Les sciences cognitives sont un ensemble de disciplines scientifiques visant à l'étude et la compréhension des mécanismes de la pensée humaine, animale ou artificielle, et plus généralement de tout système Cognitif, c'est-à-dire tout système complexe de traitement de l'Information capable d'acquérir, conserver, et transmettre des connaissances. Les sciences cognitives reposent donc sur l'étude et la modélisation de phénomènes aussi divers que la Perception, l'Intelligence, le Langage, le Calcul, le Raisonnement ou même la conscience... En tant que domaine interdisciplinaire, les sciences cognitives utilisent conjointement des données issues d'une multitude de branches de la Science et de l'Ingénierie, en particulier : la Linguistique, l’Anthropologie, la Psychologie, les Neurosciences, la Philosophie, l'intelligence artificielle.
Après environ cinquante années d'existence, les sciences cognitives forment donc un champ interdisciplinaire très vaste dont les limites et l'articulation des disciplines constitutives entre elles font toujours débat. Certains estiment toutefois que les sciences cognitives ont dépassé le simple stade d'une accumulation de connaissances pluridisciplinaire et ont donné naissance à deux disciplines autonomes :
- à une science fondamentale, dite science de la cognition, dont les spécialistes parfois appelés cogniticiens sont réunis en sociétés savantes et publient dans des revues scientifiques internationales transdisciplinaires.
- à un secteur applicatif industriel du domaine de l'ingénierie de la connaissance : la Cognitique.
En France où la tradition disciplinaire est forte, sont nés dès les années 1990 de l'expansion des Sciences Cognitives des débats sur l'efficacité réelle de l'interdisciplinarité dans la recherche scientifique, cela notamment dû au fait qu'englober de nombreuses approches peut rendre plus compliquée leur appréhension. Toutefois de nombreux regroupements de chercheurs et de jeunes sociétés savantes s'attachent à valoriser la pertinence et la portée de l'interdisciplinarité en Sciences Cognitives. Sont dans ce cadre notamment l'Association pour la Recherche Cognitive (ARCO), et la Fédération Française des Etudiants et Jeunes Chercheurs en Sciences Cognitives (Fresco).
Histoire des sciences cognitives
Il est d'usage de dater la naissance des sciences cognitives de
1956. En effet, cette année voit s'organiser la toute première conférence consacrée à l'intelligence artificielle et à son application à la
Psychologie, à laquelle participent les informaticiens
Allen Newell,
John McCarthy et
Marvin Minsky, le mathématicien
Claude Shannon, l'économiste et psychologue
Herbert Simon, le linguiste
Noam Chomsky, les psychologues
George Miller et John Swets les neurobiologistes
David Hubel et Torsten Wiesel. L'année 1956 est aussi riche en publications fondamentales pour le domaine des sciences cognitives.
Quelques années auparavant à New York, les Conférences Macy organisées par la Fondation Macy à partir de 1942, mais surtout entre 1946 et 1953 avaient regroupé les mathématiciens John von Neumann, Norbert Wiener, Claude Shannon, le neurophysiologiste Warren McCulloch, les anthropologues Margaret Mead et Gregory Bateson dans le but de créer une science générale du fonctionnement de l'esprit.
Disciplines
Linguistique cognitive et grammaire générative
Articles détaillés : Linguistique cognitive, Grammaire générativeLa Linguistique formelle et plus particulièrement les travaux de Noam Chomsky ont eu une influence décisive au moment de l'émergence des sciences cognitives à la fin des Années 1950. Chomsky s'est notamment élevé contre la conception du langage comme un ensemble d'« habitudes » apprises par observation et conditionnement au profit de l'idée d'une grammaire constituée de règles décrites formellement. Arguant de la pauvreté du stimulus, Chomsky considère que cette compétence est le résultat de la Connaissance innée d'une grammaire universelle. Ces idées ont été développées en dehors de la Linguistique par un élève de Chomsky, le philosophe Jerry Fodor, dans ses fameuses thèses sur la modularité de l'esprit et le mentalais.
