La Dame du vendredi (
His Girl Friday) est un film de comédie détraquée (ou foldingue)
américain réalisé par
Howard Hawks en
1940.
Synopsis
- Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.
Hildy Johnson (Rosalind Russell) est une journaliste-reporter brillante, mais elle a décidé de changer de vie et d'épouser Bruce Baldwin (Ralph Bellamy), un modeste agent en assurances d'
Albany. Son ancien époux et employeur Walter Burns (Cary Grant) ne l'entend pas de cette oreille. Prêt à tout pour conserver Hildy près d'elle, Walter commence par obtenir de cette dernière qu'elle couvre les dernières heures d'Earl Williams, un malheureux que l'on s'apprête à pendre et dont son journal, la Tribune, espère pouvoir obtenir la grâce. Complètement dénué de scrupules et aidé par son bras homme de main Louis, un petit truand, Walter fera passer une journée trépidante à Hildy, chez qui il espère voir renaître la flamme du journalisme, et une journée épouvantable à son futur époux et à sa future belle-mère.
Fiche technique
- Titre original : His Girl Friday
- Réalisateur : Howard Hawks
- Scénario : Ben Hecht, Charles MacArthur, Charles Lederer
- Musique : Sidney Cutner, Felix Mills
- Sortie : 11 janvier 1940 (USA)
- Genre : comédie
- Durée : 92 minutes
Distribution
Autour du film
Le film est communément apprécié comme une des très grandes comédies américaines, et est particulièrement notable pour le débit verbal de ses interprètes.
La Dame du vendredi représente un parfait exemple de ce que Hollywood offrit de mieux au cinéma en matière de comédie dans les années 1930. Howard Hawks, expert en la matière (que l'on songe seulement à L'Impossible Monsieur Bébé, chef d'oeuvre absolu du genre, ou Chérie, je me sens rajeunir) signe ici un film irrésistiblement drôle et servi par un couple d'acteurs déchaînés.
L'une des originalités de La Dame du vendredi tient aussi à la dose de purs moments dramatiques enserrés au coeur même de la comédie. Ainsi de la mort tragique de Molly Mally la petite amie de Earl Williams, diffamée et harcelée par la presse à ragots dont le portrait est peint par Hawks à grands coups de vitriol.
L'origine théâtrale du film, bien que visible, ne nuit en rien à sa qualité. Certes, les extérieurs sont quasiment bannis et toute l'action se concentre en trois lieux successifs sans aller-retours entre eux : les bureaux du journal, un restaurant et la salle de presse de la prison plus un court passage à l'intérieur de celle-ci lors du très bref entretien de Hildy avec Earl Williams. De même, on notera une abondance des dialogues personne ne s'en plaindra tant ils sont brillants.
La longue scène d'ouverture (un bon quart d'heure) entre Cary Grant et Rosalind Russell est à cet égard un petit bijou. Le rythme est effréné et le restera jusqu'au bout, et l'actrice s'avère d'entrée de jeu une partenaire à la hauteur de Cary Grant.
Un certain sentiment d'absurdité nous étreint lorsqu'on apprend que le Gouverneur républicain est favorable à la condamnation à mort d'Earl Williams et non à son internement car le policier qu'il a tué était noir (Williams est blanc) et que les voix noires sont à ménager dans une perspective électorale. Vu la réalité de la justice américaine, toujours hélas d'actualité, profondément inégalitaire et s'exerçant au détriment de la population noire, ces réflexions apparaissent plutôt ironiques, voire sarcastiques.
Mais Hawks en profite aussi pour glisser l'air de rien une remarque politique : Williams est une victime de la Dépression : comptable à 20 $ par semaine pendant 14 ans, il est passé à 14 $ avant de se retrouver chômeur et de traîner dans les parcs publics, écoutant et proférant des discours démagogiques sur le thème du "produire utile". Les politiciens républicains, déjà obsédés par la "peur du rouge" qui annonce le futur Maccarthysme et sa chasse aux sorcières, tentent de faire passer Williams pour un communiste. Walter et son journal soutiennent les Démocrates et n'ont de cesse de dénoncer le complot. Nul doute ici sur le positionnement personnel d'Howard Hawks. Mais le talent, pour ne pas dire le génie du cinéaste, est de faire passer ces idées dans le mouvement même de la comédie
La presse à scandale, qui court après le scoop, se retrouve plus qu'égratignée par le film et les différents journalistes qui nous semblent d'abord sympathiques et amusants s'avèrent ignobles dans l'exercice de leur métier. Du reste, même le personnage joué par Cary Grant, aussi drôle soit-il, est un pur cynique, menteur sur toute la ligne pour arriver à ses fins. Hildy résume le tout lorsqu'en réponse à la remarque désespérée de Molly : ("Ce ne sont pas des hommes !"), elle réplique : "Non, ce sont des journalistes". Mais La Dame du vendredi reste avant tout, une comédie hilarante où tout s'enchaîne sans temps mort, où les dialogues farcis de bons mots fusent de tous côtés, lâchés comme des rafales de mitraillettes et où les corps s'agitent en tous sens dans des décors confinés, renforçant un peu plus l'impression d'assister à un ballet d'agités enfermés dans un bocal.
Pour empêcher qu'une telle débauche d'énergie ne sombre dans la simple agitation, voire dans le n'importe quoi, il fallait des acteurs comiques exceptionnels. Que dire si ce n'est que Cary Grant et Rosalind Russell se montrent absolument parfaits de bout en bout et affichent une complicité dans le jeu dont seuls, avant et après eux, Katharine Hepburn et… Cary Grant sauront également faire preuve. Ralph Bellamy dans le rôle du brave type, monument de naïveté, est aussi très bon et Howard Hawks adresse un clin d'oeil au public lorsqu'une jeune femme, engagée par Walter pour séduire Bruce lui demande "A quoi ressemble-t-il ?" et que Cary Grant rétorque "A l'acteur Ralph Bellamy" !
Voir aussi