Les
Tanzimat ("réorganisation" en
Turc osmanli) furent une ère de réformes dans l'
Empire ottoman qui durèrent de
1839 à
1876, date à laquelle fut promulguée la Constitution ottomane, suivie de l'élection d'un premier
Parlement ottoman, dissous deux ans plus tard par le Sultan
Abdülhamid II, qui ne rétablit la constitution et le parlement qu'après la révolution des
Jeunes-Turcs en
1908, après trente ans de stagnation et de monarchie absolue.
Cet ambitieux projet fut lancé pour tenter de combattre le lent déclin de l'Empire qui avait vu son assiette territoriale lkllllse réduire et sa faiblesse s'accroître par rapport aux autres puissances européennes, faisant de lui "l'homme malade de l'Europe".
Le Sultan Mahmud II avait préfiguré ces réformes, notamment par une déclaration officielle de 1830
- Je fais la distinction entre mes sujets, les musulmans à la mosquée, les chrétiens à l'église et les juifs à la synagogue, mais il n'y a pas de différence entre eux dans quelque autre mesure. Mon affection et mon sens de la justice pour tous parmi eux est fort et ils sont en vérité tous mes enfants. (Kaynar 1954, p.100, reprod. in Karal 1982)
1839
La première réforme, le
Hatt-i Sharif de Gülhane (noble rescrit de la Chambre rose) de
1839, fut l'oeuvre du Sultan
Abdülmecid Ier. Cet édit dressait la liste et le cadre général des réformes à venir, qui furent supervisées par des bureaucrates instruits importés d'autres pays européens. Une bonne partie d'entre elles étaient des tentatives de greffer des
bonnes pratiques européennes sur l'Empire: la
Conscription universelle, la réforme de l'enseignement, l'élimination de la
Corruption, l'égalité entre tous, quelle que soit leur religion. Un Conseil des ordonnances judiciaires (Meclis-i Ahkam-i Adliye) fut mis sur pied pour mettre en oeuvre ces objectifs.
Bien que ce rescrit ait été présenté à l'époque dans la presse occidentale, en France notamment, comme une constitution, il en était encore loin. La liberté de religion et de croyance n'était pas instituée d'une manière non équivoque, de même que l'égalité politique entre musulmans et non-musulmans. Dans la pratique, les communautés non-musulmanes reconnues bénéficiaient de la liberté de religion, certains non-musulmans remplissaient des fonctions auxiliaires au sein des institutions ottomanes, interprètes, envoyés spéciaux, mais aussi, d'une manière informelle, des Grecs, des Arméniens et des Juifs travaillaient comme médecins , secrétaires et conseillers pour divers sultans et notables pendant la première moitié du XIXe siècle.
1856
En
1856 fut proclamé le Hatt-i Humayun (rescrit impérial) étendant l'application des réformes en garantissant l'égalité entre tous les citoyens ottomans sans distinction de religion, ce qui permettait dès lors aux non-musulmans d'entrer dans la fonction publique et de s'inscrire dans les écoles publiques tant militaires que civiles.
Concrètement, en une décennie les non-musulmans représentèrent la moitié des diplomates ottomans en poste à l'étranger, des Grecs et des Arméniens furent nommés ambassadeurs à Londres, Paris, Bruxelles, Berlin, Vienne et Saint-Pétersbourg.
1876
Les réformes culminèrent en
1876 avec la rédaction et l'entrée en vigueur d'une Constitution ottomane contrôlant les pouvoirs autocratiques du sultan. Le nouveau Sultan
Abdülhamid II la signa, mais ne mit pas longtemps avant de la suspendre, de même que le
Parlement ottoman, entamant ainsi trois décennies de contre-réformes conservatrices.
Bilan
Les Tanzimat ont eu des conséquences durables et étendues (
Génocide arménien), notamment parce que les futurs leaders des
Jeunes-Turcs et les dirigeants de la République de
Turquie, mais aussi ceux du
mouvement nationaliste arabe, furent instruits dans des écoles mises sur pied grâce à ces réformes. La
Nahda, renaissance arabe du
XIXe siècle, constitua dans une certaine mesure un mouvement culturel parallèle aux Tanzimat, notamment par l'introduction d'un système d'enseignement de type européen qui permit la création d'une élite instruite concurrente des notables féodaux et du clergé et donc ferment révolutionnaire.
Bibliographie
Sources
-
- Enver Ziya Karal, Non-Muslim representatives in the First Constitutional Assembly, 1876-1877, in Benjamin Braude and Bernard Lewis (eds), Christians and Jews in the Ottoman Empire - The functioning of a plural society, New-York & London, Holmes & Meier Publishers inc., 1982, vol.I, pp.387-400, ISBN 0841905193
- Nora Lafi, Une ville du Maghreb entre ancien régime et réformes ottomanes. Genèse des institutions municipales à Tripoli de Barbarie (1795-1911), Paris, L'Harmattan, 2002, 305 p.
- Nora Lafi (dir.), Municipalités méditerranéennes. Les réformes municipales ottomanes au miroir d'une histoire comparée? Berlin, K. Schwarz, 2005.
Autres ouvrages cités via les sources
- Reşat Kaynar, Mustafa Paşa ve Tanzimat, Ankara, 1954