Pour les articles homonymes, voir Loi salique (homonymie).
L'expression loi salique désigne deux réalités bien différentes.
- Dans le Haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi élaboré à partir du début du IVe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois. Ce code établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
- Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France. À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles de Succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres monarchies européennes. L'éviction des femmes du pouvoir par cette loi s'appuie sur un certain nombre de faux en écriture, de mensonges et d'omissions de l'Histoire, étudiés par l'historienne Éliane Viennot, qui montre aussi que cette éviction a suscité dès le XIIIe siècle des résistances et des conflits, dont les acteurs et les actrices restent encore pour la plupart absents des manuels scolaires.
Un code de loi « barbare » ?
La première loi salique était un
code pénal et
civil propre aux
Francs dits « saliens » (
IVe siècle). Les adjectifs
salique et
salien proviendraient d'une ville anciennement nommée Sala, aujourd'hui
Overijse, en Belgique. D'abord mémorisée et transmise oralement, elle fut mise par écrit par Eckhardt dans les premières années du VI
e siècle à la demande de Childebert, roi des Francs, puis remaniée plusieurs fois par la suite, jusqu'à
Charlemagne. Les termes utilisés dans la version écrite et les principes appliqués témoignent autant de larges emprunts au Droit romain qu'à la tradition germanique.
La première version de la loi (il y en eut au moins huit) portait le nom de pactus legis salicæ (pacte de la loi salique). Historiographiquement, on a longtemps vu en cette Loi une transcription des coutumes germaniques, or son introduction présente quatre chefs francs comme les instigateurs de la loi, et nomme les villes où elle fut proclamée. Or ces mêmes noms, sous leur forme latine, se retrouvent dans des sources administratives romaines, qui nous apprennent que ces Francs, édictant une loi applicable à un territoire de l'empire (juste au Sud du Rhin), étaient en fait des officiers romains (« maîtres de la milice » ou « maître de la cavalerie »), qui avaient fait leurs armes partout dans l'empire, certains même ayant massacré d'autres ligues franques. Les termes utilisés sont ceux du droit romain et on retrouve autant d'usages militaires bas-impériaux que de traditions germaniques dans le texte (voir respectivement le titre suivant et Wergild pour plus de détails).
Il est donc plus prudent d'y voir la spécificité des Francs, en ce qu'ils sont plus largement héritiers de l'empire romain que toutes les autres nations barbares : c'est un texte de compromis, et d'autant moins monolithique qu'il a été remanié dans des contextes différents. D'autres versions de la loi furent en effet élaborées jusqu'au milieu du IXe siècle : à chaque fois, la loi fut augmentée, modifiée et adaptée aux circonstances du moment. Il est donc difficile de dater précisément certains articles.
Parmi ces remaniements, on constate le remplacement progressif du Wergild (système où la peine est négociée) par l'amende (la peine est imposée par l'autorité royale). La situation politique se troublant passablement au Ve siècle, les rois mérovingiens supportent de moins en moins toute autorité autre que la leur (en l'occurrence celle des parentèles influentes et des conseils d'anciens cf Wergild), et durcissent ainsi leur emprise sur la société. À cet égard, la loi salique réalise bien la transition entre les structures germaniques et la royauté médiévale.
La loi salique stipule que des tarifs de composition font payer la partie coupable à la partie lésée :
- - toucher la main d’une femme : amende de quinze sous ;
- - toucher une femme de la main au coude : amende de trente sous ;
- - toucher une femme du coude à l’épaule : amende de trente-cinq sous ;
- - toucher une femme jusqu’au sein : amende de quarante-cinq sous ;
- - meurtre d’un franc ou d’un romain : amende allant de cent à deux cents sous.
Le but de cet article était, en cas de violence faite aux femmes, d’empêcher les faides (vengeances obligatoires).
La loi stipule aussi qu'un individu tué par faide devait voir sa tête plantée sur un pieu de fortification ou au bout d’une lance par son meurtrier afin que ce dernier fut signalé aux autorités. Un autre article issu du droit romain indique qu'un refus de comparaître entraîne une perte de la protection du roi et la confiscation des biens par le trésor public.
Les mariages incestueux aussi sont interdits : « Si quelqu’un s’est uni par un mariage scélérat avec la fille de sa soeur ou de son frère ou d’un cousin à un degré plus éloigné, ou à l’épouse de son frère, ou de son oncle maternel, qu’ils subissent la peine de la séparation et, s’ils ont eu des fils, ils ne seront pas les héritiers légitimes et seront considérés comme infâmes. »
Cet article permit l’éviction des oncles et cousins de la famille royale du bénéfice des droits de succession.
