Une
loi mémorielle est une loi déclarant, voire imposant, le point de vue officiel d'un État sur des évènements historiques. À l'extrême, une telle loi peut interdire l'expression d'autres points de vue.
On peut citer, par exemple, l'interdiction à la vente de Mein Kampf est en vigueur dans plusieurs pays, dont l'Allemagne, où il est par ailleurs interdit de commercialiser ou diffuser des objets nazis. Les lois ou résolutions votées dans de nombreux parlements pour reconnaître l'existence du Génocide arménien appartiennent également à la catégorie des lois mémorielles.
En Israël, la Loi du souvenir des martyrs et des héros en 1953 s'est concrétisée dans l'érection du mémorial de la Shoah, Yad Vashem.
Notons que les memorial laws des États-Unis d'Amérique n'ont par contre rien à voir avec les lois mémorielles telles que conçues en France. Il s'agit en fait de lois de portée générale auxquelles le législateur a accolé le nom d'une victime. La Brooke Blanchard Law du New Hampshire, qui stipule qu'un conducteur mineur qui provoque un accident par négligence doit être jugé comme un adulte, porte ainsi le nom de la jeune victime d'un chauffard mineur en état d'intoxication alcoolique.
La loi du
23 mars 1995 tend
à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis pendant la Seconde Guerre mondiale par le régime national-socialiste allemand. Son extension a été débattue au
Sénat en juin
2005 et a achoppé sur la qualification juridique du génocide arménien. Un organisme de droit public, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, dépendant directement des services du Premier Ministre est notamment chargé de veiller à l'application de cette loi en estant en justice le cas échéant.
Un protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, "relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques", a été adopté le 30 janvier 2003 par le Conseil de l'Europe et soumis à la ratification des États membres et observateurs. Son article 6 est intitulé "Négation, minimisation grossière, approbation ou justification du génocide ou des crimes contre l’humanité". La France l'a intégré dans sa législation le 19 mai 2005. Lors des débats en juin 2005 au Sénat belge sur l'intégration de ce protocole additionnel à la législation belge, la question de l'inclusion du génocide arménien a fait l'objet de vifs débats. Le protocole additionnel n'entrera en vigueur qu'après ratification par cinq États, au plus tôt le
1er mars 2006. Au
29 décembre 2005, 25 États (dont 24 membres du Conseil de l'Europe, plus le
Canada) l'ont signé et cinq (
Albanie,
Chypre,
Danemark - avec réserves-,
Macédoine et
Slovénie) l'ont formellement ratifié.
À l'occasion du débat sur la loi sur d'éventuels 'aspects positifs' de la colonisation, à l'automne 2005, le concept de
lois mémorielles a été forgé en France pour désigner essentiellement la
Loi Gayssot, la
Loi Taubira, la loi sur la reconnaissance du
Génocide arménien et celle précisément sur l'existence alléguée de ce qui fut qualifié d'"aspects positifs" de la colonisation. Le débat sur la pertinence d'une telle intervention législative a été relancé, divisant tant la classe politique que la communauté scientifique et le monde de la presse. Il faut toutefois souligner la différence entre une loi effective comme la Loi Gayssot, assortie de sanctions pénales, et des lois déclaratives comme les trois autres, qui ne font qu'imposer des principes sans assortir cela de sanctions pénales.
Le texte du 23 février 2005 a provoqué la colère des historiens qui n'admettent pas que la loi écrive l'Histoire, d'autant qu'en l'espèce l'ingérence du législateur a pu être qualifiée d'entreprise de falsification confinant au révisionnisme. Dix-neuf des plus grands historiens français ont co-signé un texte intitulé "Liberté pour l'histoire!" le 12 décembre 2005 demandant l'abrogation de cette loi, mais citant également les lois du 13 juillet 1990 réprimant les actes racistes, antisémites ou xénophobes, du 29 janvier 2001 reconnaissant le génocide arménien de 1915, du 21 mai 2001 reconnaissant la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité. Les co-signataires de ce texte sont : Jean-Pierre Azéma, Élisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock .
