Cet article a pour sujet l'
Histoire du Tibet. Pour les actuelles manifestations au Tibet, voir Troubles au Tibet en 2008
.
L'
histoire du Tibet, ancien royaume des confins et des cimes enneigées (
himals, en
Népalais), charnière stratégique entre le
Monde chinois et le monde indien, est une histoire mouvementée, interrompue par de longues périodes d'isolement.
Préambule
L'histoire du Tibet passé et actuel est intimement liée à celle de la Chine. Cependant l'interprétation de l'histoire varie radicalement selon l'opinion des historiens. Par exemple, les deux hauts fonctionnaires Hans en poste à
Lhassa par le passé sont appelés
ambassadeurs par les historiens indépendantiste ou
ministres par les historiens pro-unification. Dans cet article, Wikipedia a opté pour la présentation des points de vue de la Chine et du Gouvernement tibétain en exil. Par ailleurs, les violentes répressions contre les Tibétains ne sont pas la volonté du peuple Han, mais de la dictature du PCC. Enfin, l'occident a tendance à idéaliser de façon mythique l'ancien
Tibet, qualifié par certains observateurs occidentaux et par le régime chinois de
Théocratie féodale.
Chronologie
- 127 avant JC (?): Fondation du premier royaume tibétain dans la vallée du Yarlung.
- 633 après JC (?): Transfert de la capitale à Lhassa.
- 641 après JC (?): Introduction du bouddhisme au Tibet.
- 821 après JC (?): Traité de paix avec la Chine.
- 842 après JC (?): L’assassinat du roi Langdarma marque le début d’une période de troubles.
- 1071: Fondation de la lignée des Sakyas (ou Sakyapas) : celle-ci finira par régner sur l’ensemble du Tibet avec l’accord des Mongols et se maintiendra au pouvoir jusqu’en 1358.
- 1578: Le chef mongol Altan Khan confère le titre de dalaï-lama à Sonam Gyatso, qui devient rétrospectivement le troisième dalaï-lama.
- 1642: Le chef mongol Gushri Khan reconnaît le cinquième dalaï-lama, Lozang Gyatso, comme souverain temporel du Tibet.
- 1645: Début de la construction du Potala (achevé en 1695).
- 1717: Les Dzoungares envahissent le Tibet et s’emparent de Lhassa.
- 1720: Expulsion des Dzoungares. Etablissement du protectorat chinois sur le Tibet.
- 1879: Intronisation du treizième dalaï-lama, Thupten Gyatso, né en 1876.
- 1903: Expédition britannique du colonel Younghusband au Tibet.
- 1904: Le colonel Younghusband fait son entrée à Lhassa, tandis que le dalaï-lama se réfugie en Mongolie.
- 1909: Le dalaï-lama regagne Lhassa après cinq ans d’exil.
- 1910: Chassé par les troupes chinoises, le dalaï-lama se réfugie en Inde.
- 1913: De retour à Lhassa, le dalaï-lama réaffirme l’indépendance du Tibet.
- 1914: La convention de Simla reconnaît indirectement la suzeraineté chinoise sur le Tibet et délimite la frontière indo-tibétaine (ligne Mac-Mahon).
- 1924: L’exploratrice française Alexandra David-Néel séjourne à Lhassa.
- 1933: Mort du treizième dalaï-lama.
- 1940: Intronisation du quatorzième dalaï-lama, Tenzin Gyatso, né en 1935.
- 1950: Les troupes chinoises envahissent le Tibet.
- 1951: Signature à Pékin de l’accord en dix-sept points, qui consacre officiellement le rattachement du Tibet à la Chine.
- 1959: A la suite du soulèvement de Lhassa, violemment réprimé par les troupes chinoises, le dalaï-lama quitte le Tibet pour se réfugier en Inde.
- 1960: Le dalaï-lama forme un gouvernement en exil à Dharamsala.
- 1965: Création de la « région autonome du Tibet » (Tibet central et occidental) : le Tibet historique est amputé de la moitié de son territoire, la province de l'Amdo et la partie orientale de la province du Kham.
- 1987: Début des manifestations indépendantistes à Lhassa.
- 1989: Proclamation de la loi martiale à Lhassa. Attribution du prix Nobel de la paix au dalaï-lama.
- 1995: Le dalaï-lama reconnaît Gedhun Choekyi Nyima (né en 1989) comme onzième panchen-lama et second personnage de la hiérarchie bouddhiste tibétaine. Celui-ci est enlevé par les Chinois, qui désignent Gyaltsen Norbu à sa place.
- 2008: Suite à des manifestations de moines bouddhistes à Lhassa et à des émeutes anti Han et Hui, la médiatisation internationale de la répression entraine l'idée d'un boycott politique des jeux olympiques de Pékin.
La Préhistoire et les origines mythiques
Bien que le
Tibet soit mentionné dès le
IIe siècle dans la géographie de
Ptolémée sous le nom de
βαται, transcription grecque de
BOD, son nom indigène
Tibétain, et que l’ancien royaume de
Zhang Zhung (Tibet occidental) apparaisse dès le I
er siècle
av. J.-C. dans le
Shiji sous le nom de
Shantong (
单同), le pays ne fait réellement son entrée dans l’histoire qu’au
VIIe siècle avec l’envoi en Chine d’une ambassade par l'empereur (
Namri Songtsen,
601-
629).
La préhistoire reste très mal connue, mais des découvertes sporadiques permettent de penser que le territoire fut très tôt sillonné par des nomades parvenus entre 14 000 et 8000 av. J.-C. Des sites néolithiques ont été découverts dès les années 1950 à Yunsing, Hongkung, Jumu et Gyarama (Nyingchi) Bai-bung et Marniyong (Medog), Qukong au nord-est de Lhassa et Karub (Karo) dans le Qamdo (1978). Seuls les deux derniers ont fait l’objet d’une exploration archéologique systématique. Les artéfacts de Karub remonteraient de 3000 à 2000 av. J.-C.. Depuis les années 90, le territoire de Zhangzhung a révélé plus de 500 sites de l’âge du fer dont l’exploration progresse lentement. Une parenté a été proposée entre les ancêtres des Tibétains et ceux des Qiangs.
Les origines mythiques
Selon l'histoire mythique de l’empire tibétain (
-127-
842), le premier roi (
Nyatri Tsenpo) serait descendu du ciel sur la montagne sacrée Yalashangbo — ou serait venu d'
Inde ou du
Népal. En raison de particularités physiques étranges, comme des mains palmées et des paupières se fermant par en bas, il aurait été accueilli comme un dieu par les indigènes, qui le prirent sur leurs épaules pour l'introniser roi, ce qu'indiquerait son nom :
souverain (Tsenpo)
intronisé par le cou (nyatri). Une autre histoire permet de comprendre pourquoi les tibétains de l'époque l'on pris pour un dieu : ne comprenant pas leur langue, celui qui allait devenir le roi montra le ciel (le sommet de la montagne) pour dire d'où il venait, les tibétains auraient interprété ce geste comme étant un dieu venu du ciel. Les premiers rois étaient immortels, reliés aux cieux par une corde au moyen de laquelle ils y remontaient à la fin de leur séjour terrestre. Tout cela aurait pris fin avec le roi
Dri-dgum-brtsan-po (
Drigum Tsenpo) : ayant provoqué son palefrenier Lo-ngam, la corde le reliant au ciel fut coupée durant le combat et il en mourut ; il fut le premier à laisser un cadavre et à être enterré.
Suivant un ensemble de mythes préservés dans la tradition Bön, l'origine du monde est géminée : les dieux et l’humanité sont sortis de deux rayons de lumière ou de deux oeufs, un blanc et un noir. Du blanc est sorti Shiba Sambo Benchi, père des dieux et des humains ; de l’oeuf noir est sorti le père des démons et des forces destructrices. Certains voient là une influence du zurvanisme, avant-coureur du Manichéisme.
Selon un autre mythe, qui apparaît tout d'abord dans le Maṇi Bka' 'bums, les Tibétains sont issus de l'union d'un singe et d'une ogresse des roches, le singe étant la manifestation du Bodhisattva Avalokiteśvara (tib. Spyan-ras-gzigs) et l'ogresse celle de la déesse Târâ (tib. Grol-ma).
L’empire tibétain
Voir la Liste des empereurs du TibetAu VIIe siècle, une monarchie d’une certaine importance émerge sur le territoire du Tibet actuel, marquant sa naissance comme entité politique unifiée. Les rois ou empereurs de la dynastie Yarlung, dans la vallée duquel leur capitale de Yumbum Lhakang aurait tout d’abord été installée, prétendent remonter au IIe siècle av. J.-C., où le mythique Nyatri Tsenpo descendu du ciel aurait été intronisé (en -127 selon l’historiographie traditionnelle). Leur chefferie de Sheboye deviendra un royaume appelé Pugyäl (Tufan ou Tubo 吐蕃 par les Chinois et Tüböt par les Mongols, d’où le nom de Tibet). Ayant conquis Zhangzhung, ils contrôleront le territoire jusqu’au milieu du IXe siècle, étendant au faite de leur puissance leur emprise jusqu’en Mongolie et au Bengale, et menaçant les empires Chinois et Abbasside. À partir de 846, le pouvoir central s’efface au profit des féodaux. Suit une période de division politique jusqu'à l'arrivée des Mongols au XIIIe siècle.
Les petits royaumes
Durant les premiers siècles de l’ère chrétienne, en dehors du Zhangzhung qui se développe à partir du cours supérieur du
Sutlej (actuel Kinnaur,
Himachal Pradesh), un ensemble culturel et politique qui donnera naissance à l’empire tibétain se constitue à partir de la vallée du
Yarlung et des vallées voisines de la
Lhassa, de la Nyamchu et de la Nyiyam. Sur l’ensemble du futur Tibet, des chefferies ou fédérations de tribus à la fois rivales et alliées constituent les « royaumes » que les traditions chiffrent à quarante ou douze. Un document retrouvé à
Dunhuang en donne la liste suivante :
- Zhangzhung au Ngari et au Ladakh
- Nyamrochegar, Norbo et Nyamroshambo à Jamtse et à Shigatse
- Chomonamsung s'étendant de Yadong au Sikkim
- Gyirojamen, Yambochasung et Lhongmoroyasung le long de la Lhasa
- Yaroyuxi, Eryubamgar et Eiyuchuxi dans la région de Shannan
- Gongbozhena à Gongbo
- Nyamyudasung à Nyambo
- Tabozhuxi à Tagung
- Shenyuguyu dans la région de Samye
- Sobiyasung du nord du plateau tibétain à Yushu et Gamze
- Sheboye, berceau des fondateurs de l’empire, à Qoingye dans la région de Shannan
C’est sur ce dernier royaume qui deviendra Tubo, le Tibet, que l’on a le plus d’informations, bien qu’elles soient souvent nettement postérieures à la fondation de l’empire.
