Paul Rassinier (
1906 -
1967) est un
pacifiste, un militant communiste, socialiste, puis
anarchiste, avant de rejoindre l'
Extrême droite et de contribuer au
Négationnisme français. Propagandiste clandestin lors de la Seconde Guerre mondiale, il fut prisonnier aux camps de concentration de
Buchenwald et de
Dora-Mittelbau. Il devint, après la guerre, un familier des milieux d'extrême droite et néonazis. Il est surtout connu pour être l'un des principaux initiateurs du
Négationnisme français dont
Maurice Bardèche est considéré comme l'« inventeur ».
Biographie
Paul Rassinier a donné à plusieurs reprises des détails sur sa vie, en particulier sur ses activités de résistant et sa déportation lors de la Seconde Guerre mondiale. Ces éléments biographiques furent, pour certains, tout d'abord jugés crédibles par les historiens (
Pierre Vidal-Naquet, dans
Les Assassins de la mémoire, admettait la réalité des descriptions de Rassinier de la vie dans les camps, tout en condamnant les propos négationnistes, par exemple sur les chambres à gaz). Ils ont également été repris et diffusés par les
négationnistes, mais sont aujourd'hui mis en doute, par exemple dans l'étude de
Nadine Fresco (1999), et jugés contradictoires, non vérifiables ou réfutés par des preuves matérielles et des témoignages, selon les cas.
Enfance et premiers engagements
Paul Rassinier est né le 18 mars 1906 à
Bermont, dans le Territoire de Belfort, au sein d'une famille de militants politiques. Lors de la Première Guerre mondiale, Joseph Rassinier, son père, fermier et vétéran de l'armée coloniale française du
Tonkin est mobilisé, mais est mis en prison pour ses convictions pacifistes. Il devint socialiste, et fut vice-président du Conseil général de Belfort de 1922 à 1942. Paul Rassinier entre à l'école primaire supérieure de Luxeuil-les-Bains en octobre 1919, et il y restera trois ans. En octobre 1923, il est reçu à l'Ecole normale de Belfort. Quelques mois plus tard, il adhère au parti communiste. En 1926, il part quinze mois au Maroc pour effectuer son service militaire et se marie à son retour. Il devient ensuite professeur à l'école des garçons du faubourg Montbéliard à Belfort à partir de 1929 et milite à la Fédération unitaire (syndicalisme enseignant). Il fait partie du réseau des instituteurs pacifistes de L'Ecole émancipée. En 1931, il est trésorier de l'Union régionale des syndicats CGTU de Belfort, et collabore régulièrement au
Semeur, un journal communiste.
En avril 1932, il est exclu du PCF pour avoir proposé aux socialistes, aux radicaux et à la Ligue des Droits de l'Homme de sa région de former un comité de défense commun en faveur du secrétaire des Jeunesses communistes de Belfort, Lucien Carré, emprisonné en Tunisie pour propagande anti-militariste. Il rejoint alors la Fédération communiste indépendante de l'Est, créée en novembre 1932, et anime son organe Le Travailleur, qu’il saborde de son propre chef en 1934. En 1934, il divorce puis se remarie avec une institutrice, Jeanne. La même année, en décembre, il adhère à la SFIO et s'occupe de l'hebdomadaire socialiste Germinal. Il devient alors adjoint du secrétaire fédéral, René Naegelen. Aux législatives de juin 1936, il est le candidat de la SFIO dans la 2ème circonscription de Belfort, mais est battu par la droite.
Pendant la Guerre d'Espagne, par pacifisme, il approuve la non-intervention décidée par le président du conseil socialiste, Léon Blum, et se rapproche du secrétaire général du parti socialiste, Paul Faure. En 1939, pacifiste, « munichois » intégral et antisémite, il multiplie les appels à la négociation avec Hitler et Mussolini et demande la révision des traités, dans la revue socialiste Le Territoire. Après la défaite, démobilisé, il reprend son poste d'instituteur en Zone interdite, ce qui lui vaut la clémence du préfet de Vichy qui le maintient à son poste à la rentrée 1940, malgré ses activités politiques passées.
Pendant la Seconde Guerre mondiale
Lors de la Seconde Guerre mondiale, il participe à la résistance à partir de fin 1942. Arrêté, torturé, il est déporté en
1943 vers les camps de concentration de
Buchenwald et de
Dora.
