale de l'Empire Inca au Nord du fleuve Maule.
Découverte des Espagnols
Article détaillé : . À l'arrivée des Espagnols, le territoire qui deviendra le Chili était habité par des centaines de milliers d'Amérindiens appartenant à des cultures différentes. Les Amérindiens vivaient principalement de l'
Agriculture et de la
Chasse.
Les premiers Européens à découvrir le territoire de l'actuel Chili ont été les membres de l'expédition conduite par le Portugais Fernand de Magellan à l'initiative de Carlos I, roi d'Espagne. Parti de Sanlúcar de Barrameda le 26 septembre 1519 Magellan a reconnu une grande partie des côtes du Brésil et de l'Argentine, puis a découvert le détroit qui porte son nom et qui relie le Pacifique avec l'Océan Atlantique, le 1er novembre 1520, date importante de l'histoire chilienne.
Cependant, le premier explorateur à découvrir une grande partie du Chili a été Diego de Almagro, et Francisco Pizarro lors de la conquête du Pérou. Les disputes qui ont eu lieu avec Pizarro pour le partage des richesses de l'Empire Inca, principalement pour la possession de Cuzco les ont amené à conquérir les terres du Sud. Almagro part de Cuzco en Juillet 1535. Beaucoup d'historiens croient qu'une des raisons du voyage d'Almagro était la rumeur de l'existence d'un royaume plus riche que le Pérou. Ceci a permis aux Conquistador de tenter de trouver d'autres richesses et ainsi de provoquer une rébellion des amérindiens.
En prenant le camino del Inca ( chemin traversant des territoires correspondants aux territoires de l'actuelle Bolivie et du nord de l'Argentine), Almagro traverse la cordillère des Andes avec de funestes résultats. En effet, une grande partie des explorateurs meurent d'Hypothermie. Après plus de deux mois de traversée, Almagro arrive finalement dans la vallée de Copiapó, le 21 mars 1536.
Almagro a organisé la reconnaissance du territoire sous la gouvernance de la Nueva Toledo (comme avait été appelé le territoire au conquistador pour partie au monarque hispanique), sans trouver les richesses tant recherchées. La bataille de Reinohuelén entre les indigènes et une des patrouilles, est considérée comme étant la première bataille dénommée guerre de Arauco. Déçu et fatigué du voyage, il décide de retourner au Pérou en 1536 en prenant la route Arequipa allant vers Cuzco où il s'est rebellé contre Pizarro.
La domination espagnole
La Conquête
En 1531 les conquistadors conquirent le Pérou, qui appartenait aux Incas. Diego de Almagro, qui avait participé aux luttes contre les Incas, fut envoyé par Pizarre dans une mission d'exploration au-delà du terrible désert du sud du Pérou en 1535. Cette mission se heurte à la farouche résistance des Araucans de la tribu des Mapuches. Almagro se voit contraint de battre en retraite, mais de retour au Pérou, il est condamné à mort par Pizarre pour cet échec. Une nouvelle expédition est envoyée avec à sa tête Pedro de Valdivia en 1540 et 1541. Elle compte 175 Espagnols et un grand nombre de supplétifs amérindiens. Elle contourne les Araucans par la mer, fonde le 12 février 1541 la ville de Santiago puis soumet la région à la domination espagnole. L'installation de colonies permanentes espagnoles peut alors commencer.
Valvidia meurt en 1553 lors d'un combat avec les Araucans, mais le mouvement de colonisation est lancé. Les soldats reçoivent autorité sur de vastes territoires avec les Indiens qui y vivent, à charge pour eux de les protéger et de les évangéliser, ce dont ils s'acquitteront fort mal. C'est le principe de l'Encomienda sur lequel s'est bâtie la colonisation de l'Amérique espagnole.
Les Espagnols n'y découvrirent pas les immenses quantités d'or et d'argent qu'ils espéraient, mais ils se rendirent compte des atouts que la zone pouvait représenter en matière d'agriculture. Le Chili fit partie de la Vice-royauté du Pérou.
Colonie hispanique
Article détaillé :
Découverte du Chili En
1520,
Fernand de Magellan est le premier explorateur européen à mettre pied sur le territoire de l’actuel Chili après avoir découvert le détroit qui porte actuellement son nom. En
1535, les
conquistadores espagnols tentent de conquérir le territoire de la
valle de Chile en combattant les Incas. L’expédition de
Diego de Almagro est un échec. Celle de
Pedro de Valdivia effectuée en
1536 est plus convaincante. Valdivia fonde une série de villages comme Santiago du Nouveau Extrême le
12 février 1541 ou
Valdivia en
1545.
Valdivia commence une laborieuse campagne militaire contre les populations indigènes des Mapuches. C’est la guerre d’Arauco qu’Alonso de Ercilla relate avec passion dans son oeuvre La Araucana (en 1576). Pedro de Valdivia meurt en 1553 à la suite d’une insurrection des amérindiens mapuches. Les principales invasions des amérindiens du sud du Chili interviennent de 1598 à 1655. Finalement la période d'histoire connue comme la Colonie, dure pendant plus de deux siècles, durant lesquels s'étend et se consolide la domination espagnole sur le territoire, avec une résistance notable dans le Sud du pays par les mapuches.
Le Royaume du Chili a constitué une Capitainerie Générale avec comme capitale Santiago. Le contrôle effectif du territoire se réduit seulement à la Vallée centrale jusqu'au Fleuve Biobío. Face à la capitainerie générale se trouve les gouverneurs et le capitaine général, dépendant eux même de l'Audiencia royale, présidée par le même gouverneurs (raison pour lequel on le dénomme indifféremment gouverneur ou président). L’Audiencia, en plus de servir le royaume espagnol, a les fonctions de Tribunal de apelaciones du royaume.
Comme toute les capitainerie générale, le chili a une administration spéciale, mais en base de contrôle réciproque, le roi Philippe II donne au gouverneur de la Vice-royauté du Pérou, de mettre en place un système de justice en 1589 qui doit "garder, accomplir et exécuter ses ordres, et lui signaler de tous se qui est pris en considération".À partir de cette norme, les vices-rois voient qu'ils dépendant du roi. Cependant, dans certains cas les relations avec le gouverneur sont directement faite avec le roi et d'autres passent directement avec le vice-roi du Pérou.
La base de la relation est la real cédula précédemment mentionnée, mais, il y a d’autres que perfilaron le type de relation effectif entre la capitainerie et le vice-roi. Par exemple, par la reales cédula, on autorise au vice roi d'intervenir au Chili seulement en cas de « danger et tumulte ». Le vice roi met en place une stratégie militaire dans la guerre d'Arauco (guerre défensive) et, ensuite on ordonne directement au gouverneur du Chili d'implanter des soldats (guerre offensive). Aussi les vices rois peuvent destituer les gouverneurs, mais plus tard ont nie ces pouvoirs.
En 1683, l’Esclavage est aboli et cela permet d’établir des relations plus sereines entre les colons et les mapuches. Par la suite, divers affrontements ont lieu jusque vers le milieu du XIXe siècle pour la possession de terres les plus australes. Durant une longue période, le fleuve Biobio marque la frontière entre le gouvernement colonial et les tribus amérindiennes. La capitainerie générale du Chili (également connue sous le nom de Reino de Chile) est à l’époque une des colonies les plus australes de l’empire espagnol. Du fait de sa position géographique, c’est une colonie stratégique, protégeant le Détroit de Magellan et une colonie économique dont les ressources naturelles étaient extraites pour le compte de la vice-royauté du Pérou.
Indépendance et gains territoriaux
L’indépendance
À partir de 1810, les indépendantistes - s'opposant aux loyalistes espagnols - prennent de l'importance. De
1812 à
1817 c'est un va-et-vient de batailles pour le contrôle de
Santiago du Chili. En
1817,
Bernardo O'Higgins reconquiert Santiago, devient dictateur, ses concurrents sont assassinés. L'indépendance du Chili est déclarée le
12 février 1818.
Ensuite, contrairement aux autres pays d'Amérique latine, le Chili a subi relativement peu de coups d'État et graves troubles sociaux.
Un aventurier français, Orélie Antoine de Tounens se fait proclamer roi d'Auricanie sous le nom d'Orélie Antoine Ier en 1861, organise une armée de 40 000 hommes et déclare la guerre au Chili. Fait prisonnier il est interné puis libéré il reprend la guerre quelques mois en 1869. Les Araucans dont une partie s'étaient réfugiés en Argentine étaient définitivement pacifiés.
Gains territoriaux
Commence ainsi une période connue sous le nom de Patrie ancienne, qui va durer jusqu’au désastre de Rancagua en
1814, quand les troupes royalistes reprennent le contrôle du territoire. Les troupes indépendantistes comptant 6514 soldats se réfugient alors à
Mendoza, unissant leurs forces aux troupes de la province d’
Argentine qui comptaient 2 600 soldats, formant ainsi l’armée des Andes. Cette dernière libère le Chili après la bataille de Chacabuco, le
12 février 1817. L’année suivante, l’indépendance du Chili est déclarée et le pays est placé sous l’autorité de
Bernardo O’Higgins.
Celui-ci entame des réformes qui provoquent un mécontentement de l’Aristocratie, ce qui l’oblige à abdiquer en 1823. Durant dix ans, le Chili est soumis à une série de réformes qui tentent de donner une organisation au pays. Après une série de victoires des conservateurs, avec la révolution de 1829, une période de stabilité commence. Elle est appelée République conservatrice. Le ministre Diego Portales est alors le principal protagoniste de l’organisation du pays grâce à la Constitution de 1833.
Peu à peu, le pays commence à étendre son influence sur le continent et s’étend tant au Nord qu’au Sud. L’économie commence à décoller avec la découverte de minerais de Chañarcillo et la croissance des échanges commerciaux au travers du port de Valparaiso. Cela amène à un conflit pour le contrôle maritime du Pacifique avec le Pérou. La formation de la Confédération péruvienne et bolivienne est considérée comme une menace pour la stabilité du Chili. Ainsi, Portales déclare la guerre qui se termine avec la victoire de la bataille de Yungay en 1839 et la dissolution de la Confédération. Au même moment, le pays tente de prendre le contrôle des régions australes. Il étend son territoire en Araucanie et colonise Llanquihue, Osorno, Valdivia en faisant venir des colons allemands. La région de Magellan est incorporée en 1843 et la zone d’Antofagasta commence à être habitée.
