Un
sans domicile fixe (
SDF) est une personne qui dort dans la
Rue ou dans des foyers d'accueil. On parle aussi de
sans abri ou d'
itinérant. Le mot
clochard a tendance à tomber en désuétude à cause de sa connotation péjorative et réductrice (« la Cloche » désigne parfois l'ensemble des
clochards) .
SDF est le nouveau nom en France depuis le milieu des Années 1980 ; ce nom succède à la notion de vagabond, ou chemineau (celui qui « fait le chemin »), si présent dans la vie en France au XIXe siècle. Les sans-abri sont souvent dits en situation d'Exclusion sociale, bien que ce terme prête à débats. Quelques rares sans-abri travaillent (CDDs ou Intérim) et peuvent donc difficilement être qualifiés de « marginaux ».
Histoire et évolution
Le vagabondage est très ancien. On ne peut le situer exactement. Le terme de « sans domicile fixe » apparaît dès le XIX
e siècle sur les registres de police, il renvoie à une longue tradition de gestion de la
Pauvreté et de la mendicité . Les analyses de la pauvreté, les méthodes employées pour lutter contre celle-ci ont profondément évolué depuis l'
Ancien Régime. Sur la période des années 1950 à nos jours, les concepts de pauvreté et de mendicité ont beaucoup changé.
L'évolution des termes témoigne de ces transformations. La prise en charge qui en résulte est elle aussi différente. Durant l'optimiste période de l'après-guerre, on a pensé que la formidable croissance économique permettrait sinon son éradication du moins sa quasi-disparition.
Statistiques du sans-abrisme
France
Les statistiques que nous fournissons concernent essentiellement Paris qui est la ville de France la plus touchée par le sans-abrisme avec un peu plus de 8 000 SDF. On compte environ 100 000 SDF en France en 2007.
L'âge moyen des SDF à Paris
Les SDF à Paris ont une structure par âge assez différente du reste de la population parisienne, avec par exemple beaucoup moins de personnes âgées de plus de 60 ans.
- 22 % des hommes SDF à Paris ont entre 18 et 30 ans.
- 57 % des hommes ont entre 31 et 50 ans.
- 19 % des hommes ont entre 51 et 64 ans.
- 2 % des hommes ont 65 ans et plus.
- 48 % des femmes SDF à Paris ont entre 18 et 30 ans.
- 45 % des femmes ont entre 31 et 50 ans.
- 6 % des femmes ont entre 51 et 64 ans.
- 1 % des femmes ont 65 ans et plus.
La proportion de femmes SDF
17 % des SDF de Paris, tout comme aux USA d'ailleurs, sont des femmes. 1 femme SDF sur 3 à Paris est accompagnée d'enfants, avec ou sans conjoint.
La situation matrimoniale des SDF à Paris
57 % des SDF sont célibataires. 8 % sont mariés. Plus de 1 SDF sur 3 a divorcé ou est veuf.
La situation professionnelle
28 % des hommes SDF ont déclaré avoir eu, avant la rue, une profession itinérante, les conduisant à se déplacer de ville en ville durant des années (ouvriers bâtiment, routiers, déménageurs, mariniers, représentants commerce, restauration, spectacle). Environ 25 % des hommes SDF déclarent travailler, soit en CDD, intérim ou CES ou autre petit boulot. 17 % des concernés sont en CDI.
Catégories socio-professionnelles des parents de SDF
1 SDF homme sur 5 ne peut préciser le métier de son père, soit qu'il ne l'ait pas connu, soit que les liens avec lui aient été rompus très tôt. Pour les 4 SDF hommes restants, 49 % ont un père ouvrier. Les moins de 34 ans ont plus souvent que leurs aînés un père artisan ou commerçant.
Québec
http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/conditions/pdf2006/RecueilPauvre.pdfInterprétation des statistiques et des caractéristiques du sans-abrisme
On se rend donc compte qu’il existe plein de signes avant-coureurs sur la probabilité de se retrouver à la rue. Étant donné que toutes les sociétés modernes se trouvent confrontées à de tels problèmes, on comprend mieux que le sans-abrisme soit mondial. Nous n’affirmons pas que ces problèmes nous envoient nécessairement à la rue lorsqu’ils nous touchent mais qu'une personne qui se retrouve SDF a une grande chance d’avoir été touchée par une de ces raisons.
