Pour les articles homonymes, voir Corrado Gini (homonymie).
Corrado Gini (23 mai 1884 - 13 mars 1965) Personnage contrasté, aux multiples facettes, est surtout connu comme statisticien, démographe, ethnologue, sociologue mais aussi idéologue italien.
On lui doit le Coefficient de Gini, une mesure de l'inégalité de revenu dans une société donnée. Gini a aussi contribué à l'idéologie fasciste en écrivant Les bases scientifiques du fascisme en 1927.
Dirigeant des études ethnologiques, il contribuera durant la Shoah à sauver une population juive de Lituanie.
Carrière
Gini est né le 23 mai 1884 à
Motta di Livenza, près de
Trévise, dans une ancienne famille de propriétaires terriens.
Les débuts
Entré à la faculté de droit de l'université de Bologne, il y fut vite considéré comme un
surdoué et de fait, il y étudia en plus du droit, les
Mathématiques, l'économie et la
Biologie...
Ses travaux scientifiques ont porté sur les sciences sociales et les statistiques.
Sa première publication fut Il sesso dal punto di vista statistico (1908).
En 1910, il accède à la chaire de statistiques de l'université de Cagliari et à celle de Padua en 1913.
Il créa le journal de statistiques 'Metron' en 1920 qu'il dirigea jusqu'à sa mort et dans lequel il n'accepta jamais aucun article n'ayant pas d'applications pratiques.
La reconnaissance universitaire mais aussi politique
Il devint professeur de l'université de Rome en
1925. Il y fonda un cours de lecture sur la sociologie, qu'il enseigna jusqu'à sa retraite. Il mis en place aussi l'école de statistiques, en
1928, et, en 1936, la faculté de statistiques, démographies et des sciences actuarielles.
En 1929, Gini fonda le comité italien pour l'étude des problèmes de population (Comitato italiano per lo studio dei problemi della popolazione), qui organisa, deux ans après, la première conférence sur la population à Rome.
En 1926, il a été nommé président de l'institut central des statistiques de Rome. Il démissionna en 1932 en protestation de l'interférence de l'état fasciste. Gini, ne s'intéressait pas vraiment à la politique; il pensait (peut-être naïvement) qu'un homme de sciences pour conserver sa pleine objectivité, pouvait et même devait s'affranchir du contexte politique et des contraintes afférentes.
En 1933 Gini fut élu vice-président de lInstitut International de Sociologie.
En 1934 - président de la 'Société Italienne de Génétique et d'eugénisme'. En 1934 - président du 'Comité italien pour l’étude des problèmes de populations'.
En 1935 - président de la 'Société of the International Federation of Eugenics Societies in Latin-language Countries'.
En 1937 - président de la 'Société Italienne de Sociologie'.
En 1941 - président de la 'Société Italienne de Statistiques'.
Dans le domaine de la statistique descriptive Gini a introduit le concept de différence moyenne défini comme :
g = | 1 ––––––––– n (n-1) | Σ i,j | |x i -x j | |
Lequel calcul avait été déjà publié en réalité en 1869 par Jordan, mais Gini revisita cet indicateur au point qu'il porte maintenant son nom.
Gini et le fascisme
Le fascisme, Gini comme tant d'autres italiens, ne put y échapper ! De 1941 à 1957, pour lui comme pour le monde, se joua et se déjoua la drame de cette doctrine totalitaire. Bien qu'enthousiaste dans les années 1920 pour cette nouvelle idéologie, Gini qui au début se sentait 'comme grisé' comprit rapidement qu'il devait adopter à son égard, une attitude de
neutralité stricte et s'en éloigna progressivement. Et bien que 'non- fasciste' (attention Gini n'était pas cependant 'anti- fasciste'), il fut pourtant en tant que personnage officiel, assimilé à l'État mussolinien et la tourmente de l'après-guerre lui apporta la disgrâce. Il fallut attendre
1957 pour que ses mérites politiques (ses mérites scientifiques et pédagogiques l'étant depuis longtemps) soient enfin reconnus et qu'il reçoive :
La médaille d'or de l'Éducation pour
l'ensemble de son oeuvre et les services rendus à l'École Italienne.
En 1959, désirant, toujours en accord avec son propre caractère, Poursuivre son étude scientifique de la question des populations, y compris dans ses aspects les plus difficiles et les plus controversés, il fonde avec Robert Gayre of Gayre, R. Ruggles Gates et Henry E. Garrett, l'IAAEE : International Association for the Advancement of Ethnology and Eugenics. Il est évident que l'abord de tels sujets échappe au consensus généralisé et beaucoup lui en tiendront, une nouvelle fois, grief...
En 1962 il fut élu membre national de l'Accademia dei Lincei.
