Le compte long est un système de datation caractéristique de la Civilisation maya de Époque classique, et dont l'usage omniprésent la distingue de toutes les autres civilisations mésoaméricaines. Il convient pourtant de faire remarquer que les premières inscriptions en compte long ont été découvertes en dehors de l'aire maya, dans la région de l'Isthme de Tehuantepec. Citons la célèbre stèle C de Tres Zapotes, dont la date correspondrait à -31, du moins si le point de départ du calendrier local correspond à celui de la corrélation GMT (voir ci-dessous).
Comme les autres civilisations de la Mésoamérique, les Mayas connaissaient deux types de calendrier : le Calendrier Tzolkin, calendrier rituel de 260 jours et le Calendrier haab, calendrier solaire, composé de 365 jours. Ils employaient couramment un troisième type de datation extrèmement précis : le compte long. Le point de départ de cette datation est la création du monde actuel, que les Mayas situaient le 11 août 3114 av. J.C.
Les scribes mayas développèrent un système vigésimal d'unités de mesure du temps (les glyphes de période) dont l'unité principale fut le tun ou période de 360 jours. Le système des multiples du tun est ouvert et parfaitement vigésimal : 1 katun = 20 tun, 1 baktun = 20 katun, etc. Ils développèrent aussi un sous-système d'unités de mesure de temps, le uinal (18ème partie du tun) et le kin (20ème partie du uinal).
Selon les conceptions cosmogoniques que les Mayas partageaient avec les autres civilisations mésoaméricaines, les dieux faisaient et défaisaient régulièrement le monde. Il n'y a donc pas un monde créé, ou une création, mais une suite vraisemblablement ouverte de créations. On pense que chacune dure 13 baktun. Pour les scribes du Classique, la création en cours avait commencé un 4 Ahau 8 Cumku (date dans le Calendrier Rituel de 18980 jours).
Les scribes pouvaient donc aussi noter les dates en comptant (non pas les années mais) les jours écoulés depuis l'origine de la création en cours. L'écriture de cette durée écoulée depuis l'origine se faisait à l'aide du système des unités de temps, c'est-à-dire en tun, katun etc. A l'époque classique, il s'était écoulé un nombre de jours de l'ordre du million, soit, en notation vigésimale, des nombres comme 9.13.12.0.0. C'est la notation dite du «Compte Long» ou, selon une terminologie plus ancienne, que l'on doit à Alfred Maudslay, des «Séries Initiales» (parce que la plupart des inscriptions maya de l'Époque classique débutaient par ce type de dates).
Sur une stèle, une date en compte long apparaît de la manière suivante, dans l'ordre :
- le Glyphe d'introduction, dont la partie centrale, variable, est le glyphe de la divinité du mois correspondant du calendrier haab et dont la partie fixe dit que sous les auspices du patron du mois on compte les katun (les tun à l'époque préclassique); viennent ensuite en colonne par groupe de deux glyphes :
- le nombre de baktuns écoulés depuis le point zéro du calendrier ;
- le nombre de katuns ;
- le nombre de tuns ;
- le nombre de uinals ;
- le nombre de kins ;
Notons que, pour indiquer qu'un ordre d'unités est vide, les Mayas utilisaient un glyphe ayant la forme d'une coquille, l'équivalent de notre zéro. Par exemple, lorsqu'un mayaniste note une date de la façon suivante: 9.17.0.0.0, il faut comprendre que 9 baktuns, 17 katuns, O tun, O uinal, 0 kin se sont écoulés depuis ce point zéro.
- le chiffre et le nom du jour dans le Tzolk'in ;
- le nom d'un des Neuf Seigneurs de la Nuit correspondant à cette date ;
- un glyphe F, dont nous ne connaissons pas la signification exacte ;
- cinq glyphes liés au cycle lunaire ;
- la date dans le calendrier haab.
Ce calendrier, employé par tous les Mayas de l'Époque classique, est à la base de leur conception cyclique de création et de destructions d'univers. Il existe des unités supérieures au "baktun" : un "kinchiltun" équivaut à plus de trois millions d'années ! Les Mayas croyaient à l'existence de cycles de 13 baktuns, c'est-à-dire approximativement 5128 années solaires. L'univers actuel a été créé en 3114 avant J.C. (la date exacte en compte long est 13.0.0.0.0 4 Ahau 8 Cumku, que l'on trouve sur la Stèle C de Quiriguá) et sera donc détruit en 2012.
Ce système typique de l'Époque classique disparaît des stèles et des monuments au Xe siècle. La dernière date connue de fin de baktun en compte long gravée sur un monument provient du site de Toniná: 10.4.0.0.0, c'est-à-dire 909. A l' Époque postclassique , ne subsiste sur les monuments qu'un système simplifié, de "compte court", composé de périodes de 13 katuns, c'est-à-dire 260 ans. Comment faire correspondre une date en compte long à une date de notre calendrier ? On se base sur des événements de l'époque de la colonisation espagnole (XVIe siècle) attestés à la fois en "compte court et en Calendrier julien, par exemple la fondation de la ville de Mérida (Mexique), le 6 janvier 1542:
- «En l'an 1542, 1 Pop tombant sur le 13 K'an, les Espagnols fondèrent une colonie à Tiho (c'est-à-dire Mérida)...» (extrait des Annales d'Oxkutzcab)
Ensuite on établit une corrélation entre le compte court et le compte long de l'Époque classique. Il existe plusieurs systèmes de corrélation. La plupart des spécialistes suivent les système Goodman-Martinez-Thompson (GMT). Il suffit alors de faire la conversion en
Calendrier julien et puis en calendrier grégorien. Des datations au
Carbone 14 de linteau en bois datés retrouvés à
Tikal confirment la validité du système GMT.
Notes
Bibliographie
- Nikolai Grube (dir), les Mayas, Könemann, Cologne, 2000
- Robert J. Sharer, The Ancient Maya, Stanford university Press, Stanford, Californie, 1994
- Claude-François Baudez, les Mayas, Les Belles Lettres, Paris, 2005
- Mary Miller & Karl Taube, The Gods and Symbols of Ancient Mexico and the Maya, Thames & Hudson, londres, 1993
- David Drew, The Lost Chronicles of the Maya Kings, Phoenix, Londres, 2000