La
Culture de masse s'inscrit dans la société dans laquelle nous vivons ; elle est souvent décrite comme étant une « société de consommation » où une grande part des rapports entre les hommes sont basés ou régis par des processus économiques ou la
Consommation et les volontés des
entreprises deviennent des phénomènes de société. Ces processus institutionnalisent nos modes de vie et sont aujourd'hui sous l’emprise de « la
Mondialisation ».
Vue d'ensemble
La
Culture de masse, inhérente à cette société, est donc un
Mouvement social vers des connaissances artistiques,
culturelles, vers un système d'éducation, un mode de vie sociale et de pensée, un style de comportement, et qui se traduit par un acte de
Consommation et des codes de reconnaissance sociale qui pousse à une uniformisation de la perception de la
Réalité à l'échelle inter communautaire. L'une des principales caractéristiques de ce phénomène est de rationaliser les rapports et les échanges humains autour de la sphère économique. Par exemple, comme le décrit
Alain Corbin, « le temps libre est rattrapé par le temps commercial, qui l'intègre dans une économie avant tout soucieuse de
Rationalité et de
Productivité ».
Dans ce sens, la Culture de masse semble oeuvrer pour la Démocratie en insérant des individus qui paraissent plus épanouis (plaisir et dimension jubilatoire de la consommation culturelle) et mieux informés dans les espaces publics où se négocie en permanence le lien Collectif.
L'influence des médias, l'illusion du choix des informations auxquelles on accède et l'identification à un « phénomène » de groupe peut ainsi théoriquement permettre aux individus de se regrouper autour de valeurs démocratiques communes.
Le terme "société de consommation" est la simplification du terme "société industrielle de consommation dirigée", défini par Henri Lefebvre comme étant l'état du Capitalisme d'après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, les prémisses de cette ère de consommation de masse sont apparus bien avant, au moment de l'Industrialisation massive de nos sociétés occidentales.
Historique
Les journaux à grande diffusion
En
France, la
Culture de masse est apparue vers les
Années 1860, en même temps que l'apparition d'une période appelée
âge du papier.
Cet âge du papier correspond à l'essor des premiers journaux à grande diffusion, de leur développement et du principe de concurrence dans lequel ils sont alors entrés, participant à l'essor des entreprises de Distribution.
Si ces journaux ont pu se développer, c'est principalement pour trois raisons :
- L'élargissement du public alphabétisé, avec les avancées en matière d'accès à l'école qu'a connue le XIXe siècle. (lois Ferry…). Les journaux y ont gagné de nouveaux lecteurs et les éditeurs sont pleinement entrés dans la distribution de manuels scolaires à grande échelle pour satisfaire les nouveaux besoins issus de l'augmentation de nombre d'élèves dans les écoles et de la durée de leurs cursus.
- La libération du carcan administratif avec l'assouplissement de la liberté de la presse qui s'est progressivement mis en place après la révolution de 1789.
- Les progrès techniques dans les procédés d'Impression et de diffusion : l'arrivée du Train ou du Télégraphe ont ainsi permis à l'Information de circuler plus rapidement et de distribuer des journaux identiques rapidement dans toute la France.
Ce phénomène a participé à un ample processus d'Acculturation et d'homogénéisation culturelle, puisque les Français ont pu accéder aux mêmes informations. De plus, cette période du XIXe siècle ou les villes se sont considérablement développées a mis en évidence la nécessité de les rendre vivantes. Occuper les rues, les fêtes, les foires, la vie dans les grands boulevards où les attractions sont devenus un fer de lance commercial pour l'attractivité des villes. Ce bond en avant de l'industrie de Spectacle permet alors de rassembler, par delà les distinctions sociales, le plus large public.
Il reste cependant des distinctions géographiques, l'exemple de Paris nous montre à l'est le Bois de Vincennes et les guinguettes du bord de Marne pour les ouvriers, employés… et l'ouest avec le Bois de Boulogne pour la classe de haute Bourgeoisie. Puis le centre des affaires (la Bourse), de la Politique, les quartiers de commerce avec le développement des grands magasins. Et aujourd'hui les grandes manifestations des villes n'attirent pas forcément le public des banlieues (transport pas adapté par exemple).