Rassinier et la Résistance
À propos de son rôle dans la Résistance, Rassinier écrivit :
- « l'auteur fut parmi les fondateurs du Mouvement Libération-Nord en France, le fondateur du Journal clandestin La IVe République auquel les radios de Londres et d'Alger firent les honneurs en son temps, déporté de la Résistance (19 mois) à Buchenwald et Dora. Invalide à 100 % + 5 degrés des suites, il est titulaire de la carte de Résistant n° 1.016.0070, de la médaille de vermeil de la Reconnaissance française et de la Rosette de la Résistance, qu'il ne porte d'ailleurs pas. »
Il affirma également, dans la IVe République du 8 novembre 1946, avoir été résistant dès juin 1941 auprès des Volontaires de la Liberté, et, lors d'un procès en diffamation contre lui, Rassinier affirme le 27 octobre 1965 :
- « du 23 août 1939 au 21 juin 1940, j'ai été dans la résistance, personne ne le discute. »
L'ensemble de ces affirmations n'est pas corroboré par les historiens. En effet, Rassinier fut tout d'abord favorable à l'armistice et pensait qu'il fallait s'entendre avec les Allemands. En mars 1942, il publie un article dans un hebdomadaire collaborationniste, Le Rouge et le Bleu. Et c'est à l'automne 1942 qu'il s'engage dans l'action de résistance. Or, Libération-Nord est né à l'automne 1941, soit un an plus tôt, et excluait les socialistes proches du pacifisme de Faure. Et selon le site Pratique de l’histoire et dévoiements négationnistes :
- « La liste du premier comité directeur est fournie dans l'ouvrage de Marc Sadoun, Les socialistes sous l'occupation, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982, p. 155. Dans toute la section (pages 154 à 164) consacré à Libération Nord, jamais le nom de Rassinier n'apparaît, ni à aucun autre endroit de l'ouvrage d'ailleurs. »
À propos de l'engagement de Rassinier auprès des Volontaires pour la Liberté, son dossier de la Commission de la Résistance intérieure française, rempli par lui-même et Pierre Cochery, porte la mention « membre des Volontaires de la Liberté depuis janvier 1943 », et non juin 1941. Et il ne fut pas le fondateur de La IVe République, le journal des Volontaires de la Liberté, mais l'éditeur du premier numéro.
Rassinier est titulaire d'une carte de déporté-résistant (n°1.016.0070), et non de résistant comme il l'affirme. Il a reçu une médaille de la Résistance, mais non la Rosette de la Résistance. Et son nom n'est pas dans les listes d'attribution de la médaille de la Reconnaissance française du Journal Officiel entre janvier 1946 et novembre 1958.
Déportation
Rassinier est arrêté par la
Gestapo à la fin de l'année 1943. Il est déporté et torturé à Buchenwald et à Dora. Dans
Le Passage de la ligne, il a fait le récit de la vie dans les camps. Une enquête de
Nadine Fresco (1999) auprès d'anciens déportés met en cause de nombreux points de description du récit de Rassinier, et de nombreux aspects de ses souvenirs laissent supposer qu'il a joui d'une situation privilégié.
Après la guerre
Carrière politique à Belfort
Très engagé en politique à
Belfort où il réside, il est un adversaire du député local Pierre Dreyfus-Schmidt.
Il est brièvement député de Belfort en 1946, suite à la démission de l'élu dont il était le suppléant, mais perd son mandat au bout de quelques mois face à Pierre Dreyfus-Schmidt, qui reconquiert son siège de député. Gravement diminué par les sévices subis en déportation, il quitte Belfort peu après et, après un séjour à Nice, il s'installe à Asnières-sur-Seine. Son état de santé ne lui permettra plus de reprendre son métier d'instituteur.
Parcours idéologique
Le parcours idéologique de Rassinier dans le dernier tiers de sa vie est décrit par ses biographes comme une marche progressive de l'anarchisme à l'extrême droite et au négationnisme. De
1947 à sa mort, il devient, comme l'écrit
Nadine Fresco, qui lui a consacré une biographie, « un plumitif de la dénonciation. Dénonciation du comportement des détenus communistes dans les camps allemands bientôt suivie par celle du complot juif international, responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et artisan de l'escroquerie du prétendu génocide ».
Premiers ouvrages
Cette carrière commence en
1948, lorsqu'il publie son premier livre,
Le Passage de la ligne ou l'Expérience vécue, dans lequel il récuse la résistance des communistes dans les camps, et les tient davantage responsables des violences et des assassinats que les
SS. Son deuxième ouvrage,
Le mensonge d'Ulysse, paraît en
1950. Il est préfacé par
Albert Paraz, collaborateur de l'hebdomadaire d'
Extrême droite Rivarol. Les livres de Rassinier sont d'abord bien reçus par la gauche comme par la droite. Le
Bulletin intérieur du Parti socialiste écrit :
- « attaché à démontrer que les horreurs dont ont été le théâtre sont autant le fait des communistes que des SS. »
Les ouvrages de Rassinier sont alors recommandés aux fédérations par le Secrétariat central de la SFIO.