Après trente ans de gouvernement conservateur (1831-1861) commence une période où le parti libéral (la gauche, au sens anglophone du terme) prend possession du pouvoir. À ce moment-là, la croissance économique est exponentielle, grâce à l’exploitation du Salpêtre dans la zone d’Antofagasta. Cette richesse provoque la colère de la Bolivie qui réclame la possession du territoire. Même avec la signature de plusieurs traités en 1866 et 1871, les deux pays ne trouvent pas de solution. Ainsi, le 14 février 1879, le Chili prend possession du port d’Antogasta, déclarant la guerre à la Bolivie. Le Pérou, quant à lui, a préalablement signé un pacte secret avec la Bolivie en cas de conflit avec le Chili. La guerre du Pacifique commence. Elle se termine avec la bataille de Huamachuco le 10 juillet 1883 et la victoire du Chili. Après ce conflit, le Chili prend possession des zones d’Antofagasta et des provinces de Tarapacá, Arica et Tacna (cette dernière est restituée au Pérou en 1929). Le pays résout par la même occasion le problème de frontière avec l’Argentine en cédant une grande partie de la Patagonie et la Puna de Atacama. Enfin, dans le sud du territoire se termine la guerre d’Arauco avec la « pacification » de l’Araucanie en 1881 et l’intégration de l’île de Pâques en 1888.
En 1891, le conflit entre le président José Manuel Balmaceda et le congrès entraîne la guerre civile. Les congressistes remportent la bataille et mettent en place la République parlementaire.
Ces années-là se caractérisent par une période de prospérité économique, par une instabilité politique et le début du mouvement prolétaire appelé Cuestión Social. Ce dernier se met en place à cause de la « mauvaise répartition de la richesse ». Après dix ans de pouvoir de l’Oligarchie, Arturo Alessandri Palma est élu. Il représente le lien manquant mais provisoire entre une élite et les « chers pauvres » (queridas chusmas en espagnol). Malgré cela, la crise continue et Alessandri renonce au pouvoir après avoir promulgué la Constitution de 1925 qui donne naissance à une République de type présidentielle.
République Présidentielle
Crise et Instabilité
Après la victoire du régime présidentiel, Alessandri et Ibañez entrèrent en conflit pour le leadership. Le premier voulait établir un candidat unique pour la Présidence, poste qu’ambitionnait Ibañez. Celui-ci fut appuyé par un manifeste de plusieurs politiciens soutenant sa candidature qui paraissait officielle, malgré le rejet manifesté par Alessandri, produisant la démission de l’entièreté du cabinet. Face à cette situation, Ibáñez publia une lettre ouverte au Président lui rappelant qu’il ne pourrait gouverner qu’avec sa signature, puisqu’il était le seul ministre du cabinet. Ainsi, la gouvernance d’Alessandri était soumise aux décisions d’Ibáñez, ce que le
Lion de Tarapacá ne pouvait supporter : il désigna Luis Barros Borgoño Ministre de l’Intérieur et présenta sa démission irrévocable le
2 octobre 1925 .
Barros Borgoño fut remplacé par Emiliano Figueroa, qui avait été choisi comme candidat de consensus entre les partis politiques pour faire face à la crise politique présente dans le pays. Cependant, Ibáñez réussit à se maintenir comme ministre de l’Intérieur. Figueroa ne put contrôler Ibáñez et finit par remettre sa démission le 7 avril 1927 . Ensuite, face à l'absence de Président, Ibáñez en assuma la charge.
Durant la présidence d’Ibáñez divers organismes furent créés, comme la Línea Aérea Nacional (lignes aériennes), la Contraloría General de la República (organisme autonome de l'état, chargé de contrôler la légalité des actes de l'administration publique), les Carabiniers et la Force Aérienne. De plus, le Code du Travail fut promulgué et le Traité de Lima, qui résolvait les problèmes limitrophes avec le Pérou, fut ratifié, le 3 juin 1929 .
Ibáñez reçut, au début, le soutien de la population. Mais, les mois passant, il commença à avoir des attitudes extrêmement autoritaires. Des centaines de politiciens, dont Alessandri, partirent en exil, des restrictions à la presse furent établies et les membres du Congrès furent désigné par Ibáñez, en accord avec les partis politiques, recevant l’appellation de Congrès Thermal, en référence aux Thermes de Chillán, où se déroula la négociation.
Le krach de la bourse de New-York donna lieu en 1929 à la Grande Dépression. Le gouvernement d’Ibáñez, qui avait triplé la dette externe en sollicitant des prêts aux États-Unis, et l’inévitable effondrement de l'industrie minière du salpêtre provoquèrent une crise sans précédent au niveau national, rendant le Chili le pays le plus atteint au monde par cet événement. Face à cette situation, Ibáñez présenta sa démission en 1931 et laissa le gouvernement aux mains de Juan Esteban Montero, Président du Sénat. Aux élections anticipées qui eurent lieu en octobre, Montero vainquit Alessandri, qui était revenu d’exil.
Montero, de nouveau à la Présidence, fut immédiatement confronté à diverses tentatives de révolution. Le Soulèvement de la Marine, à Coquimbo, ne fut que la première tentative de coup d’État d’une longue série qui continua les mois suivants, sans succès, jusqu’au 4 juin 1932 .
Les leaders du coup d’État, Marmaduque Grove, Carlos Dávila et Eugenio Matte, déclarèrent la République Socialiste du Chili. Cependant, ce régime ne dura que 12 jours, jusqu’à ce qu’un nouveau coup d'État installe Dávila à la présidence et que les deux autres membres de la Junte furent exilés à l’île de Pâques. Dávila, cependant, ne fut président que 100 jours, ensuite, après divers mandats de présidence par intérim, Arturo Alessandri fut élu Président de la République.
La seconde période d’Alessandri se caractérisa principalement par la reprise de forces du pays, tant en économie qu’en ambition politique. Pour cela, Alessandri utilisa en diverses occasions les pouvoirs extraordinaires de sa position et arriva à éloigner l’armée du pouvoir politique, lequel était alors composé de la Coalition Conservatrice (conservateurs et libéraux), le Parti Radical, qui avait chaque fois plus de poids, et la gauche émergente, composée par le Parti Socialiste (fondé en 1933) et le Parti Communiste. En même temps l’influence des idéologies fascistes, qui surgissaient d’Allemagne, d’Espagne et d’Italie, fut assimilée par les jeunesses du Parti National Socialiste, mené par Jorge González von Marées.
Bien qu’au début Alessandri gouverna avec un cabinet pluraliste, les radicaux commencèrent lentement à se rapprocher des partis de gauche, se retirant du gouvernement en Avril 1934. La division entre la Droite d'une part, et la Gauche et les Radicaux d'autre part, commença à se faire chaque jour plus profonde et la violence commença à réapparaître. Le Massacre de Ranquil ne fut qu’une preuve de la tension qui commençait à naître en ville et dans la campagne. Alessandri décréta l’état de siège en Février 1936 et ferma le Congrès, tandis que les ouvriers profitaient de la récente création de la Confédération de Travailleurs du Chili pour se déclarer en grève.
Malgré les évènements qui arrivaient dans le pays, Alessandri et son ministre Gustavo Ross Santa María arrivaient à faire reprendre des forces à l’économie affaiblie. L’industrie minière du salpêtre donnait ses derniers fruits et commençait à être remplacée par le Cuivre, tandis que l’Agriculture renaissait rapidement. La Dette extérieure fut réduite de 31% grâce à l’achat d'obligations dépréciées (Ross arriva à acheter 139 millions d'obligations pour seulement 15 millions de pesos) et l’Industrie nationale arrivait à satisfaire 70% des besoins du pays. Cet essor permit la réalisations de grands travaux tels que le Stade National et le Barrio Cívico (Quartier Civique).
À l’approche de l’élection présidentielle, les Radicaux arrivèrent à s’allier avec les Communistes, les Socialistes et la Confédération des Travailleurs du Chili (CTCH), ils formèrent ainsi le Front Populaire, lequel présente la candidature du radical Pedro Aguirre Cerda. La Coalition choisit Ross comme candidat à la présidence, lequel était détesté par l’opposition, qui l’appellait le Ministre de la Faim. Cependant, la surprise qui fit la une fut la candidature d’Ibáñez, appuyé par l’Alliance Populaire Libératrice et le Parti National-Socialiste.
Ross semblait être le vainqueur certain des élections, grâce à la coûteuse campagne et la division des électeurs de l’opposition entre Aguirre Cerda et Ibáñez. Cependant, un terrible évènement changea la situation : des membres des jeunesses nazies prirent le bâtiment principal de l’Université le 5 septembre 1938 . Tandis qu'ils étaient retranchés dans le bâtiment, une pièce d’Artillerie attaqua l’entrée principale, ce qui amena la reddition des 71 manifestants. Ils furent transférés au bâtiment de l'Assurance Ouvrière, situé face au Palais de la Monnaie, et y furent criblés de balles par les carabiniers. Le Massacre de l’Assurance Ouvrière fut attribué par l’opposition à un ordre d’Alessandri, ce qui provoqua le retrait de la candidature d’Ibañez et son appui à Aguirre Cerda. Finalement, le 23 octobre, le candidat du Front Populaire obtint 50,2% des votes, face aux 49,3% de Ross.
Les Gouvernements Radicaux
Pedro Aguirre Cerda devint Président et mena une politique de rupture
social-démocrate, promouvant l’industrialisation et freinant le pouvoir de l’oligarchie. Pour cela, et malgré le tremblement de terre dévastateur qui rasa Chillán et une grande partie du sud du pays en
1939, il fonda la Corporation de Développement de la Production. À travers son "projet de substitution des importations", il cherche l’indépendance économique du pays. Des exemples sont la création de l’Entreprise Nationale d’Électricité, la construction de centrales hydro-électriques, la création de l’ENAP (Entreprise Nationale de Pétrole), en charge du premier gisement de pétrole de la région de Magallanes, la création de la Compagnie d’Acier du Pacifique et d'industries publiques d’exploitation sylvicole, agricole et manufacturière. Avec cette impulsion, l’industrie arriva de
1940 à
1943 à une croissance annuelle de 7,5%.
Les bons résultats économiques commencèrent à produire des changements dans la société chilienne et à donner un nouvel entrain aux grandes villes. Santiago, par exemple, commença à exploser démographiquement, atteignant le million d’habitants, et la Culture se développa grâce aux apports littéraires de Vicente Huidobro et d’Augusto d’Halmar. Poussé par sa vocation d’enseignant, Aguirre Cerda réussit à étendre l’éducation publique à une grande partie du pays, ce qui pour lui était la seule façon de vaincre la pauvreté.