Pugyäl et la naissance de l’empire
L’écriture
tibétaine fit son apparition au
VIIe siècle sous le règne de
Songtsen Gampo. Bien que les documents historiques contiennent de nombreuses anecdotes concernant les rois (
tsenpo) de la dynastie Yarlung, seuls les onze derniers ont laissé des traces historiques fiables et il subsiste énormément d’incertitudes quant à la genèse de la dynastie et du royaume de Pugyäl en général. Les
Annales des rois du Tibet, rédigées par Sonam Gyaltsen des
Sakyapa, relatent que le 1
er roi légendaire
Nyatri Tsenpo était assisté de trois
shangs et d’un
lun,
shang désignant les oncles maternels, probablement chefs des sous-tribus, et
lun les serviteurs ou officiers royaux. Les positions de
dalun, premier ministre, et d’
anben, responsable de la collecte des impôts et tributs, auraient été crées par le 16
e tsenpo,
Zanam Zindé. Les biens possédés par les nobles et chefs de tribu l’étaient par délégation royale, et le souverain pouvait les confisquer pour manque de loyauté ; elles lui revenaient en cas d’absence de descendance mâle.
Drigum Tsenpo est, selon la tradition, le 8e roi et le premier à avoir perdu l’immortalité dans un combat contre son palefrenier. Selon la version historique, il aurait été tué par Armodaze, chef d’une sous-tribu, qui aurait également exilé les fils de Drigum Tsenpo à Gongbo où l’un d’eux devint roi. L’autre revint à la tête d’une armée pour reprendre le trône et tuer l’usurpateur. Il aurait fait bâtir la forteresse de Qoinwadaze à Qoinye, ainsi qu’un grand mausolée pour son père, donnant peut-être ainsi naissance à la légende qui en fait le premier roi à avoir été enterré au lieu de remonter au ciel.
À l’époque donnée comme celle du 29e tsenpo, Lha Thothori Nyantsen, la chefferie de Sheboye semble en pleine expansion. Dans la vallée de Lhassa, deux autres chefferies importantes, Yanbochasung et Gyinorjam'en, sont chacune à la tête d’une alliance de tribus. Des luttes de rivalité au sein de ses alliances permettent à Sheboye-Tubo de prendre une place prééminente.
Le Tibet serait né définitivement au château de Taktsé situé à Chingwa (wylie=Phying-ba) dans le district de Chonggyä (wylie=’Phyongs-rgyas) où, selon les Annales tibétaines anciennes, un groupe de conspirateurs convainc le roi Tagbu Nyasig de se rebeller contre Gudri Zingpoje (Dgu-gri Zing-po-rje), vassal de Zhangzhung alors sous la dynastie Lig myi. Gudri Zingpoje meurt prématurément et son fils Namri Songtsen convainc les conspirateurs de s’allier avec lui. Devenu roi, Namri Songtsen se sent suffisamment puissant pour envoyer en 608 et 609 deux ambassades en Chine, marquant les premières relations internationales du Tibet.
La montée de l'empire tibétain (<span class'romain' title='Nombre écrit en chiffres romains'>VIIe siècle-milieu du IXe siècle)=== Les plus célèbres rois de Tibet Songtsen Gampo (609?-650), Trisong Detsen et Relpachen, sont considérés comme des Chögyal (Chos rgyal) ou Dharmaraja. Le premier, assisté du chancelier Gar Songtsen, donna au Tibet les frontières qui seront encore les siennes au début du XXe siècle et fonda Lhassa où il installa son administration ; il fit construire le premier bâtiment du Potala. Il soumit Zhangzhung, son plus important concurrent immédiat, et étendit son influence jusqu'au Pamir, au Népal et en Chine occidentale. Symbole de ses réussites militaires et diplomatiques, il obtint en mariage les princesses Bhrikuti (népalaise) et Wencheng (chinoise), à qui l’on prête l’introduction du bouddhisme au Tibet et la construction de nombreux temples dont le Jokhang. Il envoya en Inde des Tibétains pour y étudier le Sanskrit ; on attribue à son ministre Thonmi Sambhota l’invention de l'écriture tibétaine, inspirée de l'alphabet devanāgarī. Trisong Detsen (règne 740 ou 755 suivant les sources -797) est connu comme le roi qui implanta définitivement le Bouddhisme au Tibet en invitant Shantarakshita et Padmasambhava et lui imprima sa spécificité en optant pour la tradition indienne et tantrique au détriment de la tradition chinoise. Il décréta le Bouddhisme religion d'état au Tibet.
Durant les deux siècles suivant la mort de Songtsen Gampo (650), les Tibétains tentent d’agrandir ou de défendre leur territoire contre les puissances et peuplades voisines (Chinois, Kirghizes, Ouïghours, Abbassides), variant leurs alliances au gré des événements. Alliés aux Ouighours et aux Abbassides, ils gagnent contre la Dynastie Tang la Bataille de Talas (751) qui leur permet d’étendre pendant une dizaine d’années leur influence en Asie centrale au détriment de la Chine. Sous le règne du Roi du Tibet Trisong Detsen, les Tibétains envahissent la capitale de la Chine Chang'an en 763. et mettent en place leur propre empereur car l'empereur de Chine Daizong s'est enfui à Luoyang. Cette victoire a été préservée pour la postérité dans le Zhol Doring (pilier en pierre) à Lhassa. À la charnière des VIIIe et IXe siècles, les Tibétains sont souvent en guerre contre les Abbassides et leur disputent, en vain, Samarkand et Kaboul.
Bien que la structuration administrative du pays progresse, le Tibet conserve un fonctionnement de royauté et de féodalité où le pouvoir central est menacé par les conflits entre clans et membres de la famille royale. À partir du VIIIe siècle, le bouddhisme est décrété religion d’État, mais l'ancienne tradition chamanique Bön subsiste. Après l’assassinat par un ermite bouddhiste (en 841 ou 842) du roi Langdarma le pays se retrouve de nouveau divisé.
Introduction du bouddhisme tantrique
Du fait de la rareté des sources écrites et des traces archéologiques datant de l’empire de Tubo, et du style peu réaliste des récits relatant l’introduction du bouddhisme, cette partie de l’histoire tibétaine reste en fait assez mystérieuse. Les documents ne deviennent plus nombreux qu’à partir de la seconde vague d’influence bouddhiste (X
e–XI
e siècles). La tradition fait remonter les premiers contacts avec cette religion au règne de Songsten Gampo (609 ?-650) - bien qu’une légende prétende que dès 433, sous le règne de Lhatho-Thori-Nyentsen, un texte bouddhique et des objets sacrés auraient atterri sur le toit du palais royal. On raconte que
Songtsen Gampo aurait épousé deux bouddhistes, une Népalaise et une Chinoise, et qu’elles apportèrent avec elles les premières statues de
Bouddha, dont le fameux Jowo exposé au
Temple de Jokhang dont la construction est attribuée au trio royal. D’autres temples auraient été bâtis par les deux reines, assimilées ultérieurement par la tradition à deux incarnations du
Bodhisattva Tara. Les destructions dues aux invasions n'ont laissé au Népal que peu de traces de l'époque et aucune de la princesse
Bhrikuti. Quant à la princesse chinoise
Wencheng, nièce de l’empereur
Tang Taizong titrée pour l'occasion, et dont l'identité exacte est inconnue, on ignore si elle était bouddhiste ou
taoïste, religion officielle de la famille impériale. Tout au moins la figure de ces deux reines représente-t-elle les deux sources principales de l’influence bouddhique dans le pays des Neiges. Un siècle et demi plus tard, en 792, on voit les moines chinois
chan chassés sur ordre du roi
Trisong Detsen après une
joute de magie et débats ayant tourné à l’avantage des Indiens.
Le roi Trisong Detsen a joué un rôle déterminant dans l’orientation religieuse du pays en y invitant un abbé de Nalanda, Shantarakshita (arrivé avant 767 et décédé en 802), puis le grand maître tantrique Padmasambhava (arrivé vers 817). Ensemble ils ont fondé le premier monastère de Samye, Shantarakshita jetant les bases et Padmasambhava luttant contre les démons et les forces négatives (identifiés aux traditions religieuses locales dont le Bön) contre lesquels les moines ordinaires sont impuissants. La tradition crédite ainsi Trisong Detsen d’avoir appuyé le bouddhisme contre le bön, et choisi le vajrayana d’origine indienne contre le mahayana non-tantrique du monde chinois. Yeshe Tsogyal, épouse de Trisong Detsen offerte à Padmasambhava qui lui confiera son enseignement ésotérique afin qu’elle le cache au bénéfice des générations futures, symbolise l’appropriation du vajrayana indien par le Tibet. C'est également sous son règne et sous son égide qu’aurait été entrepris le premier travail de traduction de sutras et tantras qui devait fournir le corpus de la « tradition ancienne » Nyingmapa. En fait, beaucoup de ces textes -ainsi que des textes bön- sont des redécouvertes ultérieures par vision ou inspiration, appelés « trésors cachés » (terma). Selon la tradition, Padmasambhava, Yeshe Tsogyal et les premiers maîtres ont en effet dissimulé leurs enseignements pendant ces temps troublés. En effet, l’affiliation religieuse bouddhiste/bön se mêle vite aux rivalités politiques, donnant lieu à des persécutions mutuelles. Le règne de Langdharma (836–842) fut ainsi défavorable au bouddhisme et on prétend qu’il fut assassiné par un ascète de cette tradition. De manière générale, le bouddhisme pénètre autant en absorbant les traditions religieuses locales qu’en rivalisant avec elles. Le monachisme occupe au mieux une place mineure et c’est seulement vers la fin du IXe siècle qu’on distingue clairement le clergé « rouge » monastique du clergé « blanc » laïc, qui devait constituer au début l’essentiel du lot.
À cette époque, les Tibétains entrent également en contact avec d’autres religions comme le Manichéisme pratiqué entre autres par les Ouighours et le Nestorianisme en expansion vers l’Orient. Au VIIIe siècle, le patriarche Thimotée Ier (727-823) mentionne l’existence à Tubo d’une communauté prometteuse pour laquelle il réclame l’envoi d’un évêque.
Le Tibet divisé
À la mort de Langdarma (841 ou 842), une lutte s’élève entre deux héritiers potentiels, Yumtän (Yum brtan) et Ösung ('Od-srung) (843-905 ou 847-885). Bien que le parti d’Ösung réussisse à conserver le contrôle de Lhassa et que la lignée royale se perpétue un certain temps, le pouvoir central disparaît et les tombes royales sont vandalisées en 910.
Yumtän crée une autre dynastie dans la vallée de Yarlung. Un des fils d’Ösung, Thrikhyiding (Khri khyi lding), encore appelé Kyide Nyigön (Skyid lde nyi ma mgon), fonde une dynastie dans le Ngari. Nyima-Gon, apparenté lui aussi à la famille royale, fonde la première dynastie du Ladakh. Ses deux fils cadets fondent Pu-hrang et Guge. À partir du milieu du XIe siècle, la lignée Sakyapa dirigée par le puissant clan Khön de Tsang domine le Tibet central. Au XIIIe siècle, ses hiérarques seront investis du titre de vice-roi du Tibet par les Mongols.
Deuxième introduction du bouddhisme
Durant un bon siècle et demi, on est presque sans nouvelles du bouddhisme dans le
Tibet central, le
Ü-Tsang. Au Ngari par contre, le bouddhisme est bien préservé dans le royaume de Guge dont un prince-moine, Jangchub Yeshe Ö (Byang Chub Ye shes' Od), envoie des étudiants au
Cachemire et invite
Atisha en 1040, initiant la seconde transmission du bouddhisme au Tibet (phase dite
Chidar -
Phyi dar). Atisha rédige de nombreux ouvrages dont le plus connu est
La Lampe pour le cheminement vers l'illumination (
sk.
