Le groupe d'artistes d’inspiration
expressionniste,
Der Blaue Reiter (
le cavalier bleu) est formé à partir de
1911 à
Munich. Ses acteurs principaux sont
Wassily Kandinsky,
August Macke,
Franz Marc,
Paul Klee mais on recense aussi des noms tels que
Gabriele Münter,
Heinrich Campendonk, David Bruljuk.
Ce groupe est, de peu, postérieur à l'autre grand groupe expressionniste allemand, né à Dresde en 1905 : Die Brücke (le pont).
Historique
Le 29 janvier
1909 est créé le
Neue Kunstlervereinigung München (Nouvelle association des artistes münichois, abrégé couramment par NKVM). Il regroupe des artistes modernes d’écoles diverses, allant du
néo-impressionnisme à l'
Art nouveau. Les plus célèbres représentants en sont Kandinsky, Münter,
Alexej von Jawlensky, rejoints peu après par Marc et Macke. En février
1911, Marc, qui s'est lié d'amitié avec Kandinsky peu avant, entre au NKVM. Le nom de "Blaue Reiter" est trouvé par Kandinsky et Marc afin de donner un titre à un recueil de textes sur l'art moderne. Le titre en a été choisi en référence au thème de prédilection de Marc (le
cheval bleu) combiné avec celui du cavalier, cher à Kandinsky. Sous leur impulsion, la première exposition de l'Almanach du Blaue Reiter s'ouvrit le 18 décembre 1911 à Munich, puis parcourut plusieurs villes allemandes. Ce qui ressort de la lecture de l'Almanach, c'est l'absence de toute division traditionnelle entre les différentes techniques artistiques : on y trouve à la fois une homogénéité de pensée, une commune croyance en la vie intérieure de l'artiste, dans la forme comme extériorisation de l'intuition créatrice du peintre ou du musicien, dans les liens qui unissent les arts nouveaux aux arts anciens, les arts européens aux arts africains ou asiatiques, savants ou populaires, liens situés au tréfonds de l'homme, en ce qu'il a de plus archétypal. L'Almanach comprend un ensemble d'articles d'esthétique générale qui soulignent la volonté de leurs auteurs, de ne pas enfermer leur pensée dans un système immuable, mais de se révéler capables d'étendre et ramifier leur champ d'action autant que possible. La notion de vibration, de résonance intérieure, seule capable d'instaurer un authentique vocabulaire de correspondances entre couleurs, sons et mots, apparaît comme un thème qui sous-tend l'Almanach tout entier. La pensée musicale a incontestablement constitué une source de réflexion privilégiée pour des artistes comme Kandinsky, Kupka ou Delaunay, qui ont précisément recherché les structures d'organisation de l'espace plastique, susceptibles de s'éloigner, voire d'échapper aux lois de la représentation. L'avènement de l'art abstrait coïncide assez justement avec un intérêt accru pour les formes musicales. C'est en ce sens que Kandinsky déclarait la musique supérieure à la peinture en ce qu'elle n'avait pas besoin de créer des "images" pour générer des sensations, des émotions, affirmant ainsi que c'est en cela que notre oreille est bien supérieure à notre oeil. De nombreux artistes et musiciens ont participé à sa réalisation, notamment Scriabine, dont les recherches sur la conjonction des arts du temps (musique) et de l'espace (peinture) génère une longue lignée, qui se poursuit encore de nos jours, de créateurs dont les recherches portent sur la notion de synesthésie. Cet almanach regroupe articles et chroniques d’art rédigées uniquement par des artistes.
Schönberg y donne un article, sa partition de Herzgewächse op.20 et deux reproductions de ses tableaux. Des dissensions apparaissent dans cette société entre une fraction conservatrice et une progressiste, menée par Kandinsky, qui tend vers l'
Abstraction. La scission se fait peu après le rejet de la majorité du groupe d'un tableau de ce dernier :
Composition V.
L’exposition-manifeste qu'ils organisent à la galerie Thannhauser en décembre 1911 s’appelle aussi le Cavalier bleu. À l'issue de cette exposition ils démissionnent du NKVM, ralliant ainsi d'autres artistes à leur groupe.
Une seconde exposition est organisée chez Goltz en février 1912 réunissant 315 oeuvres graphiques d'artistes allemands, russes et français, ainsi que des oeuvres du groupe Die Brücke (même si Kandinsky a prononcé un jugement très critique sur leur production).
Ces expositions sont des moments importants pour la percée de l'art moderne en Allemagne. Mais malheureusement le projet de la création d'un second almanach n'aboutit jamais à cause de la guerre qui met fin aux activités du groupe : Marc et Macke sont rapidement tués dans les combats et Kandinsky s'exile en Russie.
Malgré sa brièveté, le Cavalier Bleu a véritablement marqué une époque : autour de ce mouvement se sont ralliés de grands créateurs unis par une même foi de renouveau spirituel de notre civilisation, imaginant un art qui ne connaîtrait « ni peuple, ni frontière, mais la seule humanité » (Kandinsky). Au-delà de différences formelles, cette vision spirituelle de l'art leur a permis d'établir une parenté fondamentale entre l'abstraction naissante et le réalisme d'un Douanier Rousseau, entre les arts de l'Afrique ou le Folklore bavarois et les dernières productions de l'avant-garde européenne. Pour résumer, le Cavalier Bleu et plus particulièrement l'almanach ne se confondent pas avec les démarches artistiques des deux créateurs, dans le sens où le parallèle entre atonalité et abstraction ne se trouve pas au centre de leurs contributions. Ainsi, l'ouvrage se caractérise par l'extension du champ artistique qu'il propose : d'une part dans l'espace (arts primitifs, gothique, renaissance, venant d'Europe ou extra-européens, en l'occurrence africains, chinois…), d'autre part dans différents domaines (arts plastiques, musique, littérature, art des enfants…). Le mouvement du Cavalier bleu représente un exemple d'ouverture inhabituelle émanant d'un petit groupe d'avant-garde.