Pendant ces années, les relations internationales du pays furent confrontées à d’importants faits de guerre qui dévastait une grande partie du monde. La Guerre Civile Espagnole produisit un exode massif d’Espagnols qui arrivèrent au Chili grâce aux actions réalisées par l’ambassadeur en France, Pablo Neruda, principalement à bord du bateau Winnipeg. Des mois plus tard éclata la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle le Chili, de même que lors de la Première Guerre mondiale, manifesta sa Neutralité. Il maintenant donc de bonnes relations avec l’Italie, et une partie des habitants manifestait ouvertement de la sympathie pour l’Allemagne, bien qu’une grande partie de la population était en faveur des Alliés. Par ailleurs, sur ordre d’Aguirre Cerda, on officialisa la revendication chilienne sur l’Antartique, et on déclara les limites du Territoire Chilien de l'Antarctique.
La présidence d’Aguirre Cerda se termina brutalement suite à la Tuberculose mortelle de son dirigeant qui mourut fin 1941 avant la fin de son mandat. En 1942, le radical Juan Antonio Ríos est élu successeur d’Aguirre Cerda et concrétise la majeure partie des projets de son prédécesseur.
Pendant sa présidence, les pressions pour prendre part officiellement à la Seconde Guerre Mondiale, venant tant des États-Unis que des sympathisants de l’Axe, prirent fin début 1943 avec la rupture des relations diplomatiques avec les pays de l’Axe. Le Chili fut le seul pays sudaméricain qui ne déclara pas la guerre à l’Allemagne durant tout le conflit et il ne le fit contre le Japon qu’en 1945. Cela ne fut pas un obstacle aux États-Unis pour obtenir du gouvernement chilien l’appui qui l’intéressait le plus : la fourniture de matières premières pour l’industrie de la défense : le Chili était un important producteur de Salpêtre, essentiel pour la fabrication de poudre à canon, et de Cuivre, pour la confection de munitions. Les États-Unis obtinrent, de plus, sous la prémisse d’être une contribution du pays au monde libre, que les exportations de Cuivre chilien vers le marché américain, durant la période 1942-1945, auraient un prix fixé unilatéralement par Washington. Il fût de 11,7 cents de dollar la livre (0,28 $/Kg), près d’un tiers moins que ce qu’étaient prêts à payer les pays belligérants. Ce prix n’affecta que l’état chilien puisque les entreprises, qui étaient toutes américaines, furent subventionnées par les États-Unis de 120 millions de dollars par an. En ne comptant que le non-paiement des 120 millions de dollars de bonification, les pertes pour le Chili sont estimées à plus de 500 millions de dollars.
Un fait transcendant pour l’histoire de la littérature nationale fut le décernement du Prix Nobel à la poétesse Gabriela Mistral, le 10 décembre 1946.
La stabilité dans laquelle les gouvernements radicaux trouvèrent leur origine, résultat d'une composition de forces politiques distinctes, commença cependant à décliner sérieusement pendant le gouvernement de Ríos. La crise entre le Président et les socialistes, les communistes, la droite et leurs compagnons de parti mena Ríos à exiger la sortie de tous les radicaux de son cabinet. Cependant, comme son prédécesseur, la santé l’empêcha de continuer d’aller jusqu’à la fin de son mandat. Il mourut en 1946.
Gabriel González Videla fut élu Président. Il était le leader de l’Alliance Démocratique, composée entre autres du Parti Radical et du Parti Communiste dirigé par Neruda. Cependant, en 1947, les élections municipales firent clairement apparaître l’ascension du Parti Communiste en plein essor de la Guerre froide. Face à cette situation, González Videla expulsa le PC de son gouvernement et devint un farouche opposant.
Les syndicats miniers de Lota et Chuquicamata, formés en majeure partie de communistes, déclarèrent la grève et il fallut déclarer l’état de siège à Santiago. Dans ce contexte, le Congrès approuva la Loi de Défense de la Démocratie, appellée "Loi Maudite" par ses opposants, qui interdit le Parti Communiste et envoya ses militants en camp de détention à Pisagua.
Pendant ce temps, pendant la présidence de González Videla se déroule le "Plan Serena" pour le développement de la province de Coquimbo et le remodelage de La Serena, et le vote des femmes arrive à se faire approuver. Les premières bases antartiques sont installées et l’Université Technique de l’État est fondée.
Aux élections présidentielles de 1952, les candidats sont Pedro Enrique Alfonso représentant le radicalisme, le centriste Arturo Matte, le socialiste Salvador Allende et le candidat indépendant Carlos Ibáñez del Campo. Le général Ibáñez apparaît comme la solution aux problèmes de la politique traditionnelle, et, avec ses devises "Le général de l’espoir", "Du pain pour tous" et son symbôle du Balai pour combattre la corruption, il obtient la victoire avec plus de 47%.
Le populisme que revendique Ibáñez lui apporte une grande adhésion citoyenne et il s’approche de la Gauche. Les premières années, il appuie la création de la Centrale Unique des Travailleurs, dirigée par Clotario Blest, et il arrive à abroger la "Loi Maudite" à la fin de son mandat. Cependant, en 1955, la "substitution des importations" tourne à l’échec et l’économie entre en récession. Vu le faible soutien partisan, son gouvernement commence à chanceler.
À la recherche d’une solution au problème économique, le Président crée la mission Klein-Saks. Pour cette firme américaine la solution à la crise ne peut venir que de mesures libérales, comme des réformes au commerce extérieur, la suppression de subsides, l’élimination de l’indexation automatique des salaires du secteur public et d’une partie du secteur privé, la modification du statut de la Banque centrale et la création de la Banque de l’État du Chili. Ces mesures se révèlent impopulaires et génèrent le mécontentement de la population. Des grèves menacent à nouveau la stabilité du gouvernement et Ibáñez proclame l’état de siège, lequel est refusé par le Congrès. En 1957, la Fédération des Étudiants de l’Université du Chili s'oppose dûrement à l'augmentation des prix des transports publics et les affrontements laissent un bilan de plus de 20 morts et d’importants dommages matériels dans le centre de Santiago.
Les trois tiers
Malgré les efforts du Bloc d’assainissement démocratique, la forte déception que produisit le populisme ibañiste dans la population permit la victoire de l’indépendant de droite Jorge Alessandri, fils d’Arturo Alessandri, aux élections présidentielles de
1958. Alessandri obtient près de 31,6%. Salvador Allende, candidat du Front d’action populaire (FRAP), l’alliance de gauche, obtient 28,9%, tandis que le démocrate chrétien Eduardo Frei Montalva arrive à 20,7%. À ces élections, le Parti Radical (dont le candidat Luis Bossay n’obtient que 15%) commence à perdre le rôle principal face à la conformation d’un système politique connu sous le nom des « Trois Tiers » (la droite, la démocratie chrétienne et la gauche) qui allait durer les 15 années à venir. Comme aucun candidat n’obtint la majorité absolue, le Congrès dut choisir, et se décida finalement pour le candidat de droite.
L’ingénieur Alessandri décide de mettre en pratique un plan de stabilisation économique, centré fondamentalement sur la lutte contre l’inflation. Du fait de leur caractère sobre et technique, beaucoup de ses mesures sont impopulaires. L’idée d’Alessandri est de créer un état qui ait suffisamment d’infrastructure pour motiver les investissements privés, délaissant l’idée d’un « État paternaliste ». Pour y arriver, il se laisse assister par de nombreux spécialistes en la matière, parmi lesquels beaucoup étaient indépendants, ce qui provoque certains heurts avec les partis qui le soutiennent.
Pendant sa présidence, Alessandri fut confronté aux effets des catastrophiques tremblement de terre et raz-de-marée du 22 mai 1960 , dont l’épicentre se situait à Valdivia, mais qui rasa tous les villages entre Chillán et Chiloé, et qui fut le séisme de plus forte intensité enregistré dans l’histoire de l’humanité avec 9,5 degrés de magnitude sur l’échelle de Richter. On estime que les réparations coûtèrent plus de 422 millions de dollars. Malgré cela, le pays vécut des moments de jubilation, avec la célébration de la Coupe Mondiale de Football, en 1962.
Dans sa gestion, il crée les entreprises publiques ENTEL Chile (entreprise publique de Télécommunications), ENAMI (industrie publique minière) et LADECO (ligne aérienne), et arrive à obtenir le soutien économique des États-Unis via l’Alliance pour le Progrès. De plus, il commence à matérialiser le projet de Réforme agraire qu’Alessandri voyait comme un moyen d’optimiser l’exploitation de la terre. Basiquement, son projet était de redistribuer les terres de l’État, sans interférer avec les terrains des gros propriétaires.
En s’approchant des élections de 1964, la Guerre froide était en plein essor et la croissance du socialisme d’Allende paraissait imparable. C’est ainsi qu’apparaît la personne d'Eduardo Frei Montalva comme moyen d’arrêter le FRAP. Avec sa devise « la Révolution dans la Liberté », Frei arrive à rassembler des adhérents à son projet de réformes profondes du pays, sans le soumettre à l’influence soviétique, comme le ferait probablement Allende, et arrive à faire du Parti Démocrate Chrétien (DC) l’acteur politique principal des années soixante.
La lutte entre Allende, Frei et le candidat du Front Démocratique, Julio Durán, se joue pratiquement vote à vote. Cependant, un fait fortuit, appelé le Naranjazo, allait changer la destinée des élections. La mort du député socialiste de Curicó, Oscar Naranjo, permit la tenue d’élections complémentaires, avant les présidentielles, qui furent utilisées par les différents partis comme une préparation aux élections du 4 septembre. Dans celles-ci, le fils du défunt, socialiste également, obtint 39,2% face aux 32,5% du Front Démocratique et aux 27,7% de la DC.
Apeurés par une victoire possible d’Allende, les adhérents de droite soutiennent massivement Frei, lequel recevra également le soutien du gouvernement des États-Unis. La Marche de la Jeune Patrie, organisée pour soutenir la candidature de Frei, devient un succès avec la présence de milliers de personnes au Parc Cousiño, ce qui sera un avant-goût du résultat final des élections. Frei obtient 56% des votes (une des plus hautes majorités de l’histoire des élections chiliennes) tandis qu’Allende obtient 40%.
