Wesley Cook, mieux connu sous le nom de
Mumia Abu-Jamal, est un
Journaliste et
Militant afro-américain né le
24 avril 1954 à
Philadelphie (
Pennsylvanie,
États-Unis d'Amérique). Il est surtout connu pour avoir été condamné, en
1982, à la peine de mort pour le meurtre de Daniel Faulkner, un
policier de
Philadelphie. Il a reçu le soutien international en faveur de sa libération et/ou, pour l'organisation d'un nouveau procès. Il est devenu un symbole pour beaucoup d'opposants à la peine de mort.
En décembre 2001, sa condamnation à mort a été annulée par un tribunal fédéral sur la base de certaines irrégularités, tandis que le tribunal refusait de reconsidérer le fond de l'affaire ou d'autoriser un appel. Le procureur et les avocats de Abu-Jamal ont tous deux fait appel de la décision.
Le 27 mars 2008, une cour d'appel fédérale américaine a annulé sa condamnation à mort pour un vice de procédure mais confirmé toutefois sa culpabilité dans le meurtre du policier, écartant tout nouveau procès. Sauf appel de l'accusation, la peine devrait être automatiquement commuée en réclusion criminelle à perpétuité.
Biographie
Né Wesley Cook, Mumia choisit ce prénom
Swahili au lycée suite a des cours sur la culture africaine d'un professeur kenyan et y ajoute « Abu-Jamal » (père de Jamal en arabe) à la naissance de son premier fils, Jamal.
Abu-Jamal raconte que sa vocation d'activiste est née en 1968, à Philadelphie, alors qu'il est arrêté et battu pour avoir protesté contre le candidat pro-ségrégationniste à l'élection présidentielle, George Wallace, ancien gouverneur de l'Alabama.
Dès 1969, le jeune homme est chargé de l’information à la section de Philadelphie du Black Panther Party.
Devenu journaliste de radio, Abu-Jamal attire l'attention pour sa capacité à créer des atmosphères dans ses billets qui mélangent le journalisme traditionnel et les préoccupations sociales. Les problèmes de Abu-Jamal commencent lorsqu'il devient un admirateur du groupe radical MOVE. En mai 1980, neuf des membres de MOVE avaient été condamnés suite à la mort d'un officier de police au cours d'une intervention dans un local de MOVE. Cette condamnation avait outragé Abu-Jamal qui couvrait MOVE pour la station de radio WHYY, et ses billets devinrent de plus en plus militants, posant un problème à la station qui finit par le licencier. Lorsqu'en janvier 1981, un magazine de Philadelphie le liste dans les personnalités à suivre, Abu-Jamal a perdu depuis quelques mois son poste à la radio qui l'employait, et est devenu chauffeur de taxi.
Depuis sa condamnation à mort pour le meurtre de Daniel Faulkner, Abu-Jamal est emprisonné dans l'aile de sécurité maximale de la prison de Greene, près de Waynesburg, en Pennsylvanie.
Le meurtre de Daniel Faulkner et le procès de Mumia Abu-Jamal
Aux premières heures du
9 décembre 1981, Mumia Abu-Jamal, qui conduisait son taxi, intervient alors qu'un policier, Daniel Faulkner, contrôle son frère, William Cook. Une fusillade s'ensuit au cours de laquelle le policier est atteint par deux balles, une dans le dos, et une tirée quasiment à bout portant alors qu'il est à terre, en pleine face. Lorsque les policiers arrivent sur place quelques instants après la fin de la fusillade, ils découvrent leur collègue mort et Abu-Jamal assis sur le trottoir, une balle dans la poitrine. Près de lui, par terre, un revolver de calibre 38 qu'il avait acheté deux ans et demi plus tôt, cinq étuis vides dans les logements du barillet. Arrêté, il est accusé du meurtre du policier et condamné à la
Peine de mort en juillet
1982. Rapidement, l'enquête et le procès sont contestés.
Le calibre de l'arme du crime
Du point de vue de l'arme et des expertises balistiques, certains défenseurs d'Abu-Jamal relèvent que la thèse selon laquelle la balle extraite du crâne du policier proviendrait du révolver calibre 38 de Mumia est contradictoire avec le rapport du médecin légiste qui parle d'une balle de .44.
Les experts balistiques (dont celui désigné par les avocats de Abu-Jamal) ont cependant confirmé que la balle était compatible avec un calibre 38, tandis que le médecin légiste a témoigné du fait que cette mention, qui n'était pas sur son rapport définitif, était une simple annotation sur un document de travail et était sans importance vue son incompétence en matière balistique.
