«
Enculé de ta race » est une
Insulte courante en
France chez certains jeunes, principalement issus des milieux populaires urbains. Parfois considérée comme une
Injure raciste en raison de sa référence à la
race, elle n'a souvent que peu de rapport avec les origines réelles ou supposées de l'interlocuteur. Certains dénoncent aussi cette insulte comme étant
homophobe ou
sexiste selon le sexe de la personne visée.
Controverse sur le caractère raciste
En
France, l'injure raciale est passible d'
emprisonnement et d'amende. Saisie sur le caractère raciste de l'expression « enculé de ta race »ou encore la 17
e chambre du Tribunal correctionnel de
Paris dans un jugement du
23 juin 2005 indique que l'injure n'était pas raciste intrinsèquement et
Relaxe le prévenu :
- caractère commun : « assez largement répandue dans certains milieux, notamment chez beaucoup de jeunes gens, quels que soient leur "origine" ou leur sentiment d'appartenance »
- analyse sémantique : « Exprimant généralement un violent dépit mêlé d'une incoercible colère, elle est indifféremment utilisée sous forme d'interjection — la présence d'un tiers n'est pas indispensable — ou d'insulte particulièrement blessante, l'origine du tiers victime n'étant alors nullement déterminante. Comme d'autres insultes de la même veine, désormais devenues courantes — sinon communes — telles que "ta race", "fils de ta race", "putain de ta race", "je sodomise ta race", "va niquer ta race", "la putain de sa/ta race", "j'ai niqué ton chien", l'expression poursuivie ne stigmatise pas l'origine particulière ou identitaire réelle ou supposée de l'autre en le renvoyant à la race imaginaire de tous ceux que le locuteur entend, à cet instant, distinguer de lui. En renvoyant son interlocuteur à une race — mot à très forte charge émotionnelle et unanimement proscrit — non autrement qualifiée, ni précisée, le propos se veut performatif, faisant naître sur l'instant la race métaphorique et indistincte des gêneurs et des fâcheux à maudire. »
- analyse contextuelle : le tribunal fait également observer que les propos comprenant « ta race » sont fréquemment utilisés entre personnes de même origine, que ce soit dans le « spectacle de rue » ou dans les oeuvres de Fiction.
Richard Malka, avocat au Barreau de Paris commente la décision : « Le terme employé est incontestablement injurieux, ce qui n'empêche pas qu'il soit effectivement passé dans le langage courant. Les gens l'utilisent sans forcément viser la race. Pour que la qualification d'injure raciale soit retenue par le tribunal, il aurait fallu que les propos visent expressément la religion ou les origines de la personne. Or, cela ne semble pas être le cas. Le tribunal n'a pas retenu le caractère raciste de l'injure, mais il ne dit pas pour autant que cette expression n'est pas injurieuse. Cette décision ne m'étonne pas. Les tribunaux prennent de nombreuses précautions sur la notion d'injure raciale. Ils ne veulent pas voir la notion de racisme étendue à tout et n'importe quoi et ne la retiennent que lorsque c'est vraiment caractérisé, que l'intention de la personne peut être prouvée. Dans ce cas, un nouveau procès sous la qualification simple d'injure ne pourra pas être de nouveau ouvert, car la prescription pour ce genre de délit, dit "de presse", est de trois mois. Dans cette affaire, le demandeur s'est trompé de qualification en parlant d'injure raciale. »
Michel Fize, du Centre d'ethnologie française, note, par ailleurs, au sujet de l'emploi fréquent de ce genre d'insultes chez les jeunes : « Il faut se garder pourtant de prendre les mots au premier degré. Les "Nique ta mère" et autres "Enculé de ta race" sont avant tout des joutes oratoires, la mise en scène du défi entre potes. Des codes, plus que des insultes au sens ordinaire du terme. Le ludique, ici, est plus important que le dessein de nuire, de blesser. Au demeurant, les adolescents de banlieue continuent de dire leur attachement à leur famille. » Plus nuancé, un rapport de mutelles de santé sur les conflits de travail au sein de l'Éducation nationale note que les expressions à base de « ta race » gardent une composante de racisme ordinaire même s'« il s'agit moins d'un procédé de stigmatisation que d'un usage ludique de la visibilité ethnique imposé par le contexte pluriculturel des cités. »
Controverse sur le caractère homophobe
Le tribunal ne s'est pas prononcé sur le caractère éventuellement
homophobe ou
sexiste de l'injure, qui comprend le terme connoté « enculé », bien que la loi française réprime aussi ce genre de propos. Toutefois, le dictionnaire de l'Académie française (« personne méprisable ou stupide ») et le Trésor de la langue française informatisé (« Injure adressée à une personne considérée comme méprisable, sotte, dénuée de courage. ») donnent une acception exempte de référence à une quelconque pratique sexuelle.