Bodhi Pradipa, tib.
Byang chhub lam gi rdon mey). Par ailleurs, le bouddhisme a également subsisté visiblement au
Kham et au mont Dantig dans l’
Amdo, où se seraient réfugiés trois moines. Leur disciple Muzu Selbar (Mu-zu gSal-'bar), encore appelé Gongpa Rabsal (Dgongs-pa rab-gsal) (832-915), devient chef d’une petite communauté de jeunes gens que lui a confié un descendant d’Ösung fixé près de Samye ; ils seront missionnaires à
U-Tsang (Tibet central). Bientôt apparaissent des lignées se réclamant de sages indiens contemporains d’Atisha et comme lui en majorité bengalis (Virupa,
Tilopa).
Sakya, fondée par le clan Khön dominant dans la région de Tsang, jouera un rôle non seulement religieux mais politique en prenant le contrôle du Tibet jusqu’au milieu du
XIVe siècle ; le monastère de Sakya est fondé en 1073 à Ponpori (
Shigatse) par Khön Konchog Gyalpo. Dromtonpa de la région de U, disciple direct d’Atisha, fonde en 1057 à Radreng au nord de
Lhassa le premier monastère
kadam, précurseur de
gelug. Les nombreuses lignées
kagyu se dégagent progressivement de l’héritage de
Marpa, disciple de Tilopa via
Naropa ; le monastère de
Tsourphou est fondé en 1159 par le 1
er Karmapa. Ces nouveaux courants, basés sur des traditions orales d’importation récente et des textes nouvellement traduits sont regroupés sous le terme de
samarpa (nouvelle tradition). D’autres bouddhistes, comme Muzu Selbar, se réclament du maître de la première transmission,
Padmasambhava, et s’appuient sur ses textes « redécouverts », les
termas ; ils constituent la
tradition ancienne Nyingmapa. Le
Bön aussi reparaît sous une forme appelée
Yungdrung qui offre des ressemblances avec le bouddhisme.
Du protectorat mongol à la suzeraineté chinoise (1246-1720)
Mongols, Chinois et Mandchous
Après la chute des rois de Tubo, le Tibet se constitue en une théocratie féodale, les lignées religieuses étant contrôlées ou au moins soutenues chacune par un clan puissant, puis parfois, une puissance étrangère (mongole ou chinoise) ; les lignées
nyingma et
Bön se tiennent relativement à l’écart de ces luttes dont
gelug sort vainqueur au XVII
e siècle, les
dalaï lamas devenant définitivement chefs du pays.
À partir du XIIIe siècle, la puissance mongole s’impose au Tibet qui ne possède pas de pouvoir central fort. Bien qu’il ne s’agisse pas réellement d’une occupation car ils pénètrent au total peu dans le pays, les Mongols considèrent le pays des Neiges comme faisant partie de leur empire et en délèguent le gouvernement à une puissance locale (tout d’abord les sakya, plus tard les gelug), comme ils le font avec d’autres régions ; ils renforcent ainsi le pouvoir local des lignées élues. À l’exception des Phagmodrupas kagyu (1354-1481) plus indépendants, les différentes factions tibétaines prennent d’ailleurs l’habitude de rechercher des protecteurs étrangers pour asseoir leur position ou lutter contre une menace militaire. La suzeraineté mongole subit les conséquences de l’évolution de l’empire des steppes qui, malgré l’existence de grands khans, se divise en branches indépendantes et rivales. Suzerainetés mongole et chinoise se trouvent liées par les événements : (Kubilai Khan devient empereur de Chine au milieu du XIIIe siècle (Dynastie Yuan) et les Mandchous prennent le titre de Khan au milieu du XVIIe siècle, peu avant de devenir à leur tour empereurs de Chine (Dynastie Qing).
Le Tibet exerce pour sa part une influence culturelle non négligeable sur les Mongols, qui adoptent sporadiquement le bouddhisme tantrique dès le XIIIe siècle en complément de leurs propres pratiques religieuses, avant de le prendre pour religion officielle au XVIe siècle. Des tulkus sont découverts en leur sein. Les Mandchous au pouvoir en Chine soutiendront également le bouddhisme tibétain.
Régence Sakya (1246-1354)
En 1227
Gengis Khan conquiert l’empire Tangout. En 1239, son fils Köden prend le contrôle du
Kokonor et envoie l’année suivante le général Doorda Darqan en reconnaissance au Tibet où il incendie les monastères
kadam de Redreng et Rgyal-lha-khang. En 1244, Köden manifeste son désir de rencontrer
Sakya Pandita, chef des sakya dont il reconnaît la prééminence dans le pays et attend allégeance. Ce dernier se rend en 1246 à la cour de Köden avec ses neveux Drogön Chögyal Phagpa ('Phags-pa; 1235-80) et Chana Dorje (Phyag-na Rdo-rje) (1239-67)
Möngke, devenu khan en 1251, distribue les différentes régions du Tibet en apanage à des membres de sa famille. Drogön Chögyal Phagpa suit dans ses campagnes Kubilaï, qui deviendra khan en 1260 et après une guerre avec la Chine des Song fondera en 1271 la
Dynastie Yuan. En 1265, Phagpa se voit confier officiellement la régence (
sde srid ou
desi) du Tibet. De retour, il s’efforce d’imposer effectivement son contrôle en nommant en 1267 Shakya Bzangpo gouverneur (
dpon chen) ; les hiérarques sakya passeront en effet l’essentiel de leur temps à la cour chinoise. Un recensement a lieu en 1268 et le pays est divisé en 13 parties.
En 1268, Drogön Chögyal Phagpa se rend de nouveau à Kanbalik auprès de Kubilaï en guerre avec la Chine, et lui présente un projet d’écriture censée transcrire toutes les langues de l’empire chinois et remplacer les sinogrammes dans les documents administratifs. Il s’agit d’une commande de Kubilai connue comme l’écriture Phagspa. Elle sera utilisée pendant 110 ans, et peut être retrouvée sur des objets de la dynastie Yuan qu’elle permet ainsi de dater. Kubilaï nomme Phagpa Maître national guoshi (國師), la plus haute distinction chinoise pour les religieux et érudits, et confirme la régence des sakyas. Ils garderont le pouvoir jusqu’au milieu du XIVe siècle, mais devront mater une révolte (1285-1290) de Drikhung Kagyu aidée par des troupes envoyées par Houlagou, qui possède un apanage dans la région où se trouve le siège de Drikhung.
Gouvernement Phagmodrupa (1354-1481)
Une cinquantaine d’années plus tard, une autre lignée kagyu (Phagdru Kagyu) issue de l’ermite Phagmodrupa (Phag mo gru pa 1118-1170), ayant pour centre le monastère de Densatil (gDan-sa-mthil) à
Nêdong (Sne'u gdong), arrache le contrôle du Tibet central aux sakyapa et éloigne par la même occasion l’influence sino-mongole, sans toutefois bouleverser l’organisation du pays qui conserve la structure acquise durant la régence. À partir de 1352, alors que perdait en puissance la
Dynastie Yuan mongole et les
Houlagides qui détiennent le territoire en apanage, l'un des chefs régionaux, Janchub Gyaltsän (Byang chub rgyal mtshan, Chang-chub Gyaltsen, 1302-1364), chef du clan Lang (Rlang) qui contrôle la lignée, se révoltat contre l'hégémonie sakyapa. Après 6 années de guerre, Gyaltsen vainc les sakyapa. En 1354 (ou 1356?) il obtient le pouvoir effectif sur le Tibet central. Gyaltsen remplaça les administrateurs sakyapa par des proches indépendants des Mongols, leur manifestant son indépendance. Il poste des troupes à la frontière chinoise, redistribuant les terres équitablement et diminuant les taxes, revenant au système judiciaire tibétain créé par Songtsen Gampo, il institua des procès pour les suspects qui étaient exécutés sous les lois mongols. Le Gouvernement Phagmodrupa restera en place en partie aux mains de la famille de Chang-chub Gyaltsen jusqu’en 1481, perdant néanmoins en puissance à partir de 1434. Les chefs Lang se donnent les titres de
lha btsun (roi divin) et de
phagmodrupa, chefs de la lignée Phagdru Kagyu. Leur capitale est à
Tsetang (Rse thang) dans le
Comté de Qonggyai. Ainsi, 10 ans avant la Chine, le Tibet était libéré de la domination mogole.
Ascension des gelug (à partir du <span class
"romain" title="Nombre écrit en chiffres romains">XVI
e siècle)===
Altan Khan (1507-1582), chef de l'Aile Droite des Mongols, s’efforce de réunifier les tribus pour retrouver la puissance initiale de l’alliance ; il renoue les liens avec le Tibet. La puissance des Sakyapa ayant disparu, ce sont les Gelugpa qu’il distingue. Il offre le titre de « dalaï » (Océan de Sagesse) à Sonam Gyatso, chef du courant réformateur, titre qui fut appliqué rétrospectivement à ses deux prédécesseurs. En retour, le 3e Dalaï-lama confère à Altan Khan le titre de « Brahma », roi de la religion. Altan Khan invite le dalaï-lama en Mongolie en 1569 et 1578 et se convertit au Bouddhisme tibétain durant la seconde visite ; il promulgue un édit en faisant la religion officielle de son peuple. En 1588, le 3e dalaï-lama meurt alors qu'il enseigne en Mongolie. Le 4e dalaï-lama naquit en Mongolie, et à l'âge de 12 ans, il sera amené au Tibet.
Lobsang Gyatso (1617-1682), 5e dalaï-lama, est renommé pour son sens politique. Il maintient l'indépendance du Tibet contre les pressions des pouvoirs chinois et mongol. En 1640, l'Empereur mongol Güshi Khan de la tribu des Qoshot (Khoshuud ou Kalmouks) envahit le Tibet et vainc le Roi de Tsang. Du fait des liens des lignées Kagyu et Jonang avec ce roi, le 10e Karmapa, chef de l'école Karma Kagyu, doit s'exiler durant 20 ans. Les Jonangpas sont persécutés par les Gelugpas et semblent disparaître, mais ils subsisteront jusqu'à nos jours et seront reconnus par le 14e dalaï-lama. En 1642, Güshi Khan instaure le 5e dalaï-lama chef spirituel et temporel du Tibet, qui s'étend alors de Dartsedo, aux portes de la Chine, jusqu'aux frontières du Ladakh.
En 1645, le 5e dalaï-lama établit la capitale à Lhassa et fait débuter la construction du Palais du Potala qui prendra près de 43 ans et où siègera le gouvernement du Tibet. En 1649, le chef temporel du Tibet est invité à Pékin par l'Empereur Shunzhi de la dynastie mandchoue, qui vient à sa rencontre, parcourant 20 km depuis Pékin en quatre jours. Dans la capitale chinoise, le dalaï-lama demeure au palais Jaune construit pour lui par l'Empereur. Les deux dirigeants échangèrent des titres honorifiques. En 1653, Lobsang Gyatso retourne au Tibet. Entre 1670 et 1685, sous le règne du 5e dalaï-lama, le Tibet conquiert la Vallée de Chumbi au sud du Tibet, certaines régions du Kham, et la partie de l’ouest du Tibet contrôlée par le Ladakh ; seul le Bhoutan résista victorieusement à ces conquêtes.
