Les
ponts suspendus classiques sont conçus selon une technique de construction très ancienne, celle en fait des
ponts en
lianes, mais avec des câbles en acier et une portée bien plus longue. Le principe des ponts suspendus est de maintenir le poids du tablier par deux câbles porteurs solidement arrimés aux berges.
La maîtrise de l'acier a permis la construction des premiers ponts suspendus dès le XIXe siècle, le plus vieux pont suspendu toujours en service semble être le pont de l'Île Barbe à Lyon, construit en 1827 (originellement avec une suspension à chaîne). D'après un premier décompte, environ 400 ponts furent construits pendant ce XIXe siècle, une grande majorité entre 1825 et 1850. Nombre sont encore les réalisations toujours en place. En dehors de la France, on peut aussi citer le Pont de Brooklyn à New York (1883).
La structure d'un pont suspendu lui permet d'avoir des portées importantes mais en contrepartie, présente un certain nombre d'inconvénients :
- Il nécessite la présence de massifs d'ancrage imposants et lourds, indispensables pour retenir les forces considérables qui s'exercent, ce qui le lie fonctionnellement à la géologie du sol qui va le supporter.
- Le remplacement des câbles devient un travail très dur et fastidieux demandant plusieurs mois ainsi que la fermeture du pont durant ce délai.
- La prise au vent mal étudiée peut provoquer son effondrement, le Tacoma Narrows Bridge inauguré le 1er juillet 1940, s'est effondré le 7 novembre 1940.
Histoire du pont suspendu
Dans les civilisations chinoises, incas, ou africaines, le pont suspendu fut très tôt un moyen de franchissement traditionnel, principalement dans les régions montagneuses où se présentait la difficulté de gorges à franchir. Ainsi on estime que l'on trouvait plus de 200 ponts suspendus chez les
Incas au 16
e siècle à l'arrivée des Espagnols, pièces maitresses du vaste réseau de chemins de l'empire amérindien. Ils atteignaient couramment les 50 mètres de longueur, probablement plus, soit plus long qu'aucune arche de maçonnerie européenne de l'époque. Seule l'apparition du pont à structure métallique permettra de dépasser cette distance de franchissement sans pilier intermédiaire. Si les Incas furent la seule civilisation amérindienne à développer de tels ponts suspendus, ils existaient dans d'autres civilisations de régions montagneuses du Monde, dans l'Himalaya et en Chine ancienne. On trouvait déjà en Chine des ponts suspendus avec chaînes d'acier au IIIe siècle av. J.-C.. Mais ces ponts antiques étaient le plus souvent composés de
lianes, et d'un
Tablier en bois, permettant le passage d'une charge modeste avec une structure de pont légère.
C'est en Amérique que va naître le pont suspendu moderne. Un juge, James Finlay, a l'idée d'un pont suspendu avec des chaînes en Fer forgé. Le Jacob Creek est achevé en 1802, à l'ouest de la Pennsylvanie. James Finlay, devant le succès de cette formule qui permet un pont peu coûteux et facile à construire, va déposer un brevet. Une première génération de ponts voit le jour à partir de 1810. La portée se situe entre 15 et 50 mètres maximum. Mais l'utilisation des ponts fait apparaître un problème d'Oscillation : le pont entre facilement en Résonance, et la pression qui s'exerce sur les chaînes le fait céder. En réalité, le savoir-faire américain en Ingénierie et dans la qualité du fer forgé est bien trop faible. Le développement des ponts est limité en taille, et en charge. De nombreux accidents interrompent le succès naissant du pont suspendu.
La technique va alors franchir l'Atlantique, pour trouver de nouveaux adeptes chez les Britanniques, qui possèdent une énorme avance dans la Métallurgie. Les chaînes sont considérablement améliorées. En conséquence, les ponts suspendus deviennent très ambitieux. Les premiers ponts britanniques sont construits vers 1815, les dimensions ne cessent de croître. En 1826, le célèbre ingénieur Thomas Telford construit le pont suspendu de Menai (Menai Bridge), de 125 mètres de portée, qui permet le passage des bateaux à voiles. C'est alors le plus grand pont du monde, la plupart des ponts de l'époque se situant entre 70 et 100 mètres de portée. Le pont suspendu est le seul moyen pour attendre de telles longueurs, le pont devient monument à la gloire du progrès, en pleine révolution industrielle européenne.
