L'expression Saint-Suaire désigne, dans le langage courant, un linge qui a recouvert le visage du Jésus de Nazareth, ou bien le linceul qui a servi à envelopper son corps après la mort, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs, avant de le déposer au tombeau selon le Nouveau Testament.
Très tôt, des linges assimilés à cet événement sont devenus l'objet d'un culte. Dans l'Histoire, l'Église n'a pas toujours reconnu l'authenticité de ces reliques, cela fut fonction des époques et des personnalités concernées.
Définitions
Dans l'Antiquité, le suaire (du
Latin sudarium, mouchoir, suaire), est le linge recouvrant le visage du défunt, et non le linceul tout entier.
Dans les évangiles, le mot suaire renvoie donc plutôt au « linge qui avait recouvert la tête » (ou suaire) (Jean 20, 7).
L'expression « Saint-Suaire » peut aussi désigner improprement le linceul avec lequel Joseph d'Arimathie et Nicodème enveloppèrent le corps de Jésus juste après sa Crucifixion le soir du Vendredi saint. « Ils prirent donc le corps et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs » (Jean 19, 40).
Le mode de sépulture juif consistait à envelopper les corps en pliant le linge en deux dans l'axe du corps (dessus/dessous). Ainsi le linceul de Turin fait apparaître un corps entier de face et de dos. Au sujet de cette relique, il est préférable de parler de linceul.
Histoire dans le Nouveau Testament
Le terme « Saint-Suaire » désigne généralement la toile de lin dans lequel
Joseph d'Arimathie enveloppa Jésus, et qui lui servit de linceul (
sindon en grec). Les évangiles s'accordent sur ces points. On donne ci-dessous les verbes employés selon les évangélistes (traduction oecuménique, puis Bible de Jérusalem) :
- Matthieu, 27 57-60 : envelopper, rouler,
- Marc, 15 42-46 : enrouler, envelopper,
- Luc, 23 50-54 : envelopper, rouler,
- Jean (19 38-42) : entourer, lier.
Seul Jean utilise un vocabulaire légèrement différent, évoquant des linges (ou bandelettes selon les traductions). Il emploie les termes d'othonia, diminutif d'othone, qui désigne une fine toile de lin, et de soudorion, suaire (destiné à absorber la dernière sueur du visage). Il précise que Jésus fut enveloppé de bandelettes, selon la coutume funéraire juive.
Il existait en effet plusieurs pratiques funéraires chez les Juifs du début de l'ère chrétienne. La coutume consistant à enrouler le corps de bandelettes contenant des aromates, était généralement issue d'Égypte. Les Juifs enveloppaient plutôt le corps longitudinalement.
Quand Jésus ressuscita, il apparut à ses fidèles vêtu de ce suaire.
Assez régulièrement, on désigne par le terme de « Saint-Suaire », à cause du sens antique du terme, une
Relique qui ne contient que l'image du visage de Jésus. Il y a eu en fait confusion entre les deux reliques. Cette femme aurait essuyé le visage de Jésus avec le voile qu'elle portait sur la tête, voile sur lequel se serait imprimé le visage de Jésus.
Diverses légendes la font intervenir à divers endroits. Elle aurait par exemple recueilli les linges (suaire et linceul) dans le tombeau, après la résurrection.
Plusieurs églises prétendent détenir le voile de tête de sainte Véronique, qui porte plusieurs noms, Sainte-Face, Voile de Véronique, ou encore improprement, Saint-Suaire, à Rome, à Milan, à Jaén en Espagne.
Légendes chrétiennes
Assez tôt, des
reliques apparaissent que l'on identifie au suaire ayant enveloppé le corps de Jésus.
Le Mandylion d'Édesse
Il y a différentes reliques que l'on prétend être le Saint-Suaire, ou qui portent le visage de Jésus, d'origine inconnue et qui ont été vénérées jusqu'au
XIVe siècle. Cependant, il n'est fait mention d'une image du corps tout entier que pour une seule de ces 43 reliques, celle dite « Image d'Édesse », ou Mandylion.
L'existence de cette relique portant l'image de Jésus est attestée dès le VIe siècle. Aucun texte ne mentionne s'il s'agit de Jésus battu et au corps sanglant, mais toutes les sources anciennes estiment que l'image s'est formée sur le drap lors de la vie de Jésus.