Les dalaï-lamas successifs, ou leurs régents dans l'intervalle, seront en charge du gouvernement du Tibet jusqu’en 1959.
À la fin du XVIIe siècle, à la suite d’une dispute avec le Bhoutan, le Tibet envahit son allié le Ladakh, amenant la conversion du roi de ce pays à l’Islam, condition exigée - avec la construction d’une mosquée – par les Cachemiri pour leur aide. Un traité est signé en 1684, mais l’incident précipite la perte d’indépendance du Ladakh au profit du Cachemire.
Estimant que le 6e dalaï-lama mène une vie dépravée, les Kalmouks Khorshuud qui se considèrent comme les protecteurs du courant Gelug décident d’intervenir, approuvés par Ligdan Khan, chef des Mongols, et l’empereur chinois Kangxi. Lhazang Khan, petit-fils de Güshi Khan, envahit le Tibet en 1705, apportant avec lui un nouveau dalaï-lama, Ngawang Yeshi Gyatso, intronisé en 1707 mais non reconnu par Gelugpa. En 1706, Tsangyang Gyatso a été évacué à Gongganor au sud de Kokonor où il meurt – assassiné, pensent les historiens – ou disparait mystérieusement vers la Chine ou la Mongolie selon la légende. Les Tibétains cherchent de l’aide auprès d’une autre branche kalmouke, les Dzoungars, qui ont raison de Lazhang Khan mais s’installent à Lhassa où ils n’en font qu’à leur tête. C’est ce qui amène l'intervention militaire chinoise de 1720. Les troupes chinoises chassent les Dzungars et mettent en place le 7e dalaï-lama, Kelzang Gyatso, qui reconnaît la Chine comme pouvoir protecteur.
De la vassalité à la colonisation 1720-1908
En 1720, les empereurs de la dynastie mandchoue des Qing qui prennent le pouvoir après l'effondrement de la dynastie Han des Ming exercèrent une influence politique sur le Tibet proche du protectorat sans toutefois l'incorporer dans leur empire.
Toutefois, ce protectorat chinois se révèle fluctuant à l’usage. Il est réel en périodes troublées (guerre civile, rébellions…), avec une main mise sur la politique intérieure ; il s’avère beaucoup plus souple en temps calmes, marqué par un retrait des Chinois qui se contentent de remplir leur rôle de protecteur ; ainsi, ils interviennent pour stopper les invasions des Gurkhas népalais, puis se retirent. En 1788, les forces Gurkha envoyées par le roi du Népal, Rana Bahadur (?), envahissent le Tibet, occupant un nombre de frontière quartiers. Le jeune Panchen-lama fuit à Lhassa et l'Empereur mandchou Qianlong envoya des troupes à Lhassa, les Népalais se retirèrent et consentirent à payer une somme annuellement. En 1791 les Gurkhas népalais envahissent le Tibet une deuxième fois, saisissant Shigatse, détruisant, pillant, et défigurant le grand monastère de Tashilhunpo. Le panchen-lama est forcé de fuir à Lhassa à nouveau. L'Empereur Qianlong a envoyé alors une armée de 17 000 hommes au Tibet. En 1793, avec l'assistance de troupes tibétaines, ils expulsent les troupes népalaises jusqu'à peu près 30 km de Katmandou avant que les Gurkhas n'admettent la défaite et restituent les trésors qu'ils avaient pillé.
Après la disparition de Qianlong, et à la suite des invasions occidentales, l’affaiblissement de la Chine rend ce protectorat totalement virtuel ; les Chinois n’assurent plus leur rôle de protecteur et laissent les Tibétains se débrouiller seuls face aux agressions étrangères. Les deux Ambans présents à Lhassa, dont les injonctions ne sont jamais respectées par les Tibétains, se contentent d’un rôle de simples observateurs impuissants, et maintiennent uniquement l’illusion de la domination chinoise. Le Tibet est tombé sous la coupe d’une Chine ambitieuse et expansionniste, du fait de ses dissensions internes, mais il a retrouvé une souveraineté de facto au XIXe siècle, tout en acceptant une « dépendance nécessaire » (une protection militaire), du fait de son statut particulier.
Le premier contact du Tibet avec le monde occidental se fait par l’intermédiaire de la Grande-Bretagne, puissance coloniale à la fin du XIXe siècle. Sur le plan géopolitique, les Britanniques disaient vouloir anticiper sur d’autres prétentions colonialistes, en particulier celles des Russes dont les ambitions dans la région ont sans doute été surévaluées par les Britanniques.
Les premières approches britanniques en direction du Tibet se soldent par des échecs, avec une fin de non-recevoir de la part des autorités tibétaines qui refusent de s’ouvrir aux influences occidentales ou de voir leur territoire traversé par des commerçants. C’est donc vers la Chine, considérée comme puissance tutrice, que les Anglais vont se tourner pour arriver à leurs fins. L’ouverture vers la Chine va s’opérer en deux phases, avec un changement d’orientation très net dans la stratégie anglaise lorsqu’ils percevront clairement la réalité locale. Dans un premier temps, ils multiplient les signatures de traités avec la Chine ; les plus significatifs sont :
- 1876 : la convention de Chefoo où la Chine accorde un droit de passage anglais au Tibet ; cet accord constitue la première reconnaissance implicite de l’autorité chinoise sur le Tibet par une puissance occidentale ;
- 1890 : le traité de Calcutta qui fixe la frontière entre le Sikkim anglais et le Tibet ;
- 1893 : le « Tibet Trade Regulation » qui autorise le commerce britannique au Tibet et leur permet d’ouvrir un comptoir commercial à Yatung, en territoire tibétain.
Ces traités légitiment les revendications de souveraineté chinoise et son « droit » à mener la politique extérieure du Tibet. L’Angleterre admet une quasi-souveraineté chinoise car cela va dans le sens de ses propres intérêts, mais va très vite prendre conscience que la Chine n’a aucun moyen pour imposer ces accords au Tibet.
les Tibétains entendent rester maîtres de leur territoire et de leurs choix et ne se sentent pas concernés par des conventions signées par dessus leur tête ; ils refusent donc catégoriquement de les appliquer. Dès qu’ils comprennent que la souveraineté chinoise n’est que nominale, les Britanniques changent de stratégie et traitent directement avec Lhassa :
- En 1899, une première tentative de Lord Curzon, vice-roi des Indes, d’établir un contact direct est éconduite poliment ;
- En 1904, devant l'impossibilité d'imposer pacifiquement leur présence, les Britanniques lancent une opération militaire au Tibet ; menée par le colonel Francis Younghusband, elle vise officiellement à sécuriser l’Empire des Indes menacé par une éventuelle mainmise de la Russie sur le Tibet. Cette opération aboutit à l’occupation de Lhassa et à la fuite du 13e dalaï-lama. L'extrême brutalité de cette action militaire, marquée par le massacre de la défense tibétaine, convaincra les Tibétains de l'intransigeance britannique ;
- Un traité signé à Pékin le 27 avril 1906 permet à la Chine de réaffirmer sa Suzeraineté sur un Tibet fermé aux étrangers, alors que, dans le mouvement de ce qui a été appelé le « dépeçage de la Chine », le Royaume-Uni s’attribue au Tibet des privilèges commerciaux et diplomatiques ;
- En 1907, les Britanniques imposent la signature du traité de Lhassa qui entérine leur présence au Tibet, matérialisée par une représentation à Lhassa et trois bases commerciales, et contraint les Tibétains au versement d’une indemnité. Après avoir compris que l'emprise chinoise n'était que virtuelle, les Britanniques ne vont ainsi plus s’adresser qu’aux seuls Tibétains, reconnaissant implicitement la souveraineté du Tibet. Cette perception de la situation locale par les Britanniques sera d'ailleurs confirmée par l’accord anglo-russe de 1907, où il est fait allusion à la Suzeraineté chinoise, et non à sa Souveraineté ;
- En 1908, les Britanniques retirent leurs troupes du Tibet mais continuent, en vertu des traités, d’y exercer un droit de regard.
Il est à noter que c'est durant cette période, précisément en 1898, que le Gouvernement du Tibet du 13e dalaï-lama abolit la peine de mort .
De la destitution à une autorité retrouvée 1904-1929
En
1904, le 13
e Dalaï-lama, que l'expédition militaire britannique de Younghusband avait contraint à s'enfuir vers Ourga en
Mongolie, est reçu par le
Khutuktu et les représentants russes. Mais le
Tsar, qui mène une guerre qu’il va perdre contre le
Japon, ne peut pas voler au secours du Tibet. Pékin destitue le 13
e Dalaï-lama qu'il accuse de lâcheté. Les Anglais recevront des dommages de guerre en soixante quinze versements annuels et occuperont la
Vallée de Chumbi, tant que la somme convenue ne sera pas soldée.
Le Tibet s'engage à ne pas céder ou louer une partie de son territoire sans l'accord de la Grande-Bretagne. Aucune puissance étrangère ne sera autorisée à envoyer des représentants officiels ou des personnes privées au Tibet, quelles que soient les motifs de leur séjour, que ce soit pour construire des routes, des voies ferrées, installer le Télégraphe, prospecter ou exploiter des mines, sans le consentement de Londres. L'accord est signé, avec apparat, dans la salle du trône du Potala, à la demande du chef de l'expédition britannique. Les troupes peuvent se retirer de Lhassa. Les Anglais vont occuper pendant 75 ans une partie du territoire tibétain. Cet accord, négocié sans la participation des Chinois, est parfois interprété comme une reconnaissance implicite de l'indépendance du Tibet par les Anglais. Les traités passés avec la Grande-Bretagne restreignaient cependant la souveraineté du Tibet, celui-ci ne pouvant pas autoriser la venue d'étrangers sur son territoire sans l'accord de Londres; l'ouverture de relations diplomatiques avec des puissances présentant une menace potentielle pour l'Empire des Indes aurait donc été très difficile.
En 1905, la Chine entreprend la construction d’un télégraphe destiné à relier au Sichuan la ville de Chamdo (Kham), un important noeud de communications. Pékin envisage de recoloniser la région et d’en exploiter les ressources minières. L’afflux de Chinois provoque un début de disette à Batang. Le nouvel envoyé de Pékin, Zhao Erfeng, qui vient d’y arriver, souhaite réduire le nombre des moines considérés comme des bouches inutiles. Animée par les monastères gelugpas, qui menacent de mort tous ceux qui aideraient les Chinois, le soulèvement gagne toutes les régions du Kham. Le général mandchou Zhao Erfeng envahit l’Est du Tibet avec une extrême brutalité. Ses troupes rasent les monastères, massacrent les moines, décapitent les fonctionnaires tibétains et installent des Chinois à leur place. L’éradication du bouddhisme tibétain et la colonisation du Kham sont les buts avoués de l’entreprise. Des paysans du Sichuan doivent remplacer les Khampas chassés de leur terre. En 1906, le 13e dalaï-lama quitte Ourga.
