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Quentin est un Apôtre originaire de Rome. Il se serait rendu en Gaule, dans le courant de la seconde moitié du IIIe siècle, pour l’évangéliser, en compagnie de Lucien (futur martyr de Beauvais) et d’autres : les textes hagiographiques lui donnent jusqu’à 12 compagnons, chiffre symbolique. Il aurait été martyrisé sous le règne des empereurs romains Dioclétien et Maximien.
Hagiographie
Les versions les plus anciennes des récits de la
passio (passion ou martyre) et de l’
inventio prima (découverte), ont été rédigées entre le milieu du
VIIe siècle et le début du
VIIIe siècle. Mais l’évêque de Tours Grégoire dans son livre sur les martyrs (
In gloria martyrum), écrit avant la fin du
VIe siècle, donne un résumé de l’
inventio en tous points conforme au texte qui nous est parvenu. L’existence d’un texte antérieur, perdu, est donc probable. Ces récits sont remplis de poncifs hagiographiques qui ont conduit à mettre en doute leur valeur historique. Quoiqu’il en soit, l’archéologie vient de confirmer l’ancienneté du culte de saint Quentin (voir plus bas, la seconde
inventio).
La passio, récit du martyre
Quentin aurait été le fils du sénateur
Zénon. Il vient de Rome à
Amiens, où il prêche. Sa renommée attire le
« préfet » Rictiovarus. Arrêté, il est torturé, mais refuse d’abjurer sa foi. Le préfet décide de l’emmener à
Reims, la capitale de la
Gaule belgique, pour l’y faire juger. Mais, en route, parvenu dans une ville appelée
Augusta Viromanduorum (devenue
Saint-Quentin), Quentin, échappé miraculeusement, recommence sa prédication. Rictiovarus décide alors d’en finir : Quentin est torturé de nouveau, puis décapité. Son corps est jeté par les soldats romains dans les marais qui entourent la
Somme, dans le plus grand secret.
Première inventio
Selon l’
inventio, c’est cinquante-cinq ans plus tard qu’
Eusébie, une riche aveugle, venue de Rome à la suite d’un songe, se rend à
Augusta Viromanduorum pour retrouver la dépouille de Quentin. L’endroit exact était inconnu, mais suite à ses prières, Eusébie est guidée vers le bon endroit, où le corps et la tête du martyr ressurgissent des eaux, miraculeusement intacts. Lors du transfert du corps, qu’Eusébie souhaitait faire ensevelir à
Vermand, les boeufs le transportant s’arrêtent en haut d’une colline près d’
Augusta Viromanduorum. Interprétant ce signe comme la manifestation une volonté supérieure, Eusébie fait enterrer Quentin à cet endroit, construit une chapelle et recouvre la vue. L’édifice, successivement agrandi est à l’origine de l’actuelle basilique de la ville de
Saint-Quentin devenu l’un des plus vastes édifices gothiques français.
Seconde inventio
La vie de saint
Éloi (principalement écrite au VII
e siècle) dit que l’emplacement exact de la tombe avait été oublié et que l’évêque, après plusieurs jours de fouille dans l’église, retrouve finalement le tombeau d’une façon miraculeuse : quand il l’ouvre, le ciel nocturne est éclairé d’une grande lumière et une agréable « odeur de sainteté » se répand dans l’église. Cette seconde
inventio se serait produite en
641.
Les recherches archéologiques récentes montrent que ce récit est largement faux, car l'emplacement de la tombe était matérialisé, à l'intérieur de l'église, par un monument de bois, depuis le milieu du IVe siècle.
Culte
Le culte de saint Quentin a été important au cours du
Moyen Âge, en particulier dans le Nord de la France.
Cela apparait clairement dans le cycle hagiographique élaboré autour du persécuteur Rictiovarus (cf. "le cycle de Rictiovar" défini par Camille Jullian, cité en référence), qui est visiblement démarqué du corpus hagiographique de saint Quentin. En effet, les hagiographes du haut Moyen Âge qui ont rédigé les vies de saints supposés contemporains Crépin et Crépinien de Soissons, Valère et Rufin de Bazoches (Aisne), Fuscien, Victoric et Gentien de Sains-en-Amiénois (Somme), sainte Macre de Fismes (Aisne) et de l’enfant Just de Saint-Just-en-Chaussée (Oise), se sont référés au texte concernant saint Quentin. Cela démontre la grande renommée de ce saint à l’échelle régionale.
Le tombeau était un lieu de pèlerinage important depuis le VIe siècle au moins (cf. Grégoire de Tours, cité plus haut qui rapporte un miracle survenu suite à une prière faite sur la tombe du martyr). L’action de saint Éloi l’a rendu plus célèbre encore. L’évêque a non seulement procédé à l’élévation des reliques (déposées dans une chasse fabriquée de ses mains), mais il a agrandi l’église. Ensuite, la diffusion de sa vie, qui rapportait la découverte « miraculeuse » de la tombe du martyr, ainsi que celle du texte hagiographique de saint Quentin, rédigé vers la même époque (seconde moitié du VIIe siècle ou au début du suivant) ont étendu la renommée du saint au-delà des limites régionales. Il n’est donc pas étonnant que l’église de Saint-Quentin ait été hautement favorisée par les Carolingiens, puis par les puissants comtes de Vermandois (l’église de Saint-Quentin a été l’une des plus riches de Picardie).
Le culte était marqué par trois célébrations principales :
31 octobre : martyre
24 juin : première inventio
3 janvier : seconde inventio
Iconographie
- Enluminures du manuscrit du XIIe siècle de la basilique de Saint-Quentin
- Sculpture du porche sud du transept de la cathédrale de Chartres où il est représenté attaché au poteau de torture, soumis au supplice des clous
- Statue polychrome du XVIe siècle au musée Tavet-Delacour à Pontoise, représenté assis, un clou dans chaque épaule.
Patronage
Saint Quentin est patron du
Vermandois.
Sources
- père Benjamin Bossue, "De S. Quintino martyre Augustae Viromanduorum in Gallia", Acta Sanctorum, Oct. t. XIII, 1883, p. 725-820.
- Camille Jullian, "Notes gallo-romaines. C. Questions hagiographiques. Le cycle de Rictiovar", Revue des Études Anciennes, 25, 1923, p. 367-378.
- Jean-Luc Villette, Hagiographie et culte d’un saint dans le haut Moyen Âge : saint Quentin, apôtre du Vermandois, VIe-XIe siècle. 2 vol, thèse de IIIe cycle, université de Paris X-Nanterre, 1982, 598 p.
- Jean-Luc Villette, Passiones et inventiones S. Quintini, l’élaboration d’un corpus hagiographique du haut Moyen Âge, Vies de saints dans le Nord de la France (VIe- XIe siècles), Mélanges de science religieuse, t. 56, 1999, n°2, p. 49-76.
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