Cela dit, il existe des explications volontaristes qui disent que les gens sont dans la rue principalement par choix. Le sans-abrisme est vu comme un style de vie qui est choisi et non imposé. En effet, les individus ont des options et ils sont en partie responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. Un tel raisonnement sur le volontarisme tient une grande importance en politique et ce, en partie parce que cela exempte les hommes politiques, les structures politiques ainsi que les tendances auxquelles ils sont associés, de responsabilités directes vis-à-vis de certains problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés. Le phénomène du sans-abrisme est donc, selon eux, une entreprise volontaire. Certains agents de la police urbaine possèdent un point de vue similaire, bien que moins charitable. Ils attribuent la mendicité non pas aux forces sociales, aux problèmes personnels ou à la malchance mais bien à un choix peu réfléchi. Quand on se retourne vers les sans-abri eux-mêmes, on trouve peu de soutien à cette explication volontariste. Ce n’est pas une des raisons les plus fréquemment données pour expliquer pourquoi ils sont dans la rue. Dans cette étude, seulement 6,3 % des sans-abri avec lesquels les auteurs de l’étude ont discuté le sont par choix.
La vie du sans-abri
Le monde du sans-abriL’univers du sans-abri, dans lequel règne la loi du plus fort, s’avère hostile et nécessite une lutte et une méfiance de tous les instants afin de survivre. Ces conditions de vie impliquent un stress important et quasi permanent. L’individu qui devient sans-abri doit s’adapter à ce nouveau monde et ceci a des répercussions dans de nombreux domaines.
La temporalité
La notion de la temporalité est l’un des aspects affectés. En effet, le sans-abri perd toute signification du long ou du moyen terme, car il est mobilisé par l’immédiateté. Lorsqu’il a faim, il lui faut trouver de la nourriture tout de suite. Ainsi, tous les repères temporels disparaissent, contraignant le sans-abri à s’en créer de nouveaux au fil du temps.
Les groupes
Dans cet univers hostile, des groupes peuvent se former, mais leur cohésion est fragile. En effet, il s’agit plus de rassemblements d’individus que de groupes à proprement parler, étant donné l’absence de réels sentiments d’appartenance. Leur unique élément de stabilité ne viendrait que d’un lieu géographique : une table, un parc, un banc, etc.
La santé
Le monde du sans-abri détient également une conception particulière de la santé. De ce fait, le sans-abri ne peut pas se permettre de tomber malade, étant donné la lutte qu’il mène quotidiennement pour survivre. Elle est également perçue comme dévastatrice, en raison d’une image de soi déjà dévalorisée. Lorsqu’elle est présente, le sans-abri tend à diagnostiquer lui-même son mal afin de garder ne serait-ce qu’un minimum de contrôle sur sa vie et sur lui-même. De nombreux syndromes sont liés à la vie dans la rue. Par ailleurs, le corps sert simplement d’outil pour subvenir aux besoins vitaux et, dans cette optique, doit être fonctionnel. Toutefois, une contradiction apparaît : la priorité n’est souvent pas accordée à la santé, alors que ceci permettrait au corps d’avoir un fonctionnement optimal et de remplir les fonctions nécessaires à la vie dans la rue. L’exemple suivant qui provient d’un texte intitulé Diogène de Horenbeek Bernard (1996), illustre cette problématique. « Un jeune homme qui vivait dans un squat s’était cassé le pied . Plâtré aux urgences, il avait du mal à se tenir sur ses jambes. Pour accéder à son squat, il devait monter des escaliers. Lassé de ces difficultés, il a retiré son plâtre après 3 jours (la durée d’immobilisation prévue était de 6 semaines). Il a boîté longtemps et a toujours refusé une période de repos en maison d’accueil. » Nous verrons plus tard les diverses raisons qui font que la santé n’est pas prioritaire pour les sans-abri.
Le soin
Les "Lits Halte Soins Santé" sont des structures d'hébergement temporaires qui s'adressent aux personnes sans domicile fixe, sans distinction de pathologie, quelle que soit leur situation administrative, et dont l'état de santé nécessite une prise en charge sanitaire (hors soins nécessitant une hospitalisation) et un accompagnement social.
La durée de séjour prévisionnelle est fixée à moins de deux mois en accord avec l'avis médical. Les personnes sont prises en charge par une équipe pluridisciplinaire qui assure les soins en continu.
Le décret n° 2006-556 du 17 mai 2006 fixe les conditions d'organisation et de fonctionnement des structures « lits halte soins santé » (LHSS).
L’hygiène
L’importance accordée à l’hygiène varie selon les cas : certains utilisent des douches mises à disposition par des institutions ou des connaissances, alors que d’autres ne se lavent jamais. La plupart du temps, les vêtements ne sont pas entretenus, sont portés de jour comme de nuit et lorsqu’ils sont salis ou abîmés, sont jetés. Cependant, les sans-abri ont la possibilité de laver leurs habits grâce à des machines mises à leur disposition dans les centres d'hébergement. Ils peuvent se procurer des vêtements par l’intermédiaire d’oeuvres caritatives qui achètent des vêtements sur leurs fonds propres ou « réutilisent » des habits donnés par ceux qui en ont. L'habillement n'a plus de fonction sociale mais constitue le seul rempart contre les aléas climatiques. Il convient de rappeler que les vêtements peuvent être la source de différents maux, s'ils ne sont pas lavés régulièrement.
