Les
Mitnagdim, ou « opposants », sont les
Juifs orthodoxes qui s'opposèrent au
XVIIIe siècle à l'apparition du judaïsme
hassidique. Par extension, les actuels groupes religieux continuant les pratiques religieuses des premiers
Mitnagdim sont toujours appelés ainsi, bien que l'opposition aux
hassidim soit devenue très ténue.
On parle aussi de courant lituanien pour désigner les Mitnagdim, car les Yeshivot (académies religieuses) de ce courant ont été particulièrement influente en Lituanie au XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Le Hassidisme
Le
judaïsme hassidique ou
hassidisme (« piété » ou « intégrité », de la racine
דסח signifiant « générosité »), est un mouvement religieux
Juif fondé au
XVIIIe siècle en Europe de l'Est (
Biélorussie et
Ukraine) par le Rav
Israël ben Eliezer (
1700-
1760), plus connu sous le nom de
Baal Shem Tov. Le mouvement est une réaction contre le Judaïsme « académique » de son époque.
Le Ba'al Chem Tov insistait particulièrement sur la communion joyeuse avec Dieu, mettant l'accent sur la célébration, la danse, le chant (niggoune), la joie, l'affectif (hassidoute), l'enthousiasme et la ferveur (hitlahavoute), l'amour de Dieu (ahava), sans pour autant négliger l'étude.
« Les hassidim portés vers la mystique fondée sur l’exaltation des émotions religieuses, tandis que les mitnagddim, majoritairement issus des écoles talmudiques de Lituanie, pratiquent un judaïsme plus austère, plus intellectualisé, fondé sur le principe de la casuistique dialectique (Pilpoul). Critiquant une orientation hassidique assurant la suprématie de la Kabbale (mystique juive) sur la Halakha, les mitnagddim leur reprochent notamment une « joie de vivre », qu’ils estiment incompatible avec l’étude de la Torah. »
Opposition
Le
Hassidisme suscita aussitôt une très ferme opposition. Le judaïsme est-européen du
XVIIIe siècle vivait toujours dans le souvenir traumatisant des « faux messies »
Sabbataï Tsevi et
Jacob Franck des
XVIIe siècle et
XVIIIe siècle, et se méfiait de toute exaltation mystique. La crainte de voir le hassidisme dévier vers l'hérésie, en particulier vers des pratiques extatiques ou messianiques était forte.
L'opposition fut particulièrement forte dans les grandes académie de Lituanie, à Vilna en particulier. Le plus grand leader de ce courant fut à l'époque l'illustre Elyahou Kramer (1720 – 1797), le Gaon de Vilna, qui n'hésita pas à lancer deux cherem (excommunication) contre les hassidim, et à interdire tout mariage avec eux.
L'opposition des successeurs du Gaon de Vilna ira parfois très loin, jusqu'à dénoncer les premiers hassidim aux autorités étatiques (entre autres russes), pour tenter de gêner leurs actions « hérétiques ».
Certains admor, comme le troisième admor de Loubavitch (le Tséma'h Tsédéq) reconnaîtront que l'influence du Gaon de Vilna avait été positive, en ce qu'elle avait obligé le mouvement hassidique naissant à éviter d'aller trop loin dans ses innovations ou son antinomisme (l'antinomisme est l'opposition ou l'indifférence à la Loi, par volonté de mieux communier avec Dieu. Il s'agit d'une tendance récurrente dans les mouvements mystiques).
Rapprochement
À compter de la seconde moitié du
XIXe siècle, les relations entre les deux courants s'améliorent.
D'une part, la crainte des mitnagdim de voir les hassidim évoluer vers l'hérésie à cause de leur rapport très mystique et joyeux à Dieu s'estompe.
D'autre part, de nouveaux dangers apparaissent pour le Judaïsme orthodoxe au sein même du peuple juif, et l'attitude des deux courants sera très hostile à l'égard de ces innovations : Judaïsme réformé, Sionisme, assimilation, Socialisme. Les juifs religieux ressentent donc le besoin de se regrouper. Les deux courants créeront ainsi de concert le parti Agoudat Israël en 1912, en Pologne.
Les différences de pratiques religieuses et d'organisation existent toujours. Au plan des pratiques, les « lituaniens » pratiquent un Judaïsme plus austère, centré sur l'étude, sans l'aspect festif qu'on retrouve dans nombre de célébrations hassidiques. Au plan de l'organisation, les communautés « Lituaniennes » sont organisées autour des Yeshivot (académies religieuses), et des Roch Yeshivot (chefs des Yeshivot), lesquels accèdent à la direction par cooptation des rabbins dirigeants de la génération précédente. Les hassidim sont par contre en général dirigés (il y a des exceptions) par des Admorim héréditaires, dont les lignées remontent au XVIIIe siècle ou au XIXe siècle.
Les points de convergence sont cependant les plus nombreux, en particulier la réticence voir le rejet (selon les communautés) devant la « modernité » occidentale : laïcité, liberté sexuelle, égalité des sexes, démocratie, sionisme (certains courants minoritaires l'acceptent, beaucoup le tolèrent), ce qui explique qu'on regroupe ces courants sous un nom commun, celui de Haredim (ultra-orthodoxes).
Les relations entre mitnagdim et hassidim sont aujourd'hui assez bonnes, même si certaines traces des anciennes oppositions ont encore sensibles. Ainsi, dans les années 1980, le rav Schach, le principal rabbin du courant mitnagdim en Israël (et au-delà) s'interrogeait pour savoir si les hassidim de Loubavitch étaient encore juifs (du fait de leur relation considérée comme trop forte à leur admor (chef religieux), que certains considéraient comme le Messie). Ainsi aussi, la majorité des mitnagdim ont quittés le parti religieux Agoudat Israel dans les années 1980, et sont aujourd'hui regroupés dans le parti religieux Degel HaTorah, lequel est allié mais pas confondu avec l' Agoudat, une des expressions politiques des hassidim israéliens.
Voir aussi
Lien internes
Notes et références