En 511, dans la loi salique publiée par Clovis, la transmission des biens se fait par les agnats (parents par le père) et les cognats (parents par la mère).
Un article-clé : le de alodis
L'article 62 du
pactus initial porte sur la transmission des alleux, c'est-à-dire des terres détenues en pleine propriété par un groupe familial. À la suite de plusieurs articles stipulant que les femmes pouvaient hériter de ces terres, un court passage était promis à une longue postérité. En voici une version :
- « De terra salica nulla portio hereditatis mulieri veniat, sed ad virilem sexum tota terræ hereditas perveniat. »
- « Quant à la terre salique, qu'aucune partie de l'héritage ne revienne à une femme, mais que tout l'héritage de la terre passe au sexe masculin. »
Or ce qu'est précisément la « terre salique » n'est pas défini dans le texte. Une hypothèse propose qu'il s'agisse de la terre transmise de manière héréditaire, ou peut-être de la demeure familiale, au coeur du domaine. Il est en tout cas certain que l'article n'a rien d'une loi « constitutionnelle » et que la « terre salique » ne désigne pas toute terre du royaume des Francs saliens, pour la simple raison qu'il n'existait rien de tel au IVe siècle : les limites géographiques assignées à la Loi correspondent à des préfectures létiques où des généraux romains d'origine franque exerçaient leur autorité au nom de l'empereur.
Cet état de fait introduit une seconde hypothèse. Ces vétérans romains à qui l'on a confié une région stratégiquement sensible (une bordure en contact avec des ligues germaniques dont certaines sont encore belliqueuses) n'auraient-ils pas voulu « graver dans le marbre » les principes militaires dont ils ont pu apprécier la redoutable efficacité ? Cette interprétation s'appuie sur des textes remontant au IIIe siècle, qui décrivent la politique frontalière de l'empereur Alexandre Sévère. Il installait ses soldats sur les bordures en leur donnant terres vierges (Saltus) ou conquises, ainsi que des esclaves, afin de renforcer ces régions. Cette terre était transmissible à leurs enfants, mais tout occupant était redevable d'un service militaire, puisque c'est la condition de soldat qui avait permis de jouir de ces terres. L'usage fut repris et généralisé par les empereurs suivants, et la proximité avec le statut de Lète est frappante. La terra salica, serait alors peut-être celle des provinces où lesquelles les Francs saliens ont été originellement implantés en tant que Lètes (soumis à l'armée donc), ce qui expliquerait que les femmes n'y aient pas droit (elles ne pouvaient servir dans l'armée romaine).
Le but de ce passage serait donc d'assurer que ces terres, obtenues grâce à un régime militaire létique, restent entre les mains d'hommes mobilisables pour l'armée. Cette hypothèse est corrélée par le fait que les terres « non-saliques », dont la possession par des femmes est attestée, sont toujours hors des provinces sur lesquelles les sources administratives romaines signalent des Lètes francs.
La récupération de la loi salique au <span class
"romain" title="Nombre écrit en chiffres romains">XIV
e siècle==
C'est seulement au XIVe siècle que cette règle de droit privé est de nouveau invoquée – la loi salique étant tombée dans l'oubli – avec une nouvelle interprétation, pour appuyer les prétentions de la dynastie des Valois au trône de France. Issus d'une branche cadette de la dynastie des Capétiens, les Valois se trouvaient en effet opposés aux Plantagenêts d'Angleterre qui, descendant des Capétiens par les femmes, prétendaient eux aussi à la couronne. Le recours à la fiction juridique de la loi salique permettait de justifier l'exclusion des femmes et de prêter un fondement juridique ancien à la monarchie des Valois.
Les problèmes de succession au début du <span class
"romain" title="Nombre écrit en chiffres romains">XIV
e siècle=== Depuis
Hugues Capet jusqu'à
Louis X, puis, très brièvement, au fils de ce dernier,
Jean Ier, mort peu après sa naissance, la couronne de France a été continûment transmise de père en fils (les premiers Capétiens prenant la précaution d'associer leur fils aîné au trône, ce qui amena progressivement la couronne, initialement élective, à devenir héréditaire). Cette succession sans souci, dans une continuité parfaite de 987 à 1316 (un héritier mâle aîné était à chaque génération prêt à succéder à son père), amena les historiens à qualifier ces générations de «
Miracle capétien ».
