En
Espagne et au
Portugal, la
limpieza de sangre, ou
pureté de sang ou
Limpeza de sangue (en portugais) concerne une série de décrets parus au début de
XVIe siècle et visant à interdire l'accès à certaines charges militaires ou ecclésiastiques aux nouveaux convertis, à leurs fils ou petits-fils.
La mise en place
Contexte historique
Alors que durant huit siècles (pendant la
reconquista), les trois religions arrivent à cohabiter dans une relative tolérance, durant les
XVe et
XVIe siècles siècles se dessine un certain durcissement.
L'Espagne tente de se constituer une unité politique et religieuse. Il n'y a pas à proprement parler une politique d'Etat au départ, mais vers la fin du XIVe siècle, sous l'influence des ordres franciscains notamment, la populace impose le baptême aux juifs (1391) et massacre nombre d'entre eux. Se crée alors une nouvelle classe, celle des nouveaux chrétiens] par opposition aux vieux chrétiens (vieux catholiques espagnols). Il faut souligner que ces chrétiens seront finalement bien accueillis au cours des 20-30 années suivantes : l'insertion se fait fort bien. Mais leur réussite économique n'est pas sans conséquences et les chrétiens de souche commencent à exprimer leur désappointement. Les nouveaux convertis, appelés de manière péjorative marranes (pour les anciens juifs) ou morisques (pour les anciens musulmans) sont alors regardés avec suspicion par les catholiques de souche. On les accuse de ne vivre qu'une chrétienté de façade, de ne pas chercher l'intérêt de l'Espagne mais leur intérêt propre, de mal conseiller le roi dans ses choix politiques, bref de ne pas s'intégrer dans la nouvelle Espagne. De plus, on voit de nombreux nouveaux chrétiens occuper des emplois publics, notamment dans la finance excitant ainsi la jalousie des vieux chrétiens. La tentation est alors grande de créer des lois discriminatoires. Celles-ci vont mettre près d'un siècle pour s'établir.
L'insurrection de Tolède
On situe en général les prémices des décrets sur la pureté de sang à l'insurrection de
Tolède en
1449. À cette époque, la
Castille est en guerre contre l'
Aragón. Il s'agit de récolter des subsides pour entretenir les troupes. Lorsque la ville de
Tolède apprend l'emprunt que l'on exige d'elle (près d'un milllion de
maravedíes ), elle se révolte et prend pour cible Alonso Cota, un juif converti soupçonné d'être à l'origine de cette ponction. Cette insurrection, menée par l'
Alcade de la ville,
Pedro Sarmiento, conduit à la retraite de l'armée royale. Maître des lieux,
Pedro Sarmiento chasse par décret (
Sentencia estatutos ) tous les nouveaux convertis des postes importants de la ville de
Tolède (conseillers, juges, maires ...).
La réponse de l'Église
Suite à ce premier décret, un débat théologique et politique s'engage sur sa légitimité.
Alonso Diaz de Montalvo, puis Don Alonso de Cartagène , qui publie début 1450 un essai Defensorium Unitatis Christianae (Sur la défense de l'unité chrétienne), prennent la défense des nouveaux convertis. Ils assurent que le décret de Tolède porte atteinte à l'unité de l'Église. Il n'est pas possible, selon eux, d'interdire à un nouveau converti les charges en question car « tout nouveau baptisé, par son Baptême, entre dans le Christ et n'était alors plus ni juif, ni gentil ».
Don Alonso de Cartagène en appelle au Pape pour annuler le décret d'exclusion de Tolède. En septembre 1449, Nicolas V répond à cette demande en publiant une bulle précisant que tout nouveau chrétien, quelles que soient ses origines, s'il se conduit en vrai chrétien, doit pouvoir accéder à tous les ministères et dignités et peut porter témoignage, et peut exercer toutes les charges avec les mêmes droits que les vieux chrétiens.
La
bulle de
Nicolas V ne clôt pas pour autant les débats. Dans la deuxième moitié du
XVe siècle, les écrits abondent prenant la défense des nouveaux convertis (Alonso de Oro Pesa) ou les chargeant de toutes les fautes (Franciscain Alonso de Espina)
Le rôle de l'Inquisition se fait plus présent avec la création en 1478 du Saint-Office, dont l'intention principale est de poursuivre les Juifs et les Maures relaps. La découverte de crypto-juifs (nouveaux chrétiens pratiquant en secret la religion juive) qui s'étaient réfugiés dans le monastère de Guadalupe (près de Caceres, en Espagne) et qui sont exécutés en 1485 jettent la suspiçion sur l'ensemble des nouveaux chrétiens.
La polémique s'intensifie en 1486 lors de la réunion du clergé. Deux clans s'affrontent : ceux favorables à la pleine intégration des convertis (Rodrigo de Orenes), l'autre voulant établir des restrictions à leur accès à certaines charges ecclésiastiques (Gonzalo de Toro). Une nouvelle fois, on fait appel au Pape, qui à cette époque, est Alexandre VI. Celui-ci, dans une bulle de 1496, contrairement à Nicolas V, valide les restrictions d'accès aux charges de vicaire, prieur et confesseur.
La brèche est alors ouverte et les décrets se multiplient : interdiction d'accéder aux universités, interdiction de détenir des charges militaires ou politiques, interdiction de rentrer dans les ordres, interdiction d'émigrer aux Amériques et, a fortiori, d'y détenir des charges. Les décrets, visant initialement les nouveaux convertis s'élargissent à leurs fils et petit-fils.
En 1535, sous la pression du roi Charles Quint, le pape Paul III prend, après beaucoup de réticence, le parti de la pureté de sang : toute personne désirant obtenir un poste rémunéré en Espagne doit désormais démontrer qu’elle n’avait aucun membre juif ou musulman dans sa famille depuis au moins quatre générations. En 1547, les decrets sur la pureté de sang sont approuvés dans la cathédrale de Tolède.
Attestation de pureté de sang
Pour pouvoir accéder à des postes de responsabillité ou rentrer par le mariage dans la famille d'un
vieux chrétien, il était nécessaire de posséder cette attestation. Pour l'obtenir, il fallait faire la preuve qu'aucun de ses ancêtres sur deux générations n'étaient un converti. Il fallait fournir des témoins, se soumettre à une enquête souvent ruineuse et jurer fidélité à l'Église et à son roi.
Le concept de pureté de sang dans l'Espagne du <span class'romain' title='Nombre écrit en chiffres romains'>XVIe siècle et XVIIe siècle == Abrogation
Ces décrets de pureté de sang, devenus loi, ne sont pleinement abrogés que le 13 mai 1865, avec une brève interruption pendant le règne de Joseph Bonaparte (1808-1812).Autre acception
Limpieza de sangre est un roman de Arturo Pérez-ReverteVoir aussi
Liens internes
Sources