Les Chinois négocient avec les Britanniques le traité de Pékin. Echaudés par les déconvenues qu’ils viennent d’essuyer, affaiblis par la chute du ministère Balfour à Londres, les Anglais décident de se montrer conciliants avec les Chinois. La convention de Lhassa est aménagée. Il n’y aura pas d’occupation anglaise du territoire tibétain. L’indemnité de guerre se règlera en trois fois. La suzeraineté de la Chine sur le Tibet est réaffirmée. Cette dernière puissance règle les sommes dues aux Anglais par les Tibétains. Les rivalités des grandes puissances ont renforcé la tutelle de la Chine qui s’affaiblissait. Le Tibet est devenu le jouet d’enjeux qui le dépassent et qu’il ne peut pas maîtriser. L’étouffement dans le sang de la révolte des Khampas et la volonté affichée par la Chine impériale de coloniser la région marque un tournant dans l’histoire du Pays des Neiges. Au début du XXe siècle, son avenir est en train de se décider. Le dalaï-lama réside à Kumbum jusqu’à 1908. En 1907, l’amban de Lhassa exige la destitution de Youthog Phuntsog Palden accusé d’être le responsable de l’ouverture des marchés britanniques au Tibet. Un programme de réforme est élaboré. Il prévoit la création à Lhassa d’un hôtel des monnaies. La mise sur pied d’une armée et la réduction des privilèges accordés aux religieux. Le recours à des mandarins est envisagé.
Zhao lance un train de réformes dans les territoires sous son contrôle. L’administration est partagée entre Chinois et Tibétains. L’influence des monastères est réduite par l’interdiction de s’agrandir et la réduction du nombre de leurs moines. Des écoles sont ouvertes. Le Servage est aboli. Un état civil est créé. La fiscalité est modifiée. La monnaie mandchoue et les lingots d'argent sont les seuls admis comme moyen de paiement. L’hygiène corporelle et le port du Pantalon sont imposés. Les colons chinois sont incités à s’installer dans la région. Leur mariage avec des Tibétaines est encouragé… Bref, la sinisation du pays est en marche.
Mécontente de la concurrence commerciale que lui impose l’Angleterre au Tibet, la Chine interdit l'usage des roupies indiennes à l'ouest des terres sous son contrôle et envisage la création d'une banque à Lhassa.
En 1908, le 13e dalaï-lama s’installe au Wutai Shan (Shanxi). Il y reçoit de nombreux visiteurs étrangers et cherche à nouer des relations diplomatiques. Il souhaite se rapprocher de la France. A cette fin, il admet l’ouverture de missions catholiques au Tibet à condition que les conflits qui les opposeraient aux monastères bouddhistes soient réglés par Lhassa. Ces tentatives resteront sans lendemain. Paris craint de mécontenter Londres, Saint-Pétersbourg et Pékin. La stabilité européenne milite pour une entente avec les deux premières capitales. Une brouille avec la Chine hypothèquerait la situation du Tonkin. Et puis, les contrats économiques proposés par la Chine sont beaucoup plus juteux que ceux du Tibet.
Le 13e dalaï-lama se rend à Pékin. On l’oblige à fléchir le genou devant Cixi, l’impératrice douairière pour marquer sa dépendance. Mais il ne se laisse pas intimider. Un décret le rétablit dans ses fonctions de Chapelain de la cour mandchoue. Un second amban s’installe à Lhassa. La tentative de main mise chinoise se confirme. Nouveau traité sino-britannique signé à Calcutta. Après des débats houleux, la convention de 1893 est confirmée. La Chine est militairement garante de l’application de l’accord au Tibet.
En 1909, le 13e dalaï-lama retourne à Lhassa. Il se montre gracieux avec les Tibétains et ignore ostensiblement les Chinois. Le coeur des soldats chinois est noir de rage, selon l’expression de l’un d’entre eux. Le 13e dalaï-lama crée un Bureau des affaires étrangères, embryon d’un futur ministère. Une armée chinoise entre au Tibet soi-disant pour faire respecter les accords sino-britanniques. La Chine entend en réalité prendre sa revanche, suite à l'agression britannique, et affirmer son autorité sur le Pays des Neiges. Le second amban est destitué. Il aurait tenté de négocier avec l’entourage du dalaï-lama.
Le dalaï-lama réclame l’aide de Saint-Pétersbourg. Les ambassadeurs du Japon, de la France, de la Russie et de la Grande-Bretagne à Pékin sont approchés par des émissaires tibétains. Le Japon s’interroge. Les autres puissances préfèrent privilégier leur alliance avec la Chine.
L'armée chinoise de Zhao Erfeng entre à son tour à Lhassa. L’intention des Chinois est d’arrêter le dalaï-lama et de mettre à mort trois de ses ministres. Le dalaï-lama est contraint de fuir une seconde fois. Des unités de l’armée tibétaine se sacrifient pour arrêter ses poursuivants. Il se réfugie en Inde sous domination Britannique. En 1910, le dalaï-lama est destitué par l'empereur Qing Chinois en termes méprisants, juste avant la chute de l'empire en 1911. Un gouvernement pro-chinois est constitué. Le 9e Panchen-lama, resté au Tibet, refuse la proposition des Chinois de remplacer le dalaï-lama.
Les démarches engagées par le dalaï-lama pour solliciter l’intervention des puissances étrangères demeurent lettre morte. Les Anglais reconnaissent le nouveau gouvernement tibétain installé par les Chinois. La situation instable du sous-continent ne les incite pas à risquer une confrontation avec l’empire mandchou. Les Anglais s’opposent même à un déplacement du dalaï-lama en Russie. Tant qu’il sera sur leur territoire, il devra cantonner son action aux affaires religieuses. En 1911, le 13e dalaï-lama profite de son exil en Inde pour s’initier à la politique étrangère. L’idée de créer une armée nationale germe dans son esprit. Il entre secrètement en relation avec la résistance tibétaine et prépare une insurrection.
Zhao Erfeng est décapité par les révolutionnaires chinois à Chengdu.
En 1912, le 13e dalaï-lama revient à Lhassa. Le Tibet profite de la révolution de 1911 pour remettre en cause la présence chinoise sur son territoire et expulser les troupes chinoises. Mandaté par le dalaï-lama, Dordjieff (ou Agvan Dorjiev (1853/54–1938)) se serait rendu en Russie pour obtenir la reconnaissance de l’indépendance du Tibet. La même démarche aurait été entreprise auprès de la France et de l’Angleterre. Tous ces efforts seraient restés vains. La Chine étant hors jeu, les cartes vont être redistribuées en Asie et les nouvelles zones d’influence ne sont pas encore attribuées.
En 1913, un accord de reconnaissance mutuelle d’indépendance est signé entre la Mongolie et le Tibet. Les relations établies entre les deux nations permettent l’acheminement d’armes japonaises du Japon vers le Tibet en transitant par la Mongolie. Le 8 janvier et le 14 février 1913, le 13e dalaï-lama, proclame l'indépendance de son pays par une proclamation publique et un discours resté célèbre. Conscient des forces centrifuges qui travaillent le Tibet, il exhorte son peuple à l’union sous sa bannière, celle de Songtsen Gampo dont il se veut l’héritier.
En 1913-1914, la convention qui se tient à Simla en Inde, et qui réunit les représentants de la Grande-Bretagne, de la Chine et du Tibet, définit le statut et les limites géographiques du Tibet. Elle prévoit la séparation des régions de population tibétaine en deux entités : d'une part un « Tibet intérieur », où Lhassa n'aurait que l'autorité spirituelle, et d'autre part un « Tibet extérieur » autonome sous administration du gouvernement du dalaï-lama, tous deux sous Suzeraineté chinoise. Par ailleurs, la frontière avec l'Inde est redessinée suivant la Ligne Mac-Mahon, transférant à cette dernière les territoires au sud de la ligne de crête de l'Himalaya oriental qui constituent aujourd'hui l'état indien de l'Arunachal Pradesh. Bien que paraphé par les représentants des trois pays, le gouvernement de Pékin s'oppose aussitôt à l'accord et renie le paraphe de son délégué car, s'il aurait accepté le statut d'autonomie du Tibet extérieur sous suzeraineté chinoise, il rejette en revanche les frontières proposées,.
Le contrôle du gouvernement du Tibet s'étend progressivement, à partir de l'Ü-Tsang, jusqu'au fleuve Yangzi, qui devient en 1932 la frontière de fait entre Chine et Tibet. La région occidentale du Kham ainsi intégrée, les frontières correspondent alors approximativement à celles de l'actuelle région autonome du Tibet. L'administration de Lhassa ne contrôle en revanche pas les autres régions à population tibétaine qui sont administrées localement, comme le Kham oriental (province chinoise du Xikang) que se partagent divers seigneurs locaux, ou la région de Xining au nord-est de l'Amdo (province chinoise du Qinghai) dirigée par le seigneur de la guerre hui pro-Kuomintang Ma Bufang.
En 1924, le Panchen-lama se réfugie à Nankin. En 1929, la Chine accepte de reconnaître l'autorité du dalaï-lama, mais obtient certains avantages en échange.
De 1929 à 1949
En
1929,
Tchang Kaï-chek envoie l’abbé du Temple Jaune de
Pékin auprès du 13
e dalaï-lama. Ce dernier accepte un échange de représentants à condition que la Chine lui fournisse des armes. Les négociations tournent court.
En 1930, un conflit armé entre deux monastères du Kham dont l'un est soutenu par les troupes chinoises d’un seigneur de la guerre chinois. Les Chinois sont repoussés et les guerriers khampas entrent au Sichuan.
Le 9e Panchen-lama occupe une place d’honneur à la conférence de révision de la constitution chinoise. La suzeraineté de la Chine sur la Mongolie et sur le Tibet y est rappelée.
En 1932, une nouvelle tentative de conquête chinoise au Kham à l'initiative d’un seigneur de la guerre chinois. Les territoires perdus face aux Tibétains sont récupérés.
Le panchen-lama, nommé par la Chine commissaire pacificateur des provinces frontières de l’ouest, est courtisé par les factions chinoises.
Des démarches diplomatiques du Potala s'engagent, y compris auprès de la SDN, mais sans résultat. Des négociations s'ouvrent avec la Chine pour régler le problème frontalier. Le 13e dalaï-lama accepte de reconnaître la suzeraineté de la Chine.
En 1933, le 13e dalaï-lama meurt prématurément. Il aurait choisi de partir afin qu'un dalaï-lama plus jeune ne soit présent lors de l'intervention chinoise, comme cela fut suggéré.