Entre 1316 et 1328, seuls les rapports de force en jeu à l'époque dictent les successions des derniers Capétiens directs : ce sont donc essentiellement des choix politiques, effectués sans qu'on n'évoque l'ancienne loi salique. C'est ensuite, 80 ans plus tard, que l'éviction de Jeanne de Navarre a été attribuée, à tort, à l'application de l'ancienne loi salique pour justifier désormais de l'application de cette loi qui pour longtemps évincera les femmes de la politique française et du pouvoir.
Par la suite, le principe de masculinité deviendra une des lois fondamentales du Royaume de France de la Couronne française. Les lois fondamentales du Royaume de France se forment à partir des événements, et édictent la norme à partir d'anciens exemples.
Ainsi, la succession de 1316 et plus encore celle de 1328 seront à l'origine de cette coutume juridique. Seuls les hommes peuvent accéder au trône, et eux seuls peuvent transmettre le pouvoir. Un bon exemple de ce principe est la succession de Henri III en 1589, lorsque plusieurs prétendants au Trône de France sont en concurrence. Mais parmi eux, seul Henri IV de France descend de la famille royale par les hommes. C'est donc lui qui est soutenu par les légistes royaux, au motif du principe de masculinité.
La succession de Louis X (1316)
En
1316,
Louis X le Hutin, roi de France et de Navarre, fils de Philippe IV le Bel, meurt sans héritier mâle. Il laisse une fille en bas âge issue du premier lit,
Jeanne de Navarre, fille de Marguerite de Bourgogne, et une femme enceinte,
Clémence de Hongrie.
Le frère de Louis X, Philippe, comte de Poitiers, y voit alors l'occasion de devenir roi de France : il s'accorde avec Eudes IV de Bourgogne, oncle maternel de Jeanne, pour être le régent de l'enfant à venir au cas où ce dernier serait un fils. Si, en revanche, l'enfant est une fille, elle sera exclue du trône comme sa soeur aînée, mais cela seulement jusqu'à sa majorité. Il semble alors qu'il y ait possibilité pour les deux jeunes filles, et particulièrement pour Jeanne, de monter sur le trône de France. Cette disposition laisse toutefois un répit à Philippe de Poitiers pour se faire admettre comme roi.
À ce stade, aucune législation n'a encore été invoquée .
La succession de Jean I<sup class
"exposant">er (1316 - 1317)==== L'enfant de la reine Clémence, qui naît le 15 novembre 1316, est un fils. Il reçoit le prénom de Jean (on l'appelle en général
Jean Ier le Posthume). Mais l'enfant royal meurt cinq jours plus tard.
Philippe bouscule alors les accords passés avec Eudes de Bourgogne : il se proclame roi de France et de Navarre, et se fait sacrer le 9 janvier 1317 sous haute protection militaire. En effet, Philippe est tenu pour un usurpateur par Agnès de France, mère de Marguerite de Bourgogne, grand-mère de Jeanne et fille de saint Louis. Elle réclame le rassemblement des pairs et Philippe V le Long fait appeler les représentants des trois ordres. Il demande à l'Université de rédiger un argumentaire justifiant son droit à monter sur le trône de France. La loi salique, à ce moment, n'est pas encore invoquée : l'argumentaire mis en avant au profit de Philippe V est très pauvre, ne s'appuyant que sur le degré de proximité avec saint Louis.
Philippe a le soutien de la noblesse : ce qui compte ici est qu'il a les moyens de ses ambitions. Un traité est signé entre Eudes de Bourgogne et Philippe V : Jeanne renonce à ses prétentions à la couronne de France. Il semble étrange que des arguments solides, comme le caractère coutumier de l'hérédité masculine (c'est le miracle capétien) n'aient pas été formulés. C'est sans doute que ce débat s'ouvre au moment même où les femmes ont un rôle des plus importants en politique ; ainsi Mahaut d'Artois, mère de Jeanne II de Bourgogne (l'épouse de Philippe V), est-elle nommée pair du royaume. En outre, Philippe V est dans une situation contradictoire : du vivant de Louis X, Philippe avait demandé à son frère la permission de transmettre son apanage du Poitou à sa fille… pourquoi la fille de Louis X n'aurait-elle pas pu dès lors hériter du royaume de France ?
La succession de Charles IV (1328)
Charles IV meurt à son tour en
1328 : une nouvelle crise successorale éclate. La reine, Jeanne d'Evreux, est enceinte. Le même problème qu'en 1316 se pose donc : il faut à la fois se préparer à une éventuelle régence (et donc choisir un régent) et préparer une possible succession au trône. Il semble désormais acquis que les femmes ne peuvent prétendre à la couronne de France (sans qu'aucune règle écrite ne le stipule encore). Sont donc a priori exclues :
- Isabelle de France, la soeur de Louis X, de Philippe V et de Charles IV, épouse du roi Édouard II d'Angleterre ;
- les filles de Louis X, de Philippe V et de Charles IV ;
- une éventuelle fille à naître de la grossesse de la reine Jeanne d'Évreux.
