Richard Simon, né le 13 mai
1638 à Dieppe où il est décédé le 11 avril
1712, est un
exégète français.
Biographie
Un jeune érudit
Richard Simon reçut sa première éducation au collège des Oratoriens de Dieppe. La générosité d’un ami lui permit d’étudier la théologie à
Paris, où il s’intéressa à l’
Hébreu et à d’autres langues orientales. Au sortir du collège, comme c’était habituel, il fut envoyé apprendre la philosophie au
collège oratorien de Juilly. Mais on le rappela à
Paris pour l’employer à la préparation d’un catalogue des ouvrages orientaux de la bibliothèque oratorienne. Sa première publication fut son
Fides Ecclesiae orientalis, seu Gabrielis Metropolitae Philadelphiensis opuscula, cum interpretatione Latina, cum notis (Paris, 1671), dont le propos était de démontrer que la croyance de l’Église grecque touchant à l’
Eucharistie était la même que celle de l’Église catholique. Simon fut ordonné en
1670 et, la même année, écrivit une brochure pour défendre des juifs de
Metz, qui avaient été accusés d’avoir assassiné un enfant chrétien.
La querelle avec Port-Royal
Peu de temps auparavant, il avait commencé à s’attirer l’hostilité de Port-Royal, qui devait lui valoir tant d’ennuis au cours de sa vie. Antoine Arnauld avait rédigé un ouvrage sur
la Perpétuité de la foi de l’Église catholique touchant l’eucharistie. Les critiques de Simon suscitèrent une indignation durable parmi les amis et les admirateurs d’Arnauld. Il s’attira aussi l’hostilité des bénédictins quand, pour aider un ami en procès contre les bénédictins de
Fécamp, il composa un mémorandum en termes énergiques. Les moines se plaignirent auprès du nouveau général des oratoriens. L’accusation de
jésuitisme fut aussi portée contre lui, du fait que le frère de son ami était un membre éminent de cet ordre.
Grande fut l’agitation dans les milieux ecclésiastiques, et l’on envisagea sérieusement d’éloigner Simon non seulement de Paris mais même de France. On lui proposa une mission à Rome, mais il devina l’intention et refusa. Il était alors très occupé à superviser l’impression de son Histoire critique du Vieux Testament. Il avait espéré, que, grâce à l’influence du père de La Chaise, confesseur du roi, et du duc de Montausier, il lui serait permis de dédier l’ouvrage à Louis XIV, mais le roi était alors en Flandre et, en son absence, le livre ne pouvait être édité avant qu’il n’eût accepté la dédicace, même s’il avait passé la censure de la Sorbonne et si le chancelier de l’Oratoire avait donné son autorisation. L’imprimeur du livre, afin de favoriser la vente, avait fait imprimer séparément les différents chapitres et les avait fait mettre en circulation. Ces éditions partielles, voire probablement une copie du travail entier, avaient fini par tomber entre les mains des défenseurs de Port-Royal. Dans l’intention de nuire à la vente de l’ouvrage, dont on savait dans le milieu des théologiens que Simon avait mis longtemps à le préparer, les Messieurs de Port-Royal avaient entrepris une traduction en français des Prolégomènes à la Bible polyglotte de Brian Walton.
L’opposition de Bossuet
Pour contrecarrer cette manoeuvre, Simon fit connaître son intention de publier une édition annotée des
Prolégomènes, et ajouta à l’histoire critique une traduction des quatre derniers chapitres de cet ouvrage, ce qui n’avait aucunement fait partie de son plan primitif. Cette annonce de Simon empêcha que parût la traduction projetée, mais ses ennemis n’en étaient que plus irrités. Ils tenaient maintenant l’occasion qu’ils avaient longtemps cherchée. La liberté avec laquelle Simon s’exprimait sur divers sujets, et particulièrement ces chapitres où il déclarait que
Moïse ne pouvait pas être l’auteur de bien des passages des Écritures qu’on lui attribuait, avait particulièrement excité les oppositions. On fit appel à Bossuet, à l’époque précepteur du dauphin et très influent ; le chancelier, Michel Le Tellier, apporta son aide ; on obtint un décret du Conseil d’État, et après les intrigues les plus basses, la totalité de l’impression, c’est-à-dire 1 300 exemplaires, fut saisie par la police et détruite ; l’animosité de ses collègues de l’Oratoire grandit alors à un tel point contre Simon qu’ils ne le reconnurent plus comme membre de leur ordre. Rempli d’amertume et de dégoût, il se retira en
1679 à la cure de Bolleville, où il avait été récemment nommé par le vicaire général de l’abbaye de Fécamp.
On lui proposa de republier l’ouvrage aux Pays-Bas, mais Simon s’y opposa d’abord, dans l’espoir de surmonter l’opposition de Bossuet en opérant des changements dans les parties contestées. Les négociations avec Bossuet traînèrent pendant un temps considérable, mais finirent par échouer, et lHistoire critique sortit en 1685 des presses de Reenier Leers à Rotterdam, portant le nom de Simon sur la page de titre. Une édition imparfaite avait précédemment été éditée à Amsterdam par Daniel Elzevier, fondée sur une copie manuscrite d’un des exemplaires originaux échappé à la destruction, qui avait été envoyé en Angleterre et dont on avait fait par la suite une traduction latine et une traduction anglaise. L’édition de Leers reproduisait cette première édition, avec une nouvelle préface, des notes, et ce qui avait été publié pour et contre l’ouvrage jusqu'à cette date.