Voici quelques lignes prémonitoires extraites de son testament écrit alors que la Mongolie est devenue une république populaire :
« Il se peut qu’un jour, ici, au coeur du Tibet, la religion et l’administration soient attaquées simultanément, du dehors et du dedans. À moins de sauvegarder nous-mêmes notre royaume, il arrivera que les dalaï-lamas et les panchen-lamas, le père et le fils, les dépositaires de la Foi, les glorieuses Réincarnations soient jetés à terre et leurs noms voués à l’oubli. Les communautés monastiques et le clergé verront leurs monastères détruits… Les administrations des Trois Grands Rois Religieux (Tri Songtsen Gampo, Trisong Detsen et Tri Ralpachen) seront affaiblies. Les fonctionnaires de l’État religieux et séculier, se verront saisis de leurs terres et de leurs autres possessions. Et, eux-mêmes devront servir leurs ennemis, ou errer dans le pays comme des mendiants. Tous les êtres seront plongés dans des grandes difficultés, les jours et les nuits sombreront lentement dans les souffrances. Ne soyez pas des traîtres vis à vis de la communauté religieuse ou de l'État en travaillant pour un autre pays que le vôtre. Le Tibet est heureux, et dans le confort maintenant. La situation est entre vos mains. »
Dans ce document, il insiste sur la nécessité d’entretenir de bonnes relations de voisinage avec l’Inde, dominée par les Anglais, et la Chine, encore nationaliste. Il exhorte laïcs et religieux à faire front contre les dangers qui menacent le pays. La Chine profite de la vacance du pouvoir pour renouer les négociations avec le Tibet. Les autorités tibétaines reconnaissent sa tutelle mais entendent que l’armée et les relations internationales demeurent en leur pouvoir.
Le panchen-lama accepte une escorte chinoise pour rentrer à Tashilhunpo.
En 1935, le 14e dalaï-lama naît dans l' Amdo.
En 1936, le panchen-lama rencontre le régent à Jyekundo (Préfecture autonome tibétaine de Yushu) et lui fournit des indications pour trouver le tulkou du dalaï-lama. En 1938, l'agression japonaise et des victoires communistes contraignent le gouvernement de la République de Chine à fuir au Sichuan. Des centaines de civils, effrayés par les exactions nippones, se réfugient à l’ouest de la Chine dans des territoires autrefois tibétains. Ceux-ci vont désormais être majoritairement peuplés de Chinois. Un seigneur de guerre chinois musulman, Ma Bufeng, terrorise les populations de l’Amdo sur lesquelles il prélève des contributions.
1939 voit la création du Parti communiste tibétain par Phuntsok Wangyal.
En 1940, le 14e dalaï-lama est enfin intronisé dans sa capitale. Un représentant de la Chine nationaliste arrive à Lhassa. Il ne jouera pratiquement aucun rôle, sauf celui de faciliter le retour à Shigatse de la dépouille du panchen-lama.
En 1941, Tchang Kaï-chek se rend à Lhassa où il visite le monastère de Drepung. 1942 voit la création de l'office des affaires étrangères du Tibet. En 1943, un projet d’ouverture d’une route militaire d’approvisionnement entre l’Inde et la Chine via le Tibet inquiète Lhassa qui réplique en expulsant le représentant de la Chine. L'office tibétain des affaires étrangères prévient le gouvernement nationaliste chinois qu’il devra désormais s’adresser à lui. Une sorte de ministère des Affaires étrangères est ainsi créé à Lhassa.
Les troupes de Tchang Kaï-chek s’apprêtent à envahir le Tibet à partir du Sichuan pour construire la route. La Chine nationaliste exige aussi la fermeture de l'office tibétain des affaires étrangères.
Heinrich Harrer, un alpiniste autrichien, évadé du camp de prisonniers anglais de Dehradun, où il était prisonnier de guerre, arrive à Lhassa. Il a réussi à franchir l'Himalaya et à traverser les déserts du plateau central, ce qui constitue un véritable exploit. Il restera plusieurs années au Tibet. En 1944, Phuntsok Wangyal crée à Lhassa une organisation secrète d’inspiration communiste: « L’Association des Jeunes Tibétains sous Serment».
Le régent accepte l’ouverture d’une école anglaise à Lhassa, pour la formation de techniciens en télégraphie et en électricité. Sous la pression des conservateurs religieux, elle fermera au bout de quelques mois.
Les Tibétains voudraient obtenir des Anglais la participation de leur pays aux accords de paix qui mettront fin à la seconde guerre mondiale. Londres se montre évasive. Les Tibétains affirment leur volonté d’indépendance. En violation des accords de Simla, ils exigent la possession de visas aux Chinois entrant sur leur territoire et prétendent régler le sort des populations du Kham et de l’Amdo sous administration chinoise. Des émissaires du Tibet se rendent à l’ouverture de l’Assemblée constituante de Chine. Ils vont s’y trouver aux côtés des représentants de l’Amdo et du Kham sous contrôle chinois. Ils quitteront l’Assemblée avant la fin des travaux pour ne pas avoir à signer l’acte d’allégeance à la Chine.
L'Inde obtient son indépendance et la Grande-Bretagne se désengage vis-à-vis de Lhassa. Le vice-roi des Indes annonce au gouvernement tibétain que les Britanniques ne sont plus en mesure de respecter les accords signés par ses prédécesseurs. Le Gouvernement indien se considère comme l’héritier des accords passés par la puissance impériale. Lhassa se refuse à reconnaître les droits revendiqués par New Delhi. Les Tibétains viennent de s’attirer l’animosité de leur puissant voisin du sud.
Les représentants du Tibet siègent avec leur drapeau parmi les délégations de 32 nations à la conférence pan asiatique réunie à New Delhi.
1949, Mao Tse Toung triomphe en Chine continentale et instaure la République populaire de Chine. Tchang Kaï-chek et les nationalistes s'enfuient à Taiwan.
Encouragés par l’arrivée au pouvoir de Mao en Chine, Phuntsok Wangyal et son « Association des Jeunes Tibétains sous Serment » réclament un changement de gouvernement et l’avènement d’une société moderne et démocratique.
Le pouvoir de Lhassa réplique en décidant l’expulsion de tous les Chinois et des signataires de la pétition. Les relations avec les autorités chinoises sont rompues. Une levée de boucliers et des bruits de bottes intempestifs accompagnent ces mesures. Le Tibet fait acte de candidature à l’ONU. Mais il est diplomatiquement isolé. Personne ne le soutiendra. De plus, cette candidature se heurterait au veto de l’URSS.
De 1949 à nos jours
La prise de contrôle par la Chine communiste
En
1949, l
Armée populaire de libération intervient au Tibet, juste après la chute du gouvernement nationaliste chinois. En 1950, la Chine annonce ce qu'elle appelle la « libération » du Tibet. En 1951, l'armée chinoise pénètre dans Lhassa. Par l'Accord en 17 points sur la libération pacifique du Tibet signé à Pékin le 23 mai 1951 par la délégation tibétaine, sans l'accord officiel de son gouvernement, le Tibet devient une province de la Chine, officiellement gouvernée par le dalaï-lama et le Panchen-lama. Ces événements marquent pour le Tibet l'instauration d'un nouveau régime qui le place sous la dépendance du gouvernement de Pékin. Cependant, ce dernier retarde la mise en oeuvre des réformes communistes dans la province nouvellement sous contrôle, et ne les introduit que dans les régions plus anciennement intégrées à des provinces chinoises, appartenant aux provinces historiques tibétaines du Kham et de l'Amdo. En 1956 débute à Litang dans le Kham une révolte des Tibétains, qui s'étend la même année à ses autres secteurs, puis en 1957 et 1958 à l’Amdo, et en 1958 et 1959 à Ü-Tsang, le coeur du Tibet nouvellement intégré à la République populaire de Chine.
En même temps, entre 1957 et 1961, les Américains ont entraîné des guérilleros tibétains, dans le contexte de la Guerre froide.
La révolte de 1959
Un soulèvement du peuple tibétain débute en
Mars 1959, suite à une rumeur selon laquelle les autorités chinoises seraient sur le point d'arrêter le dalaï-lama. Le
17 mars 1959 , le dalaï-lama, qui sent sa vie menacée, se décide à s'enfuir en traversant l'Himalaya pour rejoindre l'
Inde, accompagné des membres du gouvernement tibétain, où il arrive le 31 mars. La révolte est durement réprimée par l'armée chinoise. Selon un document présenté comme un rapport secret de l'armée chinoise, 87 000 tibétains auraient été éliminés dans la région de Lhassa
,,,,.
Depuis, le 14e dalaï-lama réside à Dharamsala. Réfugié en Inde où l'ont rejoint plus de 100 000 compatriotes tibétains, il forme le gouvernement tibétain en exil dès 1959. Des résistants — les Khampas, originaires de la région du Kham — réfugiés dans les montagnes népalaises et soutenus par l'Inde et les États-Unis (dans une stratégie d'endiguement du communisme), mèneront une lutte armée contre les Chinois,. Au Tibet, le panchen-lama dirige le gouvernement, avant d'être destitué en 1965.
La mise en place des « réformes » et la Révolution culturelle
À partir de 1959, juste après avoir réprimé ce qu'il qualifie de révolte de l'ancienne classe privilégiée de l'ancien Tibet, le gouvernement communiste met en place au Tibet une série de réformes, notamment l'abolition du servage.
En 1959-1961 le « Grand Bond en avant » provoque au Tibet ainsi que dans d'autres régions de la Chine une Famine qui fait des dizaines de millions de victimes.
Les Chinois engagent en 1961 la collectivisation de l'économie tibétaine. Mao fait construire des routes et des écoles. Selon des Tibétains en exil, la scolarisation aurait à cette époque été faite uniquement en langue chinoise, et l'apprentissage du Tibétain aurait été interdit. Selon certaines sources occidentales, des dizaines de milliers de femmes tibétaines auraient été contraintes par la force à épouser des colons chinois, et de nombreuses autres auraient été l'objet d'esclavage sexuel et de Prostitution au sein de l'armée chinoise.
En 1966, éclata la Révolution culturelle qui atteignit le Tibet en août : 20 000 gardes rouges à Lhassa se livrent à toutes les déprédations et se combattent en factions rivales. Toute pratique religieuse est interdite et la destruction des monastères se poursuit. Selon des sources pro-tibétaines sur un total de 592 000 moines et nonnes, plus de 110 000 seraient torturés et mis à mort et 250 000 défroqués de force. Les objets culturels en métaux précieux sont pillés ou fondus. Plus de 6000 temples et monastères seront détruits,, .
En 1970, les premières communes populaires sont créées. La collectivisation est achevée en 1975. La population tibétaine est soumise à des séances de rééducation d'une violence extrême, allant jusqu'à des exécutions sommaires.
Le gouvernement tibétain en exil estime à 1,2 million de morts tibétains le bilan de la répression maoïste entre 1949 et 1979,,,,. Ce chiffre est très contesté, notamment par Patrick French (ex-directeur de la « Free Tibet Campaign » ) qui a été le premier à consulter les archives du gouvernement tibétain en exil. Une évaluation du nombre de tibétains manquant à partir de la démographie et de la pyramide des âges a été mené par Yan Hao (Institute of Economic Research, BeiJing). Elle estime à 152 000 le nombre de tibétains manquants, dont 90 000 seraient partis en exil et moins de 30 000 seraient morts de faim. Cette étude révèle également une croissance sans précédent de la population tibétaine depuis les années 1960, incompatible avec le prétendu contrôle forcé des naissances. D'un autre côté, la diminution de la population tibétaine d'environ 250 000 personnes entre les recensements de 1953 et 1964, alors qu'elle n'a cessé d'augmenter depuis, ne peut s'expliquer que par un nombre de décès « anormaux » durant cette période nettement plus élevé que celui calculé par Yan Hao.