L'utilisation de l'arme de Abu-Jamal
Un autre élément souvent relevé (y compris par
Amnesty International) est le fait qu'aucun test n'ait été fait sur l'arme d'Abu-Jamal pour déterminer si le révolver avait tiré récemment. Cependant, ce type de test n'existe pas, et l'homme à l'origine de cet argument est George Fassnacht, l'expert des avocats de Jamal, qui suggérait que l'on aurait du « renifler » le révolver pour pouvoir déterminer la présence d'une odeur de poudre.
Témoignages
Les défenseurs d'Abu-Jamal estiment que les éléments apportés par les témoins furent contradictoires, que certains d'entre eux ont été modifiés suite à des pressions policières, sans que les originaux aient été présentés au jury, ou que des témoins importants pour la défense d'Abu-Jamal n'ont pas pu témoigner lors du procès de 1982.
Parmi ceux-ci, celui de William Singletary, qui affirma ne pas avoir témoigné en 1982 suite à des pressions policières, et qui témoigna que Mumia n'avait pas tiré sur l'agent de police et qu'il avait vu une autre personne s'enfuir vers une allée. Le témoignage de Singletary souleva néanmoins quelques doutes: d'une part il évoque un hélicoptère qui cercle au-dessus de la scène du crime en l'illuminant, alors que la police de Philadelphie n'en était pas équipée; d'autre part, William Singletary décrit l'agent Faulkner tirant sur Abu-Jamal après que le tireur se soit enfui, c'est-à-dire à un moment où Faulkner a déjà reçu une balle dans la tête et est moribond .
En juin 1999, un ancien tueur à gages, Arnold Beverly, affirme avoir tué l’officier Faulkner dans le cadre d’un contrat mêlant police et mafia. Initialement, les avocats de Jamal décident de ne pas utiliser ce témoignage qu'ils considèrent comme peu crédible. Cette décision provoque une rupture dans l'équipe des avocats. Pourtant, en 2001, les avocats restants, Dan Williams et Leonard Weinglass, sont renvoyés par Abu-Jamal et remplacés par de nouveaux avocats qui commencent à utiliser le témoignage de Beverly. Les aveux de Beverly sont cependant rejetés par les tribunaux parce qu'en contradiction avec les faits et les témoignages et que personne n'a pu produire une quelconque preuve ou témoignage de sa présence sur les lieux.
Par ailleurs, sous la direction plus « agressive » de cette nouvelle équipe d'avocats, Abu-Jamal déclare pour la première fois, dans un Affidavit de mai 2001 ne pas avoir tiré sur Daniel Faulkner.
Enfin, le 29 avril 2001, le frère de Abu-Jamal, William Cook dépose un affidavit où il affirme qu'il n'a pas vu tirer son frère.
Facteurs ayant pu influencer le jugement ou l'inculpation de Jamal selon ses défenseurs
La partialité du juge Sabo
L'impartialité du juge Sabo est mise en cause par les défenseurs de Mumia Abu-Jamal. Ils basent leur argumentation sur le déroulement du procès, considéré comme déséquilibré en faveur de l'accusation , et le témoignage d'une des greffières du procès qui aurait entendu le juge dire «
je vais les aider à faire griller ce nègre ».
L'hostilité policière vis-à-vis de Jamal et de MOVE
Selon ses défenseurs, Abu-Jamal aurait été surveillé par le FBI, en raison de ses reportages socialement critiques et de son ancienne appartenance aux
Black Panthers. De même, la sympathie de Jamal pour l'organisation MOVE, en conflit avec la police de Philapdelphie put jouer en sa défaveur.
La collusion des pouvoirs de la ville
Le maire de Philadelphie, Frank Rizzo, qui avait été auparavant commissaire de police de la ville, et qui n'avait pas hésité à tenir des propos racistes lors d'une de ses campagnes fut, avec d'autres fonctionnaires de la ville, inculpé par le ministère de la Justice Américain pour approbation d'abus policier.
Par ailleurs, l'intégrité de la police de Philadelphie est contestable: en 1995 par exemple, six de ses membres furent jugés coupables de fabrication de fausses preuves et de détournement de fonds.
Évolution de la sentence
En décembre 2001, un juge fédéral, William Yohn, annula la condamnation à mort d'Abu-Jamal sur la base de certaines erreurs procédurales relevées dans le prononcé de la sentence au cours du premier procès. Il confirme toutefois la culpabilité d'Abu-Jamal dans le meurtre de l'agent de police Daniel Faulkner.
Les avocats d'Abu-Jamal ont fait appel de cette décision car elle met fin aux espoirs d'Abu-Jamal d'obtenir un nouveau procès sur la base de ce qu'ils estimaient être de nouvelles preuves, tandis que le procureur a fait appel de la même décision car elle annulait la condamnation à mort. Cette procédure d'appel n'a pas encore été jugée en février 2007.