Diffusion par l'Image
Nous pouvons également lier le développement de la
Culture de masse à l'utilisation de plus en plus intensive de l'
Image dans les
médias et aux différents
progrès techniques qui ont amené à faciliter la diffusion de l'
Image (
Photographie,
Télévision,
magazines,
Internet…). Selon
Dominique Kalifa, « la
Culture de masse est une
Culture de l'image ». La
presse en s'illustrant et la possibilité pour les
éditeurs de toucher le public des
enfants avec des
livres « très imagés » ont rendu les
populations demandeuses d'images.
Aujourd'hui l'Image est largement récupérée par les publicitaires et les services Marketing des entreprises qui se sont habitués à communiquer de cette manière.
En 1860, « la revue photographique » parle ainsi de l'expansion du format Carte de visite qui permet alors de réduire les coûts du Portrait photographique. « C'est le triomphe de la Démocratie et de l'égalité sociale ». Enfin, chacun était capable de pouvoir jouir d'un procédé Technique innovant.
Les photos et la facilité de leur reproduction, en bouleversant les représentations de soi et des autres et en nous offrant des regards sur le monde, ont ainsi permis d'unifier des modes de vie, des habitudes vestimentaires au choix de l'endroit où nous pouvons porter notre attention. Elles nous offrent synthèses et représentations de ce qu'est la Réalité.
Les images mobiles : le cinéma
L'arrivée des images « mobiles » c'est-à-dire du
Cinéma, n'a fait qu'amplifier ce phénomène de culte et d'intérêt collectif pour l'
Image. Ce phénomène de grande ampleur, qui touche la masse, c'est-à-dire chaque individu susceptible d'accéder à de l'information depuis les différents
médias, est ainsi à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui la
Culture de masse.
Les médias ont réussi, grâce aux faits « omnibus » qui intéressent tout le monde sur un mode qui ne touche à rien d'important, à centrer les hommes autour des mêmes représentations de ce qu'est la réalité.
En
1920, la radio était encore peu diffusée dans les foyers, puisqu'il n'y avait que 500 000 postes de radio. En
1940, au moment du fameux
Appel du 18 Juin du
général de Gaulle, il y avait 5,5 millions de postes.
Le sentiment de toucher et de pouvoir homogénéiser des publics éparpillés ont participé au développement de la Publicité et donc de l'Intérêt des industriels dans la prise de contrôle des moyens de diffusion.
Américanisation : le cas de la France
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en négociant l'annulation de la dette française envers les
États-Unis,
Léon Blum dut accepter, lors des
accords Blum-Byrnes de mai
1946, que les
films hollywoodiens puissent être projetés dans les salles de
Cinéma françaises. Il s'ensuivit une diffusion de l
American way of life, qui participa à une certaine forme de développement de la Culture de masse.Le développement de la
Culture de masse a également intégré rapidement les milieux ouvriers et paysans, victimes d'une
Culture décrite alors comme inférieure. Ils ont ainsi peu à peu été pris pour cible des phénomènes d'industrialisation
culturelle tant les hommes que les femmes et les enfants.
Ce phénomène a été possible grâce aux glissements des valeurs des classes supérieures vers celle inférieures (popularisation des valeurs bourgeoises) . L'industrialisation a permis de développer et de vendre moins cher des produits pour mettre à disposition de chacun des produits qui allaient de soi dans d'autres milieux : appareil photo, bibliothèque (en pin pas en bois noble) avec des livres de poche…
En justifiant la puissance d'un modèle économique, la création des expositions universelles (au début du XIXe siècle) reste l'exemple phare de cette « popularisation » des pratiques culturelles. En vulgarisant les sciences et en excitant la curiosité du spectateur grâce à de grandes manifestations dans lesquelles toutes les populations des villes et des pays sont invitées, on a ainsi pu lier progrès industriel et progrès social.
Si l'on parle de Culture populaire, c'est que les outils utilisés sont utilisables par tous, sans distinction de classe sociale ou d'origine géographique. En effet, la Culture de masse peut se faire à l'échelle d'un pays ou d'un continent et ensuite avec la mondialisation et le moyens de communication, les idées se diffusent et deviennent homogènes.