L’après-Révolution culturelle
En
1980,
Hu Yaobang alors secrétaire général du Parti communiste visite le Tibet. Ce qu'il va découvrir va l'inciter à promouvoir une politique pragmatique au Tibet, demandant le retrait de milliers de cadres Han chinois de la Région autonome du Tibet, et pensant qu'il fallait donner les pouvoirs aux
Tibétains pour administrer leurs propres affaires. Parmi ses propositions de réforme, négligés par le Parti, on peut noter : accord d'une autonomie régionale au Tibet ; retrait des cadres superflus ; aide aux Tibétains pour l'élevage et l'agriculture ; et revivifier l'économie du Tibet en diminuant les charges fiscales pesant sur ses citoyens. Malheureusement, ce réformateur favorable à la démocratie meurt d'un infarctus, le 15 avril 1989. Sa mort a été un élément déclencheur majeur des manifestations de la place Tian'anmen. Les Tibétains se souviennent de Hu Yaobang comme du seul dirigeant chinois à avoir formulé des excuses officielles envers eux pour les actions du Parti au Tibet.
Interdit depuis 1966, le Festival de la grande prière (Monlam) a été rétabli en 1986, décision marquant le retour officiel de la pratique religieuse au Tibet. Cela a permis au 10e Panchen-lama de retrouver l’important rôle religieux qu’il avait perdu. Si la fête de l’année 1987 s’est terminée dans la joie, celles de 1988 et 1989 se sont achevées par des manifestations violentes : les 5 mars 1988 et 1989, les Tibétains ont choisi le dernier jour du Festival de la grande prière pour clamer bruyamment leur mécontentement. Quant à celle de 1990, elle fut annulée pour cause de loi martiale.
Depuis 1980, la Chine entrepose au Tibet ses déchets nucléaires.
Le gouvernement chinois accusa le congrès d’ingérence dans les affaires intérieures de la Chine et exécuta en public deux Tibétains et la condamnation de 9 autres Tibétains devant 15 000 personnes. Quelques jours plus tard, un groupe de 30 moines du Monastère de Drepung organisent une manifestation à Lhassa le 27 septembre 1987. Beaucoup furent arrêtés, emprisonnés et torturés pendant plusieurs mois. Le 1er octobre 1987, un groupe de moines du monastère de Séra organisent une nouvelle manifestation qui se transforme en violentes émeutes. Le 6 octobre 1987, 12 Tibétains furent tués au cours d'une manifestation pacifique, environ 600 furent arrêtés, emprisonnés et torturés. Le gouvernement chinois accorda au 10e panchen-lama le nouveau rôle de stabilisateur et de modérateur après ces émeutes. Le panchen-lama qui était maintenu à Pékin se rendit alors au Tibet dans le but d’examiner la situation sur place. En dépit de cela, de nouvelles manifestations éclatèrent à Lhassa en mars 1988. Peu après, le 4 avril, Nagpo Ngawang Jigme condamna violemment l’attitude des Tibétains tandis que le 10e panchen-lama évitait d’accuser le 14e dalaï-lama d’être à l’origine des troubles. Le 10e panchen-lama était devenu l’indispensable médiateur entre les Tibétains et le Parti communiste chinois. À ce titre, le lendemain, il fut officiellement réhabilité.
A partir de 1988, le 10e panchen-lama se fit plus actif. Il chercha à rétablir l’usage de la langue tibétaine dans l’administration et il ouvrit des instituts bouddhiques. Surtout, il dénonça l’absurdité de certaines des politiques conduites au Tibet. En janvier 1989, il se rendit à son Monastère de Tashilhunpo dans le but d’inaugurer un stupa rénové rassemblant les dépouilles des précédents panchen-lamas profanés par les Gardes Rouges. Il y prononça un discours très incisif envers le Parti communiste chinois, puis mourut brutalement le 28 janvier, officiellement d’une crise cardiaque.
En mars 1989, la Loi martiale est décrétée par le secrétaire provincial du Parti communiste Hu Jintao.
En mars 2008, des manifestations de Tibétains contre le pouvoir chinois dégénèrent à Lhassa, rappelant les graves émeutes et manifestations de 1989. Elles surviennent quelques mois avant les Jeux Olympiques d'été de 2008. D'autres manifestations ont également lieu en dehors de la capitale, en particulier autour du monastère de Labrang dans le Gansu, une partie de l'ancienne province tibétaine de l'Amdo.
Articles détaillés : .
La question tibétaine sur la scène internationale
Voir plus bas le chapitre « Controverses » pour une présentation des points de vue respectifs du gouvernement tibétain en exil et de la Chine.La Commission internationale des juristes fut saisie de la question tibétaine dès mai 1959. Cette organisation non gouvernementale ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l'ONU rédige un premier rapport qui conclut que le Tibet était un État indépendant de fait avant 1950 : il était formé d'un territoire, d'une population et d'un gouvernement libres de toute immixtion étrangère. Selon ce rapport, la Chine aurait violé l'accord en 17 points et se serait rendue coupable de Génocide aux termes de la Convention pour la prévention et la répression de génocide adoptée par les Nations unies en 1948. Un second rapport a été publié après enquête.
En septembre 1959, le dalaï-lama en appelle à l'ONU avec l'espoir que l'organisation prenne enfin une position claire face à la Chine. Grâce au soutien de l'Irlande, de la Malaisie et de la Thaïlande, le Tibet a gain de cause. Le 21 octobre, l'Assemblée générale de l'ONU adopte une première résolution où elle se déclare gravement préoccupée et consciente de la nécessité de préserver les droits élémentaires des Tibétains.
En 1960, après la publication du second rapport de la Commission internationale de juristes, le dalaï-lama lance un second appel à l'ONU. Pour la deuxième fois, l'Assemblée générale vote une résolution constatant la violation des droits de l'homme et des règles internationales et mettant la Chine en demeure de les respecter.
Le 18 décembre 1965, l'ONU vote une troisième résolution dénonçant la violation continuelle des droits fondamentaux des Tibétains. L'Inde, qui jusqu'alors s'était toujours abstenue sur la question tibétaine, l'a votée. Mais le silence de la République populaire de Chine n'entraîne aucune mesure de coercition de la part des États membres de l'ONU.
En 1987, le dalaï-lama présente son Plan de paix en cinq points pour le Tibet qui propose :
- la transformation de l'ensemble du Tibet en une zone de paix
- l'abandon par la Chine de sa politique de transfert de population qui met en danger l'existence des Tibétains en tant que peuple
- le respect des droits fondamentaux et des libertés démocratiques du peuple tibétain
- la restauration et la protection de l'environnement naturel du Tibet, ainsi que cessation par la Chine de sa politique d'utilisation du Tibet dans la production d'armes nucléaires et pour y ensevelir des déchets nucléaires
- l'engagement de négociations sérieuses à propos du statut futur du Tibet et des relations entre les peuples tibétain et chinois.
Le Prix Nobel de la paix décerné au dalaï-lama en mars 1989 a été le début d’une prise de conscience internationale de l’urgence d’une solution pacifique au Tibet; il a constitué aussi un énorme encouragement pour l’ensemble du peuple tibétain.
L'organisation administrative actuelle du Tibet
En
1965, à l'occasion de création officielle de la région autonome du Tibet de la République Populaire de Chine, le
Kham occidental (région de
Chamdo) est rattaché à l'
Ü-Tsang pour former la région autonome du Tibet actuelle. Ses frontières coïncident approximativement avec celles de la région qui était contrôlée par
Lhassa à l'époque de la
Dynastie Qing et à celle de la
République de Chine,. La totalité de l'
Amdo et le reste du
Kham continuent à être rattachés aux provinces chinoises du
Qinghai, du
Sichuan, du
Gansu et du
Yunnan.
Pour le 14e dalaï-lama et le gouvernement tibétain en exil, le Tibet ne se réduit pas à la seule région autonome, mais correspond à un « Grand Tibet » comprenant également l'Amdo et le reste du Kham. De son côté, le gouvernement chinois, qui ne partage pas cette vision, se réfère uniquement à la région autonome lorsqu'il parle du Tibet.
Controverses
Libération-Modernisation ou Invasion-Colonisation ?
Cette section présente les deux visions de l'histoire, dans le but d'avoir le point de vue de chaque partie.
Pour la Chine : une libération suivie d'une modernisation
Ce paragraphe présente les thèses chinoises. Voici l'Histoire modérée, mais avec l'interprétation pro-unification, telle que la présenterait une majorité des ressortissants de la RPC. Pour les Chinois, l'unification de la Chine est une idée primordiale. Parcellaire, la Chine a connu des périodes sombres : guerres, famines ont été causées par des luttes fratricides organisées par les
colonisateurs et envahisseurs.
Dans l'Histoire, le Tibet et l'empire chinois ont toujours eu des liens forts, par exemple la fonction de premier Grand Lama (futur dalaï-lama) a été instaurée par l'empereur de Chine mongole Kubilai Khan (1215–1294).
De 1840 à 1949, les guerres avec les pays colonisateurs et la guerre civile ont bouleversé la Chine entière. Les provinces contrôlées par l'étranger se faisaient la guerre, et le Tibet a cédé aux colons britanniques. Mao et le PCC ont libéré le pays des étrangers.
Le Tibet n'était pas détaché de la Chine, faisait partie de la République chinoise, et la souveraineté de la Chine sur le Tibet était reconnue par toutes les puissances étrangères,,,. En 1950, lorsque les troupes communistes entrent au Tibet, les occidentaux ne s'y opposent pas. L'Inde indépendante a même déclaré en 1949 qu'elle reconnaissait que le Tibet faisait partie de la Chine,. La libération chinoise au Tibet était soutenue par des tibétains, comme le groupe du Penchen-lama,, et les communistes tibétains, l'armée communiste chinoise, incluait aussi des tibétains.
Du coté des communistes, comme Shanghaï et Pékin, on parle de libération (解放) du Tibet. Du coté des nationalistes, on considère que la totalité du continent chinois, y compris le Tibet, a été pris par les communistes (陷共).
Cependant, comme dans beaucoup d'autres régions de Chine, les guerres et les communistes ont fait beaucoup de victimes.
Avant 1959, le Tibet était une Théocratie féodale, dirigée par les grands propriétaires terriens et les prêtres. La majorité de la population rurale avait un statut de serfs ou de paysans, avec une minorité d'esclaves. Une justice sommaire et partiale était rendue par le seigneur ou le Lama, comprenant torture et mutilations. L'occident préfère nier ce vieux Tibet, et croire à une société harmonieuse, tournée vers le Bouddhisme.
Partie intégrante de la Chine, le Tibet s'est modernisé très rapidement, à commencer par l'abolition du Servage et de la torture. Le pouvoir central a consacré beaucoup de crédits au développement de l'Ouest et énormément d'ouvriers spécialisés ont été envoyés pour les constructions. Les média occidentaux considéreraient cette modernisation comme une forme de colonisation.
Au temps du vieux Tibet, la Mortalité infantile était particulièrement élevée, ainsi la mère du 14ème dalaï-lama a donné naissance à 16 enfants et sept seulement ont survécu. L'Espérance de vie était également faible, et de plus, de nombreux moines s'abstenaient de la vie maritale. Ces facteurs expliqueraient la croissance démographique particulièrement faible au Tibet depuis des siècles. Entre les années 1950, sous le régime du dalaï-lama et 1990, la mortalité infantile a diminuée de 430‰ à 97,4‰, et l'espérance de vie augmentée de 36 à 61,4 ans, la population tibétaine a aussi doublée .