Mais, en novembre 1950, Maurice Guérin, député du Mouvement des républicains populaires, dénonce à l'Assemblée nationale la collaboration et le négationnisme de Rassinier :
- « des responsables de la collaboration avec l'occupant et des apologistes de la trahison. »
Et, à propos du Mensonge d'Ulysse :
- « Il paraît, mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu de chambres à gaz dans les camps de concentration , voilà ce qu'on peut lire dans ce livre. »
Ses affirmations négationnistes lui valent alors d'être traduit en justice et d'être exclu de la SFIO. Peu à peu les Juifs deviennent sa cible privilégiée ; bien qu'il fût déjà antisémite avant la guerre.
Rassinier anarchiste
Après son exclusion de la SFIO, Rassinier, en
1950, adhère à la Fédération anarchiste et acquiert une certaine réputation dans les sociétés anarchistes dont il critique toutefois l'efficacité et la médiocrité. Si ses ambitions et son comportement sont vivement critiqués parce qu'ils ne sont guère en accord avec l'esprit anarchiste, Rassinier est relativement populaire jusqu'au deux affaires qui vont progressivement accroître les doutes à propos de ses motivations et de ses convictions.
Le première fait suite à une fausse nouvelle publiée par Rassinier, qui lui vaut un procès en diffamation. Reconnaissant son erreur, il écrit à plusieurs groupes anarchistes pour leur demander de lui prêter de quoi faire face aux frais du Procès. Ayant reçu l'argent de la caisse de l'un de ces groupes, il ne le rendit jamais. Il est alors accusé à plusieurs reprises d'escroquerie, mais refusera de se soumettre à une enquête d'honneur demandée par les anarchistes.
La seconde affaire est la double vie éditoriale de Rassinier. Suite à la publication du Mensonge d'Ulysse en Allemagne, et aux conférences de Rassinier devant des néo-nazis, les anarchistes allemands demandent des clarifications sur l'identité du « Rassinier » français Les liens de Rassinier avec l'extrême-droite commence à susciter la suspicion, car Rassinier est non seulement édité en France par des éditeurs d’extrême droite, mais, en Allemagne, par l'ancien SS et militant néo-nazi Karl-Heinz Priester. Mais cette dualité de Rassinier va se trouver encore plus nettement mise à jour par la découverte de son Pseudonyme, Jean-Pierre Bermont.
Rassinier et son double
Le
12 décembre 1963, Rassinier publie en effet son premier article dans
Rivarol. Afin d'éviter les problèmes que pourraient susciter la publication dans un journal d'extrême droite, il prend le pseudonyme de Jean-Pierre Bermont. Sa collaboration avec cette revue fut suscitée par le procès des gardiens d'Auschwitz. Alors qu'il s'est rendu en Allemagne pour assister à ce procès, les autorités allemandes l'expulsent le 18 décembre pour appartenance à un « groupe international de tendance fasciste. » L'affaire apparaît alors dans la presse française et il se voit qualifier d'« agent de l'internationale nazie. »
Il publie en mars 1964 un article dans Rivarol, sous le pseudonyme de Jean-Pierre Bermont (pseudonyme sous lequel il écrivit également ses propres éloges), pour lequel il fut condamné pour diffamation en octobre 1965.
Rassinier était membre de l'Association des amis de Robert Brasillach.
Bien qu'athée déclaré, il considéra comme infondée l'accusation portée par Rolf Hochhuth contre Pie XII de n'avoir rien fait pour aider les Juifs d'Europe à l'époque des déportations, et y vit une opération politique destinée à déstabiliser l'Europe de l'Ouest. Dans son livre L'Opération Vicaire, il soutint qu'en Allemagne l'opposition à Hitler avait été plus importante chez les catholiques que chez les protestants, rappela les condamnations portées par la papauté contre le nazisme avant la guerre et l'aide que l'Église, y compris le Saint-Siège, apporta plus d'une fois à des Juifs pendant la guerre.
Invalide pendant les vingt dernières années de sa vie, il meurt à Asnières-sur-Seine, le 28 juillet 1967, alors qu'il travaillait à plusieurs ouvrages.