En revanche, il n'est pas dit que les femmes ne peuvent pas transmettre leurs droits au trône à leurs fils. Deux hommes s'opposent alors et revendiquent la succession : Philippe, comte de Valois, fils d'un frère cadet de Philippe IV le Bel et donc cousin germain du défunt Charles IV ; et Édouard III, roi d'Angleterre, fils d'Isabelle, petit-fils de Philippe IV le Bel et donc neveu du défunt Charles IV.
C'est Philippe de Valois qui fut choisi comme roi par une assemblée des barons (les principaux seigneurs du royaume de France). Il monta sur le trône sous le nom de Philippe VI. Deux raisons principales expliquent ce choix des barons :
- Édouard III revendique le trône par l'intermédiaire de sa mère. S'il avait été proclamé roi de France, une kyrielle de revendications de la part d'autres fils issus de filles royales auraient pu ressurgir… Cette raison n'a peut-être pas été la principale en 1328, mais elle a été régulièrement mise en avant par la suite. Ainsi, dans les années 1360, Charles II de Navarre, fils de Jeanne (la fille de Louis X), à qui Philippe VI avait rendu la Navarre, est soutenu par l'opinion publique et espère monter sur le trône ;
- la véritable raison du choix des barons, est que la monarchie française est une monarchie nationale… Or Édouard III est déjà roi d'Angleterre, ce qui pousse les barons à rejeter sa candidature. Édouard III se résigne alors et reconnaît Philippe VI comme roi de France : il lui prête même un hommage lige au roi de France en 1331, au titre de duc de Guyenne. Il revient cependant sur son acceptation en 1337 après que Philippe lui a repris Bordeaux et la Guyenne, provoquant la Guerre de Cent Ans.
Redécouverte et réinterprétation de la loi salique
Les prétentions d'Édouard III et de Charles le Mauvais, qui se conjuguent avec les difficultés des premiers rois Valois, Philippe VI et
Jean II le Bon, poussent
Charles V, fils et successeur de Jean II, à faire formuler une règle de succession claire et indiscutable. C'est donc sous son règne que
Nicolas Oresme reprend plus concrètement l'argumentation de François de Meyronnes et de
Raoul de Presles. Dans son
Livre de Politique, il définit trois moyens d'accession au trône :
- – par transmission dynastique – au fils aîné du roi ;
- – par élection – comme pour Hugues Capet ;
- – par élection de lignage – comme Philippe VI.
Ainsi, Nicolas Oresme justifie l'accession au trône des Valois par deux moyens : ils ont été désignés à la fois par l'élection et en raison de leur appartenance à la dynastie régnante. Mais on voit bien que ces justifications sont encore fragiles : des succès militaires d'Édouard III ou de Charles le Mauvais pourraient parfaitement entraîner une nouvelle réunion des barons et le choix d'un autre souverain.
En 1378, Evrart de Trémaugon, dans le Songe du Vergier, va chercher dans le droit romain une justification qui invoque la « faiblesse du sexe » (imbecillitas sexus). Cette justification est intéressante, mais elle ne permet pas de justifier l'exclusion des descendants masculins de cette femme, qui ne sont pas touchés par cette « faiblesse ».
Ce n'est finalement qu'en 1388 que l'article 62 de la « loi des Francs saliens » (c'est-à-dire de la loi salique originelle) est redécouvert et utilisé dans le cadre d'une loi de succession. Le recours à cet article permet d'affirmer que, dès le règne de Clovis, fondateur du royaume, la femme ne pouvait « avoir en héritage aucune part du royaume ». Il va de soi qu'il s'agit d'une interprétation abusive de ce texte du VIe siècle, qui, rappelons-le, légiférait sur le droit privé des successions, et n'avait donc rien à voir avec la succession royale, qui relevait du droit public.
On ajouta par la suite bien d'autres justifications tout aussi peu vraisemblables. Ainsi, on a pu mettre en avant une expression tirée de l'Évangile selon saint Matthieu, où le Christ déclare que « les lys ne filent pas ». Les lys étant le symbole de la monarchie française, et le filage une activité typiquement féminine, on en a déduit que Jésus Christ lui-même avait déclaré que les femmes ne pouvaient succéder au trône de France.
On doit donc conclure sur ce point en observant que la plupart de ces « lois » furent en réalités des justifications apportées a posteriori pour étayer des positions de principe dont la légitimité est devenue efficiente par l'usage, dans la mesure où le parti qui les prônait fut le plus « fort » politiquement et militairement.