Bibliographie
- Carl Ipsen, Dictating Demography: The Problem of Population in Fascist Italy Cambridge UP, 1996.
Un haut fait : Gini épargne la Shoah à une population juive
Au cours des années Trente, une étude contribue au devenir des
Karaïmes face à la barbarie nazie menaçante en Europe. En
1934 le
Comité italien pour l’étude des problèmes de populations, dirigé par l'économiste Corrado Gini, envoie plusieurs enquêteurs-rapporteurs en mission en Pologne et en Lituanie auprès des communautés
Karaïmes. Par rapport à la population juive traditionnelle, ils notent des conditions de vie plus confortables, et surtout une tradition d’agriculture et d’horticulture très spécifiques. Ces enquêteurs exposent dans leur rapport, les relations des Karaïmes avec les autres communautés : les notables karaïmes insistent notamment sur leurs bonnes relations avec la population locale et notamment les Tatars (peuple d’origine turque également) mais sur l’absence de relations avec la population juive. De leur côté les enquêteurs relèvent une attitude anti- rabbinique de la population karaïme, ce qui correspond à une tendance avérée des Karaïmes de la zone de se démarquer des Juifs depuis la fin du XVIIIe siècle, en se fondant le plus possible à la population locale. D’ailleurs rien dans leur costume quotidien, en dehors parfois d'un couvre-chef particulier de type turc, ne les distingue, dans la rue, du reste de la population.
Cependant, avec la montée du nazisme, la question de leur appartenance au judaïsme se pose avec une acuité cruciale. Dès 1938 une décision du « Bureau du Reich allemand pour les recherches sur la race », à Berlin, décrète que la « secte des Karaïtes » ne doit pas être considérée comme une communauté juive.
Néanmoins, la discussion se poursuit, impliquant des spécialistes d’anatomie, de paléontologie, de droit, de philologie... Selon les uns il s’agirait de turco-tatars convertis au judaïsme, donc « racialement » non juifs, pour d’autres il s’agirait d’un groupe ethnique mal défini mais de toute façon 'impur' selon la terminologie nazie. Ceci est largement exposé par R. Freund et S. Szyszman (Opii cités 1 & 3). Finalement c’est aussi dans les ghettos que se joue le sort des Karaïmes de Lituanie et de Pologne. L'occupant y contraint des scientifiques et érudits juifs, à traduire de l’hébreu des textes anciens concernant les Karaïmes, nécessaires aux études des enquêteurs italiens. Le rapport final dirigé par Gini en personne de termine ainsi : In fine, nous devons rendre une conclusion distinguant nettement les Karaïmes des Juifs.. Et tous les observateurs avertis (Freund, Pourchier-Plasseraud, Szyszman ...) s'accorderont sur ce point : L'orientation des études amena à cette conclusion qui fut rédigée dans un but de sauvetage bien évident.
Finalement les nazis, s’appuyant notamment sur le rapport de Gini et s’attachant à leur bonne intégration à la population locale mais également aux stéréotypes du karaïme « anti-juif », militaire et agriculteur, tranchent en faveur des Karaïmes.
Bibliographie concernant cette étude
- 1.Freund, Roman. « Karaites and dejudaisation. A historical review of an endogenous and exogenous paradigm ». Acta Universalis Stockholmiensis. Stockholm studies in comparative religion.
- 2.Pourchier-Plasseraud, Suzanne. Revue Diasporiques n° 24: « Les Karaïmes en Lituanie », Paris, déc. 2002.
- 3.Szyszman, Simon. « Le karaïsme, ses doctrines et son histoire ». L’Âge d’homme, éd. sn, Paris, 1980.
Honneurs
- Économiste par l'Université Catholique du Sacré Coeur de Milan (1932),
- Sociologie par l'Université of Genève (1934),
- Sciences par l'Université d'Harvard (1936),
- Sciences sociales par l'Université de Cordoba, Argentine (1963).
Corrado Gini mourut à l'aube du 13 Mars 1965.
Publications (liste non exhaustive)
- Il sesso dal punto di vista statistica : le leggi della produzione dei sessi (1908)
- Sulla misura della concentrazione e della variabilità dei caratteri (1914)
- Quelques considérations au sujet de la construction des nombres indices des prix et des questions analogues (1924)
- Memorie di metodologia statistica. Vol.1 : Variabilità e Concentrazione (1955)
- Memorie di metodologia statistica. Vol.2 : Transvariazione (1960)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) Biographie de Corrado Gini au Metron, le journal de statistiques qu'il fonda (www.metronjournal.it)
- (en) [pdf] Article sur « Corrado Gini et les Statistiques italiennes pendant l'époque du fascisme » par Giovanni Favero (Juin 2002) (www.eh.net)