Eduardo Frei mène une politique de réformisme modéré, dans laquelle se démarque la construction de milliers d’habitations, la modernisation de l’appareil de l’état, la réforme de l’éducation (obligatoire dès 8 ans), le renforcement des organisations de base et l’amplification de la Réforme agraire. Cette dernière devint un des thèmes les plus délicats car, contrairement au gouvernement d’Alessandri, les grandes haciendas étaient également concernées par les expropriations, ce qui fit de lui l’ennemi des politiciens de droite qui considéraient cela comme une trahison à leur soutien à son élection présidentielle.
D’autre part, le gouvernement met en route le processus de « Chilienisation du Cuivre », acquérant la mine El Teniente et une grande partie des actions d’Andina et de La Exótica. De plus, on construit le tunnel Lo Prado et l’aéroport de Pudahuel, on fonde la Télévision nationale du Chili, et on commence à creuser le métro de Santiago.
Cependant, en 1967, la Démocratie Chrétienne à se fendiller, tandis que le gouvernement est critiqué tant par la gauche que par la droite. En 1968, les grèves commencent à se propager, tandis que les réformes aux structures politiques des élèves de l’Université du Chili et de l’Université Catholique produisent de sérieux affrontements entre les étudiants et le gouvernement.
En 1969 la crise du gouvernement de Frei s'accentue et de plus il existe des rumeurs de coup d’État, qui se concrétisent le 29 octobre avec le Tacnazo, dirigé par le général Roberto Viaux, qui fait sortir le Régiment Tacna dans les rues de Santiago. Bien que cet événement fut apaisé et ne fut qu’une fausse alarme, il démontra la gravité de la situation politique dans laquelle s'approchait une victoire imminente de Salvador Allende aux prochaines élections.
Cette même année vit la naissance du Mouvement d’Action Populaire Unitaire (MAPU), comme scission de la fraction la plus à gauche de la Démocratie Chrétienne, mouvement qui s’unit à l’Unité Populaire, la nouvelle alliance formée par les socialistes, les communistes, les radicaux, les sociaux-démocrates et d’autres groupes, dans le but qu’Allende soit nommé au Palais de La Monnaie. Radomiro Tomic, le candidat officialiste, n’est pas considéré comme un bon candidat pour vaincre Allende, c'est pourquoi la droite désigne Jorge Alessandri comme étant son porte-drapeau.
Bien qu’au début Alessandri obtient un important soutien, celui-ci commence à se dissiper au fil des semaines. Aux élections du 4 septembre 1970 , Allende obtint 36,3%, tandis qu’Alessandri arriva à 34,9% et Tomic, 27,9%. Comme aucun candidat n’avait obtenu la majorité absolue, le Congrès devait décider du vainqueur. Depuis 1946, le Congrès choisissait dans ce cas celui qui avait obtenu la majorité relative (ce fut le cas en 1946, 1952 et 1958), mais beaucoup commencèrent à faire pression pour qu’Alessandri soit élu. Le Président des États-Unis, Richard Nixon, s’opposait avec ténacité à une victoire du Marxisme en Amérique latine, c’est ainsi qu’il établit avec la CIA deux plans pour éviter que le Congrès ne choisisse Allende (réf)…. Le premier consiste à tenter de convaincre la Démocratie Chrétienne pour qu’elle vote en faveur d’Alessandri, lequel démissionnerait et organiserait de nouvelles élections où Frei serait élu, et le second était de provoquer un climat d’instabilité politique dans lequel l’armée se verrait obligée d’intervenir. Cependant, le premier, appellé Track One, allait avorter lorsque Radomiro Tomic annonça qu’il était arrivé à un accord avec Allende pour qu’il respecte à jamais un statut de garanties constitutionnelles. Roberto Viaux mit alors en route le Track Two, qui consistait à séquestrer le Commandant de l’Armée René Schneider, de façon à impliquer l’armée, pour qu’elle empêche le Congrès de choisir Allende. Ce plan fut mené à bien le 22 octobre 1970 , mais Schneider fut gravement blessé en essayant de se défendre, et mourut quelques jours plus tard. Malgré ces événements, le Congrès décida, le 24 octobre, en séance plénière, de désigner Allende comme nouveau Président.
Gouvernement d’Unité Populaire
Articles détaillés : . Salvador Allende, qui prend ses fonctions le
3 novembre, tente de construire une nouvelle société basée sur le socialisme à travers la démocratie, une expérience unique au niveau mondial. Parmi ses premières mesures figure la poursuite de la réforme agraire et le début d’un processus d’étatisation des entreprises considérées d’importance clé pour l’économie nationale. À partir de certaines enquêtes approfondies, basées sur un décret-loi de
1932, si une entreprise arrêtait ses activités, l’État pouvait intervenir, raison pour laquelle le gouvernement de l’UP incitait les travailleurs à arrêter leurs activités, et ainsi étatiser les entreprises.
Ces mesures furent rejetées par la droite, sauf le projet clé de Gouvernement qui fut soutenu par tous les secteurs politiques du pays : la nationalisation du cuivre. Le 15 juillet 1971 , le projet fut approuvé de façon unanime par les deux chambres. L’État, à travers Codelco Chili, deviendrait propriétaire de toutes les entreprises de Cuivre, qui recevraient des indemnisations, soustraites des "profits excessifs" qu'elles avaient fait ces dernières années, résultat des impôts faibles ou nuls qu’elles payaient. Ainsi, Anaconda et Kennecott, deux des principales entreprises minières, ne reçurent aucune indemnisation pour les mines de Chuquicamata et El Teniente, ce qui produisit, de la part d’Henry Kissinger, un boycott du gouvernement d’Allende qui lui barrait la route aux prêts internationaux. D’autre part, l’augmentation drastique des salaires des travailleurs et le gel des prix fonctionnent et apportent un accroissement de 8% du PNB avec une faible Inflation. Dans ces circonstances, l’Unité Populaire arrive à son apogée, avec 49,3% de voix de préférence aux élections municipales de cette année et un de ses membres, Pablo Neruda, recevant le Prix Nobel de littérature.
Cependant, à partir de la deuxième année, les réformes d’Allende commencent à se voir tronquées par la violence qui commence à monter. Les confiscations de terrains réquisitionnés par la réforme agraire voient des agriculteurs mourir en essayant de défendre leurs terres, la société se polarise, les affrontements entre partisans et opposants d’Allende deviennent plus fréquents et on assiste à la naissance des cacerolazos (manifestations où les participants ne se regroupent pas mais se mettent, à une heure convenue à l'avance, à taper en rythme sur des casserolles, depuis leur balcon). Dans ce climat, la visite de Fidel Castro incite les membres de la Gauche à mettre sur pieds une révolution populaire basée sur la lutte des classes, ce qui était à l’opposé de ce que proposait Allende. Au niveau économique, la magie de la première année commençait à s’effondrer et les premiers symptômes de désapprovisionnement apparaissaient.
L’assassinat d’Edmundo Pérez Zujovic, accusé par la gauche de la mort de 10 personnes lors du massacre de Puerto Montt, est la goutte qui fait déborder le vase pour la Démocratie Chrétienne, qui décide de s’associer au Parti National pour s’opposer au gouvernement allendiste. Une accusation constitutionnelle arrive à renverser le ministre de l’Intérieur, José Tohá ; cependant Allende provoque l’opposition en le nommant ministre de la Défense. Le 19 février 1972 , l’opposition arrive, au Congrès en séance plénière, à faire approuver une réforme constitutionnelle qui cherche à régulariser les plans nationalisateurs de l’UP, initiative des sénateurs Juan Hamilton et Renán Fuentealba. Le 21 février, Allende annonce qu’il formulera des observations, par des vetos suppressifs ou substitutifs, qu’il confirma finalement officiellement le 6 avril.
Dans les partis du gouvernement, l’envie augmente de radicaliser les réformes, venant principalement du leader du Parti Socialiste, Carlos Altamirano, et le Mouvement de la gauche révolutionnaire intensifie ses attaques, auxquelles répond le mouvement d’extrême-droite Patrie et Liberté.
Dans le milieu économique, le pays entre en récession et la croissance tombe. Le PNB tombe à 25% et la dette externe s’élève à 253 millions de dollars. La désapprovisionnement permet la conformation du marché noir et le gouvernement doit installer les Juntes d'Approvisionnement et de Prix (JAP) pour administrer la fourniture de biens à la population. Les modes de communication se changent en affrontements verbaux selon la tendance politique et les luttes s’intensifient entre les momios et les upelientos. Selon des archives déclassifiées par après par le gouvernement des Etats-Unis, la CIA aurait soutenu des journaux opposants comme El Mercurio, au moyen d'achat d'espace publicitaire, et les meneurs d’une grève de camionneurs durant le mois d’octobre 1972 , mois qui se termine avec l’entrée de militaires dans les principaux ministères du pays, formant un "cabinet civico-militaire", où le général Carlos Prats, commandant en chef de l’armée, devient ministre de l’Intérieur.
En 1973, les élections parlementaires donnent 43% à l’UP et 55% à la Confédération de la Démocratie (CODE). Allende n’atteint pas la majorité pour faire passer ses réformes, ni le CODE n’obtient les deux-tiers du Congrès pour pouvoir destituer le Président. Bien qu’Allende essaie d’arriver à une entente avec Patricio Aylwin, président de la Démocratie Chrétienne, le Parti Socialiste devient très intransigeant et les accords n’aboutissent pas. La violence augmente, spécialement entre les étudiants à cause du projet de l’École Nationale Unifiée. La Fédération des Étudiants de l’Université Catholique montre son rejet et la Fédération des Étudiants du Secondaire (FESES) se divise sur la question. Le projet est suspendu, grâce à l’intervention du cardinal Raúl Silva Henríquez, qui s’érige en médiateur de la crise.
