On appelle Grandes découvertes les découvertes géographiques qui marquèrent le monde occidental aux XVe et XVIe siècles, ainsi que certaines innovations de la même époque qui ont permis ces voyages ou qui en ont été le résultat.
Les représentations du monde avant les grandes découvertes
Dans l'Antiquité
La première carte du monde conservée est due à l'école ionienne, qui regroupe, à
Milet, les philosophes physiciens préoccupés de l'observation de la
Nature. Parmi ces philosophes,
Anaximandre (610-547 AEC) est le premier qui trace une carte globale et cohérente des terres connues. Mais, au temps d'
Homère, les Grecs pensent que la terre est plate, rectangulaire ou circulaire.
Anaximandre prête à la terre la forme d'un tambour, et lui donne même une épaisseur.
Parménide d'
Élée (école éléatique), lui, pense que la terre est sphérique, théorie qui ne persuade pas les philosophes de l'école ionienne.
À partir de Platon (428-348 av. J.-C.), on admet généralement, dans la Grèce antique, que la terre est sphérique. Platon la présente comme immobile et servant de pivot à l'univers tout entier. Eratosthène donne une estimation presque exacte de son rayon. Aristote (384 av. J.-C.- 322 av. J.-C.), Posidonios, Hipparque et les grands philosophes ultérieurs de la Grèce antique se rallient à la thèse de Parménide et de Platon. Hérodote estime encore que la terre est plate.
Seul Aristarque de Samos (310, ca 230 av. J.-C.) suggère que la terre pourrait tourner sur elle-même et autour du soleil.
Au
VIe siècle, Cosmas d'Alexandrie cherche à démontrer que la terre était, non pas sphérique comme le prétendaient les philosophes grecs de la période classique, mais plate et rectangulaire.
Certains explorateurs du Moyen Âge croient à l'existence de pays mythiques, qu'ils recherchent. Le plus connu est le royaume du prêtre Jean, que l'on situe en Éthiopie, et qui est un royaume chrétien, situé derrière les terres musulmanes, et qui est l'objet de nombreuses explorations. De plus, l'Ouest comporte de nombreuses connotations mythiques, il s'agirait du pays de l'or ou de l'antichambre du Paradis.
Cet univers mythique se "manifeste" quand Francisco de Orellana, voyant des femmes tirer à l'arc, nomme le fleuve près duquel elles habitent l'Amazone.
On retrouve des traces de la recherche d'un éden biblique, conformément à certains aspects de la Religion abrahamique, jusqu'au XVIe siècle, pour maints explorateurs au long cours dans les grands larges de l'Océan Pacifique, à la recherche du royaume mythique du Roi Salomon, auquel les légendes attribuent de richesses chimériques. Ceci explique le baptême des Îles Salomon, selon les observations de Álvaro de Mendaña.
À la suite des premières croisades, et sous l'influence du philosophe et savant Albert le Grand (entre 1193 et 1206 - 1280), et du philosophe Roger Bacon (1214 - 1294), un mouvement se dessine en faveur d'un retour à une conception sphérique et une connaissance scientifique de la Terre. On intègre alors ces connaissances dans les premières universités européennes, créées à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècles, avec les autres sciences transmises à partir du savoir islamique, très en avance sur le plan de l'Astronomie et de la Géographie, pour des raisons religieuses.
Du XIIIe siècle au XVe siècle, les connaissances géographiques s'accumulent considérablement en Occident : conception sphérique de la terre et philosophie (Platon, Aristote), Cartographie et Géographie (Ptolémée), retours des premiers grands voyages (Marco Polo).
L'arrivée de l'Imprimerie en occident au milieu du XVe siècle accélère considérablement la diffusion des ouvrages de cosmographie et de cartographie.