Théorie de Ian Wilson
En général, les descriptions ne mentionnent que le visage de Jésus, mais certains (qui suivent Ian Wilson) pensent qu'il est possible que, par un système de pliage, seul le visage ait été exposé. Cela permet hypothétiquement de relier cette image d'Édesse au
linceul de Turin. Quelques éléments vont dans le sens de sa thèse.
Jean Damascène, dans son ouvrage
iconodoule (favorable aux
icônes)
Des Saintes Images, décrit l'Image d'Édesse comme une bande, un drap oblong, qui n'est pas carré.
À l'occasion du transfert du drap à Constantinople en 944, l'archidiacre de Sainte-Sophie prononce un sermon sur ce drap. On l'a longtemps cru perdu, avant qu'il soit retrouvé dans les archives du Vatican. Il y indique ce n'est pas simplement le visage, mais tout le corps de Jésus qui se trouve sur le linceul. D'autres documents qui viennent de la bibliothèque vaticane et de l'Université de Leyde, aux Pays-Bas, confirment ce passage (Codex Vossianus Latinus Q69 et Codex de la bibliothèque vaticane 5696, p. 35).
En 1203, un chevalier croisé, Robert de Clari, affirme avoir vu le linceul à Constantinople : C'est là qu'est le Suaire dans lequel notre Seigneur a été enseveli, qui est exposé chaque vendredi, et chacun peut y voir la figure de notre Seigneur.
Après la Quatrième croisade, en 1205, Théodore Ange, neveu de l'un des trois empereurs byzantins déposés par les Croisés, écrit au pape Innocent III pour protester contre le sac de sa capitale. Cette lettre, datée du 1er août 1205 , contient ce passage :
« Les Vénitiens se sont appropriés les richesses en or, argent et ivoire, et les Francs ont fait de même avec les reliques des saints, dont la plus sacrée d'entre toutes, le drap dans lequel notre Seigneur Jésus-Christ fut enveloppé après sa mort et avant sa résurrection. Nous savons que les objets sacrés sont conservés par les pillards à Venise, en France et en d'autres lieux, le drap sacré à Athènes. »
Le drap d'Édesse est la relique identifiée avec le Saint-Suaire la plus célèbre jusqu'au XIIIe siècle. Après 1205, il disparaît complètement.
Liste des reliques présentées comme le Saint-Suaire
Le Suaire de Turin
Article détaillé : .Le suaire ou linceul de Turin est actuellement le plus connu.
Le Saint-Suaire de Besançon
Le Saint-Suaire de Besançon présentait l'empreinte d'un homme nu, supplicié, de face. Le dos n'a pas laissé de trace.
Il apparaît dans la région en 1523, étant probablement une copie de celui de Turin, qui était dans la région entre 1418 et 1452. C'est Othon de la Roche, compagnon d'arme des Villehardouin, princes de Morée (Grèce), qui l'aurait envoyé en 1208 à son père. Cet Othon de la Roche aurait subtilisé le suaire à Athènes (voir Théorie de Ian Wilson) pour en faire don à l'église de Besançon.
Une chapelle du Saint-Suaire lui fut élevé dans la cathédrale Saint-Étienne, puis il fut transféré en 1669 dans la nouvelle cathédrale Saint-Jean. Il fut l'objet d'un culte important au XVIIe siècle, période de guerres (Guerre de Trente Ans, annexions et retraits de la France) et de Peste. D'ailleurs, lors de la capitulation de la ville devant les armées françaises en 1674, la seule condition posée fut de conserver cette relique.
À la Révolution, le Saint-Suaire de Besançon est envoyé à Paris le 27 floréal an II, avec le moule servant à renouveler l'empreinte chaque année (procès-verbal de la Convention du 5 prairial an II, Moniteur de 1794, page 557). Il est alors jeté au feu.
On en trouve une représentation sur les vitraux de la chapelle de Pérolles à Fribourg en Suisse, datant de 1520. Sur le vitrail, les chanoines de Besançon, portant, par privilège la mitre épiscopale, tiennent le linge face à la foule. Le linge porte la double image, tout à fait semblable à celle du Suaire de Turin.
Le Saint-Suaire de Brioude
Cette section est vide, pas assez détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !Le Saint-Suaire de Cadouin
L'abbaye de Cadouin est un monastère
cistercien établi en
Périgord au début du
XIIe siècle.
