Salomon Munk, né à
Gross Glogau le
14 mai 1803 et mort à
Paris le
5 février 1867, est un orientaliste français d'origine prussienne à qui l'on doit en particulier l'édition, à partir des manuscrits arabes, du grand oeuvre de
Moïse Maïmonide, le
Guide des Égarés (
Moreh Nevoukim), qu'il publia en 3 volumes à partir de
1856.
Biographie
Il reçut son instruction de son père qui lui apprit l'
Hébreu. Le père avait une position éminente dans la communauté juive. À sa mort, Salomon Munk suivit les cours de
Talmud de rabbi Jacob Joseph Oettinger. À l'âge de 14 ans il était capable d'officier comme
ba'al ḳore (lecteur de la
Torah) dans la
Synagogue de Malbish 'Arummim de Gross Glogau.
En 1820, il vint à Berlin, où il se lia d'amitié avec Leopold Zunz et le philologue E. W. Zumpt et y étudia le latin et le grec avec E. Gans. Deux ans après il entrait au Joachimsthaler Gymnasium, subvenant par lui-même à ses besoins en donnant des cours. En 1824, il entra à l'Université de Berlin, pour y suivre les cours d'August Böckh, Hegel et spécialement ceux de Franz Bopp.
Comme les juifs ne pouvaient pas accéder à cette époque à des positions dans la fonction publique de Prusse, Munk quitta l'université sans diplôme, décidé à aller en France. Cependant, il resta un semestre à l'Université de Bonn, pour y étudier l'arabe avec Freytag et le sanscrit avec Lassen. En passant par Weimar, Munk rendit visite à Goethe, qui nota le fait dans son journal.
En 1828 il arrive à Paris avec l'assistance du jeune poète Michael Beer, le frère de Meyerbeer. Là encore, comme à Berlin, il doit subvenir à ses propres besoins en donnant des cours privés ; parmi ses élèves se trouvent Alphonse and Gustave de Rothschild. En 1838 il trouve un emploi de conservateur à la division orientale du département des Manuscrits (hébreu, chaldéen, syriaque et arabe) de la Bibliothèque impériale à Paris. Il est chargé d'établir le catalogue des manuscrits hébreux qui y sont conservés. Atteint de cécité, il est contraint tout de d'abord de se faire seconder par Derenbourg puis d'abandonner au profit d'Herman Zotenberg, non sans avoir établi et publié le catalogue des manuscrits hébreux de l'Oratoire.
OEuvre
Munk se dévoue maintenant à l'étude de la littérature judéo-arabe du Moyen Âge et aux travaux de
Maïmonide, plus spécifiquement au
Moreh Neboukim (le
Guide des Égarés). Il va directement aux manuscrits arabes originaux, complétant les textes qu'il trouve à la Bibliothèque nationale par des leçons copiées à
Oxford. Au même moment, il approfondit sa connaissance d'
Aristote, qui est constamment cité par Maïmonide. Par ce travail, il rassemble le matériau nécessaire pour son édition du texte arabe du
Moreh, avec une traduction et des notes. Ce travail d'édition va comprendre trois grands volumes, publiés longtemps après qu'il fut devenu aveugle (édition du
Moreh en 1856, 1861, 1866). Il avait perdu la vue en 1850, pendant qu'il procédait au catalogage des manuscrits hébraïques et sanscrits de la Bibliothèque nationale.
Voyage en Égypte
Munk accompagna l'ambassadeur britannique
Moïse Montefiore et
Adolphe Crémieux en Égypte, voyage en rapport avec l'
Affaire de Damas : certains juifs avaient été accusés de « crimes rituels » dans l'affaire de la disparition du Père Thomas, jésuite, et de son valet musulman Ibrahim, dont on avait perdu la trace dans le quartier juif de Damas. La présence de Munk était due à sa connaissance de l'arabe (bien que certains disent que le crédit est à mettre au compte de Louis Loewe), qui lui fit découvrir que le mot « justice » avait été substitué au mot « grâce » dans le
Firman de
Mehemet Ali, qui avait disculpé les accusés du chef d'accusation de
meurtre rituel. C'est en grande partie grâce à ses efforts que des écoles, dont les méthodes d'instruction furent copiées sur le modèle européen, furent établies par les juifs d'Égypte.
Au Caire, il acheta un nombre considérable de manuscrits arabes et 14 manuscrits hébreux pour le compte de la Bibliothèque impériale. À son retour, Munk fut élu comme secrétaire du Consistoire central des Israélites de France. Le 3 décembre 1858, il fut élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. En 1864, succédant à Ernest Renan, il fut nommé professeur de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège de France.
Publications
Outre son édition monumentale en 3 volumes du
Moreh Nevoukim (
Le Guide des Égarés, Maisonneuve et Larose, Paris, 1981), Salomon Munk est l'auteur de :
- « Réflexions sur le culte des anciens Hébreux » in La Bible de Samuel Cahen, vol. IV., 1831-1851.
- « Notice sur R. Saadia Gaon et sur une Version Persane d'Isaie » , Ibid. vol. IX.
- « Palestine, description géographique, historique et archéologique » in L'Univers Pittoresque, 1845 (traduit en allemand par M. A. Levy, 1871-72).
- Mélanges de philosophie arabe et juive, 1859. Réédition : Vrin, Paris, 2000. ISBN 2711681696.
- Notice sur Abul Walid Merwan ibn Djanah et d'autres grammairiens hébreux du Xe et du XIe siècles, 1850-51 (Prix Volney).
- « Rapport sur les progrès des études sémitiques en France de 1840-1866 », in Recueil de Rapports de l'Exposition de 1867.
Entre 1834 et 1838, Munk contribua au journal Le Temps des articles sur les littératures biblique, hébraïque et sanscrite. On doit aussi mentionner ses interprétations des inscriptions phéniciennes de Marseille et sur le sarcophage d'Eshmun'azar, roi de Sidon, qu'il déchiffra après avoir perdu la vue, ainsi que sa découverte du manuscrit arabe de la description de l'Inde par Al-Biruni, écrite au début du XIe siècle, et sa lettre à François Arago relative à une question d'histoire de l'astronomie, qui donna naissance à une controverse entre Jean-Baptiste Biot et Sédillot.
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