Usages de la loi salique dans les monarchies européennes
Usages en France
Après quelques tâtonnements dans la première moitié du XV
e siècle, la loi salique réinterprétée par les juristes de Charles V devient la principale loi de succession au trône, et l'une des règles fondamentales du royaume. Elle entraîne l'exclusion systématique des membres d'autres familles royales liées par mariage à la famille royale française. Elle garantit donc que seul un prince français peut accéder au trône de France et renforce le caractère national de la monarchie.
L'une des principales applications de cette loi eut lieu dans la seconde moitié des années 1580. Henri III, dernier roi Valois, avait prévu que le prince Henri de Bourbon, roi de Navarre, lui succéderait. Mais cette succession n'était pas due au fait qu'Henri de Navarre, ayant épousé Marguerite, soeur de Henri III (cette Marguerite est la célèbre reine Margot) ; elle était due au fait qu'Henri de Navarre descendait en ligne masculine ininterrompue du roi Louis IX (1226 -1270). Il était, en ligne masculine, le plus proche parent d'Henri III. Les grandes difficultés d'Henri IV au début de son règne (Henri III est assassiné en 1589) s'expliquent plus par sa religion (il était protestant alors que la majorité de la population était catholique) que par le fait qu'il était un parent très éloigné du précédent roi. Au contraire, on peut dire que la loi salique était tellement entrée dans les moeurs qu'il paraissait quasiment impossible de choisir un autre roi que celui désigné par l'application de ces règles de succession.
De même, dans les premières années du XVIIIe siècle, le roi Louis XIV vieillissant, et ayant perdu la plupart de ses descendants légitimes, voulut modifier les règles de succession et permettre l'accession de ses enfants illégitimes (les enfants de ses maîtresses) au trône de France. Cette décision fut, dès la mort du roi en 1715, cassée par le Parlement de Paris, en raison de l'intangibilité des règles de succession, la loi salique étant considérée comme une « loi fondamentale du royaume », et comme telle ne pouvant être modifiée, même par le roi.
Usages dans d'autres monarchies
Le système de la loi salique pour la succession au trône est ou a été en vigueur dans de nombreux régimes monarchiques.
L'abrogation de la loi salique mena à des contestations et même à plusieurs guerres civiles en Espagne, où elle avait été adoptée à la suite de l'accession au trône, en 1700, de Philippe V, prince français. En 1830, le roi Ferdinand VII abrogea la loi salique, ce qui faisait de sa fille Isabelle son héritière et excluait du trône son frère Charles. Cette décision mena à une importante crise de succession en Espagne, la première guerre carliste (1833 - 1846).
On prétend souvent que la loi salique a été utilisée pour séparer le Grand-Duché de Luxembourg des Pays-Bas. En fait, après la mort du roi Guillaume III en 1890 sans issue mâle, Wilhelmine d'Orange-Nassau devenait reine des Pays-Bas, tandis qu'Adolphe de Nassau-Weilburg montait sur le trône luxembourgeois . Ceci en vertu d'un contrat d'héritage passé en 1783 entre les deux branches survivantes de la Maison de Nassau, la lignée ottonienne (la Maison d'Orange-Nassau) et la lignée walramienne (la Maison de Nassau-Weilburg). Cette séparation n'était donc pas basée sur une loi luxembourgeoise ou néerlandaise mais sur une convention dynastique.
La loi salique a été abrogée au Danemark en 1953, en Suède en 1979 et en Belgique en 1991.
Notes
Voir aussi
Bibliographie
- Bernard Barbiche, Les Institutions de la monarchie française à l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris : PUF, 1999, 2e éd. 2001.
- Jean Barbey, Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Les lois fondamentales et succession de France, DUC, 1984 ;
- Marc Ferro, Histoire de France, Poches Odile Jacob, 2001.
- Éliane Viennot La France, les femmes et le pouvoir, Volume 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Perrin, 2006.
- Sylvain Soleil, Introduction historique aux institutions - du IVe au XVIIIe siècle, ChampsUniversité, Flammarion, 2002.
- Craig Taylor, ed., Debating the Hundred Years War. "Pour ce que plusieurs" (La Loy Salique) and "A declaration of the trew and dewe title of Henrie VIII", Royal Historical Society, Camden 5th series, Cambridge University Press, 2006, ISBN 0-521-873908.
- Michel Rouche, Clovis. Editions Fayard, 1996.
Liens internes
- Droit romano-germanique (Haut Moyen Âge)
- Lois fondamentales du royaume de France
Liens externes