C'est justement l'essor européen de celle-ci qui exporte le pont suspendu sur le continent. En France, la technologie est connue au travers des exploits britanniques relatés dans les journaux. Une mission d'étude des Ponts et Chaussées est menée en 1821, sans aboutir. Le territoire contient un des fleuves les plus difficilement franchissables à l'époque : le Rhône. Les ponts sont très peu nombreux : 3, dont un rompu (le pont d'Avignon) entre Lyon et l'estuaire. En effet, le fleuve est large, très puissant, et ne connaît pas de baisse notable de son flux puisque subissant la fonte des neiges. Sans saison « sèche », il est donc impossible d'édifier des piles selon la méthode éprouvée. Une entreprise, Seguin Frères (Annonay, Ardèche), dirigée par Marc Seguin, propose donc un projet innovant en 1822 : le pont suspendu de Tournon. L'entreprise comprend très vite qu'un pont suspendu classique est impossible en France du fait de la qualité médiocre des chaînes. On tente alors de les remplacer par des faisceaux de fils de fer. C'est la naissance du câble. Après plusieurs essais, un refus des Ponts et Chaussées, le projet est finalement accepté. À l'innovation des câbles est ajoutée l'utilisation de béton hydraulique pour les fondations, du Béton armé (25 ans avant les premiers brevets) pour les superstructures, et des structures de renforcement rigidifient le Tablier en bois. Le pont suspendu a pris sa forme moderne. L'un des avantages du pont suspendu est qu'il peut soutenir des charges nettement supérieures par rapport au pont à haubans.
Quelques ponts suspendus
| Principaux ponts suspendus (triés par portée) | Nom | Lieu | Ouvert | Portée maxi | Long. totale | Haut. maxi | |
|---|
| Pont de Messine (projet) | Italie, Détroit de Messine | 2012 | 3300 | 5070 | 383 | |
| Pont Akashi-Kaikyō | Japon | 1998 | 1991 | 3800 | 282,8 | |
| Pont du Grand Belt | Danemark | 1998 | 1634 | 18 km | 254 | |
| Pont Runyang Sud | Chine | 2005 | 1490 | 2430 | 215 | |
| Pont Humber | Royaume-Uni | 1981 | 1410 | 2220 | 156 | |
| Pont Verrazano | États-Unis, New York | 1964 | 1298 | 1600 | 207 | |
| Golden Gate | États-Unis, San Francisco | 1937 | 1280 | 2737 | 230 | |
| Pont du Bosphore | Turquie, Bosphore | 1988 | 1090 | 1510 | 64 | |
| Pont Pierre-Laporte | Canada, Québec | 1970 | ? | 1 041 | 116 | |
| Pont du 25 Avril | Portugal, Lisboa | 1966 | 1012 | 2 277 | 190 | |
| Pont de Tancarville | France, sur la Seine | 1959 | 960 | 1400 | ? | |
| Pont Matadi | République démocratique du Congo | 1983 | 520 | ? | ? | |
| Pont de Brooklyn | États-Unis, New York | 1883 | 486 | 1834 | 84 | |
| Pont de Manhattan | États-Unis, New York | 1909 | 448 | 2090 | 102 | |
| Pont d'Aquitaine | France, Gironde | 1967 | 393 | 1767 | 105 | |
| Pont suspendu de la Rivière de l'Est | France, Réunion | 1894 | 152 | ? | ? | |
| Pont pédestre de Coaticook | Canada | 1998 | ? | 169 | ? | |
(toutes les dimensions sont en
mètres.)
Notes
..
Bibliographie
- The Inka Road System de John Hyslop, 1984.
Liens externes