Pour les trente et un juristes, historiens ou écrivains signataires de la contre-pétition du 20 décembre 2005, une différence importante existe entre ces lois et celle du 23 février 2005 : tandis que les autres lois n'auraient qu'une valeur « déclarative » et dénonceraient des crimes contre l'humanité (donc affirmation d'un rôle négatif), la loi du 23 février, au contraire, affirmerait un rôle positif . On se situerait dès lors selon des historiens comme Olivier Le Cour Grandmaison dans un "stupéfiant négationnisme".
Loi du 13 juillet 1990, dite Loi Gayssot
Loi adoptée malgré l'opposition du
Sénat, et qui n'a pas été contrôlée par le Conseil constitutionnel. Son article 9 modifie la loi sur la liberté de la presse de 1881 en y introduisant un article 24 bis visant à interdire le
Négationnisme :
Loi du 29 janvier 2001
Texte de la loi (
Article unique)
Loi du 21 mai 2001 dite loi Taubira sur l'esclavage
La
Loi Taubira du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la
Traite et de l'
Esclavage en tant que crime contre l'humanité dispose que :
Cet article suit l'article 1 qui dispose que la république française reconnait la traite négrière comme un crime contre l'humanité, toutefois l'article 2 ne donne pas de directive sur l'orientation du traitement de cette page de l'histoire.
Suite à cette loi et au comité pour la mémoire de l'esclavage, présidé par l'écrivain guadeloupéen Maryse Condé, Jacques Chirac a annoncé le 30 janvier 2005 la création d'une journée annuelle de la mémoire de l'esclavage, qui se tiendra tous les 10 mai, date de l'adoption au Parlement de la loi Taubira. Le président a confié à cette même occasion à l'écrivain martiniquais Édouard Glissant la présidence d'une "mission de préfiguration d'un centre national consacré à la traite, à l'esclavage et à leurs abolitions". Ce centre s'ajoutera à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration dont l'inauguration est attendue en avril 2007 au Palais de la Porte-Dorée.
Loi française du 23 février 2005 sur la présence française outre-mer
L'alinéa 2 de l'article 4 de la loi déclarait:
« les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit »
Cet alinéa a provoqué un scandale chez des historiens, dont certains ont qualifié ladite loi de « révisionniste ». Outre la question de l'existence d'une Histoire officielle, la polémique qui a remué l'opinion publique notamment dans les pays anciennement colonisés par la France, chez les personnes originaires de ces pays et résidant en France, ou encore dans les départements d'Outre-mer a entrainé le retrait de cette disposition dont le gouvernement a entendu se désolidariser. Elle a été déclassée par le Conseil constitutionnel (décision du 31 janvier 2006) sur demande du Premier ministre (25 janvier 2006), puis abrogée par voie règlementaire (décret du 15 février 2006).
Mais subsiste notamment l'alinéa 1 de l'article 1 qui dispose :
« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. »
Espagne
La loi sur la mémoire historique (
Ley de extensión de derechos a los afectados por la Guerra Civil y la dictadura : loi d'extension des droits aux victimes de la guerre civile et de la dictature, ou
Ley de la Memoria Histórica) a été approuvée en Conseil des Ministres le
28 juillet 2006. Le projet de loi du gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero, visait à reconnaître les victimes du
Franquisme. Controversée, la loi a suscité la proposition de projets alternatifs comme celui d'Esquerra Republicana de Catalunya .
Bibliographie
- Remy Jacqueline, Thiolay Boris, « Faut-il abroger les lois mémorielles? », L'Express, 2 février 2006
- Christophe Forcari, Didier Hassoux, " Quand le FN enrôle de force les historiens sous sa bannière ", Libération, 15 décembre 2005
Voir aussi
Notes et références
Articles connexes
- Loi française du 23 février 2005
- Loi sur la mémoire historique (Espagne, 2006)
- Liberté pour l'histoire
Liens externes