La sexualité
La sexualité est perturbée autant chez les hommes que chez les femmes et les relations ne durent en général pas longtemps. L’important stress lié à la vie dans la rue a pour conséquence une aménorrhée chez les femmes. Une telle perturbation physiologique atteste de l’ampleur de ce stress qui, de ce fait, remet en question la féminité des femmes sans-abri. En outre, celles-ci préfèreront rester avec un homme violent, du moment que celui-ci peut leur offrir un toit. Quant aux hommes, ils se plaignent d’impuissance et ont parfois recours à des prostituées.
L’alimentation
Les sans-abri sont également confrontés au problème de l’alimentation en ce qui concerne la qualité des aliments (dates de péremption dépassées, aliments trop cuits, conservation inadéquate), la diététique (trop de gras et trop de sucre), ainsi que dans l’absence de repas considéré comme événement social.
L’alcool est une substance très présente dans la vie de la rue, tout en étant la drogue la plus dangereuse à long terme. Elle remplit de nombreuses fonctions : • Facilite l’action de mendicité; • Aide à lutter contre le froid et la douleur ; • Facilite l’endormissement ; • Crée une ambiance qui relativise les problèmes ; • Favorise les regroupements d’individus • Permet de participer à la société de consommation et de se sentir « quelqu’un ».
Toutefois, ces fonctions sont souvent doublées d’effets néfastes : refroidissement plus rapide du corps, multiplication des ulcères et infections, diminution de la durée du sommeil, diminution de l’inhibition conduisant parfois à des bagarres, irritation des intestins, vieillissement prématuré.
Mortalité en France
En
France, le Collectif des Morts de la rue, regroupant une quarantaine d'associations, a recensé 112 morts de
Février à
octobre 2005 . La variation saisonnière est peu importante, le froid a tué 5 personnes sur les 112. Ces personnes avaient en moyenne 49 ans, alors que l'
Espérance de vie est de 77 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes, le plus jeune avait 31 ans et la moitié avaient moins de 50 ans.
Les principales pathologies sont liées à la Malnutrition et notamment aux carences en Vitamine C et en Calcium : Anémie, hémorragies, troubles neurologiques ou cardio-vasculaires, fractures. Le manque de suivi médical empêche la prévention de maladies bien traitées comme le diabète ou l'hypertension. À ceci s'ajoute une forte consommation d'alcool et de tabac, entraînant des maladies cardiovasculaires, des cancers ORL et des cirrhoses.
L'étude a également recensé 21 morts violentes : 8 assassinats, 7 morts dans des incendies et 6 chutes mortelles.
Dans un éditorial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire, Martin Hirsch faisait remarquer que « l’espérance de vie des plus pauvres en France est plus proche de l’espérance de vie au Sierra Leone (34 ans), pays qui a l’une des espérances de vie les plus courtes au monde, que de l’espérance de vie de l’ensemble de la population française. Autrefois, la pauvreté tuait brutalement. Aujourd’hui, elle tue tout aussi sûrement, mais plus lentement. »
L'association les enfants de Don Quichotte évalue l'espérance de vie d'un SDF à 43 ans en 2006.
au Québec
http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/conditions/pdf2006/RecueilPauvre.pdfSociologie
Emploi et exclusion sociale
On voit souvent les personnes sans domicile fixe comme des personnes désocialisées, totalement exclues de la société. Or, on s'est aperçu au début des
Années 2000 que c'était loin d'être le cas général.
Une étude faite en 2004 par l'Insee a montré qu'en France :
- trois SDF sur dix ont un emploi, en général précaire (contrat à durée déterminée, Intérim) ; c'est généralement pour eux le coût du logement (en dramatique progression) et l'insuffisance des logements sociaux qui les maintiennent à la rue.
- quatre SDF sur dix sont inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi, et sont donc dans une dynamique de recherche d'emploi.
S'il n'y a pas double appartenance à ces deux catégories (conservation de l'inscription à l'ANPE en même temps que le bénéfice d'un emploi précaire), alors seuls 30 % des SDF en France sont réellement «
désocialisés ».
Rectification : Il faut préciser que le mot « désocialisé » implique de ne plus être à même de vivre comme tout le monde et de ne plus pouvoir faire le cas échéant les démarches pour cela. Certains SDF ne sont pas inscrits à l'ANPE et ne cherchent pas d'emploi, non pas par désir de marginalité, mais parce qu'ils considèrent qu'on ne peut pas travailler lorsqu'on n'a pas de logement.