Le système de référence employé par les grands navigateurs inclue :
- les connaissances générales apportées par les philosophes de la Grèce antique
- les dimensions de la terre évaluées par Eratosthène, quasiment exactes, alors que celles de Ptolémée étaient entachées de certaines erreurs
- la Géographie de Ptolémée, redécouverte au moins au XIIe siècle, : elle affirme que la Terre est ronde. Cet ouvrage reste la référence de nombreux navigateurs. Cependant, la Géographie de Ptolémée comporte une erreur : un calcul erroné place l'Asie à la longitude du Mexique, ce qui explique en partie l'erreur de Christophe Colomb lorsqu'il arrive en Amérique
- les ouvrages du grand astronome arabe Al-Farghani (IXe siècle), qui font également autorité
- la mine d'informations géographiques ramenée par les missionnaires franciscains Guillaume de Rubrouck, envoyé de Saint-Louis à la cour du grand Khan de Mongolie
- les informations géographiques provenant des voyages de Marco Polo en Chine (aller par terre, et retour par mer), et l'information de l'existence de l'île de Cipango, c'est-à-dire du Japon
- l'Imago mundi du cardinal Pierre d'Ailly, écrite vers 1410, et imprimée en 1478. Christophe Colomb en possède un exemplaire
Globalement, le monde cultivé a donc parfaitement conscience que la terre est sphérique (ronde) depuis les XIIe et XIIIe siècles environ. Cependant :
- Il est probable que les classes moins cultivées continuent à croire au XVe siècle que la terre est plate (au XVIe siècle au Japon, François Xavier apporte l'information de la rotondité de la terre),
- On imagine que l'ensemble des terres émergées se trouve dans l'Hémisphère Nord, dans un secteur de 180° environ en Longitude, en fonction du voyage de Marco Polo au retour de l'Asie par mer. On n'imagine donc pas la partie sud de l'Afrique qui se trouve dans l'hémisphère austral,
- les contours des continents sont encore assez imprécis, ainsi que l'évaluation des distances.
Le chevalier anglais Jean de Mandeville, qui aurait fait un voyage en extrême orient pendant 34 ans, de 1322 à 1356, a une grande influence sur ses contemporains et au-delà, grâce à son livre des merveilles du monde, qui connaît une très importante diffusion dans différentes langues d'Europe.
Le plus ancien Globe terrestre conservé est le fait de Martin Behaim et date de 1491.
Conditions des grandes découvertes
Les exigences religieuses
Au
XVe siècle, l'idée de
Reconquista est forte dans la péninsule ibérique : les terres conquises sur les maures sont partagées entre les colons. Cependant, à la fin du XV
e siècle, il n'y a plus de terres à coloniser sur le continent, il devient donc nécessaire d'en trouver d'autres. La prise de Constantinople par les Turcs en 1453, soulève une grande inquiétude dans le monde chrétien. Rome encourage ainsi les Portugais à partir découvrir les côtes de l'Afrique afin de trouver un passage vers le sud pour continuer de commercer avec les Indes et « prendre contact avec les Chrétiens de l'Inde, qui existaient vraiment, mais qu'ils imaginaient beaucoup plus nombreux qu'ils n'étaient en réalité. (...) Ils étaient animés d'une profonde hostilité envers les musulmans (...) qui étaient à la fois pour eux des ennemis de la foi et des concurrents commerciaux ».
La pression économique
La pression économique pousse les hommes à découvrir de nouvelles terres. Ainsi, toutes les terres de culture de canne à sucre sont occupées en Europe, il est donc nécessaire de trouver d'autres terres. De même, les mines d'argent de
Bohême tendent à s'épuiser, on espère découvrir de nouveaux territoires comportant des mines. Enfin, le commerce des épices est sous le monopole de
Venise : on cherche donc de nouvelles routes pour gagner l'Inde afin de la concurrencer.
Les innovations techniques
Des
innovations techniques sont mises au point sans lesquelles les Grandes découvertes n'auraient pas été possible comme le gouvernail d'étambot. Des navires longs et plus manoeuvrables sont inventés : la caraque ou la caravelle. La
Caraque est un navire qui peut transporter beaucoup de marchandises, qui comporte quatre mâts et un château à l'avant et un à l'arrière ; la plus célèbre est la
Santa Maria de
Christophe Colomb. La
caravelle est un navire beaucoup plus petit.
Des objets de mesure pour faciliter la navigation sont mis au point : la Boussole, les cartes (portulans), les astrolabes et des arbalestrilles. Mercator réussit à faire des cartes plates qui représentent la surface courbe de la terre en respectant les angles.