L'écrivain négationniste
L'importance du rôle de Rassinier dans l'histoire du négationnisme tient au fait que, selon la formule de l'historien
Pierre Vidal-Naquet, le « pont entre l'
Extrême droite et l'ultra-gauche » est consacré depuis le début des
Années 1960 lorsque
Maurice Bardèche est devenu l'éditeur de Paul Rassinier. Rassinier est en outre le deuxième personnage à avoir structuré le discours
négationniste en
France après
Maurice Bardèche.
Il eut donc une grande influence dans le développement du Négationnisme en France, ce qui se traduisit par la reprise de certaines de ses inventions censées réfuter le génocide juif. Il est ainsi l'un des premiers à soutenir que les Juifs auraient inventé la Shoah pour l'argent. Afin de soutenir cette opinion, il soutient, dans Le Drame des Juifs européens (1964), que l'Allemagne aurait versé à Israël un montant calculé sur la base du nombre de Juifs exterminés :
- « Il ne faut, en effet, pas oublier que c'est pour se procurer les fonds nécessaires à l'édification de l'État d'Israël (Indemnisations allemandes proportionnées au nombre des victimes) que ce mensonge a été commis. » (p. 13)
- « la facture qui correspond à ce chiffre (6 millions de fois 5.000 marks) » (p. 14)
- « il ne s'agit que de justifier par un nombre proportionnel de cadavres, les subventions énormes que, depuis la fin de la guerre, l'Allemagne verse annuellement à l'état d'Israël au titre de réparations » (p. 17)
- « l'Allemagne verse à Israël des sommes calculées sur environ 6.000.000 de morts » (p. 17)
En réalité, le calcul fut établi sur la base du nombre de survivants s'installant en Israël.
Paul Rassinier
À sa mort, Rassinier est encensé par l'extrême droite, en particulier par
Maurice Bardèche qui écrit sa nécrologie et loue « l'honnêteté et le sens de la
Vérité » qu'il voit en Rassinier, qualités qui seront réaffirmées plus tard par
Robert Faurisson. À gauche, et dans les milieux anarchistes, les avis sont partagés. Émile Bauchet écrit l'éloge funèbre, prononcée par le président de l'union départementale du syndicat Force ouvrière, Alfred Tschann, et souligne la « droiture et l'intégrité » de Rassinier.
D'autres témoignages sur sa personnalité en dressent un portrait différent :
- « Un jour, animant à l'époque le groupe libertaire de Mâcon, je rencontrai Rassinier dans la rue . Il me demanda si j'avais lu le dernier numéro de Défense de l'homme. Comme je répondais évasivement, il me dit qu'il y était publié un article de lui absolument remarquable. Je crus qu'il plaisantait. Eh bien, il ne plaisantait pas ! Rassinier était un militant honnête et dévoué. C'était aussi un mégalomane et un mythomane. »
Notes
..
OEuvres
- Passage de la ligne, 1948
- Le Mensonge d'Ulysse, 1950, plusieurs éditions (l'édition de La Librairie française de 1961 porte la mention "5e édition" ; dernière édition : Éd. Ulysse, 1998).
- Le Discours de la dernière chance, Essai d'introduction à une doctrine de la paix, Bourg-en-Bresse, La Voie de la Paix, 1953
- Candasse, ou le Huitième péché capital, histoire d’outre-temps, ill. Pierre Allinéi, Blainville-sur-mer, Amitié par le livre, 1955
- Le Parlement aux mains des banques, 1955
- L'Equivoque Révolutionnaire : essai, Golfe-Juan : Défense de l’homme, 1961
- Ulysse trahi par les siens, La Librairie française, 1961.
- Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles, Les sept couleurs, 1962.
- Le Drame des juifs européens, éd. Les Septs Couleurs, 1964
- L'opération Vicaire, La Table ronde, 1965.
- Les Responsables de la seconde guerre mondiale, 1967
Bibliographie
- Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier : naissance du révisionnisme, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Éditions Fayard, 1996, collection « Pour une histoire du XXe siècle siècle », 1996. (ISBN 2-213-59507-0)
- Nadine Fresco, « Rassinier, Paul » in Jean Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier Français, Les Éditions Ouvrières, 1991, pp. 394-395.
- Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, Paris, Éditions du Seuil, 1999. (ISBN 2-02-021532-2)
- Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Éditions du Seuil, 2000.
- André Sellier, Histoire du camp de Dora, Editions la Découverte, 1998.
- Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le négationisme, La découverte/Poche, 2005, (ISBN 2-7071-4545-9) (1re édition en 1995). En ligne
- Roland Gaucher et Philippe Randa, Les "Antisémites" de Gauche, Dualpha, 1997
Voir aussi
Liens externes
Études