Moncef Bey, nom francisé de Muhammad al-Munsif Bey (محمد المنصف باي الحسيني), né le 4 mars 1881 et décédé le 1er septembre 1948 à Pau (France), est Bey de Tunis de 1942 à 1943.
Il est l'avant-dernier représentant de la dynastie husseinite. Investi prince héritier le 30 avril 1942, il succède à son défunt cousin Ahmed II Bey le 19 juin de la même année. Avant son accession au trône, Moncef Bey s'illustre en jouant un rôle politique important, notamment lors des événements d'avril 1922, où il soutient les revendications des membres du Destour qu'il fait recevoir par son père Naceur Bey. Pour lui, son attitude est tout à fait légitime car il se fonde sur le Pacte fondamental de 1857 où la Tunisie est considérée comme un pays souverain protégé par la France mais non colonisé.
Réformisme
Une fois sur le trône, son attitude n'est pas de nature à plaire à la France qui a l'habitude de beys plus malléables. Dans son mémorandum du
2 août 1942, présenté par son grand vizir Hédi Lakhoua et adressé au
maréchal Pétain, il met en avant les revendications suivantes :
- Institution d'un Conseil consultatif de la législation où toutes les couches sociales tunisiennes seraient largement représentées
- Égalité de traitement entre les fonctionnaires français et les fonctionnaires tunisiens à tous points de vue (par l'abrogation du « tiers colonial » en vertu duquel les fonctionnaires français sont payés plus que leurs collègues tunisiens)
- Résorption du Chômage en oeuvrant à la création d'emplois pour les Tunisiens
- Scolarisation obligatoire pour tous les Tunisiens avec l'enseignement de l'Arabe comme langue nationale aux côtés du Français
- Accord d'une large compétence aux institutions judiciaires tunisiennes
- Implication des Tunisiens dans le contrôle du Budget de l'État
- Nationalisation des entreprises d'Intérêt général telles que les compagnies d'électricité ou de Transport
Il affirme ainsi vouloir raffermir la souveraineté tunisienne aux côtés de la souveraineté française.
Confrontation Moncef Bey-Amiral Esteva
Le
12 octobre 1942, au cours de la cérémonie de l'
Aïd el-Fitr, au palais de
La Marsa, Moncef Bey exprime son étonnement de voir qu'aucun Tunisien ne figure parmi les chefs de l'administration venus avec le résident général
Jean-Pierre Esteva. Ce dernier lui répond que « seuls les Français sont aptes aux postes de commande ».
La réaction de Moncef Bey est immédiate. Il s'empresse d'envoyer un
télégramme à
Philippe Pétain, chef du
Régime de Vichy, où il exige le rappel d'Esteva. Cependant, la tension ne cesse d'augmenter entre Moncef Bey et le résident général. Les troupes de l'Axe débarquent en Tunisie le
19 novembre et l'action anglo-américaine transforme la Tunisie en
champ de bataille. Moncef Bey refuse, dans cette conjoncture, l'offre
italienne d'indépendance contre sa participation aux côtés des forces de l'Axe.
Démission du gouvernement Lakhoua
Lors du conseil des ministres de fin
Décembre 1942, un incident éclate, écrit Roger Casemajor, entre le résident général
Jean-Pierre Esteva et le ministre de la justice Si
Abdeljelil Zaouche, ce ministre ayant fait des réserves au sujet d'une attribution de crédits à la gendarmerie. L'amiral Esteva s'éleva sévèrement contre l'attitude du ministre beylical et déclare publiquement qu'il n'admettait aucun reproche contre la gendarmerie nationale, ce corps d'élite. Mis au courant de l'incident, le souverain se considéra offensé en la personne de son représentant et mit en demeure ses ministres de laisser leur place à des gens plus jeunes et plus compétents.
La violente réaction de l'amiral et l'intervention de Zaouche est éclairée par Charles Saumagne :
« Mais c'est surtout contre la gendarmerie française dont le réseau serré vient d'être institué dans le pays qu'on mène une campagne ardente depuis quelques mois, le développement de la gendarmerie en Tunisie n'est-il pas le plus récent exemple de substitution de l'autorité de souveraineté française à celle du gouvernement tunisien, l'atteinte la plus directe à la personnalité tunisienne. »
Le premier gouvernement de Moncef Bey était constitué de Hédi Lakhoua (grand vizir)
Abdeljelil Zaouche (ministre de la justice) et Habib Djellouli (ministre de la plume). Début janvier 1943, Moncef Bey nomme
M'hamed Chenik à la tête d'un gouvernement associant des
destouriens dont
Mahmoud Materi et Salah Farhat.
Destitution et exil
Toutefois, à la libération, la France l'accuse de collaboration avec le régime de Vichy et les forces de l'Axe. Le
13 mai 1943, sur ordre des généraux Henri Giraud et
Alphonse Juin, représentant des Forces françaises libres, il lui est demandé d'abdiquer. Le lendemain, on vient l'informer de la décision de le destituer. Il abdique officiellement le
6 juillet et est exilé à
Ténès, petite ville côtière de l'
Algérie, dans des conditions difficiles, puis à Pau où il réside jusqu'à sa mort. Il est alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d'un
Martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à
Tunis, contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au
Mausolée du
Tourbet El Bey situé dans la
Médina de Tunis.
Moncef Bey est aujourd'hui reconnu comme l'un des principaux soutiens au mouvement nationaliste ayant conduit à l'indépendance de la Tunisie. De plus, son court règne est marqué par la lutte contre la Corruption et la défense des juifs persécutés.
Vie privée
Moncef Bey se marie d'abord avec une cousine, la princesse Traki (décédée en
1919), qu'il épouse en octobre
1900 à
Sidi Bou Saïd. Elle est la mère de ses quatre enfants :
Il se marie par la suite avec Lalla Zoubaida et une autre cousine, la princesse Habiba (1888-1969), avec qui il divorcera. Sa dernière épouse est Lalla Arbiya (décédée en 1974) qu'il épouse en Août 1942 et qui le suivra en exil.
Bibliographie
- Roger Casmajor, L'action nationaliste en Tunisie. Du pacte fondamental de Mhamed Bey à la mort de Moncef Bey (diffusion restreinte)
- Charles Saumagne, Réflexion sur la réorganisation administrative du protectorat tunisien, éd. Centre d'histoire de Sciences Po, Paris, 1943
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