Par ailleurs, la Crise du logement et le prix élevé de l'immobilier (en particulier en région parisienne) n'est que l'une des causes expliquant le phénomène des sans-abris. En effet, l'accès au logement, même pour celui qui peut payer, est restreint de nombreuses façons (nécessité d'avoir un garant, de pouvoir démontrer l'existence d'un salaire élevé et assuré, en général fondé sur un CDI, nécessité d'avoir des papiers, etc.) Ces contraintes demeurent considérables, au-delà même du coût du logement en lui-même.
Les « grands exclus »
Le phénomène des « grands exclus » est un phénomène social complexe à gérer. Il ne s'agit pas uniquement de pauvreté, mais surtout d'une
désocialisation, d'une perte du lien social. En effet, une personne pauvre a en général des amis, de la famille qui peut l'héberger ; si la personne se retrouve dans la rue, c'est qu'elle a coupé ses liens avec ses amis et sa famille, ou l'inverse, ce qui arrive le plus souvent. Cela peut être en raison d'un déracinement (personne née à l'étranger ou ayant longtemps vécu à l'étranger, qu'elle soit de nationalité étrangère ou pas), de problèmes psychiatriques, d'un drame familial, d'un rejet de la part de l'entourage, d'une rupture voulue en raison de sévices subis. Dans un ouvrage récent [5], L. Thelen, chercheur belge ayant travaillé avec des acteurs institutionnels et des ONG d’aide aux personnes sans-logis ainsi qu’«en tant que» sans domicile fixe lui-même, cela en Belgique, en France et au Portugal, met en exergue la violence extrême qu’exerce l’environnement de la rue sur ses usagers principaux. Afin de survivre à ce milieu destructeur, ces derniers sont contraints à se soumettre à toute une série d’adaptations qui, à leur tour, vont encore renforcer la dépendance de l’individu vis-à-vis dudit milieu. Ce véritable cercle vicieux va mener le sans-abri à ce que l'auteur nomme «l’exil de soi», processus de désocialisation à ce point poussé que celui qui en est victime se trouve graduellement dépourvu de tout support social.
En sus d’apporter un certain nombre d’évidences montrant que le sans-abrisme peut conduire aux mêmes extrémités dans des milieux socioculturels très différenciés, cet ouvrage met également en lumière le fait que certaines institutions d’aide sociale, en ne prenant pas suffisamment en compte les contraintes environnementales auxquelles sont soumises les personnes souffrant d’extrême exclusion, participent au renforcement du processus d’exil de soi.
En effet, les personnes sans domicile fixe sont souvent réticentes à dormir dans les foyers : ceux-ci ne présentent pas des garanties de sécurité (notamment en ce qui concerne les vols), ils n'acceptent en général pas ceux qui ont des chiens, ni les couples de SDF.
Les chiens, outre le fait d'être des compagnons fidèles qui ne jugent pas, constituent également un moyen de défense contre l'agression, et empêchent de se faire arrêter par la police ou la gendarmerie lorsque celle-ci ne dispose pas d'un chenil.
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Reportages sur l'itinérance au Québec sur le site Müvmedia, réalisés dans les villes de Rivière-du-Loup et de Rimouski
Filmographie
Bibliographie
- « Pour les sans-abri, l'hiver commence aujourd'hui », Tonino Serafini, Libération, 1er novembre 2004
- Les Naufragés, Patrick Declerck, éd. Plon, 2002.
- Critique de l'urgence sociale. Et si les SDF n'étaient pas des exclus ?, Stéphane Rullac, éd. Vuibert, Collection Perspectives sociales, 2006
- « Dans la rue, l'espérance de vie ne dépasse pas la cinquantaine », Tonino Serafini, Libération, 15 décembre 2005 [#]
- L'Exil de soi. Sans-abri d'ici et d'ailleurs, Lionel Thelen, Publ. des Facultés universitaires Saint-Louis, 2006.
- Dans la dèche à Paris et à Londres, George Orwell, Michel Petris (traduction) Poche 10/18
- La Question SDF : critique d'une action publique, Julien Damon, éd. Presses universitaires de France, collection le lien social, novembre 2002
- Les inégalités sociales de santé en France en 2006 : éléments de l’état des lieux, BEH du 23 janvier 2007, InVS
- Une enquête d'exception Sans-abri sans-domicile : des interrogations renouvelées - Marie-Thérèse Join-Lambert - INSEE Economie et Statisques - 2006
- " Mémoires d'un SDF - Ou l'image des Sans Domicile Fixe dans la Ville, Nathalie Pham, Ed. ENSAPB, 2007
Références