Les opposants à Allende commencent à voir en les Forces Armées l’unique moyen de résoudre la crise que vit le pays. Cependant, les idées de René Schneider ("Tant qu’on vit dans un régime légal les Forces Armées ne sont pas une alternative de pouvoir") et celle du général Carlos Prats ("tant que subsiste l’État de Droit la force publique doit respecter la Constitution") étaient contre un putsch militaire, ce qui empêchait en grande partie que les troupes se soulèvent. Bien que le Parti Communiste insiste pour que la paix soit maintenue et qu’une Guerre civile soit évitée, Altamirano affirme que « un coup d’État ne se combat pas avec des dialogues, il s'écrase par la force du peuple ». Tandis que les observations d’Allende sur la réforme Hamilton-Fuenzalida sont rejetées en partie par les chambres, sans voter si elles … ou non sur le texte avant son approbation, générant une controverse entre le Président et le Congrès au sujet du cours du projet de réforme. Allende soumit la question au Tribunal Constitutionnel, qui finalement se déclara incompétent, … l’exception formulée par la Chambre des Députés et le Sénat. Face à cette situation, et comme était écoulé le délai qui permettait de recourir à un Plébiscite qui trancherait la question, Allende dicte un décret promulgateur de la réforme, contenant seulement les quelques points auxquels le veto n’a pas été opposé. Ce décret n’est pas soumis à l'organe de Contrôle Général de la République et l’opposition considère ce fait comme absolument illégitime.
Le 22 août la chambre approuve l’"Accord de la Chambre des Députés sur le grave embrasement de l’ordre constitutionnel et légal de la République", causé par le refus de l’exécutif à promulguer intégralement la réforme constitutionnelle des trois zones de l’économie, réforme approuvée par le congrès.
Le 27 juin, Carlos Prats est insulté sur la voie publique, et, craignant une attaque comme celle de Schneider, tire sur l’agresseur qui se révèle être une femme innoffensive. Prats est insulté par la population, et présente sa démission, qui est refusée par Allende. Le 29, Prats devrait contrôler un des moments les plus tendus, quand le Colonel Roberto Souper soulève le Régiment Blindé n°2 et se dirige au Palais de la Monnaie. Prats, dirigeant les garnisons de Santiago, arrive a arrêter cette tentative de coup d’État, connue sous le nom de Tanquetazo, tandis que les investigateurs se réfugient et demandent asile à l’ambassade d’Équateur, laissant un bilan de 20 morts, essentiellement des civils.
Allende reconnaît que son gouvernement est en crise et décide de convoquer un Plébiscite pour éviter un coup d’État. Cependant, les factions les plus radicales du gouvernement de l’UP rejettent sa décision. Le MIR arrête de l’appeler « camarade » et l’appelle « Monsieur », il ne peut plus compter que sur le soutien du MAPU, le Parti Radical et le Parti Communiste, qui partagent la « voie pacifique ». Face à cette situation, Allende aurait convoqué son ministre de la Défense, Orlando Letelier, pour qu’il convainque le Parti Socialiste, ce qu’il aura finalement réussi à faire le 10 septembre 1973 .
Régime militaire
Article détaillé : .Le coup d’État
Article détaillé : . Depuis août 1973 , la
Marine et la Force aérienne (FACh), dirigées par le
Vice-amiral José Toribio Merino et le général Gustavo Leigh, préparaient un coup d’état contre le gouvernement d’Allende. Le
21 août, Carlos Prats avait décidé de renoncer au poste de commandant en chef, suite aux manifestations des épouses des généraux à son encontre. Il est remplacé le
23 août par
Augusto Pinochet, considéré comme général loyal et apolitique. Le
22 août, la Chambre des Députés avait approuvé un accord par lequel les ministres militaires étaient invités à résoudre « le grave embrasement de l’ordre constitutionnel » (l’"Accord de la Chambre des Députés sur le grave embrasement de l’ordre constitutionnel et légal de la République").
Altamirano est averti d’un possible coup d’État de la part de la Marine et lance un discours incendiaire invitant le Chili à devenir un second Viêt Nam héroïque, tandis que commence un processus de désaveu d'Altamirano. Le 7 septembre, Pinochet est convaincu par Leigh et Merino : il se joint aux putschistes, tandis que dans les carabiniers, seul César Mendoza, général depuis peu, choisit de se joindre à eux.
Le 10 septembre, la Marine lève l'ancre comme prévu pour participer aux exercices UNITAS. L’armée est casernée pour éviter de possibles troubles le jour de l'accusation de Carlos Altamirano. Cependant, la Marine revient à Valparaiso le matin du 11 septembre et prend rapidement la ville. Allende est alerté vers 7 heures du matin et se dirige à la Monnaie, après avoir tenté, sans succès, de joindre Leigh et Pinochet, ce qui lui fait croire que Pinochet est arrêté. Le général Sepúlveda, directeur des carabiniers, lui signale qu’ils lui resteront fidèles, mais Mendoza a pris les fonctions de général directeur. Par ailleurs, Pinochet arrive au Centre de Communications de l’Armée et commence à participer activement au coup d’état. À 8h42, les radios Industrie Minière et Agriculture transmettent la première déclaration de la Junte Militaire dirigée par Pinochet, Leigh, Mendoza, et Merino, déclaration qui impose à Allende l’abandon immédiat de sa charge de Président et l’évacuation immédiate du Palais de la Monnaie, sous peine d’être attaqué par l’Armée de l’Air et l’Armée de Terre. À ce moment, les troupes de carabiniers protégeant le Palais se retirent.
Allende décide de rester dans le Palais, tandis qu’à 9h55 les premiers blindés arrivent au Barrio Cívico (Quartier Civique) et s’opposent aux francs tireurs fidèles au gouvernement. La CUT appelle à la résistance dans les quartiers industriels, tandis que le Président décide de donner une ultime allocution.
- «Enfermé en un moment historique, je paierai de ma vie la loyauté du peuple. Et je vous dis que j’ai la certitude que la semence que nous avons plantée dans la digne conscience de milliers et milliers de Chiliens ne pourra être flétrie éternellement.
Travailleurs de ma Patrie ! J’ai confiance en le Chili et son destin. D’autres hommes vaincront ce moment gris et amer où la trahison prétend s’imposer. Vous savez toujours que, bien plus tôt qu'attendu, s’ouvriront à nouveau les grands allées par où passe l’homme libre pour construire un monde meilleur.»
Les tirs commencent entre les blindés et les membres du GAP (Groupe d'Amis du Président, l'escorte armée d'Allende), et, à 11h52, les avions «Hawker Hunter» de la Force Aérienne bombardent le Palais de la Monnaie et la résidence d’Allende, avenue Tomás Moro à Las Condes. Le Palais commence à prendre feu, mais Allende et ses partisans refusent de se rendre. Vers 14h, les portes cèdent et l’armée investit le Palais. C’est à ce moment qu’Allende ordonne l’évacuation, mais lui-même reste dans le Palais. D’après le témoignage de son Médecin personnel, il aurait vu Allende se suicider à l'aide d'une mitraillette sous le menton.
- «Il y a une communication; une information du personnel de l’École d’Infanterie qui se trouve à l’intérieur de la Monnaie. Par risque d’interférence, je vais la transmettre en anglais : "They say that Allende commited suicide and is dead now" ("Ils disent qu’Allende s’est suicidé et est mort maintenant"). Patricio Carvajal, 11 septembre 1973»
À 18 heures, les leaders du putsch se réunissent à l’École Militaire, se proclamant membres de la Junte militaire qui gouvernera le pays, et décrètent l’état de siège.
Premières années de Junte
Après avoir renversé le gouvernement d’Allende, les membres de la Junte commencèrent un processus d’établissement d’un nouveau système de gouvernement. Bien qu’en théorie la Constitution de 1925 restait en vigueur, le pouvoir qui échut à la nouvelle Junte établissait une nouvelle institutionnalité dans le pays.
En accord avec le décret-loi n°1 du 11 septembre 1973, Augusto Pinochet prit la présidence de la Junte Gouvernementale, en sa qualité de commandant en chef de la branche la plus ancienne des Forces armées. Cette charge, qui à l’origine devait être tournante, devint finalement permanente; le 27 juin 1974 Pinochet devint « chef suprême de la Nation », en vertu du décret-loi n°527, charge qui allait être remplacée par celle de président de la République, le 17 décembre 1974, par le décret-Loi n°806. Quant à la Junte, elle occupe les fonctions constituante et législative à la place de Congrès national, qui fut dissout le 21 septembre.
Entre-temps, des milliers de personnes commencèrent à souffrir de la répression exercée par le nouveau gouvernement. La majorité des leaders du gouvernement de l’Unité Populaire et autres leaders de la Gauche furent appréhendés et transférés dans des centres de réclusion. Cuatro Álamos, Villa Grimaldi, lEstadio Chile (stade Chili) et le Stade National à Santiago furent utilisés comme camps de détention et de torture, de même que le site de la société d’extraction de salpêtre Oficina Salitrera Chacabuco, l’île Dawson en Patagonie, le port de Pisagua, le bateau-école Esmeralda et d’autres sites à travers le pays. 3 000 personnes allaient être assassinées par des membres de la DINA et d’autres organismes des Forces Armées, parmi lesquelles Víctor Jara et José Tohá sont les plus célèbres. Beaucoup sont toujours considérées aujourd’hui comme détenus disparus. Au total, plus de 35 000 personnes furent torturées systématiquement, plus de 300 000 personnes furent détenues par des organismes du gouvernement et 300.000 autres durent s’exiler dans divers pays du monde, parfois brutalement assassinées à l’étranger dans des attentats à l'explosif, comme Carlos Prats et Orlando Letelier. Les violations systématiques des Droits de l’Homme commises par la dictature de Pinochet provoquèrent la répudiation de plusieurs pays et de l’Organisation des Nations Unies.
Dans le cadre économique, le Régime Militaire tente une "politique de choc" pour résoudre la crise à laquelle était soumis le gouvernement, avec une inflation de plus de 300%. Pour cela il sollicite l’aide d’un groupe de jeunes économistes fraîchement émoulus de l’Université de Chicago, qui implantent le modèle du Néolibéralisme de Milton Friedman. Les Chicago Boys mirent en oeuvre la doctrine de "la brique" (El Ladrillo) et, suivant les idées de Friedman, commencèrent le traitement de shock de l’économie chilienne : les dépenses publiques furent réduites de 20%, 30% des fonctionnaires publics furent licenciés, la TVA fut augmentée et la SINAP (Caisse nationale d’épargne et de crédit logement) fut mise en liquidation. Comme prévu, l’économie s’effondra suite à ces mesures, ce que Friedman considérait comme nécessaire pour la faire "renaître". Le PNB baissa de 12%, les exportations de 40%, et le chômage grimpa à plus de 16%. Cependant, les mesures appliquées durant cette période commencèrent à produire de l’effet en 1977, quand l’économie commença à se relever et donna lieu au "boum" économique, ou "Miracle chilien". Ces années virent la fin des travaux du Métro de Santiago et le début de ceux de la Route Australe.