L'origine du suaire de Cadouin est mal définie. D'un coté, les documents (chartes, actes officiels) concernant l'abbaye de Cadouin ne le mentionnent pas tout au long du XIIe siècle, et même en 1201, il est ignoré. Ce n'est qu'en 1214 qu'un acte de Simon IV de Montfort, favorable à l'abbaye, le mentionne.
De l'autre coté, les histoires produites au cours du XIIIe siècle par les moines de l'abbaye le relient à une série de légendes anciennes, et avancent qu'il aurait été en possession de l'abbaye dès le début du XIe siècle.
Quoi qu'il en soit, le Saint-Suaire attire rapidement une foule de pèlerins en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle et fait la prospérité du monastère. C'est la raison pour laquelle, en 1392, devant les troubles de la Guerre de Cent Ans, l'abbé Bertrand de Moulins (1392-1414) le fait transporter à Toulouse afin d'assurer sa protection. La renommée du suaire est telle qu'en 1399, le roi fou Charles VI se le fait apporter à Paris. Cependant, la guerre finissant, les moines de Cadouin désirent reprendre leur relique, mais les Toulousains refusent, voulant bénéficier de son prestige. En 1455, de jeunes moines de Cadouin, sous le prétexte de l'étudier, le subtilisent grâce à de fausses clés, et s'enfuient avec. Le suaire est déposé à l'abbaye d'Obazine en Limousin, pour le mettre à l'abri des réactions toulousaines.
Ce fut ensuite Obazine qui refusa de restituer la relique. Les procès furent conclus par un arbitrage de Louis XI datant de 1482, qui rendit la relique à Cadouin et lui attribua une livre de 4000 livres tournois en sus. Il se fait apporter ensuite le Saint-Suaire à Poitiers.
Le pèlerinage reprit alors, avant de décliner avec les guerres de religion. En 1644, Mgr de Lingendes fait publier un livre retraçant l'histoire de la relique et atteste de son authenticité, mise en doute par les protestants, ce qui relance le pèlerinage, comme le montre celui des Pénitents Bleus de Saint-Jérôme de Sarlat qui prient devant la relique pour l'apaisement de la Fronde en 1651.
En 1789, le Saint-Suaire échappe de peu à l'incendie des archives de l'abbaye, sauvé par le maire M. Bureau, qui le dissimule jusqu'à l'ostension du 8 septembre 1797 . Un nouveau pèlerinage reprend de l'importance après 1866. Des doutes sont émis sur son authenticité dès 1901, mais c'est une expertise linguistique menée à l'initiative du RP Francez qui prouve qu'il s'agit d'un faux en 1934.
En effet, le tissage est orné de bandes ornementales, brodées à la soie, portant des inscriptions en caractères coufiques, reprenant notamment la proclamation islamique solennelle (« Bismillâh Ar-Raḥmân Ar-Raḥîm, ... »). L'inscription fait ensuite allusion à Musta Ali, calife en Égypte de 487 à 495 de l’Hégire (1095-1101 de l'ère chrétienne), et à son ministre El Afdal, Abu-l-Qâsim Schahanschal, qui exerçait ses fonctions de 487 à 515 (1094 à 1121). Ces éléments permettent de situer le tissage du linge entre le début du règne de Musta Ali et la prise de Jérusalem par les Croisés en 1098. Ces inscriptions de l'époque fatimide en font un exemple unique de tissu de cette époque.
Le Saint-Suaire de Compiègne
Dans l'église Saint-Gommaire
Le Saint-Suaire de Madrid (Espagne)
Le Saint-Suaire de Milan (Italie)
Voir aussi
Suaire de Turin Articles connexes
Autres articles
Sources
- Le RP Francez a publié un recensement des linges sépulcraux du Christ, -->
- Bulletin d’histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers - Volume 131 - p 16, liste de 40 linges sépulcraux christiques par Ulysse Chevalier.
- Delluc, B et G., 1983 : Le suaire de Cadouin : une toile brodée (étude au microscope), Bull. de la Soc. hist. et arch. du Périgord, 110, p. 162-179, 10 fig.
- Delluc, B et G., 2001 : Le Suaire de Cadouin et son frère le voile de sainte Anne d’Apt (Vaucluse). Deux pièces exceptionnelles d’archéologie textile, Bull. de la Soc. hist. et arch. du Périgord, 128, p. 607-626, ill.
- John H. Heller, Enquête sur le Saint Suaire de Turin, Paris, France Loisirs, 1988, 226p.
Liens externes