L'oeuvre de Richard Simon
LHistoire critique
L’ouvrage comprenait trois livres. Le premier traitait des questions de critique biblique à proprement parler, comme le texte de la bible hébraïque et les changements qu’elle avait subis par la suite jusqu’à l’époque presente, et une discussion sur la question de savoir qui avait écrit les passages attribués à
Moïse ainsi que d’autres livres de la
Bible ; Simon exposait sa théorie particulière selon laquelle il avait existé, pour les événements de chaque période, pendant toute la durée de l’histoire juive, des rapporteurs ou des annalistes, dont les écrits avaient été conservés dans les archives publiques, institution qu’il attribue à Moïse.
Le deuxième livre étudiait les principales traductions, anciennes et modernes, de l’Ancien Testament, et le troisième contenait une étude critique des principaux commentateurs. Mis à part la théorie dont nous venons de parler, il n’y avait vraiment rien de nouveau quant à la critique de l’Ancien Testament, car des érudits antérieurs comme Louis Cappel, Johannes Morinus (1591-1659) et d’autres avaient déjà fixé un grand nombre de points importants, si bien que la valeur du travail de Simon consistait surtout dans le fait qu’il rassemblait et présentait dans un ensemble les résultats de la critique de l’Ancien Testament. L’oeuvre suscita une forte opposition, qui ne se limita pas à l’Église romaine. Les protestants sentaient que leur bastion – l’inerrance de la Bible – était menacé par les doutes que Simon faisait naître sur l’intégrité du texte hébraïque. Dans son livre Sentimens de quelques théologiens de Hollande, J. le Clerc (« Clericus ») combattit les théories de Simon, et ce dernier lui répliqua sur un ton fort irrité dans sa Réponse aux Sentimens de quelques théologiens de Hollande, sous la signature « Pierre Ambrun » : c’était une constante chez Simon de donner rarement son véritable nom.
Autres travaux
On évoquera brièvement les autres travaux de Simon : en
1689 parut son
Histoire critique du texte du Nouveau Testament, qui comprenait trente-trois chapitres où étaient discutés l’origine et le caractère des différents livres, en tenant compte des objections portées contre eux par les juifs et par d’autres, les citations de l’Ancien Testament dans le Nouveau, l’inspiration du
Nouveau Testament (il réfutait l’opinion de
Spinoza), le dialecte grec dans lequel les livres étaient écrits (il combattait cette fois C. Salmasius), les manuscrits grecs alors connus, en particulier le codex D (
Cantabrigiensis), etc.
Suivit, en 1690, son Histoire critique des versions du Nouveau Testament, où il faisait un exposé des diverses traductions, aussi bien anciennes que modernes, et discutait sur la manière dont beaucoup de passages difficiles du Nouveau Testament avaient été rendus dans les diverses versions.
En 1693, fut édité ce qui à certains égards est ce qui a le plus de valeur dans tout ce qu’il a écrit, à savoir son Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament depuis le commencement du Christianisme jusques a notre temps. Ce travail montre toute l’étendue de ses lectures, et les renseignements qu’on y trouve gardent toujours leur valeur pour l’étudiant. Le dernier travail de Simon qu’il nous faut mentionner est ses Nouvelles Observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament (Paris, 1695), qui contient des remarques supplémentaires sur le texte et les traductions du Nouveau Testament.
En tant que controversiste, Simon faisait preuve d’une aigreur qui ne pouvait qu’aggraver la polémique. Voué entièrement aux choses de l’esprit, dépourvu de toute sentimentalité, il disposait d’un talent indiscutable pour les sarcasmes et la satire. Il mourut à Dieppe le 11 avril 1712 à l'âge de soixante-quatorze ans.
Bibliographie
- Histoire critique du Vieux Testament, Paris, 1680 ;
- Histoire critique du texte du Nouveau Testament, où l’on établit la vérité des actes sur lesquels la Religion chrétienne est fondée, Rotterdam, 1689 ;
- Auvray P., Richard Simon (1638-1712). Étude bio-bibliographique avec des textes inédits, Paris, 1974 ;
- Le Brun J., Sens et portée du retour aux origines dans l'oeuvre de Richard Simon, dans XVIIe siècle, 131, 1981, p.185-198.
- Steinmann J., Richard Simon et les origines de la critique biblique, s.l., 1960 ;
- Bernus Auguste, Richard Simon et son histoire critique du vieux Testament, édité par Slatkine, 1869 ;
- Les principales autorités pour la vie de Simon sont sa vie ou son « éloge » par son petit-neveu Antoine-Augustin Bruzen de la Martinière dans le premier volume de ses Lettres choisies (4 volumes, Amsterdam, 1730) ; l’article de K. H. Graf dans le premier vol. de Beitr. zu d. theol. Wissensch., etc. (Iéna, 1851) ;
- L’article d’E.W.E. Reuss, révisé par E. Nestle dans Herzog-Hauck, Realencyklopädie (1906) ;
- H. Margival, Essai sur Richard Simon et la critique biblique au XVIIe siècle (1900).