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Le pigeon migrateur ou colombe voyageuse ou tourte (Ectopistes migratorius) était une espèce d'oiseau, aujourd'hui éteinte. Peut-être a-t-il été, à un moment donné, l’oiseau le plus abondant sur terre, et au début du XIXe siècle d’immenses vols de cette espèce assombrissaient les cieux américains. Pourtant, en l’espace de cent ans, ses énormes populations déclinèrent jusqu’à ne plus compter qu’une poignée d’individus. Le tout dernier d’entre eux, une femelle, baptisée Martha, meurt dans sa cage au zoo de Cincinnati le 1er septembre 1914 à une heure de l’après-midi. Sa description en a été donnée par le zoologiste Albert Hazen Wright (1879-1970) la même année.
Les premières descriptions
Les premières descriptions de vols compacts de pigeons migrateurs sont saisissantes. En
1759,
Pehr Kalm (1716-1779) écrivait :
« Au printemps 1749, venant du nord, il arriva en Pennsylvanie et au New Jersey un nombre incroyable de ces pigeons. La nuée qu’ils formaient en vol s’étendait sur une longueur de 3 à 4 miles et une largeur de plus d’un mile, et ils volaient si serrés que le ciel et le soleil en étaient obscurcis, la lumière du jour diminuant sensiblement sous leur ombre. »
« Sur une distance pouvant aller jusqu’à 7 miles, les grands arbres aussi bien que les petits en étaient tellement envahis qu’il était difficile de trouver une branche qui n’en était pas couverte. Quand ils s’abattaient sur les arbres, leur poids était si élevé que non seulement des grosses branches étaient brisées net, mais que les arbres les moins solidement enracinés basculaient sous la charge. Le sol sous les arbres où ils avaient passé la nuit était totalement couvert de leurs fientes, amassées en gros tas. »
Vers 1810, Alexander Wilson (1766-1813) estimait qu’un seul vol comprenait plus de deux milliards d’oiseaux (2 230 272 000) et en 1871 encore, une concentration de 136 millions de pigeons nichait sur un territoire de 2 200 km² au Wisconsin.
Dans les années 1830, John James Audubon (1785-1851) rédigea son célèbre récit :
« Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse ; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombres toujours aussi importants durant trois jours consécutifs. »
Consommation des tourtes
Au
Québec par exemple, un pâté dénommé «
Tourtière » était un plat cuisiné avec cet oiseau. Aujourd'hui on le fait avec du gibier ou du boeuf haché.
Une espèce vulnérable
Ces vols énormes et spectaculaires rendaient le pigeon migrateur particulièrement vulnérable. Il était très facile de tirer les oiseaux : il suffisait de pointer un fusil vers le ciel et de presser la gâchette de manière répétée. On organisait des compétitions de chasse et on sait que pour l’une d’elles, un tableau de chasse supérieur à 30 000 oiseaux était nécessaire pour prétendre à un prix. On ne s’étonnera pas dès lors que l’effectif du Pigeon migrateur commença à s’effondrer. L’année
1878 fut la dernière à fournir un beau tableau de chasse de cet oiseau infortuné.
Pourtant, il n’est pas possible de massacrer une espèce aussi abondante jusqu’à la faire disparaître. Il semble que s’y sont ajoutés d’autres facteurs, ceux-ci s’articulant autour de la nécessité qu’avait l’espèce d’opérer en troupes aussi imposantes. Les oiseaux avaient des déplacements erratiques, à la recherche de riches fructifications de faines, glands et noisettes, et quand un site exceptionnellement bon était localisé, les oiseaux étaient attirés en quantités énormes. Mais les bonnes fainées et glandées étaient irrégulières dans le temps et dans l’espace ; selon l’espèce, les meilleures récoltes ne se produisaient que tous les 2 à 5 ans. Il y avait une certaine production de faines chaque année, mais en des zones dispersées qu’il fallait localiser.
Se combinant à cela, on tua tant de milliers de pigeons que leurs capacités de détection s’amoindrirent, rendant de plus en plus difficile la localisation de sources d’alimentation adéquates. En effet, la localisation des zones à faines requérait de nombreuses paires d’yeux, et les grands vols avec leurs nombreux éclaireurs étaient plus aptes à découvrir les bons endroits. Une fois que les effectifs furent passés sous un certain seuil, et même si ce seuil était incroyablement élevé, le Pigeon migrateur était condamné en tant qu’espèce. C’était clairement une créature qui ne pouvait survivre qu’en nombres énormes. Le seuil critique était peut-être d’un million d’individus, peut-être de vingt millions, nous ne le saurons jamais. Mais à un moment donné, vers le milieu du XIXe siècle, ce seuil fut franchi et dès cet instant l’espèce fut précipitée vers l’extinction. Le déclin devint apparent durant les années 1870. Au début de cette décennie les vols semblaient en aussi bonne santé qu’auparavant, mais au terme de cette période les rangs étaient notablement éclaircis, et à la fin du siècle l’espèce avait disparu à l’état sauvage, seuls quelques individus survivant en captivité. Il semble que le déclin fut aussi accéléré par une épizootie de la Maladie de Newcastle, un paramyxovirus qui s’attaque à l’appareil digestif et au système nerveux, et qui est connu pour affecter la volaille domestique aussi bien que de nombreuses espèces d’oiseaux sauvages.
Une écologie différente
Le Pigeon migrateur était assez différent de la plupart des autres pigeons. Son corps aérodynamique était joliment dessiné, avec une petite tête et les ailes et la queue longues et pointues. Cette silhouette permettait à l’oiseau de voler vite et avec agilité. Lors de ses acrobaties aériennes, son beau plumage délicatement marqué devait resplendir dans le soleil. Évidemment, des effectifs aussi importants devaient avoir un sérieux impact sur la végétation. Les oiseaux consommaient des fruits secs de toutes sortes, ainsi que des fruits charnus, des graines, des insectes et d’autres invertébrés.
Ils nichaient en immenses colonies, celles-ci s’étendant parfois sur des kilomètres. On en a trouvé de 65 km et on estime que la norme était de 16 km sur 5 km. Le nid, léger et peu solide, était composé de brindilles et accueillait un oeuf blanc. Le pic de nidification se situait en avril et mai, la saison des nids s’étendant de mars à septembre. Les deux parents participaient à la couvaison, et les adultes prenaient soin de leur unique poussin jusqu’à ce qu’il ait deux semaines. Alors, brusquement, les parents s’en allaient, abandonnant dans son nid le juvénile bien dodu. Après avoir appelé en vain un certain temps, le jeune se laissait tomber au sol et deux ou trois jours plus tard il prenait son envol et partait à son tour.
Voir aussi
Liens internes
- Liste des espèces d'oiseaux disparues
- migration des oiseaux
Liens externes