Les Ménines (en espagnol : Las Meninas), connue également sous le nom La famille de Philippe IV, est l'une des peintures les plus célèbres de Diego Vélasquez. Le tableau est présenté au Musée du Prado de Madrid.
Description
Achevé en
1657, il représente l'infante Marguerite, fille de Philippe IV, Marianne d'Autriche et ses dames d'honneur. Au fond de la pièce apparaît le couple royal.
Nous ne savons pas si c'est le reflet du couple royal ou si cela serait une des nombreuses toiles accrochees au mur...(on pensera au miroir convexe se trouvant sur le mur du fond dans le tableau Les époux Arnolfini de
Jan van Eyck). À la gauche du tableau,
Vélasquez s'est représenté peignant.
Analyse
Tout le mystère de ce tableau réside dans la présence du peintre et du reflet des monarques. S'agit-il d'une représentation d'une séance de peinture ? Que fait Don Jose Nieto dans le fond du tableau ? Le procédé utilisé est nommé
Mise en abyme.
Michel Foucault dans Les mots et les choses fait une analyse magistrale de ce tableau. Le spectateur découvre peu à peu que dans le fond, parmi le pan de mur couvert de portraits, l'un d'eux a un reflet étrange, qui fait penser à un miroir. Il comprend alors que le couple royal s'y reflète. Puis le regard du spectateur revient vers le devant de la scène, vers Vélasquez en train de peindre (son pinceau vient de quitter la toile). Le regard du peintre va au-delà du cadre du tableau, il regarde le couple royal qui se trouve plus loin, à la place même du spectateur. Le peintre croise alors le regard du spectateur qui regarde le tableau, et qui, au moment même de cet échange de regards, devient lui-même, en un instant, le modèle du tableau.
Cette impression est d'autant plus saisissante lorsqu'on se trouve, en chair et en os, devant le regard du peintre, au musée du Prado. Le personnage, dans le fond, semble hésiter entre extérieur et intérieur, devant ou derrière : il se trouve de côté, et regarde l'ensemble de la scène. Sa présence fait écho à tout ce jeu de regards : qui est regardé, qui regarde ? qui est devant la toile, qui est derrière ?
Foucault souligne la richesse de cette oeuvre dont le centre est le dos d'un tableau invisible en cours de réalisation : « nous ne savons qui nous sommes ni ce que nous faisons ».
En fait, le tableau représente une scène familière aux cours européennes. Vélasquez, en tant que peintre officiel de la cour d'Espagne, était tenu de réaliser des portraits de la famille royale. Et c'est ce qu'il tente de figurer dans ce tableau tout en y intégrant le spectateur du tableau en tant que sujet et observateur.
- En tant que Sujet : l'analyse du tableau révèle au fond de la pièce la présence d'un miroir dans lequel se reflète un couple un peu fantomatique. On ne les distingue pas bien, en tout cas pas assez bien pour les identifier directement ; mais plusieurs éléments du tableau le permettent indirectement. Les contemporains de la peinture ont ainsi reconnu l'atelier du peintre et la disposition des lieux. Au fond de la pièce, bloquant l'accès, ce personnage attentif est en fait le garde du corps personnel du roi. Les personnages entre le peintre et ses sujets sont tous connus. Il y a l'Infante Margarita, ses demoiselles de compagnie, le confesseur du roi, le chien Iago, un autre enfant et une naine dont on sait qu'elle appartenait à une maison ayant un statut particulier et accompagnant l'Infante. À l'évidence, l'ensemble de ces indices, la présence et l'attitude des personnages nous autorise à conclure que c'est en effet le couple royal qui se trouve face à Vélasquez, qu'ils sont le sujet de la séance de pose décrite par ce tableau, et que c'est bien leur reflet que l'on aperçoit au fond de la pièce dans le miroir. Or tel que le tableau est structuré, et si l'on observe bien les regards des personnages, quelqu'un d'autre se tient aux côtés du couple royal, quelqu'un dont on ignore l'identité. D'une certaine façon, c'est ce mystérieux témoin qui semble le véritable sujet d'attention du tableau et que les regards suivent à la manière de celui de la Joconde de Vinci
- En tant que Spectateur, un élément discret nous interpelle. En effet, les conventions de l'époque exigeaient que les sujets peints soient toujours éclairés depuis la gauche du tableau. Or si c'est le cas en se plaçant du point de vue du Vélasquez représenté sur le tableau en train d'exécuter son travail de portraitiste, ça ne l'est pas si l'on se place du point de vue du spectateur : vous et moi voyons bien que sur ce tableau la lumière arrive de la droite et non pas de la gauche ? Autrement dit, tout en réalisant une chronique de son quotidien, presque un instantané, Vélasquez parvient à jouer avec et à vaincre les conventions picturales de l'époque ; et il réalise ceci sans les transgresser pour autant ! Et en faisant cela, il propulse le spectateur à l'intérieur du tableau. Il en fait un sujet, et le place à la droite du roi.
Un dernier élément ajoute de la saveur aux Ménines. Si l'on résout le problème de l'éclairage, le miroir que l'on voit au fond pourrait simplement être un tableau.
Anecdote
Entre août et décembre
1957,
Picasso peignit 58 toiles différentes faisant des interprétations sur le thème des Ménines. Un grand nombre sont présentées au Musée Picasso de
Barcelone.
Bibliographie
- Xavier de Harlay, " On y voit tout... de l'autre côté du miroir ", Litt&graphie, 2007 (ISBN 978-2-9527725-0-1)
- Michel Foucault, " Les mots et les choses ", Gallimard, 1966
- Jacques Lacan, Séminaires des 11,18 et 25 mai 1966
- Daniel Arasse, " On y voit rien, descriptions ", Denoël, 2000 et 2005