La Culture tibétaine est préservée en tenant compte des exigences de la modernité : le Tibétain est enseigné en maternelle, les cours du lycée sont en mandarin et les étudiants appartenant à l'ethnie tibétaine ont des bonus pour rentrer à l'université (discrimination positive).
L'usage de la langue tibétaine est respectée par l'état chinois, même pendant les années maoïstes. Par exemple, le tibétain est écrit sur les monnaies chinoises,. La radio nationale de la Chine (中央人民廣播電臺) s'adresse en langue tibétaine depuis 1950. Il existe aussi de nombreuses chaînes locales d'émission en Tibétain, par exemple la Radio en Tibétain de la Province du Qinghai a été fondée en 1952. L'université de l'ethnie tibétaine, qui est spécialisée en enseignement de la culture de la langue tibétaine, fondée à Xi'an en 1951, s'est installée à Lhassa en 1965. En 1959, le taux d'analphabétisme au vieux Tibet est de 97%, celui-ci recule chaque année, actuellement le taux de scolarité est environ de 95%. Dans les écoles des zones tibétaines, les enseignements sont bilingues,. En 2006, uniquement dans la région autonome du Tibet, l'état emploie 10 927 enseignants de la langue tibétaine à temps plein. Un nouveau dictionnaire sino-tibétain《漢藏對照詞匯》de plus sort en Chine en 1976, juste à la fin de la révolution culturelle. Jusqu'à maintenant, en Chine, il existe une centaine de journaux et revues en tibétain, dont 23 ont été lancés entre 1949 et 1979. Les officiers travaillant au Tibet sont obligés d'apprendre le tibétain.
La Prostitution et le mariage forcé sont officiellement interdits. La première loi de mariage de la R.P. de Chine abolissait radicalement le mariage forcé, pour le remplacer par un nouveau système fondé sur la liberté du mariage, la monogamie, l'égalité entre l'homme et la femme, et la protection des intérêts légitimes de la femme et de l'enfant. Cette loi s'applique au Tibet intérieur en 1950 et à la Région autonome du Tibet en 1960, juste après le révolte de l'ancienne classe privilégiée. Notamment, la fréquentation d'une prostituée, considérée comme une sale moeurs capitaliste, était strictement éliminée pendant les années maoïstes. Mais à l'époque post-Maoïste, l'état a plus en plus de difficulté à contrôler la prostitution, mais adopte toujours une ligne répressive extrêmement dure envers les organisateurs de la prostitution. Quant aux soldats chinois, ils risquent d'être expulsés s'ils fréquentent des prostituées.
D'après la Chine, l'Occident exagereraient les persécutions du régime communiste chinois envers les tibétains. Comme par exemple le fait que l'APL chinoise utiliserait les filles tibétaines comme des esclaves sexuelles,, ce type d'affaire n'existe pas.
À partir de 1966 et jusqu'à sa mort, Mao a lancé dans toute la Chine la Révolution culturelle. Dans toute la Chine, tout ce qui est culturel (édifices religieux, livres…) a été détruit, notamment des temples bouddhistes au Tibet.
Actuellement dans la région autonome du Tibet, le chef et plus de 70% des membres du gouvernement local sont tibétains. La pratique religieuse est respectée à nouveau.
D'après le gouvernement chinois, le dalaï-lama actuel serait le symbole de cette Aristocratie qui a cédé face à l'envahisseur, et serait considéré comme une « honte nationale ». À l'étranger depuis plus de 30 ans, il aurait fabriqué un grand nombre de rumeurs et de calomnies, telles que « l'accord en 17 points a été imposé au Tibet par la force militaire », « les Chinois han ont massacré 1,2 million de Tibétains », « à la suite de l'immigration de Chinois han, la nationalité tibétaine est devenue minoritaire au Tibet », « le parti communiste contraint les femmes tibétaines à pratiquer un contrôle des naissances et des avortements », « le gouvernement s'oppose à la liberté religieuse, et persécute les dignitaires religieux », « la culture et les arts traditionnels tibétains sont en danger de disparition », « les richesses naturelles du Tibet ont été dévastées », « l'environnement au Tibet est soumis à la pollution » et autres « âneries », dans l'intention de nuire aux relations entre les peuples en excitant les foules tibétaines pour qu'elles s'opposent au gouvernement chinois. De septembre 1987 à mars 1989 se sont produits à Lhassa de nombreux troubles que la clique du dalaï-lama a provoqués en incitant à la rébellion, troubles qui ont causé de lourdes pertes en vies humaines et en capital.
Pour le gouvernement tibétain en exil : une invasion suivie d'une colonisation
Le gouvernement tibétain en exil qualifie d'invasion l'entrée de l'APL au Tibet en 1950
,. Le terme de
Colonisation revient souvent pour stigmatiser l'immigration des colons chinois Han, leur main mise sur l'économie et le pouvoir politique ainsi que l'influence de la culture chinoise au détriment de la culture tibétaine
,.
Suivant en cela la tradition impériale, la République populaire de Chine considérerait les peuples des minorités comme barbares. Elle se sentirait investie d'une mission civilisatrice à leur égard et mettra en oeuvre une politique qui comportera bien des traits du colonialisme classique.
Au Tibet, cette politique se traduit par un afflux de colons chinois. Elle a aussi pour conséquence l'envoi d'enfants tibétains dans la région de Pékin, en vue de les initier à la culture han.
L'argument fréquemment utilisé par les Chinois selon lequel les cadres politiques et administratifs de la Région autonome du Tibet sont très majoritairement tibétains ne correspond pas à la hiérarchie réelle en Chine. En effet, le monopole du pouvoir y est détenu dans les faits par le parti communiste, largement dominé par des Chinois d'origine han, ce qui est particulièrement vrai pour le poste stratégique de secrétaire régional du parti pour le Tibet, qui a toujours été dévolu à un membre de cette ethnie.
Si L'accord en 17 points fut signé par les représentants du 14e dalaï-lama et ceux de la République populaire de Chine le 23 mai 1951 à Pékin, il fut dénoncé par le dalaï-lama et son gouvernement, qui affirme qu'il fut signé par les Tibétains sous la contrainte. Cet accord fut le premier document dans l'histoire tibétaine qui décréta la souveraineté chinoise sur le Tibet, même s’il reconnaissait le droit au gouvernement du dalaï-lama de continuer à administrer le Tibet.
Au début, le dalaï-lama était personnellement en faveur des réformes qui furent proposés par Mao Zedong pour moderniser le Tibet et était d'avis d'essayer d'atteindre un compromis opérationnel avec les Chinois. Il s’agissait notamment d’une campagne de « transformation socialiste de l'agriculture ».
Cependant, la manière avec laquelle la réforme fut appliquée, et en particulier son imposition par la force entraînera une révolte de la population tibétaine. Vers 1955-56, la situation à l'intérieur du Tibet a commencé à se détériorer rapidement. Au sein du gouvernement chinois, les partisans de la ligne dure poussaient pour commencer à appliquer « la transformation socialiste » au Tibet. Dans le Kham, les Tibétains commencèrent à se rebeller. En effet, fin 1955, Li Jingquan, le Secrétaire du Parti au Sichuan, commença les réformes dans le Kham (les secteurs tibétains du Sichuan). Le résultat de cette campagne fut désastreux pour le Tibet puisqu’il a mené à une révolte majeure dans le Kham. Des réfugiés tibétains affluèrent au Tibet central et cette révolte déborda finalement sur le Tibet politique et fut un facteur majeur précipitant le soulèvement à Lhassa de 1959.
Mao fit une dernière tentative pour sauver sa politique gradualiste en 1957 quand il a réduit le nombre de cadres Han et de troupes au Tibet et a écrit au dalaï-lama lui promettant que Chine n'appliquerait pas les réformes socialistes sur les terres au Tibet pour les six prochaines années. De plus, à la fin de cette période, Mao a déclaré qu'il remettrait encore les réformes si les conditions n'étaient pas mûres.
Cependant l'agitation au Tibet s’est amplifiée et en mars 1959, un soulèvement important s'est développé à Lhassa. Le dalaï-lama dû quitter le Tibet pour l'exil en Inde. Le dalaï-lama a dénoncé l'accord en 17 points et chercha un soutien international pour résoudre le conflit au Tibet. Avant l'intervention de l'armée chinoise des années 50, il y avait plusieurs milliers de monastères au Tibet. Selon le Gouvernement tibétain en exil, plus de 6 000 ont été détruits à l'occasion des bombardements de l'armée chinoise contre la résistance tibétaine, ainsi que durant la Révolution culturelle. Selon au moins une source chinoise, seule une poignée des monastères importants sur un plan culturel ou religieux sont restés sans dommage majeur, et des milliers de moines et de nonnes bouddhistes ont été tués, torturés ou emprisonné, selon le rapport de la Commission internationale des juristes. La question du Tibet est alors apparue comme un problème international.
Notes et références
..
Voir aussi
Bibliographie
- Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Une histoire du Tibet : Conversations avec le dalaï-lama, Plon, 2007, ISBN 2259198910
- Tsering Woser, trad. Li Zhang & Bernard Bourrit, Mémoire interdite. Témoigagnes sur la Révolution culturelle au Tibet, éditions Bleu de Chine, 2008 (à paraître).
- Melvyn C. Goldstein, A History of Modern Tibet, 1913-1951. University of California Press, 1991, ISBN 0-520-07590-0
- Melvyn C. Goldstein, A History of Modern Tibet, Volume 2: The Calm Before the Storm: 1951-1955, University of California Press 2007 ISBN 978-0520249417
- Melvyn C. Goldstein, The Snowlion and the Dragon: China, Tibet and the Dalai Lama, Berkeley: University of California Press. 1997.
- Melvyn Goldstein, William Siebenschuh, Tashi Tsering, The Struggle for Modern Tibet: The Autobiography of Tashi Tsering, Armonk, NY: M.E.Sharpe, Inc. 1997.
- Tsering Shakya : The Dragon in the Land of Snows. A History of Modern Tibet Since 1947, London 1999, ISBN 0140196153
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Tibet : souveraineté chinoise et droits de l'homme, livre blanc du gouvernement chinois.
- (fr) L'autonomie régionale ethnique au Tibet, livre blanc du gouvernement chinois.
- (fr) L'enjeu tibétain au XIXe siècle par Laurent Deshayes, membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (université de Nantes).
- (fr) « Mourir pour Lhassa, Un épisode méconnu de la guerre froide », par Philippe Hayez, Institut de stratégie comparée
- (fr) « La domination chinoise au Tibet », par Philippe Couanon (professeur agrégé d'histoire à l'IUFM Réunion)
- (fr) L'histoire du Tibet présenté par le gouvernement chinois, sur le site le journal Le Quotidien du peuple
- (fr) « Quelle solution politique pour le Tibet ? », rapport du groupe interparlementaire français d'amitié n° 77 (2007-2008) - 17 octobre 2007 : version html, version pdf
- (en) The Historical Status of Tibet