Chercheurs | Notions- Grammaire universelle
- Compétence et performance (Générativisme)
- Module lexical (Générativisme)
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Philosophie analytique et philosophie de l'esprit
Articles détaillés : Philosophie analytique, Philosophie de l'espritFrege révolutionne la logique classique en introduisant le concept de dénotation dans son article Sens et Dénotation (Sinn und Bedeutung). Le sens de « étoile du matin » (a) est différent de celui de « étoile du soir » (b) puisque leurs réalisations acoustiques ou signitives diffèrent : « La différence de sens correspond à une différence du mode de donation de l'objet désigné » néanmoins ils dénotent la même réalité : la planète Vénus d'où (a) = (b) a une valeur de connaissance car ce n'est pas tous les jours qu'on découvre qu'une étoile est une planète. Ainsi cit. « La dénotation d'« étoile du soir » et d'« étoile du matin » serait la même, mais leur sens serait différent ». Ce qui a permis d'actualiser le signe de Saussure qui refusait d'y attribuer la référence au monde. Il a introduit la quantification dans la logique formelle. On oppose le quantificateur universel : « Tous les hommes sont mortels » au quantificateur existentiel « Il existe au moins un homme mortel ». Il a fondé le calcul des prédicats.
Penseurs | Penseurs (suite) | Notions |
Intelligence artificielle
Article détaillé : Intelligence artificielle.Chercheurs | Notions | Réalisations |
Neurosciences
Article détaillé : NeurosciencesChercheurs | Disciplines | Outils & techniques | Théories et concepts |
Psychologie cognitive
Articles détaillés : Psychologie cognitive, CognitionLa psychologie cognitive concerne les processus d'élaboration et d'utilisation des connaissances chez l'être humain. Bien que l'on puisse trouver de nombreux précurseurs comme Hermann Ebbinghaus, Jean Piaget ou Frederick Bartlett, elle n'apparaît véritablement qu'à la fin des Années 1950. Elle se caractérise par un retour des « variables intermédiaires » entre le Stimulus et la réponse, bannies par le Béhaviorisme, et l'utilisation de nouvelles méthodes pour tenter d'observer ces variables en évitant les problèmes rencontrés par l'Introspection au début du XXe siècle.
Chercheurs | Chercheurs (suite) | Grandes fonctions cognitives et manipulations expérimentales |
Courants et concepts
Cognitivisme
Articles détaillés : Cognitivisme, Approche computo-représentationnelle de l'espritLe cognitivisme est l'un des deux principaux courants des sciences cognitives qu'il a dominées jusqu'à la montée en puissance du connexionnisme. Il est fondé sur l'idée que l'esprit est une machine de traitement symbolique de l'information (métaphore de l'ordinateur), c'est-à-dire qu'il opère sur des représentations en fonction de leurs propriétés syntaxiques plutôt que de leur signification. Inspirés par les résultats de Turing, de nombreux chercheurs ont en outre admis que ce type de traitements pouvait être réalisé par des machines complètement différentes du point de vue physique et donc que la simulation et la modélisation informatique pouvaient fournir de nouveaux moyens d'étudier le fonctionnement de l'esprit rejoignant ainsi le projet de la Cybernétique d'intégrer dans un même cadre théorique l'étude des systèmes naturels et artificiels.
Réseaux de neurones et connexionnisme
Article détaillé : ConnexionnismeIssu de la Cybernétique, le connexionnisme fait partie des sciences cognitives depuis l'origine. Après une éclipse au cours des années 1970, il regagne aujourd'hui en importance avec les progrès de l'Imagerie cérébrale et des neurosciences. Partageant avec le cognitivisme l'idée de représentation, il rejette en revanche l'hypothèse d'un fonctionnement cognitif symbolique. Dans une perspective connexionniste, la cognition est le produit d'un calcul parallèle opéré par des entités sub-symboliques (Neurone formel ou non) et la signification découle de l'état du réseau formé par ces entités à un moment donné.
Processus cognitifs
Articles détaillés : Cognition, Processus cognitifsAttention
Article détaillé : AttentionL'attention est grosso modo la capacité à se concentrer sur certains stimulus ou au contraire l'impossibilité de traiter plus qu'une certaine quantité d'information à un moment donné.
Mémoire
Article détaillé : MémoireLa mémoire permet de retenir des informations pour les réutiliser ultérieurement. À l'inverse de l'Apprentissage béhavioriste, la notion de mémoire insiste sur les structures et processus intermédiaires entre l'acquisition de ces informations et leurs conséquences sur le comportement.
Elle fait l'objet de nombreux travaux en sciences cognitives, aussi bien du point de vue de la psychologie ou des neurosciences que de la modélisation. Les chercheurs se sont ainsi attachés à mettre en évidence les différentes structures composant la mémoire en se basant à la fois sur des expériences et sur les dysfonctionnements observés chez des patients cérébro-lésés.