Les découvertes portugaises
L'exploration des côtes africaines
Au XIV
e siècle, les Portugais occupent Madère, les Açores, les Canaries qu'ils perdent au XV
e siècle. Grâce au prince
Henri le Navigateur (
1397-
1460) qui réunit de nombreux savants, ces colonies sont récupérées et l'exploration des côtes africaines commence. Cette exploration est facilitée par la découverte du principe de la
Volta c'est-à-dire de la navigation utilisant les vents dominants. En
1441, des indigènes sont capturés, transportés et mis en esclavage, c'est le début de la
traite des noirs. En
1460, la
Guinée est atteinte et les Portugais ont le monopole du commerce africain qui comprend de l'or, de l'ivoire, des esclaves et de la
Malinguette (substitut africain du poivre). Un accord entre le roi et les commerçants a lieu : ces derniers possèdent le monopole du commerce en échange de la poursuite des explorations pour le Portugal. En
1475, l'Équateur est franchi : les navigateurs sont surpris par les changements des vents et du ciel. Dans ce contexte,
Cabral dérive lors d'une volta et découvre le
Brésil aux alentours de
1500. En
1488,
Bartolomeu Dias double le cap de Bonne Espérance.
La route des Indes
Après la découverte de l'Amérique, les Portugais veulent découvrir une autre
Route des Indes : ils envoient deux explorateurs, l'un par voie de terre,
Covilha et l'autre par voie de mer,
Vasco de Gama. Celui-ci contournera l'Afrique et ouvrira la route des Indes en
1498. À sa suite,
Pedro Alvares Cabral,
Francisco de Almeida et Alfonso de Albuquerque établissent des points d'appuis solides : Zanzibar, Calicut, Malacca. Des cartes des côtes et des vents sont aussi mises au point et permettent aux navigateurs de voyager avec les saisons.
Les découvertes castillanes
La découverte de l'Amérique
Article détaillé : . Christophe Colomb veut atteindre l'Asie par l'Ouest. Il s'adresse aux
Rois catholiques qui viennent de réussir la
Prise de Grenade et sont très attachés à l'idéal de
Croisade. Isabelle accepte, équipe trois bateaux et signe une capitulation avec le navigateur : Colomb devient amiral de la Mer Océane, obtient la vice-royauté dans les terres découvertes et 1/10
e des richesses. Le départ a lieu le
3 août 1492 et fait une escale aux Canaries.
Ils arrivent en
Amérique le
11 octobre et explorent la terre découverte pendant 3 mois. Le retour est dramatique : il ne reste que
La Niña et
La Pinta sur lesquelles les hommes s'entassent; après une escale à
Lisbonne, Colomb arrive à Palos en mars
1493. Trois autres expéditions ont lieu : en
1493,
1498 et
1502. Un début de conquête est tenté : des plantations sont installées. C'est un échec à cause des rivalités entre colons ou des massacres par des indigènes.
Amerigo Vespucci découvre par la suite que l'Amérique est un continent. En 1513, Balboa découvre l'
Océan Pacifique. Le partage du monde entre les Espagnols et les Portugais se fait par le pape par l'intermédiaire de la
bulle Inter Coetera en
1493 qui devient le traité de Tordesillas en
1494 : les Portugais ont le
Brésil et l'
Afrique et les Espagnols le reste de l'Amérique à l'ouest du Brésil.
Le tour du monde
Magellan veut contourner l'Amérique et rejoindre les Indes par l'ouest. Il se heurte à un refus des Portugais privilégiant toujours la route africaine mais obtient l'appui de
Charles Quint. Le départ a lieu le
10 août 1519 avec cinq navires. En
1520, le détroit de Magellan est franchi après un an passé dans le golfe de Rio de la Plata. Durant la traversée du Pacifique, Magellan est tué aux Philippines le
27 avril 1521. Au final Juan Sebastián Elcano revient à bord d'un seul navire chargé d'épices. Il regagne
Séville le
8 septembre 1522.
Annexes
Bibliographie
- (fr) Bartolomé et Lucile Bennassar, 1492 Un monde nouveau ?, Perrin, 1991, 273 pages, (ISBN 2-262-00752-7).
- (fr) Michel Chandeigne (dir), Lisbonne hors les murs. 1415-1580. L'invention du monde par les navigateurs portugais, Autrement, 1992, 285 pages, (ISBN 2862603090).
- (es) Juan Gil, Mitos y utopías del Descubrimiento, Madrid, Alianza, 1989. Trois volumes.
- (fr) Guy Martinière et Consuelo Varela (dir), L'État du monde en 1492, La Découverte, 1992, 638 pages, (ISBN 2-7071-2080-4).
Articles connexes
- Liste des explorateurs
- Aventurier : maints protagonistes de ces grandes découvertes
- Monde (univers)
- Chronologie des explorations
- Contacts trans-océaniques précolombiens
Notes et références
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