Molière, Goethe ou Shakespeare (qui sont chacun des symboles littéraires nationaux) ne permettent pas forcément un échange international et ne mettent pas les individus sur la même échelle de valeurs au plan international. Contrairement à Harry Potter, produit d'une maison d'édition supranationale et traduit dans de nombreuses langues.
Selon le designer R.Hamilton, la Culture populaire (c'est-à-dire conçue pour une audience de masse) se définit comme un outil facile se diffusant à court terme, bon marché, produit en série, destiné à la jeunesse, spirituel, sexy, truqué, séduisant et lié au big business.
Cette définition peut ainsi s'appliquer et expliquer le succès international de groupes de « pop music » qui inondent aujourd'hui nos écrans de télévision dont l'esthétique et le contenu artistique se veulent représentatif d'une société tournée vers la consommation de masse.
En prenant ainsi l'exemple d'un groupe de musique, une maison de disque qui voudrait en créer de toute pièce, pourrait appliquer les caractéristiques de la définition d'Hamilton : audience de masse (radio, télévision, Internet, disques et baisse des prix des supports qui permettent d'utiliser ces outils…), éphémère et vite oublié (effet de mode, de nouveauté donc remplacé par un autre dès les premiers signes de faiblesse commerciale), bon marché (les supports de diffusion comme les disques ou Internet coûtent peu à fabriquer dans une production de masse) produits en série, superficiel (les textes sont sans prétention et les harmonies sont simples), musique véhiculée par des chanteurs jeunes, spirituels, sexy et séduisants. Lié au big business (les maisons de disques sont aujourd'hui des multinationales)
Cette production culturelle permet ainsi de viser de nombreux adolescents de toutes les origines sociales. Le système procède ainsi à une mise en scène généralisée des désirs via les objets « cultes », fondée sur la consommation rapide de signes et sur le développement des modes.
Le politologue Benjamin Barber y observe ainsi la naissance d'une Culture mondiale, impulsée par les firmes globales, relayée par une avant garde urbaine et mondialisée. Il appelle cette Culture « Vidéologie », « réduite à l état de denrée, ou l'habit fait le moine et où le look devient idéologie. »
L'industrialisation et les enjeux financiers
La
Photographie, le
Cinéma, la
radio et aujourd'hui Internet sont des formes de diffusion
culturelles directement liés à la machine. La combinaison de facteurs techniques, industriels et artistiques pour la production de biens
culturels en grande quantité signifie la mise en place d'enjeux
financiers considérables.
La Culture de masse représente l'ensemble des productions, des pratiques et des valeurs modelés par les « agents » de l'industrie culturelle. Dans cette relation entre technique et Culture, le recours au progrès technique comme facteur de productivité constitue alors un élément décisif dans tout passage à une production de masse.
Avec la Publicité, les industriels vont pouvoir associer aux images un impact commercial en encourageant la Consommation. Cet attrait publicitaire représente alors une aubaine pour les tenants des moyens de diffusion qui peuvent alors espérer une pérennisation de leurs activités. Les publicités ont ainsi participé à la création des premières radios nationales en finançant les installations techniques.
Dans le milieu du Cinéma, des entreprises comme Pathé ou Gaumont se sont constituées pour pouvoir contrôler la diffusion des films et créer ainsi des circuits. Elles développent alors la notion de « cinéma d'exclusivité » obligeant les spectateurs à venir dans leurs salles pour assister aux représentations des films à gros budget. L'attachement du public à ce type de cinéma va permettre aux industries de se pérenniser et donc d'investir dans le développement de leurs activités en implantant de nombreuses salles et en finançant la recherche et les équipes pouvant apporter de l'innovation dans ce milieu.
Les critiques
La
Culture de masse a rapidement trouvé ses détracteurs. Dès la
Monarchie de Juillet (
1830-
1848), des voix s'élevèrent contre « les ravages d'une
Culture jugée abêtissante, pernicieuse et dangereuse pour l'ordre social ». (
Dominique Kalifa);alors que s'élaborent les théories marxistes remettant en cause le capitalisme.