Apparu dans les années 1960, le modèle modal de la mémoire a été l'un des plus influents. Il distingue le Registre sensoriel (grande quantité d'informations sous forme visuelle pendant quelques millisecondes), la mémoire à court terme (nombre limité d'éléments sous forme verbale pendant quelques secondes) et la mémoire à long terme (informations sémantiques, en pratique sans limite de durée ou de capacité).
La notion de Mémoire de travail a été présentée par Baddeley et Hitch en 1974. Ce modèle et d'autres plus récents comme celui de Cowan mettent en évidence les liens entre attention et mémoire. La mémoire de travail a ainsi pour rôle non seulement de contenir des informations en provenance des systèmes sensoriels mais aussi des informations extraites de la mémoire à long terme pour être utilisées par les processus de Raisonnement et de prise de décision.
Dans le domaine de la mémoire à long terme, plusieurs distinctions ont été proposées comme celles entre Mémoire épisodique (auto-biographique) et mémoire déclarative (connaissances générales) par Endel Tulving, entre Mémoire sémantique et mémoire procédurale (gestes, comportements, savoir-faire) par John Anderson et entre mémoire explicite (utilisée de façon consciente et contrôlée) et mémoire implicite (automatique). De nombreuses recherches portent également sur les représentations mentales qui organisent ces informations.
De leur côté, les neurosciences ont également cherché à identifier les structures cérébrales réalisant ces différentes fonctions et à décrire les processus biologiques permettant l'apprentissage et l'encodage des informations. Le phénomène de potentialisation à long terme explique notamment comment la stimulation répétée de certaines connexions neuronales les rend plus susceptible de s'activer à l'avenir en réponse à un stimulus similaire (même partiellement).
Enfin, de nombreux travaux portent sur les processus d'encodage, de stockage et de récupération. Parmi les principaux résultats on peut citer la courbe de l'oubli d'Ebbinghaus, les notions d'Effet de récence et de primauté ou encore l'Amorçage. Enfin, plusieurs expériences soulignent le rôle de la mémoire dans l'expertise (ainsi les bons joueurs d'échecs ne diffèrent pas des débutants par leur vitesse de traitement mais par l'organisation des informations sur le jeu).
À noter aussi qu'un certain nombre de modèles de la mémoire dit "à traces" tendent à se développer dans la droite ligne du courant connexionniste. Il s'agit de théories profondément dynamiques cherchant à expliquer les conceptions modularistes comme émergentes d'un système complexe et non cloisonné qui conserverait toutes les informations sous formes de traces. Ces traces ne seraient pas forcément localisées sur le plan cérébral mais réparties et se définiraient par un grand ensemble de facteurs sémantiques, émotionnels, moteurs, etc.
Notes et références
Informations complémentaires
Bibliographie
Ouvrages introductifs
- Francisco Varela, Invitation aux sciences cognitives, Points Sciences, Paris, 1997.
- Brien, R., Science cognitive et formation, PUQ, 1997 (1e ed : 1991)
- Jean François Dortier (dir.) Le Cerveau et la pensée, La révolution des sciences cognitives, éd.Sciences Humaines, 2004.
- Daniel Andler (dir.), Introduction aux sciences cognitives, Folio Essais, Paris, 1992, 2004 pour l'édition augmentée. (destiné à un public plus averti).
- Georges Vignaux , Les sciences cognitives : une introduction , Biblio Essais, Paris, 1994
- Angèle Kremer-Marietti, La philosophie cognitive, PUF, 1994, réédition L'Harmattan, 2002
- Site de l'Association Estigma des Etudiants et Jeunes Chercheurs en Sciences Cognitives du Grand Lyon (Présentation très accessible et complète des Sciences Cognitives)
Dictionnaires et ouvrages de référence
- Olivier Houdé, Vocabulaire de sciences cognitives, PUF, Quadrige – Dicos Poche, Paris, 2004 (1re édition 1998).
- Lynn Nadel (dir.), Encyclopedia of Cognitive Science, Nature Publishing Group, Londres, 2003.
- Guy Tiberghien, Dictionnaire des sciences cognitives, Armand Colin, Paris, 2003.
- Robert Wilson & Frank Keil (dir.), The MIT Encyclopedia of the Cognitive Sciences (MITECS), The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, 1999.
Histoire des sciences cognitives
- Jean-Pierre Dupuy, Aux origines des sciences cognitives, La Découverte, Paris, 2005.
- Howard Gardner, Histoire de la révolution cognitive – la nouvelle science de l'esprit, Payot, Paris, 1993 (édition originale en anglais 1985).
- (en) George Miller, The cognitive revolution: a historical perspective, Trends in Cognitive Science, 7 (3), 2003.
Revues
Voir aussi
Articles connexes