YHWH (
הוהי) est le nom de
Dieu dans la
Bible hébraïque. Le mot se compose de
quatre consonnes,
yōḏ (
י),
hē (
ה),
wāw (
ו) et
hē (
ה). Sa valeur
guématrique est de 26.
Nature et étymologie
Le
Tétragramme, YHWH, est, de l'avis général des grammairiens juifs du Moyen-Age, conforté par celui de Spinoza, une flexion artificielle du verbe
havah (« être », « devenir »). Cette construction en combinerait le présent (
Je suis), les temps de l
accompli (approximativement "Je suis devenu" et "Je serai devenu") ainsi que les temps de l'"inaccompli" (approximativement "Je deviendrai", "Je deviendrais" et "Je serais devenu"). Cette thèse a été reprise par la grande majorité des philologues modernes.Henri Meschonnic croit pouvoir y ajouter que l'"invention" du Tétragramme aurait en partie à voir avec le nom d'une divinité sémitique plus ancienne, Yah, qui ne serait peut-être elle-même qu'une "variante" de la Yahou ("Colombe d'en haut") suméro-babylonienne.
Plusieurs auteurs de référence, dont par exemple André Chouraqui, transcrivent IHVH plutôt que YHWH, et dans les milieux de langue allemande on écrit JHWH.
L'explication du Tétragramme par la Bible elle-même se trouve en Exode 3:13-14 (épisode du Buisson ardent). Moïse dit à Dieu : « Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : "Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. » Mais s'ils me disent : "Quel est son nom ?", que leur dirai-je ? Dieu dit à Moïse : " Je suis ce que je suis " (Ehyéh Acher Ehyéh הֶ֖יְהֶֽא רֶׁ֣שֲא הֶ֑יְהֶֽא) Et il dit : " Voici ce que tu diras aux Israélites : "Je suis" (Ehyéh) m'a envoyé vers vous. " » - traduction dite de la "Bible de Jérusalem". L'expression est rendue par « Je suis celui qui suis » dans la traduction due à Louis Segond et par « Je suis qui Je serai » dans la TOB. La Bible du Rabbinat traduit elle par "Être invariable".
D'après la doctrine chrétienne YHWH se serait manifesté pour la première fois non pas à Moïse, mais à Abraham devant le chêne de Mamré (renvoi à Genèse 19:1 et Genèse:18:1). Jésus se déclare en effet être « Je Suis » en VIII.56 et indique qu'Abraham lui-même avait vu son jour en VIII.58.
Prononciation
Interdit de prononciation directe et noms substitués dans le judaïsme
Dans l'hébreu biblique on n'inscrivait pas les voyelles ; le lecteur devait reconstituer ou ajouter de mémoire (s'il était savant) les voyelles appropriées au contexte de la lecture. Ce furent les
Massorètes qui créèrent au milieu du premier millénaire le système de notation actuellement utilisé pour transcrire les sons vocaliques (voir l'article diacritiques de l'alphabet hébreu).
Les Juifs, surtout, s'imposent une interdiction de prononcer le Tétragramme, fondée sur le troisième commandement : « tu n'invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain ». Quand le lecteur rencontre le Tétragramme dans les Écritures hébraïques, d'autres expressions doivent lui être substituées à l'oral, le plus souvent Adonaï (ינדא, « Mon Seigneur »), de temps en temps Elohim ("Puissances"). Cette substitution se nomme le Qéré permanent et explique les points-voyelles utilisés dans les transcriptions modernes du Pentateuque : e-o-a quand il faut lire Adonaï, e-o-i quand il faut lire Elohim. Dans la conversation on utilise de préférence haChem ("le Nom" - cf. Lévitique 24:11).
Pour ces deux raisons la prononciation exacte du Tétragramme, à supposer qu'elle soit possible, demeure incertaine. L'incertitude ne porte pas sur les consonnes, mais évidemment sur la place et le type des voyelles.
L'incertitude porte également sur l’existence de cette prononciation. Joel M. Hoffman, par exemple, dans In the Beginning, soutient que le Tétragramme n'a jamais eu de prononciation. Mais la plupart des hébraïsants sont d'avis contraire. Ils s'appuyent entre autres sur les noms théophores, comme Juda (Yehouda), et les chapitres du Pentateuque contenant le Tétragramme. En particulier un passage couramment appelé Le songe d'Isaïe, dont la prosodie et les assonances en "O" et "OU" suggèrent une prononciation usitée à l'époque de la rédaction du texte, généralement considéré comme l'un des plus anciens du corpus biblique.
Prononciations utilisées ou proposées par les courants chrétiens
Dans les premières transcriptions chrétiennes le Tétragramme était rendu par Yahweh (variante : Yahvé), forme considérée en milieu catholique comme la prononciation originale .
Jéhovah (de même que la transcriptions voisine Iehovah) est la forme occidentale usitée par la Religion chrétienne depuis l'époque médiévale jusqu'au début du XXe siècle. Popularisée par Victor Hugo et la traduction de la bible de John Nelson Darby elle a été produite en vocalisant le Tétragramme e-o-a (utilisation - fautive - des points-voyelles apposés par la transcription massorétique pour indiquer qu'il faut prononcer "Adonaï").
Selon enfin Gérard Gertoux, sympathisant des Témoins de Jéhovah, ce nom se serait prononcé à l'origine Ihoua.
Traditions et oeuvres liées au Tétragramme
- Yahwisme (l'une des sources de rédaction du Pentateuque selon l'hypothèse documentaire)
- Mythe du Golem (la supputation d'une prononciation exacte du Tétragramme, et de ses effets de puissance - voire de ses effets "magiques" -, a beaucoup alimenté la production mystique. Le mythe du Golem en est une des nombreuses occurrences, popularisée à l'époque moderne par un roman de Gustav Meyrink)
- Jah (cf. note 1 ci-dessous)
- « La mort et la boussole », nouvelle de Jorge Luis Borges (mise en scène d'une série de meurtres conçus en fonction du Tétragramme et ponctués par « La première lettre du Nom a été articulée », « La deuxième lettre du Nom a été articulée »...) ; L'Aleph, (même auteur. Reprise indirecte des thématiques de la "puissance" du nom divin)
- L'Adversaire, roman policier d'Ellery Queen ("lecture" de quatre crimes sur le modèle de la "lecture" du Tétragramme)
Notes
Voir aussi
Bibliographie et liens Internet
- André Chouraqui, L'Univers de la Bible, Editions Lidis-Brépols, Turnhout / Paris, 1984.
- Gérard Gertoux, Un Historique du nom divin הוהי - Un Nom Encens, L’Harmattan, Paris, 1999.
- Volume La mystique juive de l'encyclopédie Mythes et Croyances du Monde Entier, Editions Lidis-Brépols, Paris, 1985.
- Jean-Marc Rouvière, Brèves méditations sur la création du monde, L'Harmattan, Paris, 2006.
- Baruch Spinoza, Abrégé de grammaire hébraïque, Librairie philosophique Vrin, Paris, 2006 (il s'agit bien évidemment d'une traduction : Spinoza avait écrit ce texte en latin).
- Henri Meschonnic, Gloires, Desclée de Brouwer, Paris, 2001.
- José Seknadjé-Askénazi, "La philosophie de la grammaire", Les Nouveaux Cahiers n° 124, Paris, 1996.
- La prononciation des noms divins et leur écriture chez les juifs sepharades, fichier PDF sur [#]
- Gilbert Dahan, L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, Le Cerf, Paris, 1999.