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Les Gueonim (ou Gaonim, ou ghe'onim) (Hébreu: םינואג, sing. Gaon ןואג, fierté, ou génie en Hébreu moderne) sont les autorités juives halakhiques succédant aux Sages qui avaient fixé le Talmud. Directeurs des grandes académies talmudiques de Babylone, leurs enseignements furent suivis par une grande partie des communautés juives dans le Haut Moyen Âge.
L'ère des Gueonim s'étend de 589 (4349 dans le calendrier hébraïque), à 1038 (4798).
Institution
C'est en 589 que Rav Hanan d'Ishikya devint le premier
gaon de Poumbedita.
Il y avait deux Gueonim, et ils étaient les chefs des deux grandes yeshivot (écoles religieuses) de Sura et Pumbedita, en Babylonie (Irak actuel). La centralité des écoles Babyloniennes s'explique par le poids démographique des communautés locales, mais aussi par la proximité avec le coeur de l'Empire arabe dont les Gueonim sont des dignitaires d'une certaine importance.
Les Gueonim jouèrent un rôle capital dans l'enseignement et la transmission de la Torah et la Halakha. Ils enseignaient le Talmud de Babylone et décrétaient des taqanot (règles, mises au point) sur des sujets pour lesquelles aucune règle n'avait été établie du temps de leurs prédécesseurs.
Pouvoirs religieux et conflits
L'ère des
Gueonim se situe au coeur d'un triple conflit de pouvoir interne à la communauté juive. De ces trois conflits, les
Gueonim sortent vainqueurs.
Le premier conflit opposent au rosh ha-gola, le « chef de l'exil », ou Exilarque. Celui-ci était le représentant officiel du judaïsme de l'empire auprès des autorités musulmanes. À l'origine, il nommait les deux Gueonim, « mais avec le temps, ces dignitaires, parfois soutenus par les banquiers de la cour, montent en puissance. Certes, la fonction de rosh ha-gola perdure, mis l'essentiel de ses fonctions séculières passe désormais aux ghe'onim ».
Le second conflit oppose les deux Gueonim babyloniens, appuyés sur le Talmud de Babylone à la Yeshiva d'Eretz-Israël, installée en Palestine, et appuyée sur le Talmud de Jérusalem. Les deux académies de Babylone rayonnaient sur une large partie du moyen-orient, celle de Palestine sur la Palestine (Eretz-Israël), sur la Syrie, le Liban et l'Égypte. Par contre, les autres communautés, en particulier celles d'Afrique du Nord et d'Espagne, n'avaient pas d'académies autonomes, et devaient s'adresser aux académies Moyen-Orientales, dès lors en conflit pour l'influence. Au Xe siècle, les académies de Babylone ont imposé leurs lecture religieuses et l'usage du Talmud de Babylone est devenu dominant, sauf dans le périmètre de la Yeshiva palestinienne proprement dit. Ainsi, au Xe siècle, Saadia ben Joseph Gaon parvient à arracher à la Yeshiva d'Eretz-Israël son monopole de fixation de la date de la Pâques. L'ancien conflit, et la victoire des Gueonim se lit donc encore aujourd'hui dans l'usage majoritaire du talmud de Babylone.
Le troisième conflit oppose l'ensemble du Judaïsme rabbinique au judaïsme karaïte. Dans ce conflit de plusieurs siècles (à partir du VIIIe siècle), les Gueonim jouent un rôle important, en particulier Saadia ben Joseph Gaon, souvent considéré comme le principal artisan du reflux du Karaïsme à travers son oeuvre exégétique, philosophique mais aussi polémiste.
Disparition des Gueonim
L'institution des
Gueonim entra en déclin avec le déclin de l'
empire abbasside, auquel elle était fortement liée.
Le dernier gaon de Poumbedita fut Rav Haï Gaon, décédé en 1038.
Le dernier gaon de Soura fut Rav Samuel ben Hofni, décédé en 1034.
Abraham ibn Dawd Halevi rapporte une tradition selon laquelle, peu avant la fin de Soura, quatre Sages quittèrent l'académie babylonienne pour collecter des fonds. Ils furent séparés et s'installèrent dans différents pays autour de la Méditerranée, contribuant à transmettre l'héritage de Soura. Il s'agit de :
- Shemariah ben Elhanan en Egypte
- Houshiel ben Elhanan (950-980) à Kairouan. Son fils, Rabbenou Hananel, fut entre autres l'auteur d'un commentaire du du Talmud, figurant dans les éditions modernes, et dont s'inspira Rachi. Houshiel eut également comme disciple Jacob ben Nissim ibn Shahin
- Nathan ben Itshaq Kohen à Narbonne
- Moshé ben Hanok à Cordoue. Il eut comme disciple son fils Hanok et Joseph ben Itshaq ibn Abitour
Une lettre autographe de 'Houshiel, découverte dans la
Gueniza du Caire par Solomon Schechter, et adressée à Shemariah ben Elhanan, grand rabbin du Caire, supposé avoir été capturé en même temps que 'Houshiel, tend à indiquer que le récit d'ibn Dawd constitue un mythe étiologique pour expliquer le déplacement du centre intellectuel de la Babylonie à l'Afrique du Nord et l'Espagne.
Au XVIIIe siècle, le rabbin lituanien Elie (Elyahou) ben Shlomo Zalman Kramer (1720 – 1797) a une telle aura auprès de ses disciples qu'il obtient le surnom de Gaon de Vilna, preuve du prestige encore prêté à ce rôle des siècles après la disparition de l'institution.
Liste des Gueonim les plus connus
Sura
- Mar bar Rav Houna (591-609) premier Gaon de Sura.
- Yehoudaï Gaon (757-761) Halakhot Pesoukot, Halakhot Ketsouvot (responsas).
- Shimon Kayra Halakhot Gedolot (responsa) vers 840.
- Amram Gaon (858-871) Siddour Rav Amram Gaon (livre de prière).
- Saadia Gaon (928-942) Emunoth veDeot, Azarot, Siddour, haIgaron, Sefer haShtarot
- Joseph ben Yaaqov ben Satia (942-948). Abandonne Sura en 948. Fin de Sura.
- Samuel ben Hofni (997-1013). Beau-père de Haï Gaon de Pumbedita. Nommé par Haï pour relever Soura. Dernier Gaon de Sura.
Pumbedita
- Hanan d'Ishikya, (589-600) premier Gaon de Pumbedita.
- Ahaï Gaon de Shabha, Sheiltot deRav Ahaï Gaon (responsa), IXe siècle.
- Sharira Gaon, (967-1007) Igueret Rav Sharira Gaon (sur le Talmud)
- Haï Gaon, (1005-1038) Shearim deRav Haï Gaon (lois sur la finance), dernier Gaon de Pumbedita.
Notes et références