L'insulte continue d'être considérée par certains comme relevant de l'homophobie, en particulier par les défenseurs de la dignité et des droits des homosexuels .
Origine et signification du complément ta race
Dominique Caubet,
professeure d'
arabe marocain à l'Institut national des langues et civilisations orientales, explique l'expression
de ta/sa mère ou, plus violemment, en raison de sa forte « charge » sémantique,
de ta/sa race, par l'influence du marocain dans les
banlieues françaises. L'auteur y voit une transposition de l'emploi similaire de
baba (papa) dans cette langue. (L'emploi de structures injurieuses directement calquées de l'
Arabe ou imitant celles-ci, comme « maudite soit la religion de ta race », est attesté plus généralement dans le langage des
immigrés maghrébins ou
leurs descendants, y compris dans la
Littérature.) Les expressions
sa/ta race/mère s'utilisent de manière
impersonnelle comme des
interjections, isolées ou non :
- « Putain de sa race ! Je suis naze. »
- « La chaise, sa mère, elle me gêne. »
- « Ça craint, sa race ! »
De manière personnelle, elles viennent en
Complément du nom d'une insulte :
- « Putain d'enculé de sa race la maudite. »
- « Enculé de ta mère » (!)
Ces expressions peuvent venir en complément d'objet direct d'un
Verbe normalement
intransitif, que ce soit sous forme personnelle ou non :
- « Festen, Festen ! Il déchire sa mère... » (Jamel Debbouze) = Festen est extrêmement bon.
- « Tu flippes ta race, bâtard ! » = Tu as vraiment la trouille
- « Barre ta race » = « Arrache ta race » = Fous le camp !
- « Il pleut sa mère. » = Il pleut à verse.
- « Ferme ta race! » = Tais-toi, ferme ta gueule!
- « Amène ta race! » = Viens-t'en, amène-toi!
- « je suis blindé, sa race! » = j'ai trop mangé, je n'en peux plus !
Dans ce dernier cas, l'emploi de l'expression peut être laudatif (« déchirer sa race ») ou dépréciatif (« barre ta race »). « Sa mère ou sa race s'utilisent donc pour marquer l'intensité, le haut degré, et fonctionnent comme particule énonciative. » (Dominique Caubet, ibid.)
Le sens de « race » est variable en français contemporain des cités, où il peut revêtir le sens de « genre » (« Il était menteur comme tous ceux de sa race »), en plus de celui communément accepté.
Dans la culture contemporaine
- « Enculé de ta race » ? Tiens... Tiens... Dorénavant tout est clair. Encore que... Enculé de quelle race ? De toutes tes races, ou d’aucune. (Pas facile de s’y retrouver, dans ce pataquès de métissage !) Le bougre a quand même du mal à faire deux choses en même temps (parler, agir et penser ; tiens, ça fait trois ! Mais la troisième est facultative). L’insulte s’est réduite à : « Ta race ! » De quoi ramper à tout jamais (en plus des doucines que tu te prends sur la figure), ou ériger la superbe en principe élémentaire, mon cher Malcolm X ou Y ! Tu te redresses, tu bombes le torse... (Suzanne Dracius)
- Et on retrouve ce vieux rocker, hébété, enculé jusqu’à l’os, grattant une guitare pourrie devant un feu de bois dans le désert de Gobi. Alors WSB dit : « Ça t’apprendra enculé de ta race pourrie à faire l’artiste, moi faut que j’gagne ma vie. » (Claude Pelieu)
- L'expression voisine La Putain de ta race est le titre d'un roman de Serge Jacquemard.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Notes et références
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