Approuvant la conjoncture en Amérique latine, dirigée par de nombreux dictateurs militaires, le Chili se joint avec d’autres Éats à l’Opération Condor, un plan secret destiné à pratiquer le terrorisme d’État dans le Cône Sud, avec l’appui de la CIA. Un des idéologues de ce plan fut le chef de la DINA, Manuel Contreras, un des hommes ayant le plus de pouvoir dans le pays à cette époque. La proximité qu’il avait avec les leaders des autres pays permit par exemple au Chili de se rapprocher de la Bolivie, dirigée par le général Hugo Banzer, ce qui permit la signature de l’accord de Charaña, une tentative de résoudre le problème de l'accès de la Bolivie à la mer, et dans lequel on rétablissait les relations diplomatiques, rompues depuis des décennies.
Le changement de décennie
L’année
1978 se révèle être une des années les plus critiques pour le gouvernement de Pinochet. Les
États-Unis, qui au début avaient soutenu le Régime, deviennent un de leurs principaux détracteurs, suite principalement à l’attentat
terroriste dont fut victime
Orlando Letelier, exilé à Washington.
Jimmy Carter, qui fut nommé président des États-Unis l’année précédente, met sur pieds, conjointement avec divers organismes internationaux, une importante campagne exigeant de meilleures libertés civiles au Chili et critiquant la censure de la
presse et la répression de l’opposition. Face à cette situation, Pinochet organise alors un
Plébiscite, alors qu’il n’existe même pas de registres électoraux. D’après les résultats donnés par le gouvernement, il y eut 5.349.172 votes : 4.012.023 pour le «oui», 1.092.226 pour le «non» et 244.923 votes blancs ou nuls. Cependant, ces chiffres ont été mis en doute du fait des nombreuses irrégularités du scrutin.
Les violations des Droits de l’Homme continuèrent malgré la pression internationale. Pendant que Pinochet promulgue le décret-loi n°2191, qui accorde l’amnistie à tous ceux qui ont commis ou couvert des faits délictueux depuis le coup d’état, en qualité d’auteurs, complices ou commanditaires, la presse commence à dévoiler la découverte dans la zone de Lonquén des premiers détenus disparus. Entre-temps, la DINA est remplacée par la CNI (Centrale national d’informations), tandis que le cardinal Raúl Silva Henríquez considère le problème et crée le Vicariat de la Solidarité.
Dans cette atmosphère, Gustavo Leigh manifeste publiquement ses différences d’opinion avec Pinochet. Leigh, le gestateur du coup d’État, s’opposait au personnalisme excessif de Pinochet et au modèle économique imposé. Leigh espérait aussi éclaircir les délais du retour à la démocratie et était contre les pratiques terroristes exercées par l’État. Suite à ses déclarations au journal italien Corriere della Sera et son refus de se rétracter, Leigh fut limogé par la Junte Militaire et remplacé par Fernando Matthei.
Bien que les relations diplomatiques avec les pays voisins s’étaient réchauffées, elles se rompirent en 1978. L’approche de la commémoration du centenaire de la guerre du Pacifique produisit l’effervescence au Pérou, pays avec lequel le Chili eut des incidents diplomatiques en 1974, ainsi qu’en Bolivie. Les tentatives d’octroyer un accès à la mer à cette dernière se virent mises à mal par le veto du Pérou à l’Accord de Charaña, veto qu’il pouvait exercer grâce au protocole additionnel du traité d’Ancón, qui vit le dictateur du Pérou, le général Juan Velasco Alvarado, mobiliser la 18e division blindée de l’Armée du Pérou, au sud, près de la frontière chilienne; quelques jours plus tard le général Francisco Morales Bermúdez Cerruti renverse le général Velasco, démobilise la 18e division blindée, qui retourne alors dans ses quartiers, permettant à la situation de redevenir normale à la frontière, mais il maintient le veto à l’accord de Charaña. Hugo Banzer, le général bolivien, rompt alors ses relations diplomatiques avec le Chili.
En même temps éclate le Conflit du Beagle, dans lequel le Chili est opposé à l’Argentine. La Reine Élisabeth II du Royaume-Uni octroie les îles Lennox, Nueva et Picton au Chili, îles dont la souveraineté est disputée par le Pérou. Les deux pays s’étaient engagés à accepter l'arbitrage britannique, en 1967; cependant Jorge Rafael Videla déclare le jugement nul, et la possibilité d’une Guerre avec l’Argentine est imminente, à laquelle il faut ajouter la possibilité d’un "cuadrillazo" (guerre avec l’Argentine, le Pérou et la Bolivie).
Le Chili tente de résoudre le différend par la médiation du Pape Paul VI, mais sa mort et celle de son successeur, Jean-Paul Ier, aggravent la situation. Les troupes chiliennes sont mobilisées à Punta Arenas, et la marine chilienne lève l'encre pour aller s’affronter à celle de l’Argentine, le 22 décembre 1978. Une tempête dans les eaux de Patagonie évite le premier affrontement, tandis que Jean-Paul II appelle, via les médias, à une médiation entre les deux pays, laquelle est acceptée par l’Argentine. Le conflit sera finalement réglé par le "traité de Paix et d’Amitié", signé le 29 novembre 1984.
En octobre 1978, le Conseil d’État (un organisme conseiller à la junte, présidé par Jorge Alessandri), reçut un avant-projet de Constitution rédigé par la Commission Ortúzar. Le 8 juin 1980, Alessandri remet un rapport élaboré par le Conseil, contenant quelques corrections à l’avant-projet. Afin d’analyser le projet présenté par le Conseil, la Junte Gouvernementale nomme un groupe de travail qui travailla un mois durant, appliquant au texte diverses modifications. Finalement, le 10 août, Pinochet fait savoir que la Junte a approuvé la nouvelle Constitution, et qu’elle la soumettra à un Plébiscite. Cependant les registres électoraux ne furent pas ouverts, ce qui fit douter de la régularité du scrutin. L’opposition put seulement se manifester par un acte politique, dirigé par Eduardo Frei Montalva, au théâtre Caupolicán. Le 11 septembre 1980 on organise le Plébiscite, qui recueillit 68,95% des votes. C’est ainsi que la nouvelle Constitution Politique de la République du Chili entre en vigueur le 11 mars 1981.
En 1981, les premiers symptômes d’une nouvelle crise économique commencent à se faire sentir dans le pays. Le Chili, grâce au boom économique, avait connu une croissance moyenne annuelle de 7,5% entre 1976 et 1981. Cependant, la balance des paiements atteignit un déficit de 20% cette année et les cours du cuivre chutèrent rapidement. Les banques étrangères cessèrent d’investir, tandis que le gouvernement déclara que tout cela faisait partie de la récession économique mondiale. La banque nationale et les entreprises chiliennes avaient approuvé plusieurs emprunts durant cette période, basés sur la Prémisse d’un taux de change fixe d’un Dollar américain pour 39 pesos chiliens.
La situation ne put se maintenir, et, en juin 1982, le peso fut dévalué et on mit fin à la politique de cours du change fixe. Les emprunts atteignirent alors des intérêts exorbitants et de nombreuses banques et entreprises firent faillite. Le chômage s’éleva à 26% et le gouvernement ne trouva aucune formule pour contrôler la situation. L’inflation atteignit 20% et le PNB chuta de 15%. Face à cette situation les premières protestations, pacifiques, commencèrent à apparaître. Elles furent violemment réprimées par les carabiniers et par l’armée. On déclara l’état de siège, et le moment fut mis à profit par diverses organisations terroristes, comme le Front Patriotique Manuel Rodríguez, qui décida de mettre sur pieds l’"Operación Retorno" (opération Retour), nom donné à la tentative de mettre fin au Régime par la voie armée.
Le 27 décembre 1986, des commandos du FPMR tentent d’assassiner le général Pinochet sur le chemin du Cajón del Maipo. Après l’échec des commandos gauchistes, Pinochet ordonne une forte vague de répression qui se termine par la mort de plusieurs membre du front (opération Albanie). Dans cette même période vint au grand jour l’assassinat de cinq professeurs communistes qui furent retrouvés égorgés, délit commis par des corps de carabiniers, ce qui mena à la démission du directeur général César Mendoza, qui sera remplacé par Rodolfo Stange.
Après la démission de Sergio Fernández au Ministère de l’Intérieur, Sergio Onofre Jarpa, son successeur, permet le rapprochement de l’Alliance Démocratique (composée de démocrates chrétiens et de socialistes modérés). Grâce à la participation du cardinal Francisco Fresno, des partisans du gouvernement et une partie de l’opposition formulèrent, en Août 1985, un "Accord national pour la Transition à la Pleine Démocratie". Le dit accord fut reçu avec scepticisme par les secteurs de l’extrême gauche, et par de sérieuses divergences à l’intérieur de la Junte au pouvoir.
Dans le cadre économique, Hernán Büchi allait arriver à produire le "Second Miracle", grâce à un profond processus de privatisations d’entreprises publiques (LAN Chile, ENTEL (entreprise nationale de Télécommunications), CTC (télécommunications), CAP (sidérurgie), etc.) et la réimplantation du modèle néolibéral (remplacé par le Keynésianisme durant les années les plus crues de la crise). Bien que le PNB allait doubler les années suivantes, la réduction des dépenses sociales allait augmenter le fossé entre les riches et les pauvres, faisant du Chili un des pays ayant la plus grande inégalité de revenus, et les pensions de retraite allaient se réduire à des limites minimales, entre autres effets. D’autre part, la région du Chili central fut secouée par le tremblement de terre du 3 mars 1985, provoquant de graves dommages aux structures des immeubles de Santagio, Valparaíso et San Antonio.
Les dernières années
Le gouvernement promulgue en
1987 la
Loi Organique Constitutionnelle des Partis Politiques, qui permet la création de partis politiques, et la
Loi Organique Constitutionnelle sur le Système des Inscriptions Électorales et sur le Service Électoral, qui permet d’ouvrir les registres électoraux. Ces dispositions légales ouvrent la voie à l’accomplissement des principes établis par la Constitution de 1980. Selon cette dernière, il faut convoquer la population à un
Plébiscite où on élirait un candidat proposé par les Commandants en Chef des Forces armées et le Général Directeur des Carabiniers, pour occuper la fonction de président de la République durant la prochaine période de huit ans.
