Jacques Vaché, né à
Lorient le
7 septembre 1896 et mort à
Nantes le
6 janvier 1919, est un écrivain et peintre français. Considéré par
André Breton comme l'initiateur du
Surréalisme, il n'a laissé pour toute oeuvre qu'une série de lettres et quelques dessins.
Biographie
Issue d'une famille d'origine anglo-irlandaise, il fait preuve dès 1913 de talents littéraires. À Nantes, au lycée Clemenceau, avec la collaboration de ses camarades Pierre Bisserié et Jean Bellemere, il fait paraître une revue ayant pour titre "En route mauvaise troupe", qui ne connait qu'un unique numéro. La tonalité du contenu, qualifiée de « subversive et pacifiste » — indépendance d'esprit, liberté de critique et haine des bourgeois, des conventions et de l'armée — lui valent d'être exclu de l'établissement. Suivent dans le même esprit quatre numéros du "Canard sauvage".
Mobilisé en août 1914, envoyé au front, puis blessé, il est rapatrié à Nantes pour y être soigné. À l'hôpital de la rue Marie-Anne du Boccage, pour passer le temps, il peint des cartes postales représentant des figures de mode accompagnées de légendes bizarres.
En janvier 1916, il fait la connaissance d'André Breton et de Théodore Fraenkel affectés comme internes en médecine. Breton est aussitôt séduit par l'attitude de ce « jeune homme très élégant, aux cheveux roux », qui lui fait connaître Alfred Jarry, oppose à tous la « désertion à l'intérieur de soi-même » et n'obéit qu'à une loi, « l'umour (sans h) ». « Quand Jacques Vaché vous serre la main ce n'est ni pour dire bonjour ni au revoir. » Dans un document radiophonique, la mère de Jacques Vaché, évoquant le souvenir de son fils, raconte que Breton « ne saluait jamais ». Quant à Fraenkel, Vaché le prend pour modèle dans la nouvelle « Le Sanglant symbole » (personnage de Théodore Letzinski).
Au mois de mai, Jacques Vaché, qui parle couramment l'anglais, est renvoyé au front comme interprète auprès des troupes britanniques. Le contact avec Breton reprend au mois d'octobre avec une première lettre : « Je promène de ruines en villages mon monocle de cristal et une théorie de peintures inquiétantes -, j'ai successivement été un littérateur couronné, un dessinateur pornographique connu et un peintre cubiste scandaleux. »
Le 24 juin 1917, au cours d'une permission, il assiste à la première de la pièce de Guillaume Apollinaire, « Les Mamelles de Tirésias », sous-titré drame surréaliste. Le spectacle tourne au fiasco. Déguisé en officier anglais, revolver au poing, il somme de faire cesser la représentation, qu'il trouvait trop artistique à son goût, sous menace d'user de son arme contre le public. Breton parvient à le calmer.
Lettre du 18 août 1917 à André Breton : « L'art est une sottise - Presque rien n'est une sottise - l'art doit être une chose drôle et un peu assommante - c'est tout D'ailleurs - l'Art n'existe pas, sans doute - Il est donc inutile d'en chanter - pourtant : on fait de l'art - parce que c'est comme cela et non autrement - Well - que voulez-vous y faire ? »
Lettre du 19 décembre 1918, la dernière - « Je m'en rapporte à vous pour préparer les voies de ce Dieu décevant, ricaneur un peu, et terrible en tout cas. Comme ce sera drôle, voyez-vous, ce vrai ESPRIT NOUVEAU se déchaîne ».
Le 6 janvier 1919, Jacques Vaché et un de ses amis, Paul Bonnet, sont retrouvés morts dans une chambre d'hôtel à Nantes, probablement victimes d'une overdose d'opium. Les « Lettres de guerre » reproduisent deux extraits d'articles parus dans "Le Télégramme des province de l'Ouest" et dans "L'Express de l'Ouest" (les 7 et 9 janvier). Les victimes désignées par leurs seules initiales sont présentées comme « de jeunes écervelés sans expérience de la drogue. » Breton : « Vaché, c'était pour sûr Alcibiade. » (Un « des types éclatants du dandysme » selon Charles Baudelaire).
Au mois d'août 1919,
Breton regroupe en volume les «
Lettres de guerre » et en écrit la préface.
Sa vie durant, Breton ne cessera de reconnaître l'influence déterminante de Vaché : « C'est à Jacques Vaché que je dois le plus. Le temps que j'ai passé avec lui à Nantes en 1916 m'apparaît presque enchanté. Je ne le perdrai jamais de vue, et quoique je sois encore appelé à me lier au fur et à mesure des rencontres, je sais que je n'appartiendrai à personne avec cet abandon. » (« La Confession dédaigneuse »)
Il en témoigne encore avec ferveur en 1952, lors de la série d'entretiens radiophoniques qu'il accorde à André Parinaud : « L'art lui-même n'était pas épargné. Nous n'aimions ni l'art ni les artistes. Il jugeait permis de former la sensation personnelle à l'aide d'une collision flamboyante de mots rares, dessiner des angles ou des carrés nets de sentiments. Pour moi, c'était la marque la plus évoluée du dandysme. »
André Breton : « Jacques Vaché est surréaliste en moi. »
OEuvres
- « Lettres de guerre », préfacées par André Breton, Éditions des Mille et une nuits, 1919
- « Les Solennels », avec Jean Sarment, textes et dessins inédits, Éditions Dilecta, Paris, 2007 (ISBN 978-2-916275208)
- « En route, mauvaise troupe », journal du lycée écrit par Jean Bellemère, Pierre Bissérié, Eugène Hublet et Jacques Vaché, préface de Gilles Lucas, éditions Le Chien Rouge (ISBN 2-916542-01-9)
Source bibliographique
- Bertrand Lacarelle « Jacques Vaché », Grasset, Paris, 2005 (ISBN 2-246-68231-2)
Notes et références
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Lien externe