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Marthe Richard, née
Betenfeld le
15 août 1889 à
Blâmont (
Meurthe-et-Moselle) et décédée en
1982, fut une
prostituée dont la loi de fermeture des maisons closes (
bordels) en
France en
1946 porte le nom.
Prostitution
À
Nancy, elle devint apprentie culottière à quatorze ans puis fut inscrite en
1905 comme
prostituée. Dénoncée par un soldat pour lui avoir transmis la
Syphilis, elle fut contrainte de partir exercer à
Paris, rue Godot-de-Mauroy où elle rencontra en
1907, et épousa Henri Richer, riche industriel, mandataire aux
Halles.
Record d'avion
En
1912, son mari lui offrit un avion et elle fut pilote brevetée en
1913. Elle feignit, dans la presse de l'époque, de battre le record féminin du trajet
Le Crotoy-
Zurich. En fait, elle accompagna Poulet et ils n'atteignirent que la
Bourgogne d'où, démontant leur avion, ils le convoyèrent par train jusqu'à la campagne zurichoise où ils le firent remonter. Le record fut homologué.
Espionne
En
1914, elle participa à la fondation de
l'Union Patriotique des Aviatrices Françaises et se retrouva veuve de guerre en
1916. Elle devint, grâce à son amant (jeune anarchiste russe appartenant au deuxième bureau), espionne sous les ordres du capitaine Ladoux. Pour approcher l'attaché naval allemand à
Madrid, Von Krohn, elle se fit sa maîtresse. En rentrant en France, elle découvrit son nom rayé du service et le capitaine Ladoux emprisonné.
En 1926, elle épousa Thomas Crompton, directeur financier de la fondation Rockefeller, mécène de la restauration du Petit Trianon, qui mourut subitement en 1928 à Genève. Elle mena alors grand train à Bougival.
En 1930, le capitaine Ladoux, libéré et rétabli au poste de commandant, publia ses Mémoires romancés. Le volume sur Richer intitulé « Marthe Richard espionne au service de la France » ne fut, lui, qu'invention. Celle-ci, réclamant la moitié des énormes droits d'auteur amassés, reçut le conseil d'écrire ses propres mémoires... fabulés. Elle publia, sous le pseudonyme de Richard donc, un best-seller : « Ma vie d'espionne au service de la France » (sorti au cinéma en 1937) et devint brusquement une héroïne. Sous la pression médiatique, son amant Édouard Herriot, chef du gouvernement de l'époque, obtint le 17 janvier 1933 la légion d'honneur à Mme veuve Crompton dans la catégorie affaires étrangères.
Seconde guerre mondiale
Alors que pendant la Seconde Guerre mondiale, tout le monde admire son courage, elle ne fut pas inquiétée par l'occupant nazi, pour la simple et bonne raison qu'elle était inconnue des services allemands. Vexée par cette indifférence, elle finit par se rendre dans les locaux de la
Gestapo où elle déclara : "Messieurs, je suis Marthe Richard, celle qui vous a fait tant de mal au cours de la dernière guerre". L'officier lui fit répéter son nom, qui ne lui disait rien, et pour cause, sa vie d'"espionne" durant la première guerre n'étant que pure affabulation. Elle se rapprocha d'ailleurs de certains membres de la
Gestapo, dont le gangster
François Spirito.
Elue de la Résistance
En
1945,
héroïne des deux guerres, elle fut élue conseillère dans le 4e arrondissement de Paris sur la liste de la Résistance Unifiée (proche du MRP). Accusée de trafic d'influence (elle réclamait 300 000 F contre la libération d'un condamné convaincu de trafic avec les Allemands), son passé héroïque la sauva. Bien que mentionnés sur des documents officiels, ses hauts faits de résistance ont aussi rencontré beaucoup de scepticisme avec trop de contradictions troublantes.
La fermeture des maisons closes
Le MRP voulant légiférer contre la prostitution, elle tenta de vendre son influence au conseil municipal auprès des proxénètes, qui refusèrent. Alors elle déposa le
13 décembre 1945 devant le conseil municipal un projet pour la fermeture des maisons closes. Sa proposition fut votée et le préfet
Charles Luizet décida de fermer les maisons de la Seine dans les 3 mois. Encouragée, Marthe Richard, bien que vivant avec un proxénète, commença une campagne de presse pour le vote d'une loi généralisant ces mesures.
Le 9 avril 1946, le député Marcel Roclore présenta le rapport de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, et conclut à la nécessité de la fermeture. Le député Pierre Dominjon déposa une proposition de loi dans ce sens.
Votée le 13 avril 1946, le fichier national de la prostitution fut détruit et environs 1 400 établissements furent fermés, dont 180 à Paris : le Chabanais (2e arrondissement, connu depuis 1820), le Sphinx, la Rue des Moulins, le One Two Two mais aussi les sinistres maisons d’abattage comme le Fourcy et le Charbo... Beaucoup de tenanciers de maisons closes se reconvertirent en propriétaires d'hôtels de passe. La prostitution est alors une activité libre ; seules sont interdites son organisation et son exploitation - le Proxénétisme - et ses manifestations visibles.
Scandale de la nationalité
En
1948, le scandale de sa nationalité éclata à la chancellerie : M
me Crompton était
anglaise par mariage (sa réintégration fut refusée en
1937), son élection était donc illégale ainsi que les votes auxquels elle avait participé. On étouffa l'affaire.
Mais le directeur du Crapouillot Jean Galtier-Boissière dénonça les fumeux services à la nation de Marthe Richard. Puis l'inspecteur de la Sûreté nationale Jacques Delarue, « spécialiste » des faux héros de guerre, enquêta pendant deux ans avant de l'accuser d'organisation de malfaiteurs, de vol de bijoux et de recel en Juin 1954. Ses relations la sauvèrent.
Par la suite, elle fonda un prix de littérature érotique : prix « tabou », publia des livres dont Appel des sexes dans lequel elle revient un peu sur ses positions. Elle est aussi l'auteur de souvenirs adaptés avec succès au cinéma (Edwige Feuillère y tenait le rôle).
Elle fit des conférences sur sa vie d'espionne et mourut à 92 ans en 1982.
Notes et références
Sources principales
Bibliographie
- Natacha Henry, Marthe Richard, L'aventurière des maisons closes, éd. Punctum, 2006 ;
- Elisabeth Coquart, Marthe Richard, de la petite à la grande vertu, Payot, 2006.