Au cas où le résultat serait en faveur de l’opposition, la fonction présidentielle d’Augusto Pinochet serait prolongée d’un an, de même que les fonctions de la Junte au pouvoir, et l’on devrait organiser des élections pour désigner le nouveau président et les parlementaires.
Début 1987, le pays allait recevoir la visite du Pape Jean-Paul II, qui allait se rendre dans les villes de Santiago, Viña del Mar, Valparaíso, Temuco, Punta Arenas, Puerto Montt et Antofagasta. Le Pontife Suprême sera témoin oculaire de la répression au cours de protestations, pendant la cérémonie de béatification de Thérèse des Andes, au parc O’Higgins le 3 avril 1987 . Pendant sa visite, Jean-Paul II eut un long entretien avec Pinochet dans lequel ils abordèrent le thème du retour à la démocratie. Au cours de cet entretien, le Pontife aurait insisté pour que Pinochet fasse des modifications au régime et il lui aurait également demandé de renoncer au pouvoir. L’année suivante, on organisait le Plébiscite, fixé à la date du 5 octobre.
Le 30 août 1988, les Commandants en Chef des Forces Armées et le Général Directeur des Carabiniers, en conformité avec les normes transitoires de la Constitution, proposèrent Augusto Pinochet comme candidat. Parmi les partisans du "OUI" on retrouvait les membres du gouvernement et les partis Renouveau national, Union démocrate indépendante et des petits partis. D’autre part, l’opposition créa la Coalition de partis pour le NON, qui regroupait 16 organisations politiques opposées au régime, parmi lesquelles se distinguaient notamment la démocratie chrétienne, le Parti pour la démocratie, et quelques factions du Parti socialiste. Quant au Parti communiste, il était toujours interdit.
Le 5 septembre de cette année, la propagande politique fut à nouveau autorisée, après 15 ans de dictature. La propagande allait être un élément clé pour la campagne du "NON", montrant un futur coloré et optimiste, contrecarrant la campagne officielle, notoirement déficiente en qualité technique et qui prônait le retour du gouvernement d’Unité populaire en cas de défaite de Pinochet. Bien que la campagne du "OUI" fut revitalisée dans l'espoir d’améliorer ses maigres résultats, les résultats finaux donnèrent la victoire à l’opposition : le "OUI" obtint 44,01%, contre 55,99% pour le "NON".
Malgré ses réticences du début, Pinochet, qui, selon certaines informations, a pensé rejeter les résultats, reconnaît la victoire du "NON" et affirme qu’il continuera le processus tracé par la Constitution de 1980. C’est ainsi qu’on organisa des élections présidentielles et parlementaires pour le 14 décembre 1989 . Préalablement, un Plébiscite réalisé le 30 juillet de cette année avait approuvé une série de réformes à la Constitution, réduisant en partie l’autoritarisme présent dans la Charte Fondamentale.
Patricio Aylwin, candidat de la Coalition, obtint 55,17% des votes, face aux 29,4% de Büchi et aux 15,43% de Francisco Javier Errazuriz, candidat indépendant du centre.
Transition à la démocratie et époque actuelle
Patricio Aylwin reçut le mandat des mains d’Augusto Pinochet, le
11 mars 1990, au nouveau Congrès, situé dans la ville de
Valparaíso, ce qui donna le départ du processus de Transition à la Démocratie.
Au début de sa présidence, Patricio Aylwin dut travailler dans un système qui maintenait inamovibles de nombreux vestiges du Régime Militaire. Bien que la Coalition ait obtenu la majorité des votes aux élections parlementaires, à cause du système binominal et de l’existence de sénateurs désignés on ne pouvait faire les réformes attendues à la Constitution et l’administration locale des communes était toujours aux mains de personnes désignées par le gouvernement militaire, qui allaient être remplacées après les élections de juin 1992.
Aylwin gouverna prudemment, prenant soin des relations avec l’armée, où Pinochet était toujours commandant en chef. L’armée, bien qu’elle ait cessé de participer au gouvernement, restait un important acteur politique et manifesta son rejet de certaines mesures du gouvernement coalitionniste par des mouvements tactiques comme l’"Ejercicio de Enlace" ("Exercice de liaison") en 1991, et le "Boinazo" ("coup de béret", démonstration de force par des militaires en armes), en 1992.
Dans ce contexte se constitua la Commission nationale Vérité et réconciliation, destinée à enquêter sur et éclaircir les cas de violations des Droits de l’Homme pendant le Régime Militaire. Dirigée par Raúl Rettig, la Commission dut faire face au refus des autorités militaires. Néanmoins, le rapport de la commission fut publié à la Télévision par le Président Aylwin, le 4 mars 1991, après neuf mois de travail. Dans son discours, Aylwin fit connaître les résultats de l’étude, demanda pardon aux familles des victimes au nom de la Nation, leur annonça des mesures de réparation morale et matérielle et le souhait de l’État d’empêcher et de prévenir de nouvelles violations des Droits de l’Homme.
Pendant sa gestion, Aylwin proposa des réformes fiscales, pour augmenter la redistribution du revenu, au moment où l’économie chilienne continuait à prospérer grâce à l'augmentation de l’exportation de Cuivre et de produits agricoles. Ainsi, pendant son mandat, la Pauvreté fut réduite de 38,75% à près de 27,5% et la Loi Indigène fut promulguée (Loi n°19.253 du 5 octobre 1993), loi qui reconnaît pour la première fois les peuples indigènes et qui crée la Corporation Nationale de Développement Indigène (CONADI), organisme chargé de la promotion de politiques qui favorise le développement intégral de ces populations. De même, lOffice de Planification Nationale et de Coopération (ODEPLAN) se transforme en Ministère de Planification et Coopération (MIDEPLAN) et le Fonds de Solidarité et d'Investissement Social (FOSIS) est créé, pour favoriser les politiques sociales, et avec la promulgation de la Loi sur les Bases Générales du Milieu Ambiant (Loi n°19.300 du 9 janvier 1994, qui cherchait à structurer un cadre pour la protection de l'environnement, est créée la Commission nationale du milieu ambiant (CONAMA), pour promouvoir le développement durable et coordonner les actions venant des politiques et stratégies environnementales du gouvernement.
En 1993, des élections présidentielles furent organisées, et on renouvela la Chambre des Députés et la moitié du Sénat. Eduardo Frei Ruiz-Tagle, fils du président du même nom et démocrate chrétien lui aussi, obtint 58,01% des votes, le meilleur résultat à des élections libres dans l’histoire de la République. Le second, Arturo Alessandri Besa, candidat de l’Union pour le Progrès (Renouveau national et Union démocrate indépendante), n’obtint que 24,3% des suffrages.
Frei, qui prit les fonctions de Président le 11 mars 1994, rétablit les relations du pays avec l’extérieur, après un certain isolement dû au Régime Militaire. L’économie entra encore plus en expansion et l’accroissement atteignit une moyenne de 8% par an durant les trois premières années de sa présidence, ce qui permit le début de négociations avec le Canada, les États-Unis et le Mexique pour l’intégration à l'accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et l'entrée comme membre associé au Mercosud. Le Chili intégra également le Groupe de Río (Mécanisme permanent de consultation et concertation politique d'Amérique latine et des Caraïbes) et pendant les années qui suivirent arriva à résoudre les derniers litiges frontaliers avec l’Argentine (lagune du Désert et Campo de Hielo Sur).
De plus, on commença les premières démarches pour un traité de libre échange et d’association avec l’Union européenne, et, en 1997, le Chili devient membre de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC), ouvrant son économie vers le bassin de l’Asie-Pacifique, principalement le Japon et la Chine. La Pauvreté, quant à elle, continue à décroître pour atteindre en 1998 21,7% de la population. Divers travaux publics furent réalisés tout au long du territoire et on entama la procédure d'appels d'offres qui permit la construction des premières autoroutes de niveau international dans le pays.
Cependant, à la moitié de son mandat, la Crise économique asiatique apparaît et affecte grandement la robuste économie chilienne. Au cours des mêmes années, le pays dut faire face à d’importantes crises environnementales : l’importante pollution atmosphérique à Santiago, le Tremblement de Terre Blanc de 1995 (série d'événements climatiques désastreux) qui ravagea le sud du Chili, les fortes sécheresses de 1996 qui empêchèrent le fonctionnement des centrales hydroélectriques et l’alimentation en eau des principales villes, et en 1997 les inondations dans la zone centre-sud et le tremblement de terre de Punitaqui.
La croissance du Chili s'enraya, le PNB diminua d’1% et le Chômage commença à augmenter, dépassant les 12% (alors qu’en 1997, il se maintenait aux alentours de 5%). Les décisions erratiques du ministre Eduardo Aninat et de la Banque Centrale du Chili aggravèrent les conséquences et la récession économique s’installa dans les dernières années du gouvernement d’Eduardo Frei.
En même temps, une crise politique débute dans le pays après la détention à Londres d’Augusto Pinochet, qui en 1998 était devenu sénateur à vie après avoir abandonné la tête de l’Armée, détention due à un mandat d’arrêt international émanant du Juge espagnol Baltasar Garzón pour Assassinat et Torture de citoyens espagnols pendant sa position au pouvoir. La détention de Pinochet impliquait la honte pour le Chili, d'autant qu'aucun procès n'y avait encore été instruit pour de tels faits. La position officielle du gouvernement fut alors que Pinochet devait rentrer au pays pour être jugé par les tribunaux nationaux et non en Espagne ni en Suisse, pays qui sollicitaient son extradition du Royaume-Uni. De plus les partis politiques de droite soutiennent fortement Pinochet, organisant des manifestations contre sa détention, devant les ambassades d’Espagne et du Royaume-Uni, et on assiste à des affrontements avec les sympathisants de la Coalition, dont les partis de l’aile progressiste soutiennent la réclusion de Pinochet.
La gestion du ministre des relations extérieures José Miguel Insulza et celle de son successeur Juan Gabriel Valdés souffrent d’avances et de reculs. La Chambre des Lords révoque en Novembre 1999 une résolution d’un Tribunal qui accorde l’immunité diplomatique à Pinochet comme sénateur et ex-président. L’ex-Première ministre Margaret Thatcher rend visite à Pinochet, qui commence à souffrir de graves problèmes de santé, et confesse que le Chili a soutenu le Royaume-Uni pendant la Guerre des Malouines (1982), conflit dans lequel le Chili était neutre, ce qui provoque des réactions de protestation de la part du gouvernement argentin. Bien que le gouvernement de Tony Blair voulait que l’on juge Pinochet, les examens neurologiques démontrèrent la gravité de son état de santé. Pour éviter que le général ne meure en Grande-Bretagne, Jack Straw, ministre des Relations extérieures de Tony Blair, décide de libérer Pinochet le 2 mars 2000 pour « raisons humanitaires ». Pinochet retourne à Santiago le 3 mars et se lève de son fauteuil roulant, lève sa canne en signe de victoire, et marche quelques mètres sur la piste d'atterrissage de l'aéroport, ce qui irrite les politiques qui étaient contre son transfert.