Naîtra ensuite au XXe siècle, tout un mouvement exprimant ses inquiétudes envers les capacités des nouveaux médias à l'endoctrinement ou à la manipulation idéologique alors que s'opposent rapidement les principes de rationalisation, de standardisation et de division du travail. (vite fabriqué, vite consommé, vite remplacé). La fonction de la Culture de masse n'est alors que le nivellement, l'aliénation et l'endoctrinement d'un public perçu comme une masse homogène et passive.
En effet, les médias contrôlés par les industriels, choisissent les artistes ou les auteurs à mettre en valeur suivant leur potentialité à toucher le plus large public possible. Ceci a permis d'imposer aux auteurs, voulant être publiés, un cahier des charges (cas de la presse). La création perd alors sa mission d'alternative critique et la Culture s'ouvre aux mécanismes de la domination de ceux qui possèdent les moyens de diffusion.
Selon Bertrand Lemonnier, « l'art ne cherche pas à se conformer aux goûts du public ou, comme dans l'abstraction, à s'en éloigner, mais à suivre les normes posées par les mass média et la publicité. » Le développement massif de la Culture de masse aux États-Unis, et ce qu'on a appelé « l'Américanisation » du monde dans les années 30, va amener de nombreux intellectuels et sociologues à se pencher sur l'influence de la Culture de masse sur nos modes de vie.
L'école de Francfort, groupe d'intellectuels allemands réunis autour de l'institut de recherche sociale fondé en 1923, est connue pour s'être penchée sur l'apparition de la Culture de masse dans les sociétés modernes. Elle en développera une critique à l'aide du concept de l' "industrie culturelle". Selon Walter Benjamin, les photos et nouvelles technologies de la reproduction ont produit la perte de la fonction rituelle de l'oeuvre d'art au profit de l'exposition en série. La technologie se met ainsi au service du système social et de sa reproduction. Deux autres sociologues de l'école de Francfort, Théodore Adorno et Max Horkheimer considèrent l'art comme instrument de libération et comme force motrice dans la lutte pour changer le monde. La Culture de masse est alors le symptôme d'une Civilisation qui programme l'autodestruction de la raison et le déclin de la conscience critique. « L'esprit ne peut survivre lorsqu'il est défini comme un bien culturel et destiné à des fins de consommation. La marée d'informations précises et d'amusements domestiqués rend les hommes plus ingénieux en même temps qu'elle les abêtit ».
Selon eux, la Culture de masse n'est donc qu'un moyen de garrotter la conscience de l'homme. Puisqu'elle donne l'illusion du choix, qu'elle automatise la consommation et l'identification, qu'elle rend impossible la dissidence, que le consommateur est réduit à l'état d'objet et qu'elle substitue le conformisme à l'autonomie.
Les politiques ont dans ce sens bien compris l'avantage de ce garrotage des consciences, d'autant plus qu'avec l'ère industrielle et l'apparition du capitalisme le pouvoir politique est devenu sous le contrôle des industriels et des patrons des entreprises ou en tout cas soumis aux principes économiques puisque nous voyons bien que les programmes politiques mettent en avant des thèmes comme la croissance ou la relance économique… Gustave Le Bon, un sociologue ayant inspiré Hitler ou Mussolini déclare d'ailleurs : « L'usage des moyens modernes de communication est un moyen de contrôler ces entités incultes et violentes que constituent les masses ».
Des critiques peuvent être également apportées quand à la capacité de la Culture de masse à homogénéifier les individus pour créer une société aux valeurs démocratiques communes. La standardisation des offres et des références signifie moins la constitution d'une grande communauté homogène que son éparpillement en de nombreux publics différenciés puisque le capitalisme va aujourd'hui chercher à trouver des cibles marketing dans chaque catégorie de population.
Les pratiques culturelles investissent ainsi la diversité des choix et des modes d'appropriation.
Voir aussi
Références
Lien interne
Livres
- Louis Dollot, Culture individuelle et Culture de masse, Paris, 1974 (Que sais-je ?, 1552) (ISBN 2-13-045038-5).
- Richard Hoggart, The uses of literacy : aspects of working-class life, Londres, 1957 (ISBN 0765804212) ; trad. fr. La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, 1970 (ISBN 2-7073-0117-5).
Lien externe