Le 27 mars 2008, une cour d'appel fédérale américaine annulait sa condamnation à mort pour un vice de procédure mais confirmait le verdict d'origine, écartant ainsi toute révision du procès . La cour a en effet estimé que, lors du procès en 1982, les jurés avaient pu croire à tort qu’ils devaient s’accorder unanimement sur les circonstances atténuantes pouvant épargner la peine de mort au condamné. Si l'accusation ne requière pas à nouveau dans les délais la condamnation à mort devant un nouveau jury, la peine sera alors automatiquement commuée en réclusion criminelle à perpétuité. A la suite de la décision de la cour d'appel, les avocats de Mumia Abu-Jamal ont affirmé qu’ils feraient cependant à nouveau appel pour obtenir un nouveau procès .
Opinions exprimées
- Amnesty International, tout en refusant de prendre position sur la question de la culpabilité d'Abu-Jamal, relève que celui-ci n'a apparemment pas pu être défendu correctement, souligne les contradictions des témoins, les possibles pressions policières, et estime qu'un nouveau procès est nécessaire.
- En 1998, ABC News consacre une émission à l'affaire et conclut que la défense de Jamal ne contient aucun élément convaincant. L'émission relève notamment que les examens balistiques ont en fait été effectués et ont lié la balle extraite du corps du policier à un .38, c'est-à-dire correspondant à l'arme d'Abu-Jamal (point admis par l'expert désigné par l'avocat de Abu-Jamal), que les témoignages présentés par la défense (pour supporter l'idée d'un tueur fuyant la scène) sont fragiles et contradictoires et que le frère d'Abu-Jamal, William Cook, n'avait jamais défendu son frère.
- Selon The American Lawyer, une publication de Court TV, Jamal a certainement tué Faulkner mais peut-être pas dans les circonstances décrites par l'accusation et son procès, qui n'a pas été un modèle du genre et devrait être refait.
Mobilisation
Une mobilisation internationale s'est formée et a fait d'Abu-Jamal un symbole de la lutte contre la peine de mort. Des centaines d'organisations politiques et d'associations comme Amnesty International ont remis en cause le procès d'Abu-Jamal. Le groupe Rage against the machine a beaucoup milité pour sa libération, notamment à travers les chansons
Freedom et
Voice of the voiceless et le groupe Anti-Flag qui milite pour la libération de Mumia Abu-Jamal (ainsi que tous les prisonniers politiques) dans la chanson
Mumia's Song. En France, le Collectif unitaire national de soutien à Mumia Abu Jamal a son siège au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples.
Certains ont cependant émis des réserves sur le risque qu'il y a à identifier la lutte contre la peine de mort et Abu-Jamal. D'autres, tels The America Lawyer ou Michael Moore, estiment que Abu-Jamal a vraisemblablement tué Daniel Faulkner, mais insistent sur la nécessité d'un procès équitable et, dans le cas de Moore, sur la nécessité de s'opposer à l'application de la peine de mort.
En France, avec l'appui de lAssociation Américaine de soutien à Jamal, 80 associations et organisations politiques, à travers un ouvrage intitulé "l'affaire qui accuse la justice américaine" (réactualisé en 2006) remettent en cause le procès de 1982 et la culpabilité de Mumia.
En 1999, Mumia Abu-Jamal est fait citoyen d'honneur de Bobigny, et son maire Bernard Birsinger lui rend visite dans le couloir de la mort. De nombreuses villes lui attribueront cette distinction : Malakoff, Villejuif et plusieurs dizaines de villes françaises et de grandes métropoles étrangères à l’instar de San Francisco, Palerme et Venise. D'autres, tel Drancy (2005) adoptent un voeu pour interpeller l'ambassadeur de France concernant le cas de Mumia Abu-Jamal.
En octobre 2003, Abu-Jamal est fait citoyen honoraire de la ville de Paris par Bertrand Delanoë .
En 2006, la ville de Saint-Denis donnera son nom à une rue.
Le 11 novembre 2006, la ville américaine de Philadelphie dépose plainte pénale contre les villes de Paris et de Saint-Denis pour apologie de crime,. Cette plainte fait suite à une première protestation de parlementaires du Congrès des États-Unis. Interrogé par l'AFP, Le porte-parole du maire de Paris a répondu que « cet acte a symbolisé le refus de la peine capitale ».
Voir aussi
Bibliographie
- Dave Lindorff, Killing Time, Common Courage Press, 2003. (ISBN 1567512283)
Liens externes
Notes et références
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