Durant ces années, la droite augmenta son soutien, de la main de Joaquín Lavín, Alcade de Las Condes et figure relativement nouvelle dans le milieu politique et qui arrive à se rapprocher de l’électorat populaire. Profitant des faiblesses des gouvernements de la Coalition en période de crise, Lavín arrive à mettre en échec le candidat officialiste Ricardo Lagos, un des principaux leaders de la gauche coalitionniste à l’époque du référendum, pré-candidat présidentiel à deux reprises dans le passé, et ministre des Travaux Publics pendant le gouvernement de Frei. Après une farouche lutte pour être le candidat nominé par la Coalition face au démocrate-chrétien Andrés Zaldívar, dans laquelle Lagos avait obtenu plus de 71% aux élections primaires, une grande partie de l’électorat du centre avait voté pour Lavín, craignant, avec l’arrivée d’un socialiste au gouvernement, de répéter l’expérience vécue avec Salvador Allende. De la même façon, beaucoup de communistes et de sympathisants de la gauche extraparlementaire craignent la victoire du candidat gremialiste au premier tour et décident de voter pour Lagos, laissant de côté la candidate du Parti communiste, Gladys Marín. Aux élections du 12 décembre 1999, Ricardo Lagos obtient 47,96%, seulement 30 000 votes de plus que Joaquín Lavín (47,5%). Gladys Marín n’obtient que 3,92%. Le second tour est fixé au 16 janvier 2000, Lagos est reconduit et engage l’ancienne ministre de la Justice de Frei, Soledad Alvear, comme générale de campagne pour s’approcher des votes du centre qu’il a perdu en faveur de Joaquín Lavín. Finalement, Ricardo Lagos est élu avec 51,3%, face aux 48,7% du candidat de l’Union démocrate indépendante.
Ricardo Lagos devient président le 11 mars 2000 et est confronté aux conséquences de la Crise asiatique, dont le pays ne se remet pas, et de l'affaire Pinochet. Dans ses priorités figurent principalement la mise en pratique de la Réforme Judiciaire Pénale et la réduction du Chômage. L’économie chilienne ne décolle pas et les tentatives de réformes du gouvernement de Lagos ne sont pas approuvées au Congrès ou n’ont pas de résultat positif, comme la réforme de la santé.
En 2001, on découvre un cas de corruption à Rancagua, dans lequel est incriminé un sous-secrétaire du gouvernement et plusieurs parlementaires de la Coalition, ce qui provoque le début d’une série d’accusations de corruption du gouvernement de Ricardo Lagos en relation avec le ministère des Travaux publics (principalement le dossier MOP-GATE), et l’administration de Lagos commence à vaciller, particulièrement après les élections parlementaires de cette année qui donnent comme résultat un match nul technique entre la Coalition et l’Alliance pour le Chili.
Le gouvernement subit sa pire crise en 2002 et début 2003, où son administration fait l’objet d’innombrables critiques. Cependant, peu à peu les chiffres macro-économiques commencent à atteindre des valeurs positives d’accroissement proches de 4%. Le Chili devient membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour lequel il doit prendre une décision face aux plans américains d’invasion de l’Irak. Finalement, Ricardo Lagos, dans une conversation téléphonique, informera George W. Bush qu’il votera contre la proposition, décision soutenue par une grande partie de la population nationale, qui s’opposait à avaliser une invasion.
Le Chili arrive à mettre fin aux accords du gouvernement précédent, en signant le traité de libre échange avec l’Union européenne qui entra en vigueur le 1er janvier 2003 . Par la suite sont également signés les traités avec la Corée du Sud et les États-Unis, grâce aux démarches de Soledad Alvear, ministre des Relations Extérieures du gouvernement de Lagos. Les exportations, grâce à ces accords, augmentent de façon explosive et le Chili renoue avec la croissance connue sous le gouvernement de Frei et les doutes du patronat s’évanouissent. Cependant le gouvernement ne peut pallier les chiffres du chômage, qui approchent les 8%, et l’inégalité des revenus ne varie pas substantiellement.
Début 2004, Lagos doit affronter publiquement le président de Bolivie, Carlos Mesa, suite à l’exigence de celui-ci d’obtenir un accès à la mer pour son pays, étant donnée la précarité de sa situation économique et politique. Par la suite, Lagos est confronté à Hugo Chávez et Nestor Kirchner. La dureté des termes en lesquels il répond au président de Bolivie et l’attitude adoptée face aux présidents des deux autres pays furent saluées par toute l’opinion publique, nationale et internationale, et sa cote augmenta nettement, approchant les 65% selon certaines enquêtes. La crise que laissait présager une fin abrupte du gouvernement disparaît et la Coalition commence à resurgir. Les pronostics qui donnaient Joaquín Lavín comme vainqueur certain des prochaines élections présidentielles commencent à varier substantiellement avec l'assaut de deux ministres du gouvernement de Ricardo Lagos, Soledad Alvear et Michelle Bachelet.
Bachelet, qui à l’origine était Ministre de la Santé, devint Ministre de la Défense Nationale en 2002, étant la première Femme d’Amérique latine à ce poste. Pendant sa charge, les relations civico-militaires commencèrent à se recomposer, après des années de détérioration depuis 1973. Sous le mandat du général Juan Emilio Cheyre, l’armée reconnut les violations des Droits de l’Homme et le Gouvernement reconnaît les résultats du Rapport Valech sur la torture durant le Régime Militaire. Pendant ce temps, Pinochet est poursuivi pour de multiples affaires de violation des Droits de l’Homme, mais il est sursis à ces poursuites pour cause de « démence sénile ». En 2004, une enquête aux États-Unis démontra que Pinochet plaça plusieurs millions de dollars à la Banque Riggs, et, en 2005, il serait détenu pour évasion fiscale et falsification de matériel public.
Le mandat de Lagos se caractérisa par un important développement des voies de communication, tels les premières autoroutes urbaines du pays, les nouvelles lignes du métro de Santiago, le métro de Valparaiso, l’inauguration du nouveau "Biotrain" (train suburbain) et l’implémentation de la première étape du nouveau système de transport de Santiago, appelé Transantiago. En politique se produit une baisse du soutien à l’Alliance pour le Chili, apparemment suite au raffut de l'affaire Spiniak (où l'accusation de sénateurs d'être liés à des réseaux pédophiles ne serait en fait qu'une manoeuvre politique), ce qui permet une récupération de l’officialisme, confirmé dans les résultats des élections municipales du 31 octobre 2004 (47,9% pour la Coalition et 37,7% pour l’Alliance aux élections municipales).
Les figures des ex-ministres Alvear et Bachelet commencent à monter dans les sondages et, début 2005, devancent toutes les deux Lavín, le candidat de l'Alliance. La Coalition décide une préélection entre ses deux candidates, tandis qu'à l'Alliance commencent à surgir des voix dissidentes quant à la candidature de Lavín, qui débouchent finalement sur la désignation de Sebastián Piñera comme candidat de Renouveau National, le 14 mai. Devant sa baisse dans les sondages, Alvear décline sa candidature, tandis que Bachelet est élue comme représentante du conglomérat officialiste.
Bachelet part favorite. En quelques mois, Piñera commence à prendre l’avantage et finalement elle devance légèrement Lavín aux élections présidentielles du 11 décembre. Bien que la Coalition arrive à un résultat historique (51,75%) aux élections parlementaires, ce qui lui permet d’avoir, depuis 2006, la majorité dans les deux chambres, sa candidate à la première magistrature n’arrive pas à réunir tout le soutien des citoyens envers Lagos et son conglomérat, et obtient un maigre 46%. En raison de ces résultats, Piñera et Bachelet durent se confronter le 15 janvier 2006 dans un deuxième tour, dans lequel Bachelet récupéra une grande partie de l’électorat perdu lors du premier tour, grâce au soutien décidé des membres du gouvernement, ce qui l’élit avec 53,49% de voix de préférence. Elle fut nommée Présidente de la République, le 11 mars 2006, devenant la première femme du pays à occuper cette fonction.
Malgré sa grande popularité, Bachelet est confrontée à une situation difficile dès sa première année de présidence. En Mai 2006, les protestations d’un groupe d’étudiants du secondaire exigeant plusieurs mesures et réformes pour améliorer la qualité de l’éducation, mouvement dénommé "révolution des pingouins", s’étendent, atteignant leur sommet le 30 mai, quand 600 000 à un million d’étudiants à travers le pays se rencontrent dans des marches, des grèves, et des occupations de bâtiments. De tels événements provoquèrent une crise politique, dans laquelle Bachelet décida de remplacer trois ministres d’État, y compris celui de l’Intérieur, et annonça plusieurs mesures qui aidèrent à décanter les mobilisations, mais même ainsi le coût politique fut important, provoquant une baisse de son image publique (bien que quelques mois plus tard elle remonta de quelques points).
Fin 2006, la découverte d’une série de faits de corruption à l'Institut National des Sports seront associés directement à des membres de la Coalition, comme le sénateur Guido Girardi, de plus le fossé s’est creusé entre les parlementaires de l’aile la plus à gauche et les secteurs les plus conservateurs de la coalition du gouvernement, du fait de quelques motions liées à l'Avortement ou les relations avec le président du Venezuela, Hugo Chávez. Cependant, l’Alliance pour le Chili n'arriva pas à tirer profit de la situation dans le conglomérat officialiste.
Le 10 février 2007, le projet Transantiago allait enfin démarrer complètement, mais une série d’erreurs de conception et d’implémentation, qui allaient s'ajouter aux manquements de certaines entreprises, allaient déclencher une nouvelle situation d’urgence. Le chaos provoqué les premiers mois provoqua une nouvelle augmentation du mécontentement de la population, face auquel Bachelet fit un mea culpa public et un nouvel ajustement de son cabinet.
Références
Voir aussi
- Liste des présidents du Chili
- Chili